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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 19 janvier 1999, n° ECOC9910015X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Laurent Bouillet Entreprise (SA), Crystal (SA), Industrielle de chauffage entreprise (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Payen

Conseillers :

Mmes Kamara, Riffault

Avoués :

SCP Duboscq-Pellerin, SCP Narrat-Peytavi, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Mes Donnedieu de Vabres, Cabanes, Basex.

CA Paris n° ECOC9910015X

19 janvier 1999

Saisi par le ministre chargé de l'Economie de pratiques relevées sur le marché de la rénovation des installations de chauffage du parc scientifique technologique de Luminy, à Marseille, le Conseil de la concurrence (le Conseil) a, par décision n° 98-D-26 du 7 avril 1998, estimé que les entreprises intéressées s'étaient concertées avant le dépôt des candidatures et préalablement à l'appel d'offres restreint du marché public en question, a considéré qu'elles avaient enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et a infligé à sept d'entre elles des sanctions pécuniaires allant de 200 000 F à 2 500 000 F.

Les sociétés Laurent Bouillet Entreprise et Crystal venant aux droits de la société Armand Interchauffage, auxquelles le Conseil a infligé les sanctions respectives de 1 000 000 F et 700 000 F, ont formé un recours en annulation et en réformation contre cette décision.

Au soutien de sa demande en annulation, la société Laurent Bouillet Entreprise invoque les moyens suivants :

- le Conseil a méconnu l'obligation de loyauté et d'impartialité qui s'impose aux autorités de la concurrence tant au stade de l'enquête que devant le Conseil lui-même et ce dans la mesure où les commissaires de la DGCCRF, en possession des documents qui devaient ensuite fonder les griefs, n'ont jamais interrogé les personnes intéressées sur les faits dont ils étaient saisis et où le Conseil n'a pas tenu compte des affirmations en séance des uns et des autres, notamment de celles de M. Aubin ;

- la décision a violé les règles permettant d'apporter la preuve des pratiques anticoncurrentielles, les seuls documents sur lesquels celui-ci s'est fondé pour établir la participation de la société Laurent Bouillet Entreprise à une entente sont les notes de M. Aubin, de la société Somesys, à l'exclusion de tout autre ;

- les motifs retenus par la décision à l'encontre de la société Laurent Bouillet Entreprise ne sont fondés ni en fait ni en droit, puisque, d'une part, la décision repose sur une erreur de fait qui réside dans une appréciation erronée du comportement de la société exposante dans le cadre de l'appel d'offres restreint tant au stade de l'appel à candidatures qu'à celui de la remise de son offre et, d'autre part, dans la mesure où il ressort de l'analyse des faits que Laurent Bouillet Entreprise ne s'était pas concertée avec la société Somesys, ni avec aucune autre entreprise, le Conseil ne pouvait pas retenir à son encontre la qualification d'entente anticoncurrentielle, au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que la sanction pécuniaire qui lui a été infligée a été prononcée en violation du principe du contradictoire, puisqu'à aucun moment la notification des griefs ou le rapport n'ont porté à sa connaissance les éléments pouvant être pris en compte pour le prononcé, le cas échéant, d'une sanction pécuniaire.

Au soutien de sa demande en annulation, la société Crystal venant aux droits de la société Armand Interchauffage fait valoir :

- que la décision, pour retenir à son encontre le grief de participation à une entente préalable au dépôt des offres, s'est fondée notamment sur " cinq notes manuscrites " sur lesquelles le rapporteur ne s'appuyait ni dans la notification des griefs ni dans le rapport, ce qui constitue une violation caractérisée du principe du contradictoire rappelé à l'article 18 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

- que la décision s'est fondée sur des documents issus d'un procès-verbal irrégulier, à savoir le procès-verbal d'audition de M. Aubin, directeur de l'agence de Marseille de la société Somesys, en date du 16 décembre 1991 ;

- que des indices de sa participation à des ententes préalables au dépôt des candidatures et des offres ne sont pas suffisamment probants.

A titre subsidiaire, sur sa demande de réduction substantielle de la sanction pécuniaire qui lui a été infligée, elle invoque le caractère disproportionné de celle-ci tant au regard de la gravité des faits qu'à celui de sa situation financière et le fait que, compte tenu de la durée de la procédure, elle a été dans l'impossibilité de présenter une défense efficace.

La société l'Individuelle de Chauffage Entreprise, ci-après dénommée ICE, mise hors de cause, conclut à la confirmation de la décision.

Dans ses observations écrites, le Conseil souligne que le procès-verbal du 16 décembre 1991 est régulier, que M. Aubin, seul concerné par les investigations, était tenu de signer le procès-verbal et que les pièces sur lesquelles la société Crystal prétend ne pas avoir pu se défendre, étaient dans le débat, qu'elle a donc pu en contester la validité puisqu'elles lui étaient opposées dans le cadre du premier grief et présentaient dans le cadre des deux griefs successifs d'entente anticoncurrentielle, une complémentarité entre elles.

Réfutant chacun des moyens de procédure et de fond avancés par les deux requérantes, le ministre chargé de l'Economie conclut à la confirmation de la décision.

Le ministère public a conclu oralement à la recevabilité et au rejet des recours.

Lors de l'instruction écrite à l'audience, les requérantes ont eu la possibilité de répliquer aux observations du ministre et du Conseil.

Sur ce, LA COUR :

I. - Sur les moyens de procédure

1° Sur le respect du principe du contradictoire et de loyauté

Considérant que les deux requérantes invoquent une violation des principes de loyauté et d'impartialité dans la recherche et l'administration de la preuve ;

Considérant que la société Laurent Bouillet Entreprise met en cause à ce titre l'enquête administrative en ce que, notamment, les enquêteurs de la DGCCRF n'auraient pas intérrogé les personnes intéressées par les faits dont ils étaient saisis ;

Mais, considérant que les règles de l'enquête définies par l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne font pas obligation aux agents qui y procèdent de confronter les responsables des entreprises avec les auteurs des déclarations qui les mettraient en cause ou de les interroger sur des pièces saisies chez des tiers;

Considérant que la société Laurent Bouillet Entreprise ne saurait davantage reprocher au Conseil d'avoir manqué à son devoir d'objectivité et d'impartialité pour ne pas avoir tenu compte des observations orales présentées lors de la séance et ce, dans la mesure où, ayant pu être développées contradictoirement à l'audience, elles ont contribué au processus décisionnel, délibéré collectivement par les membres du Conseil, sans que celui-ci soit tenu d'y répondre par une motivation spécifique ;

Considérant que la société Crystal soutient, de son côté, que le Conseil n'aurait pas respecté le principe du contradictoire en ce qu'il a retenu sa participation à une entente préalable au dépôt des offres restreint, en se fondant " sur cinq notes manuscrites ", sur lesquelles le rapporteur ne s'appuyait ni dans la notification de griefs, ni dans le rapport ;

Considérant, cependant, qu'il est constant que ces cinq notes ont été discutées par la requérante à l'occasion du grief de participation à l'entente préalable au dépôt de candidatures ;

Que le fait que le Conseil ait retenu cet élément comme indice contribuant à établir la continuation de cette même entente jusqu'au moment du dépôt des offres, grief par ailleurs régulièrement notifié et analysé par le rapporteur, n'est pas de nature à violer le principe du contradictoire ; qu'en effet, aucune disposition n'interdit au Conseil de s'appuyer sur la même pièce pour établir deux pratiques distinctes et ce, d'autant qu'en l'espèce, ce deuxième grief est établi par d'autres éléments ;

2. Sur la régularité du procès-verbal du 16 décembre 1991

Considérant que la société Crystal prétend que le procès-verbal de communication des notes de M. Aubin serait irrégulier pour ne pas avoir été signé par M. Tanguy, présent à l'accueil des enquêteurs, qui a, selon elle, participé à une partie au moins des opérations ;

Mais considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le Conseil, par application des dispositions de l'article 31 du décret du 29 décembre 1986, a retenu que M. Aubin, ayant communiqué les documents énumérés à ce procès-verbal, était la personne concernée par les investigations à qui il incombait de signer celui-ci ;

Qu'il importe peu que M. Tanguy, qui n'a fait aucune déclaration, ni communiqué le moindre document, n'ait pas été informé de l'objet de l'enquête et n'ait pas signé le procès-verbal ;

Considérant en outre qu'il se déduit sans contestation possible, tant de l'objet de l'enquête indiqué, selon les énonciations du procès-verbal, par les enquêteurs à M. Aubin que de la nature des documents communiqués se rapportant tous à l'objet de l'enquête, que ceux-ci ont été communiqués par ce dernier à la demande des enquêteurs, étant ici relevé que ni M. Aubin lui-même, ni la société Somesys dont il était le directeur de l'agence de Marseille, n'ont contesté la régularité de cet acte ;

II. - Sur les moyens de fond

Considérant que la société Crystal, venant aux droits de la société Armand Interchauffage, soutient que le Conseil ne disposait pas d'éléments suffisants de preuve de sa participation à une entente antérieure au dépôt des candidatures, ni à une entente préalable au dépôt des offres ; que, notamment, il ne pouvait déduire des mêmes documents sa participation à deux ententes successives concernant le même appel d'offres restreint, l'une antérieure au dépôt des candidatures, l'autre antérieure au dépôt des offres ;

Considérant que la société Laurent Bouillet Entreprise prétend, pour sa part, que le Conseil a commis une erreur de fait et de droit en estimant qu'elle avait participé à une entente préalablement au dépôt de candidatures ainsi qu'au dépôt des offres ; qu'elle affirme que les notes manuscrites ne peuvent prouver sa participation à une concertation puisqu'il n'a été démontré aucun contact entre des personnes travaillant chez elle et au sein de la société Somesys, M. Aubin ayant d'ailleurs reconnu en séance qu'il ne connaissait personne chez Laurent Bouillet Entreprise ;

Mais considérant que la preuve d'une entente, en l'absence d'une preuve formelle résultant d'un document unique, peut être rapportée, comme en l'espèce, par un faisceau d'indices précis et concordants ;

Que pour retenir l'existence d'une concertation, avant le dépôt des candidatures, entre plusieurs entreprises parmi lesquelles figurent les sociétés Laurent Bouillet Entreprise et Armand Interchauffage/Crystal, le Conseil a retenu les notes manuscrites de M. Aubin des 6, 12, 13 et 21 février 1991, qu'il a rapprochées de la liste des entreprises qui avaient effectivement déposé une offre ;

Considérant qu'il ne peut être utilement soutenu que le contenu de ces notes résulterait d'une initiative personnelle et isolée de M. Aubin ; qu'en effet la société Somesys, dont M. Aubin était l'un des responsables, était, jusqu'à la décision de moderniser l'installation de chauffage du parc de Luminy, l'exploitant de celle-ci ; qu'elle entendait en poursuivre l'exploitation et qu'elle a très tôt, à cet effet, cherché à s'exonérer des contraintes d'une éventuelle mise en concurrence comme en atteste le protocole qu'elle a conclu le 11 septembre 1990 avec la société Sinerg, sanctionnée également par la décision déférée ;

Que, comme l'a relevé à juste titre le Conseil, la liste des entreprises susceptibles de déposer des candidatures, établie par M. Aubin, ne comprenait pas plusieurs entreprises importantes, qui ont effectivement déposé leurs candidatures, dont il ne pouvait ignorer l'existence, ni qu'elles étaient aptes techniquement à exécuter le marché ;

Que le document du 21 février 1991 confirme cette constatation et permet de constater que, quatre jours avant la date limite de dépôt des candidatures, M. Aubin avait notamment noté le nom des entreprises qui allaient effectivement faire acte de candidature, parmi lesquelles figurent les noms de Laurent Bouillet Entreprise (LB) et Armand Interchauffage (AIC) ;

Que le moyen tiré d'une éventuelle connivence entre M. Aubin, le maître d'œuvre et le maître de l'ouvrage, invoquée par la société Laurent Bouillet Entreprise, même si celle-ci était démontrée, ce qui n'est pas le cas, serait en tout état de cause sans incidence sur la qualification des échanges d'informations entre Somesys et les entreprises avant le dépôt des candidatures ;

Considérant que, pour établir la réalité de l'entente avant le dépôt des offres, le Conseil s'est fondé sur une note communiquée par M. Aubin en date du 17 avril 1991 et sur un document non daté, côté 213 en annexe du rapport, estimé postérieur au 17 avril, eu égard à sa position dans la liasse des documents remis, mais antérieure à la remise des offres puisqu'y figure la société AIC qui n'a remis aucune offre ;

Qu'il a rapproché ces éléments non seulement des notes manuscrites antérieures au dépôt des candidatures, mais aussi des résultats de la consultation, le tout constituant un faisceau d'indices précis et concordants, démontrant suffisamment la concertation des entreprises avant le dépôt des offres fixé au 22 avril 1991 ;

Considérant que le fait que la société Armand Interchauffage/Crystal qui figurait en quatrième position avec un montant de " 17 " sur la note non datée, n'ait pas présenté d'offre n'est pas de nature à écarter sa participation à l'entente préalable au dépôt des offres ; qu'à ce titre le Conseil a justement relevé que son abstention permettait d'obtenir le même résultat que si elle avait déposé l'offre figurant dans les notes de M. Aubin pour un montant de 17 millions de francs ;

Considérant que la société Laurent Bouillet Entreprise ne peut utilement contester la valeur des déclarations de la société Beterem relatives à des communications téléphoniques que celle-ci aurait eues avec elle, selon lesquelles elle est apparue peu disposée à négocier, ces indications corroborant l'absence de volonté concurrentielle de ladite entreprise qui avait pourtant déposé une offre ;

Considérant que la note manuscrite du 17 avril 1991, qui vise sept entreprises dont Laurent Bouillet Entreprise et Armand Interchauffage/Crystal, mentionne également en bas de ce document :

" appui :

300 Rineau,

100 LB,

150 Moni-Lander,

500 "

que, compte tenu du contexte de passation de ce marché public, le terme appui évoque manifestement des contreparties, corollaire d'une concertation ;

Considérant qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que le Conseil a retenu l'existence d'une concertation entre plusieurs sociétés, parmi lesquelles les sociétés Laurent Bouillet Entreprise et Crystal, venant aux droits de la société Armand Interchauffage, avant le dépôt des candidatures ainsi qu'une concertation préalablement au dépôt des offres, et estimé que ces pratiques étaient prohibées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

III. - Sur les sanctions

1° Sur le principe du contradictoire

Considérant, en premier lieu, que la société Laurent Bouillet Entreprise prétend qu'à aucun moment la notification des griefs ou le rapport n'ont porté à sa connaissance les éléments pouvant être pris en considération pour le prononcé d'une sanction ;

Considérant toutefois qu'en vertu de l'article 13 de l'ordonnance précitée le Conseil a compétence pour prononcer des sanctions qui découlent nécessairement de la constatation des faits reprochés au sujet desquels chacune des parties est appelée à présenter ses observations ; qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que le rapport doive contenir des éléments d'appréciation relatifs aux sanctions ;

Que si les éléments objectifs sur lesquels s'appuient les sanctions doivent être discutés, à savoir : chiffre d'affaires, existence de décisions antérieures constituant des précédents, les éléments d'appréciation conduisant au prononcé de la sanction pécuniaire en fonction notamment de la gravité des pratiques ou de la situation personnelle de leur auteur n'ont pas à être soumis à l'examen contradictoire, leur évaluation relevant de la substance même de la délibération du Conseil ;

2° Sur l'assiette de la sanction

Considérant que la société Laurent Bouillet Entreprise soutient qu'en raison de l'autonomie de son agence locale de Marseille, c'est le chiffre d'affaires réalisé par celle-ci qui aurait dû être pris en compte ; qu'elle prétend par ailleurs que, du fait des très courts délais de la procédure devant le Conseil, elle n'a pas été en mesure de préparer l'argumentation nécessaire à démontrer cette autonomie ;

Mais considérant sur ce dernier point que, si l'agence locale dispose vraiment d'une autonomie réelle, les documents qu'elle a pu produire sont de nature à l'établir sans être assortis d'un argumentaire détaillé;

Qu'au surplus une entité économique ne constitue une entreprise que si ses organes sont à même de déterminer une stratégie industrielle, financière et commerciale pleinement autonome; que force est de constater, en l'espèce que l'ensemble des documents qu'elle a versés aux débats ne démontre pas que l'agence locale de Marseille pouvait déterminer librement sa stratégie industrielle, financière et économique;

3° Sur la durée de la procédure

Considérant que la société Crystal/Armand Interchauffage sollicite la réduction de la sanction qui lui a été infligée en invoquant la durée excessive de la procédure au regard de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, qui lui aurait porté grief en raison de la destruction des documents relatifs au marché de chauffage de Luminy ;

Considérant cependant qu'en l'occurrence, comme l'a noté à juste titre le Conseil, tant l'ampleur que la complexité du dossier qui mettait en cause 23 entreprises justifiaient la durée de la procédure ;

Qu'en outre, la société Crystal ne caractérise pas en quoi la destruction des documents relatifs au projet du marché Luminy l'aurait privé d'éléments utiles à sa défense ;

4° Sur la proportionnalité de la sanction

Considérant que les deux requérantes font valoir que le Conseil n'a pas pris en compte l'exacte gravité des faits qui leur sont reprochés ;

Que la société Laurent Bouillet Entreprise invoque le contexte général de l'affaire et sa participation au seul échange d'informations dans le cadre de l'appel d'offres restreint, tandis que la société Crystal souligne son rôle purement passif ;

Considérant que le Conseil a justement apprécié la gravité des faits en tenant compte notamment de la spécificité du marché, de la circonstance que des concertations ont eu lieu à un stade précoce de la procédure administrative et se sont poursuivies tout au long des différents stades de la passation des marchés pour faire échec au jeu normal de la concurrence ;

Qu'il a également justement apprécié tant la gravité des faits reprochés à la société Laurent Bouillet Entreprise qu'à la société Crystal/Armand Interchauffage, en retenant que l'une et l'autre s'étaient concertées avec la société Somesys avant l'appel à candidature et avant l'appel des offres ;

Considérant que la société Laurent Bouillet Entreprise soutient que le dommage causé à l'économie allégué par le Conseil, consistant dans le retard pris dans la passation du marché et le préjudice qui en est résulté pour le maître de l'ouvrage, ne trouve pas sa source dans l'échange d'informations auquel elle a participé, mais dans l'échec des négociations entamées par le maître de l'ouvrage hors tout appel d'offres ;

Mais considérant que, outre que la société Laurent Bouillet Entreprise ne rapporte pas la preuve d'une telle allégation, les pratiques jugées par le Conseil sont celles intervenues pendant la procédure qui a abouti à un appel d'offres restreint, puis à un appel d'offres ouvert ; que ces pratiques ont trompé le maître de l'ouvrage sur la concurrence et fait supporter à l'université d'Aix-Marseille II un coût de réhabilitation des installations de chauffage anormalement élevé ;

Considérant enfin que la société Crystal/Armand Interchauffage prétend que le Conseil n'a pas pris en compte sa situation financière délicate, tandis que la société Laurent Bouillet Entreprise estime qu'il aurait dû tenir compte de la répartition de son chiffre d'affaires entre ses différentes activités ;

Considérant toutefois que la décision a bien pris en compte, conformément aux dispositions de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, selon lesquelles " les sanctions pécuniaires sont proportionnées... à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise... et de façon motivée pour chaque sanction ", les éléments spécifiques à chaque société, puisque les sanctions respectivement infligées aux sociétés Laurent Bouillet Entreprise et Crystal/Armand Interchauffage représentent 0,5 % et seulement 0,2 % de leurs chiffres d'affaires respectifs ;

Considérant qu'il s'ensuit que les recours tant en annulation qu'en réformation doivent être rejetés ;

Par ces motifs : rejette les recours ; rejette les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; condamne les sociétés Laurent Bouillet Entreprise et Crystal, venant aux droits de la société Armand Interchauffage, aux dépens.