CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 11 octobre 1989, n° ECOC8910134X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Le Bureau Veritas (SA)
Défendeur :
Ministre de l'Économie, des Finances et du Budget
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gelineau-Larrivet
Avocat général :
M. Jobard
Conseillers :
Mme hannoun, M. Canivet
Avocats :
SCP Fourgoux, associés.
LA COUR est saisie d'un recours formé par la société Bureau Veritas, conformément aux dispositions de l'article 15 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, contre une décision du Conseil de la concurrence du 21 mars 1989 :
- qui a enjoint au Comité professionnel de la prévention et du contrôle technique (Coprec) et à certaines entreprises de contrôle technique, dont le Bureau Veritas, de cesser d'élaborer et de diffuser des clauses de rémunération uniformes destinées notamment à être insérées dans des conventions cadre, ainsi que des documents contenant des dispositions tarifaires ;
- qui a enjoint au Comité professionnel de la prévention et du contrôle technique des accidents du travail (Coprec-AT) de supprimer les évaluations de temps à passer pour les contrats électricité et levage ainsi que des maxima de perception ;
- qui a infligé des sanctions pécuniaires à quinze entreprises de contrôle technique, celle du Bureau Veritas étant fixée à 4,5 millions de francs,
- et qui a ordonné sa publication intégrale.
Cette décision retient à l'encontre des organismes visés des pratiques contraires aux dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945, instaurées ou maintenues entre le 22 juillet 1983 et le 22 juillet 1986 sur trois marchés distincts du contrôle technique : celui des constructions d'immeubles, celui des appareils de levage et des installations électriques ainsi que celui des centres agréés pour les visites techniques de véhicules automobiles.
En ce qui concerne le marché du contrôle des constructions, le Conseil de la concurrence a estimé qu'étaient des pratiques anticoncurrentielles :
- l'utilisation par les entreprises concernées d'un document en forme de barème permettant de déterminer automatiquement le prix des prestations, élaboré, adopté et préconisé au sein de l'organisation professionnelle qui les réunit : le Coprec ;
- les injonctions faites en 1984 et 1985 par cet organisme à ses membres qui ne rejetteraient pas certaines exigences de l'office public de HLM de la ville de Paris, relativement au mode de rémunération des contrôleurs et au contenu de leurs prestations, dans la conclusion des contrats ;
- la décision conjointement arrêtée par les présidents des entreprises de contrôle les plus importantes : les sociétés Socotec, Bureau Veritas, Ceten-Apave International et CEP lors d'une réunion tenue le 12 septembre 1984, de maintenir leurs parts de marché par limitation de la concurrence entre eux ;
- la constitution, au mois de mai 1985, d'un groupe de travail réunissant les membres du Coprec, chargé de rechercher les moyens d'éviter la dégradation du niveau de rémunération dans la profession, dont les propositions ont conduit à l'adoption par cette organisation professionnelle, le 19 janvier 1986, de mesures consistant à organiser des concertations régionales en vue d'instaurer une trêve de trois ans dans la concurrence ;
- la conclusion et l'application de conventions cadre entre les organismes de contrôle et les principaux groupements de maître d'ouvrage du secteur public ou privé et incluant des barèmes de rémunération ;
- des concertations entre les entreprises concernées visant à répartir les marchés publics ou privés dans les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur, dans les départements de l'Est et du Nord de la France ainsi que ponctuellement dans les localités de Nantes et Bordeaux.
Sur le marché du contrôle des appareils de levage et des installations électriques, la décision soumise à recours considère comme illicite la détermination par le Coprec-AT, à l'usage de ses membres, de temps de référence pour chacune des catégories de vérifications effectuées et la fixation de minima de perception.
Enfin, concernant le marché spécifique des expertises préalables à l'octroi des agréments préfectoraux délivrés aux centres pratiquant des visites techniques obligatoires pour la mutation de certains véhicules automobiles, le Conseil de la concurrence a sanctionné l'entente entre les trois entreprises habilitées à procéder à ces expertises : le Bureau Veritas, le CEP et le Gapave sur un prix uniforme d'intervention.
A l'examen de chacune de ces pratiques, impliquant dans tous les cas le Bureau Veritas, le Conseil de la concurrence a estimé qu'elles avaient pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sans être justifiées par l'application de textes législatifs ou réglementaires ou le développement du progrès économique.
Le Bureau Veritas soutient tout d'abord à l'appui de son recours que la décision du Conseil de la concurrence encourt la nullité :
- d'abord parce que préalablement à toute notification de griefs, le rapporteur a procédé à une instruction approfondie, notamment par l'audition, le 2 février 1987, de M. Laurin, président du Bureau Veritas, sans que les règles du contradictoire et les garanties de la défense aient été respectées et de surcroît en violation des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;
- ensuite, au motif que ladite audition n'aurait pas été régulièrement enregistrée ;
- enfin, parce que la décision évoque une réunion des membres du Coprec, le 12 mai 1982, ayant pour ordre du jour la répartition de parts de marchés et que, s'agissant de faits prescrits, la procédure est contraire à la même disposition de la convention internationale précitée.
Subsidiairement, le requérant conclut à la réformation de la décision en soutenant que le Conseil n'a pas tenu compte de la spécificité des marchés en cause et s'est fondé sur des griefs contestés sans répondre aux moyens de défense soulevés après notification des griefs et qu'il reprend intégralement soit pour discuter le caractère anticoncurrentiel de certaines des pratiques qui lui sont imputées, soit pour les démentir.
Enfin, en se fondant sur des considérations d'équité et de proportionnalité, il sollicite la réduction de la sanction pécuniaire qui lui a été infligée.
Aux termes d'observations portant sur chacun des points développés dans le recours, le ministre d'Etat, ministre de l'Economie, des Finances et du Budget, demande la confirmation de la décision entreprise.
Usant de la faculté ouverte par les dispositions de l'article 9 du décret du 19 octobre 1987, le Conseil de la concurrence à déposé des observations écrites exposant que les actes effectués par le rapporteur dans le cadre de l'enquête prévue par le titre VI de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne sont pas assortis des garanties qui, aux termes de l'article 21 de ladite ordonnance, ne concernent que la procédure consécutive à la notification des griefs.
Le Ministère public a lui aussi déposé des conclusions écrites.
LA COUR :
I. - Sur la nullité de la procédure
Considérant que, par lettre du 6 juillet 1987, le ministre chargé de la Concurrence a, par application de l'article 11 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, saisi le Conseil de la concurrence de la situation de la concurrence dans le secteur du contrôle technique, que le Président dudit Conseil, a le 28 septembre, désigné un rapporteur, qu'il a ensuite procédé à la notification des griefs au Bureau Veritas, le 18 juillet 1988, et à celle du rapport, le 18 décembre suivant ;
Considérant que préalablement à la notification des griefs, et dans le cadre des pouvoirs qui lui sont impartis par l'article 45, alinéa 2, de l'ordonnance précitée, le rapporteur a, le 2 février 1988, entendu M. Laurin, président du Bureau Veritas, lequel a été convoqué par une lettre du 12 janvier 1988 l'informant de ce qu'il pouvait être assisté d'un conseil, conformément aux dispositions de l'article 20 du décret du 29 décembre 1986 ;
Considérant que les dispositions de ce texte qui fixent les modalités et garanties des auditions recueillies dans le cadre de l'enquête à laquelle les rapporteurs du Conseil de la concurrence ont le pouvoir de procéder pour les affaires dont celui-ci est saisi n'imposent pas de communication préalable de la procédure, cette formalité n'étant prévue, aux termes de l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, lorsque la saisine est suivie d'une notification des griefs, que corrélativement à cet acte de procédure ; que dès lors, aucune cause de nullité ne peut résulter, par référence à l'article 18 de ladite ordonnance, de ce que l'audition de M. Laurin, effectuée dans les conditions ci-dessus décrites, n'ait pas été précédée d'un libre accès au dossier ;
Considérant que l'audition du président du Bureau Veritas a débuté par une représentation de l'activité de cette société et s'est poursuivie par des généralités sur les marchés en cause et des observations, en forme de dénégation, sur certaines pratiques résultant de documents ou de faits qu'il n'ignorait pas ; qu'aucun des propos recueillis n'a été retenu à l'encontre de son entreprise ou de quiconque, dans les griefs, le rapport ou la décision de sorte qu'il n'est pas établi que l'audition litigieuse, ni aucune autre investigation effectuée par le rapporteur avant notification des griefs, soit constitutive de manœuvres destinées à faire échec aux droits de la défense ;
Considérant que le rapporteur a établi un compte rendu des propos recueillis et l'a adressé pour approbation à l'intéressé qui n'a exprimé aucune réserve ; que dès lors, il ne saurait être tiré aucun moyen de nullité du fait que, contrairement aux dispositions de l'article 20 du décret du 19 décembre 1986, il n'ait pas été établi de procès-verbal signé de la personne entendue ;
Considérant que, par la notification qui lui en a été faite, le Bureau Veritas a eu précisément connaissance des griefs retenus et des pièces sur lesquelles ils étaient fondés ; qu'à partir de cet acte il a eu accès au dossier et a pu librement développer ses moyens et observations ;
Considérant que si, dans la notification des griefs, le rapporteur a évoqué, dans le seul dessein de permettre la compréhension des faits susceptibles d'être sanctionnés, une réunion tenue le 12 mai 1982 entre les membres du Coprec pour arrêter des bases communes de concertation et de nouvelles tarifications des contrôles en matière de construction, la décision soumise à recours relève que ces faits sont atteints par la prescription et ne peuvent plus être qualifiés ; qu'il est par conséquent inopérant de soutenir que cette mise au point apportée à la suite des débats devant le Conseil serait contraire au principe du contradictoire ou aux droits de la défense ;
Considérant que le requérant qui n'établit la preuve d'aucun manquement à la loyauté ou à l'équité de la procédure devant le Conseil n'est pas fondé à invoquer une violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme .
II. - Sur le fond
Considérant que le Bureau Veritas soutient tout d'abord que les marchés du contrôle technique présentent des caractéristiques spécifiques, s'agissant dans tous les cas d'activités déterminées par des prescriptions légales et réglementaires effectuées dans le cadre de missions de service public nécessitant de ce fait qu'un niveau incompressible de qualité soit maintenu par une rémunération adaptée ; qu'au surplus, la situation très tendue de la concurrence et l'érosion du marché dans le secteur de la construction conduisent à un bilan économique et concurrentiel justifiant une application tempérée de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et pour ce qui est de la fixation des tarifs des expertises des centres agréés pour les visites techniques automobiles, à l'application des exonérations prévues par l'article 51 de ladite ordonnance ;
Considérant que sur les pratiques anticoncurrentielles sanctionnées, le requérant reprend intégralement et littéralement les contestations soulevées devant le Conseil, à savoir :
- quant aux pratiques relevées sur le marché du contrôle de la construction ;
- que le règlement intérieur du Coprec n'est pas de nature à influer sur le jeu normal de la concurrence ;
- que le document intitulé Evaluation des coûts du contrôle technique, établi par cet organisme, ne conduit pas à une tarification automatique des services, qu'il n'est en outre plus diffusé depuis 1982 et que le Bureau Veritas qui y a substitué un autre système d'évaluation de ses prestations n'en a fait qu'une utilisation qui n'a pas été de nature à affecter le marché ;
- que les accords cadre conclus entre les organismes de contrôle et les groupements de maître d'ouvrage n'ont aucun caractère anticoncurrentiel mais qu'ils ont été librement négociés avec des organismes publics ou privés qui en ont tiré une contrepartie équitable en gains de productivité, en transparence et en réduction des prix, tout en préservant la qualité des prestations ; qu'en outre l'absence de suite à l'enquête administrative effectuée en 1980 sur ces accords a laissé croire en leur licéité et qu'en les sanctionnant le Conseil de la concurrence a outrepassé son rôle régulateur du marché en se substituant aux opérateurs économiques ;
- que les actions concertées retenues par la décision attaquée, relatives à la répartition des marchés publics ou privés en Ile-de-France, dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et dans certains départements de l'Est, ainsi que les ententes portant sur les marchés du contrôle technique des collèges du département de la Marne, de la construction du siège de l'entreprise Bouygues ainsi que certaines autres concertations locales, reposent sur des éléments dépourvus de caractère probant, sur une interprétation erronée des documents saisis ou qu'elles ne constituent pas des pratiques illicites ;
- quant aux pratiques relevées sur le marché du contrôle des centres agréés pour les visites techniques automobiles, le requérant fait valoir qu'il a adopté un prix de 2 500 F similaire à celui des autres organismes de contrôle, mais correspondant au prix de revient normal de la prestation fournie, afin d'éviter les disparités de tarif selon les départements et instaurer une transparence des prix, dans la seule intention de se maintenir dans un secteur d'activité ne représentant pour lui qu'une partie très modique de son chiffre d'affaires ;
A. - Sur l'application de l'article 51 de l'ordonnance du 30 juin 1945 :
Considérant que si dans la majorité des cas les contrôles techniques dont s'agit sont destinés à prévenir des risques d'accidents ou de dommages, il ne résulte nullement des dispositions légales qui les prévoient ou les imposent que ces prestations échappent aux règles de la concurrence ; qu'au demeurant, l'indispensable qualité technique de ces contrôles n'est pas de nature à écarter le jeu normal du marché notamment en ce qui concerne la fixation des prix et qu'à cet égard l'allégation selon laquelle l'administration utilisatrice aurait connu l'une des ententes tarifaires sanctionnées ne saurait en garantir la licéité ; qu'il ne résulte en définitive des observations du requérant relatives à la spécificité des marchés en cause aucune circonstance propre à convaincre que les pratiques reprochées résultent de l'application de textes législatifs ou réglementaires ou qu'elles aient eu pour effet d'assurer un progrès économique, en tous cas que les restrictions de concurrence qu'elles imposent soient indispensables pour atteindre cet objectif prétendu.
B. - Sur les griefs retenus par le Conseil de la concurrence :
1. En ce qui concerne les pratiques relevées sur le marché du contrôle de la construction :
Considérant qu'aux termes de ses conclusions le Bureau Veritas ne discute pas la réalité et l'objet de la réunion tenue le 12 mai 1984 entre son président et ceux des sociétés et organismes Socotec, Ceten-Apave International et CEP à l'effet de maintenir leurs parts de marché par limitation de la concurrence entre eux ; qu'il ne dénie pas non plus sa participation, à partir du mois de mai 1985, à une concertation au sein du Coprec destinée à rechercher les moyens propres à éviter la dégradation du niveau de rémunération en raison de l'arrivée de nouveaux prestataires dans ce secteur d'activité et ayant abouti à l'instauration d'ententes régionales sur la répartition des marchés ainsi qu'à un accord fixant pour trois ans les zones d'intervention de chacune des entreprises concernées ; qu'il ne conteste pas davantage sa participation à une entente dans la région Nord destinée à limiter les parts de marché des nouvelles entreprises de contrôle implantées dans ce secteur ;
Considérant que la décision attaquée retient le caractère anticoncurrentiel du règlement intérieur du Coprec en ce qu'il oblige ses membres à respecter les clauses des conventions et documents types approuvées par cet organisme lorsque ceux-ci comprennent des références tarifaires, que tel est le cas en particulier du " barème Coprec " et de certaines conventions cadre ; qu'ainsi, en donnant une force contraignante, réelle ou supposée, à des ententes tarifaires il a pour objet de restreindre le jeu de la concurrence ;
Considérant qu'il a d'abord été retenu dans la notification des griefs l'élaboration et la diffusion du barème précité intitulé " évaluation des coûts de contrôle " mais que pour tenir compte du délai de prescription le Conseil n'a finalement sanctionné que l'utilisation de ce document ; que le retrait d'une partie du grief à la suite d'un débat contradictoire ne peut être considéré comme contraire aux dispositions des articles 18 et 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant que le document dont il s'agit permet de déterminer automatiquement et uniformément le prix des prestations par l'application de coefficients techniques fonctions du type de mission et de sa difficulté ; que même si elle laisse place à des variantes cette grille de calcul est de nature à dissuader les entreprises de procéder à la fixation autonome de leurs prixet qu'elle a de ce fait un objet anticoncurrentiel ; qu'il résulte au surplus des déclarations des responsables de certaines entreprises et notamment du Bureau Veritas qu'en 1986 ce tarif était encore utilisé soit pour la détermination directe des prix, soit comme instrument de référence ; que, s'agissant de paramètres d'application permanente, la poursuite de la mise en œuvre dudit barème n'a pas rendu nécessaire la diffusion d'actualisations et qu'en outre la société requérante ne peut prétendre y avoir substitué à l'époque considérée une méthode personnelle de fixation de ses prix, en produisant un document daté du 11 mai 1989 dont rien n'établit qu'il ait été appliqué avant cette date ;
Considérant que les conventions cadre passées entre l'ensemble des grandes entreprises de contrôle ou leur organisme professionnel et les groupements de maître d'ouvrage comprennent aussi des barèmes de rémunération et que, de ce fait, ils ont nécessairement pour objet de limiter la concurrence par les prix; qu'en outre, selon les constatations de la décision attaquée ils ont réellement produit de tels effets ;
Que la transparence des prix et l'équilibre des relations contractuelles résultent précisément de la comparaison par le maître de l'ouvrage des tarifs fournis par chacune des entreprises consultées à la condition qu'ils soient fixés de manière autonome en fonction des coûts de production de chacune d'elles mais qu'ils sont totalement faussés lorsque les prix proposés, même s'ils résultent de négociations interprofessionnelles, procèdent de l'application mathématique d'un barème commun ;
Que cette pratique illicite ne saurait être validée par l'absence de suites immédiatement données à une précédente enquête administrative effectuée en 1980 et portant sur les mêmes accords, qu'en outre, en sanctionnant une entente sur les prix conclue par des organismes professionnels, le Conseil de la concurrence ne s'immisce nullement dans les rapports contractuels entre un prestataire de service et son client ;
Considérant que par des motifs pertinents et fondés sur une exacte appréciation des éléments de preuve rassemblés, le Conseil de la concurrence a justement qualifié les faits d'entente portant sur la répartition de marchés publics ou privés entre les organismes de contrôle technique concernés, dont le Bureau Veritas, dans divers secteurs géographiques et qu'en conséquence celui-ci ne peut être suivi dans ses dénégations sur les multiples points de contestation soulevés ;
2. Sur les pratiques relevées sur le marché des contrôles des installations électriques et des appareils de levage :
Considérant qu'il n'est pas contesté que le Coprec-AT a déterminé des temps de référence et des taux minima de perception pour les diverses catégories de prestations de contrôle technique des installations électriques et des appareils de levage ; que le Conseil de la concurrence a estimé avec raison que l'application par les entreprises concernées de temps d'intervention uniformes est de nature à rigidifier le marché en ne permettant pas de répercuter sur les prix les gains de productivité et que l'existence de montants minima de facturation fausse aussi le jeu de la concurrence ;
3. Sur les pratiques relevées sur le marché des contrôles des centres agréés pour les visites techniques des véhicules automobiles :
Considérant qu'il est constant que les sociétés et organismes Gapave, CEP et Bureau Veritas sont convenus de fixer un tarif uniforme d'intervention pour ce type de contrôle ; que cette entente tarifaire visant à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché ne peut trouver la moindre légitimation dans une prétendue volonté d'appliquer un tarif uniforme sur l'ensemble du territoire ou de pratiquer une transparence tarifaire et qu'il est sans incidence, eu égard à l'effet anticoncurrentiel d'une telle concertation, que l'administration concernée en ait eu connaissance, que le tarif pratiqué n'ait pas été anormalement élevé et que cette activité ne constitue qu'une part modique du chiffre d'affaires du Bureau Veritas ;
Considérant que, de ce qui précède, il résulte que c'est à bon droit que le Conseil de la concurrence a estimé que les pratiques relevées, notamment contre le Bureau Veritas, entraient dans le champ d'application de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 (art. 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986) sans pouvoir bénéficier de celles de son article 51 ; que le montant des sanctions pécuniaires infligées au Bureau Veritas n'excède pas les limites légales et qu'il est justifié par l'importance des pratiques illicites retenues à son encontre, leur incidence économique et le rôle prépondérant joué par cette société dans leur mise en œuvre ;
Par ces motifs : Confirme les dispositions de la décision n° 89-D-07 rendue le 21 mars 1989 en ce qu'elles concernent la société Bureau Veritas, Condamne ladite société aux dépens.