CA Paris, 1re ch. H, 10 novembre 1998, n° ECOC9810374X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Ordre des avocats au barreau de Marseille, Syndicats des avocats de France
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Premier président :
M. Canivet
Président :
Mme Thin
Avocat général :
M. Woirhaye
Conseiller :
Mme Bregeon
Avoué :
SCP Duboscq-Pellerin
Avocats :
SCP Lafarge-Flecheux-Revuz, Mes Flecheux, Grumbach, Franck
L'ordre des avocats au barreau de Marseille (l'ordre) a formé un recours contre une décision du Conseil de la concurrence n° 98-D-07 du 14 janvier 1998 qui :
- a estimé qu'en élaborant et diffusant parmi ses membres un document intitulé " Honoraires, barème indicatif 1990-1991 ", il a enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
- lui a enjoint, d'une part, de ne plus élaborer ni diffuser de barèmes d'honoraires et, d'autre part, d'adresser, dans un délai de deux mois à compter de sa notification, copie de la décision à chacun des avocats inscrits à son barreau ;
- lui a infligé une sanction pécuniaire de 1 500 000 F.
Au soutien de son recours en annulation et en réformation, l'ordre invoque les moyens suivants :
A titre principal :
1°) Le Conseil de la concurrence a omis de :
- prendre en considération la totalité des éléments de fait, notamment la résolution du 27 mars 1996 par laquelle le conseil de l'ordre a rappelé les principes de fixation des honoraires et l'interdiction des barèmes a priori ;
- répondre à l'ensemble de ses moyens et a ainsi méconnu les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2°) Le grief notifié à son encontre n'est pas fondé puisque :
- les conditions du libre jeu de la concurrence ne sont pas remplies sur le marché où opèrent les avocats du barreau de Marseille, en raison de l'absence d'information suffisante sur le coût de la prestation juridique ;
- le document litigieux est une liste indicative ne pouvant être qualifiée de barème prohibé par les règles du droit de la concurrence dès lors que sa diffusion auprès des justiciables et des avocats n'avait aucune valeur normative et la preuve n'est pas apportée que l'autonomie de décision de certains avocats ait été affectée ;
- il n'a eu aucun objet ou effet anticoncurrentiel et n'a porté aucune atteinte sensible au jeu de la concurrence ;
3°) En tout état de cause, les conditions d'application des dispositions de l'article 10 1) et 2) de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sont réunies :
- d'une part, en raison de ses obligations légales résultant des articles 17 et 53 de la loi du 31 décembre 1971, 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 sur la profession d'avocat et 35 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ;
- d'autre part, parce que le barème en cause a eu pour effet de contribuer au développement du progrès économique en permettant aux justiciables d'être mieux informés et de pouvoir comparer les prestations proposées.
A titre subsidiaire : le montant de la sanction pécuniaire n'est pas proportionné au grief retenu, au dommage à l'économie et à sa situation financière et doit par conséquent être réduit.
La Confédération syndicale du cadre de vie, auteur de la saisine du Conseil de la concurrence, mise d'office en cause par application de l'article 7 du décret du 19 octobre 1987, conclut au rejet du recours ainsi qu'à la condamnation de l'ordre à lui verser la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le Conseil de la concurrence ainsi que le ministre de l'Economie et des Finances ont déposé des conclusions écrites tendant également au rejet du recours.
Le Syndicat des avocats de France (SAF) intervient volontairement devant la cour en exposant essentiellement que :
- les barèmes indicatifs sont un outil d'information nécessaire du public, favorisant la concurrence et les droits de la défense, ainsi qu'un outil nécessaire à la taxation des honoraires ;
- le législateur, dans le cadre de la loi sur l'aide juridique, a souhaité des barèmes indicatifs d'honoraires ;
- le barreau de Marseille doit pouvoir reprendre les travaux de la commission qu'il s'était proposé de réunir aux fins d'actualiser son barème.
Le ministre de l'Economie et des Finances a, comme le ministère public, présenté à l'audience des observations orales tendant au rejet du recours.
L'ordre requérant, qui a eu la parole en dernier, a pu répliquer à l'ensemble des observations écrites et orales ;
Sur ce la cour :
I. - Sur la procédure :
Considérant que le SAF, qui n'était pas partie en cause devant le Conseil de la concurrence, intervient volontairement pour donner son avis sur la licéité de la pratique sanctionnée au regard de l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ; que son intervention doit être reçue dans la mesure où elle appuie, à titre accessoire, les prétentions de l'ordre requérant aux fins d'assurer la conservation de ses propres droits, ainsi que le prévoit l'article 330 du nouveau Code de procédure civile ; Considérant que l'effet dévolutif du recours commande à la cour de statuer à nouveau en fait et en droit de sorte que le grief, pris de la naissance par le Conseil de la concurrence des dispositions de l'article 455 du Code précité, s'avère inopérant ;
II. - Sur le fond :
A.- Sur la constatation des pratiques en cause
Considérant que l'ordre des avocats au barreau de Marseille a établi un document de quatre pages intitulé " Honoraires, barème indicatif 1990-1991 " ;
Qu'en pages 2 et 3 cette plaquette précise qu'elle a pour objectif " d'améliorer la transparence et la confiance qui doivent présider aux rapport des avocats et de leurs clients " et rappelle le contenu des textes réglementaires sur les modalités d'établissement et de calcul des honoraires ;
Qu'il est ainsi indiqué :
" Que les honoraires de l'avocat sont libres, qu'ils sont fixés d'un commun accord entre l'avocat et son client, que cet accord prendra de préférence la forme d'une convention écrite, qu'en cas de contestation des honoraires le litige est soumis, conformément aux textes en vigueur, au bâtonnier de l'ordre ",
Qu'ils s'apprécient en fonction de " la notorité, l'expérience ou la spécialisation de l'avocat, la nature et la complexité de l'affaire, l'importance du travail de recherche et de synthèse, le résultat obtenu et les services rendus, le coût de fonctionnement du cabinet, l'importance du litige, la rapidité d'intervention, la situation économique du client " ;
Que " selon l'accord des parties et la nature du dossier l'honoraire peut être calculé... en fonction du temps passé...(ou) au forfait " et que " dans tous les cas il peut être envisagé un honoraire (complémentaire) du résultat " ;
Que le paragraphe relatif à " l'honoraire au forfait " mentionne que " l'ordre... publie chaque année le montant des honoraires usuellement pratiqués " ;
Que la quatrième page du document, sous le titre " Honoraires usuellement pratiqués et confirmés par la jurisprudence pour les affaires courantes sans complexité particulière ", énumère des montants hors taxes de la façon suivante :
Cour d'appel
Cours d'assises : à partir de 10 000 F.
Affaires civiles : de 4 000 F à 10 000 F.
Affaires sociales : de 4 000 F à 10 000 F.
Affaires commerciales : de 4 000 F à 10 000 F.
Affaires pénales : de 4 000 F à 10 000 F.
Tribunal de grande instance
Affaires d'Etat : de 5 000 F à 10 000 F.
Chambre du Conseil : de 8 000 F à 10 000 F.
Divorce : de 6 000F à 15 000 F.
JAM (requêtes ou référés) : de 2 500 F à 6 000 F.
Loyers commerciaux : de 2 500 F à 11 000 F.
Actions contentieuses : de 5 000 F à 15 000 F.
Tribunal correctionnel : de 3 000 F à 15 000 F.
Même barème lorsque l'affaire revient sur les intérêts civils.
Commission de suspension du permis de conduire: de 1 600 F à 3000 F.
Divers
Requête : de 1 500 F à 5 000 F.
Référé : à partir de 2 000 F.
Consultations orales : à partir de 200 F.
Consultations écrites : à partir de 1 000 F.
Vacations et assistances diverses : à partir de 1 000 F. (Outre frais réels et en fonction du temps passé.)
Rédactions d'actes
Vente de fonds de commerce : à partir de 8 000 F.
Constitution SA : à partir de 8 000 F.
Constitution SARL : à partir de 5 000 F.
Rédaction baux : à partir de 2000 F.
Tribunal de commerce
A partir de 3 500 F.
Pénal
Tribunal de police, petites classes : de 1 600 F à 3 000 F.
Tribunal de police, cinquième classe : de 2 000 F à 3 500 F.
Même barème lorsque l'affaire revient en règlement de dommages.
Conseil de prud'hommes
De 2 500 F à 10 000 F.
Tribunal d'instance
De 2 000 F à 8 000 F.
Tribunal administratif
De 4 000 F à 10 000 F.
Considérant que, par une exacte analyse de ce document, le Conseil de la concurrence a relevé que, présenté comme un barème indicatif, il comporte une liste de prestations, judiciaires ou, juridiques, susceptibles d'être fournies par les avocats pour lesquelles sont indiqués soit des fourchettes d'honoraires soit des montants minima ;
Que la cour retient, en outre, que les chiffres mentionnés ne sont, dans le document lui-même, étayés par aucune étude explicite sur les frais et charges supportés par les cabinets d'avocats ni sur le caractère " usuel " des montants d'honoraires indiqués durant la période concernée ;
Considérant que le Conseil de la concurrence a estimé que ce document, établi par l'ordre et diffusé par lui à ses membres, est constitutif d'une action concertée ayant eu pour objet et ayant pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence, de ce fait prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant que l'ordre reproche à la décision attaquée d'avoir écarté son moyen tiré de l'obligation imposée par l'article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ainsi que son argument pris de la jurisprudence communautaire en matière de prix indicatifs dans le cadre de réseaux de franchisage ;
Que, cependant, il résulte des termes mêmes de l'article 33 que seul le producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur, est tenu de communiquer son barème de prix et ses conditions de vente ; que l'ordre n'a pas une telle qualité vis-à-vis des clients des cabinets d'avocats ;
Qu'est également inopérante sa référence, à la jurisprudence communautaire sur les accords de franchise permettant à certaines conditions au franchiseur la recommandation de prix de vente au franchisé, dès lors qu'il ne s'agit pas d'apprécier la licéité d'un accord vertical de distribution mais celle d'un accord tarifaire horizontal élaboré et diffusé par un organe professionnel ;
Considérant que le requérant se prévaut de la résolution prise par son conseil de l'ordre le 27 mars 1996 et publiée dans son deuxième bulletin de l'année 1996, selon laquelle " l'établissement d'un barème a priori et ayant une portée collective qui ne tiendrait pas compte des données propres d'exploitation de chaque cabinet n'est conforme ni à la lettre ni à l'esprit de la loi " ;
Que cependant cette résolution, dans la mesure où elle est postérieure à la notification de griefs effectuée le 8 février 1996 par le rapporteur du Conseil de la concurrence, ne peut avoir d'incidence sur la matérialité des faits examinés ;
B.- Sur le caractère anticoncurrentiel des pratiques en cause
Considérant qu'il est, constant que le montant de l'honoraire et son explication sont l'objet des préoccupations actuelles des barreaux ; que les clients des avocats admettent de plus en plus difficilement de ne pas savoir, lorsqu'ils les consultent, quel sera le montant de l'honoraire de l'auxiliaire de justice ; Considérant toutefois que cette recherche nécessaire de transparence et de prévisibilité du coût d'accès au droit ne saurait conduire à des pratiques faisant obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;
Qu'à cet égard l'argument tenant à l'importance de la ville de Marseille et au grand nombre d'avocats inscrits à son barreau s'avère sans portée ;
Considérant, en l'espèce, que, pour contester l'existence de l'infraction retenue par le Conseil de la concurrence, l'ordre requérant soutient que le document litigieux a été établi en référence aux honoraires observés dans le passé sur le marché des prestations juridiques du barreau de Marseille et confirmés par la jurisprudence en matière de taxation d'honoraires ; qu'il ne verse cependant aux débats aucune pièce de nature à étayer cette allégation ;
Qu'il ajoute que la liste indicative d'honoraires s'inspire des principes généraux dégagés dans une étude effectuée par la CEGOS Management sur les éléments de détermination du coût d'un dossier dans un cabinet d'avocat à Marseille ; que, néanmoins, le rapport émanant de ce consultant n'est pas daté, de sorte que l'ordre ne démontre pas son utilisation pour l'établissement en novembre 1990 du barème litigieux ;
Que l'ordre soutient aussi que ce barème ne visait pas à inciter les avocats concernés à normaliser leurs tarifs ; qu'il se prévaut de l'abandon des griefs initialement formulés contre deux cabinets pour en déduire qu'il n'a pas été appliqué et qu'il n'a pas affecté l'autonomie des avocats ;
Que la décision relève pourtant que deux avocats ont déclaré au cours de l'enquête que celui-ci " est intéressant dans la mesure où il donne un ordre de grandeur " et un troisième que " ce sont les avocats qui ont une activité traditionnelle qui... utilisent le plus le barème " ;
Que, surtout, même s'il n'a été accompagné d'aucune démarche visant à le rendre obligatoire et s'il rappelait les dispositions légales relatives à la fixation des honoraires et son caractère indicatif, il n'en demeure pas moins que ce document, d'une part, émanait de l'organe investi de l'autorité réglementaire et disciplinaire sur les membres de la profession, dont le représentant dispose, en outre, du pouvoir de se prononcer sur les réclamations formées contre les honoraires qu'ils facturent, et, d'autre part, proposait aux membres du barreau des prix praticables de leurs prestations ; qu'il devenait, de ce fait, une référence tarifaire s'assimilant et se présentant comme un barème ;
Considérant, dès lors, que le Conseil de la concurrence a justement estimé qu'un tel document était de nature à inciter ceux-ci à fixer leurs honoraires selon les montants suggérés plutôt qu'en tenant compte des critères objectifs tirés des coûts de revient des prestations fournies, en fonction de la structure et de la gestion propres à chaque cabinet ;
Que, par ailleurs, sa diffusion aux clients était également de nature à les dissuader de discuter librement le montant des honoraires minima qu'il indiquait ;
Considérant que l'objet anticoncurrentiel et l'effet potentiellement anti-concurrentiel des pratiques litigieuses sont ainsi avérés ;
II.- Sur l'atteinte sensible à la concurrence :
Considérant, en outre, que le Conseil de la concurrence a relevé, d'une part, que le barème examiné comprend des indications de prix, par type de prestations, pour la plus grande partie de celles que peuvent rendre les avocats dans les affaires courantes et, d'autre part, qu'il a été diffusé à l'ensemble des mille membres du barreau ;
Considérant qu'une telle pratique concertée portant sur la détermination du montant des honoraires d'avocats, couvrant l'essentiel de l'activité des professionnels en cause et impliquant, par sa diffusion, à l'initiative de l'autorité ordinale de 1990 à 1996, l'ensemble des avocats d'un même barreau a affecté sensiblement le marché local des prestations juridiques et judiciaires relevant, au surplus, du monopole édicté par l'article 4 de la loi du 31 décembre 1971 même si, comme l'indique la décision, l'influence directe d'un tel barème est impossible à mesurer;
III.- Sur l'application de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 :
Considérant que, pour prétendre que les pratiques examinées ne sont pas soumises aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, l'ordre expose qu'il a une mission de service public ; qu'il affirme avoir voulu satisfaire, d'une part, aux obligations que lui imposent les articles 17 et 53 de la loi du 31 décembre 1971 lui donnant pour attribution de traiter toutes questions intéressant l'exercice de la profession d'avocat, de veiller à l'observation par les membres du barreau de leurs devoirs et à la protection de leurs droits, ainsi que, d'autre part, aux obligations résultant de sa mission de tutelle et d'assistance en matière de fixation des honoraires prévue par les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
Qu'il ajoute que l'article 35 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique prévoit expressément la possibilité pour tout barreau d'établir une méthode d'évaluation d'honoraires ;
Qu'il soutient enfin que son intervention a eu pour effet de contribuer au développement du progrès économique puisque le barème en cause a été diffusé non seulement aux avocats mais, surtout, aux justiciables afin de contribuer à l'information économique de ces derniers et leur permettre une comparaison entre les différents types de prestations proposées ;
Considérant qu'aux termes de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ne sont pas soumises aux dispositions des articles 7 et 8 les pratiques :
1. Qui résultent de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application ;
2. Dont les auteurs peuvent justifier qu'elles ont pour effet d'assurer un progrès économique et qu'elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause ;
Considérant, en premier lieu, que l'ordre ne démontre pas en quoi l'entente tarifaire examinée résulte d'un texte législatif ou réglementaire ;
Que les articles 17 et 53 de la loi du 31 décembre 1971, ainsi que les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991, n'imposent ni n'autorisent l'établissement et la diffusion d'un barème d'honoraires ;
Que, s'il peut être admis ou recommandé, notamment pour le calcul de la partie librement négociée de l'honoraire perçu du client bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle, l'élaboration par les ordres de méthodologie de calcul, la définition de tels principes d'évaluation des honoraires ne peut se réduire à un tarif, fût-il indicatif ;
Considérant, en second lieu, que l'ordre requérant ne propose pas de justifier que le barème litigieux a eu pour effet d'assurer un progrès économique et a réservé aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en est résulté, sans lui donner la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause ;
Que, fût-il réel, l'objectif invoqué de comparaison des coûts dans les rapports entre l'avocat et son client n'a pu qu'être affecté par l'indication de montants minima pour chaque type de prestations ;
Qu'il n'est, en définitive, pas établi que le barème examiné ait contribué à une meilleure information des clients, favorisé l'accès à la justice ou permis une comparaison et une discussion sur le prix des prestations des avocats ni que les objectifs de transparence et d'information sur la méthode de calcul des honoraires ne puissent être atteints que par la publication de tarifs par l'ordre requérant ;
Qu'il s'ensuit que la pratique de concertation tarifaire ci-dessus caractérisée ne peut être soustraite à l'application de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
IV.- Sur les sanctions
1. Sur l'injonction
Considérant que l'ordre fait valoir qu'il n'a pas réédité la plaquette litigieuse depuis 1990 ; qu'il déduit de la publication de la résolution susévoquée du 27 mars 1996 que l'injonction édictée par le Conseil de la concurrence s'avère dépourvue d'objet ;
Mais considérant que cette abstention et l'existence d'une résolution interne au barreau, si elles sont à prendre en considération pour l'appréciation de la gravité des pratiques sanctionnées, ne suffisent pas à écarter la nécessité d'une injonction rendant publique l'interdiction d'élaborer et de diffuser des barèmes d'honoraires ;
2. Sur la proportionnalité de la sanction pécuniaire
Considérant que, pour contester la sanction pécuniaire prononcée à son encontre, l'ordre soutient, d'abord, que le Conseil de la concurrence a inexactement apprécié la gravité des faits et n'a pas tenu compte de l'absence de réédition du barème litigieux depuis 1990 ainsi que de la publication de la résolution du 27 mars 1996 ci-dessus rappelée ;
Qu'il soutient ensuite que le Conseil de la concurrence n'a pas caractérisé le dommage réel à l'économie et que le montant de la sanction est sans proportion avec sa situation et les ressources de son barreau ;
Considérant que, s'agissant de sa situation, l'ordre expose qu'il connaît des difficultés financières, que son fonctionnement est déficitaire, que l'excédent de trésorerie apparaissant dans sa comptabilité au 31 décembre 1997 correspond à des avances sur secours qui auraient dû être déjà distribuées et n'ont pu l'être qu'au début de l'année 1998 ; qu'il ajoute que les cotisations impayées au 24 mars 1998, au titre de l'année 1997, s'élèvent à plus d'un million de francs, que ses recettes sont tributaires des apports de la CARSAM et que la chute des taux d' intérêt limite les possibilités de cette dernière d'augmenter sa contribution, qu'il ne peut compter sur celle des avocats dont plus du tiers a un revenu inférieur à 185 000 F et les plus jeunes un revenu inférieur à 100 000 F ;
Considérant qu'aux termes de l'article 13, alinéa 3, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné ; que, selon l'alinéa 4, le montant maximum de la sanction est de dix millions de francs si le contrevenant n'est pas une entreprise ;
Considérant que les pièces que l'ordre a versées aux débats le 23 juillet 1998, pour justifier de sa situation, s'avèrent irrecevables, en application des dispositions de l'article 3 du décret du 19 octobre 1987, dans la mesure où elles n'étaient pas mentionnées sur la liste jointe à sa déclaration du recours du 9 mars 1998 ;
Considérant que,pour apprécier la proportionnalité de la sanction prononcée, le Conseil de la concurrence a retenu que le document en cause donnait des indications d'honoraires, comportant notamment des montants minimums, pour une liste de différentes prestations concernant toute une série de procédures devant les différentes juridictions ; que la gravité des pratiques doit s'apprécier en tenant compte de la circonstance que ledit document a été diffusé à tous les membres du barreau; que, par ailleurs, le ministère d'avocat est, s'agissant de différentes procédures, obligatoire ; que l'ordre des avocats du barreau de Marseille ne pouvait ignorer les dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'enfin ses ressources pour l'année 1997 se sont élevées à 19 299 700 F dont 9 698 285 F pour les seules cotisations des mille avocats du barreau ;
Considérant que le Conseil de la concurrence a ainsi apprécié, d'une part, le dommage causé à l'économie en référence à l'ampleur des prestations concernées par le barème examiné et à la généralité de sa diffusion sur le marché local des prestations judiciaires et juridiques ;
Qu'il a, d'autre part, examiné la gravité relative des pratiques en fonction du monopole légal dont disposent les avocats pour la fourniture de certaines des prestations visées par la concertation et de leur nécessaire connaissance de l'illicéité des pratiques tarifaires mises en œuvre, en raison notamment des dispositions de la loi du 31 décembre 1971 régissant la profession d'avocat et plus particulièrement de son article 10 prévoyant les modalités de fixation des honoraires ;
Considérant quel'ordre s'est abstenu pendant près de six ans d'actualiser son barème ; que le conseil de l'ordre a spontanément pris, le 27 mars 1996, une résolution rappelant l'interdiction des barèmes ; qu'il l'a publiée dans le bulletin qu'il adresse à ses membres, témoignant ainsi de sa volonté de mettre fin aux pratiques d'entente, postérieurement à la notification des griefs ;
Considérant que ces derniers éléments conduisent la cour à réduire le montant de la sanction pécuniaire à la somme de 300 000 F ;
Considérant que l'équité ne commande pas l'attribution de sommes, au titre des frais non compris dans les dépens, en faveur de la Confédération syndicale du cadre de vie,
Par ces motifs : Reçoit le Syndicat des avocats du France en son intervention ; Réformant la décision attaquée quant au montant de la sanction pécuniaire prononcée à l'encontre de l'ordre des avocats au barreau de Marseille, réduit celle-ci à 300 000 F ;
Rejette le recours pour le surplus ; Rejette la demande de la Confédération syndicale du cadre de vie ; Condamne l'ordre des avocats au barreau de Marseille aux dépens.