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Décisions

CA Riom, ch. civ. et com., 29 octobre 1997, n° 2729-96

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Camaïeu International (SA)

Défendeur :

Diffusion Mode (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bardel

Conseillers :

MM. Despierres, Legras

Avoués :

Me Gutton, Me Rahon

Avocats :

Mes Gast, Meresse.

T. com. Thiers, du 12 juill. 1996

12 juillet 1996

Par jugement du 12 juillet 1996 auquel la Cour se réfère expressément pour plus ample exposé, le Tribunal de commerce de Thiers prononçait la résiliation de la convention de franchise du 27 octobre 1993 aux torts réciproques des parties, et condamnait Diffusion Mode, après compensation, à payer à Camaïeu International la somme de 297 093 F avec les intérêts légaux à compter du 15 mai 1995 ;

La SA Camaïeu International a régulièrement interjeté appel de la décision.

Elle sollicite de la Cour son infirmation partielle et demande de prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la SARL Diffusion Mode.

En conséquence elle sollicite selon les secondes conclusions :

- la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Diffusion Mode à lui payer la somme de 1 910 141,68 F au titre des marchandises, fournitures et redevances impayées, somme se décomposant comme suit :

- 1 359 256 F au titre des marchandises livrées,

- 277 536,90 F au titre des redevances permanentes,

- 35 478,88 F au titre des fournitures,

- 237 869,10 F au titre des frais financiers, outre ceux ayant couru depuis l'arrêté de compte du 15 mai 1995.

- l'infirmation du jugement au titre de la résiliation abusive et anticipée du contrat et la condamnation de la société Diffusion Mode à lui payer la somme forfaitaire et contractuelle de 768 044,66 F représentant deux années de redevances en réparation du manque à gagner, et celle de 200 000 F à titre de dommages et intérêts.

- la condamnation de cette société à lui payer au titre de la violation de la clause de non-concurrence les sommes de :

- 1 000 000 F en réparation du préjudice commercial subi pour la captation et la divulgation du savoir-faire secret au profit d'un réseau concurrent,

- 50 000 F à titre de dommages et intérêts pour comportement déloyal.

Elle demande en outre :

- que les condamnations portent intérêts au taux légal,

- que soit ordonnée la cessation de toute exploitation commerciale à Thiers pendant un an,

- une somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Ses moyens sont les suivants :

- le franchiseur n'a commis aucune faute car en premier lieu, le compte d'exploitation prévisionnel n'est la cause, ni de la signature du contrat de franchise, ni de l'échec commercial du franchisé. Si les chiffres annoncés par Camaïeu n'ont pas été atteints, cela est davantage imputable à l'optimisme excessif et à la désinvolture des frères Montel, qu'à l'étude réalisée par le franchiseur qui ne saurait être mise en cause. Le contrat de franchise a été signé par deux professionnels avisés. La loi Doubin et son décret d'application ne prévoient nullement l'obligation pour le franchiseur de fournir l'établissement de compte d'exploitation prévisionnels au sein du document d'information pré-contractuelle, cette évaluation est fournie au franchisé à titre de simple renseignement. La jurisprudence, pas plus que la loi ne crée d'obligation sur ce point.

La cause réelle des difficultés invoquées réside dans l'insuffisance du chiffre d'affaires réalisé par le franchisé. Cette insuffisance ne relève pas de la compétence ou de la responsabilité du franchiseur qui ne peut se substituer au commerçant franchisé et qui n'a aucune obligation de résultat en la matière. La jurisprudence montre qu'elle a pour unique objet de protéger le novice qui se lance dans le mode de la franchise sans connaissance particulière et qui risque de se faire piéger par des prévisions irréalisables.

- les prix de revente aux consommateurs ne sont pas imposés. Le contrat ne comporte nulle obligation pour le franchisé, de pratiquer les tarifs communiqués, alors qu'il met à la charge du franchiseur une obligation de renseignement au profit des franchisés et à ce titre se borne à indiquer expressément en son article 5 qu'il (le franchiseur) " fournira au franchisé...le tarif de vente généralement pratiqué par le réseau ". Seules les références des articles sont portées en code barre et non le prix de l'article, qui figure de manière distincte sur l'étiquette. L'existence d'un code barre pré-étiqueté ne porte aucunement atteinte à la liberté de chaque franchisé de porter sur les articles un prix différent de celui indiqué par le franchiseur. Ceci est pratiqué par tel ou tel membre du réseau. Le compte d'exploitation montre qu'en réalité Diffusion Mode avait toute liberté pour pratiquer librement sa politique de prix et de promotions.

- les approvisionnements faits dans le cadre du contrat de franchise ne relèvent pas du régime du mandat. La situation du franchisé est distincte de celle du mandataire. L'argument selon lequel le franchisé doit se contenter de recevoir les articles que le franchiseur a décidé de lui envoyer est démenti par les faits. Le franchisé vend en son nom et pour son propre compte. Le fait que le transfert de propriété soit lié au complet paiement du prix des marchandises n'empêche pas la vente d'être parfaite. Le franchisé n'est pas rémunéré par le franchiseur. Il est rémunéré par la marge bénéficiaire qu'il dégage de la vente de ses marchandises.

- par contre, la rupture du contrat est le fait exclusif et fautif de la société Diffusion Mode, qui a cessé de l'exécuter alors qu'il était prévu pour six ans. En effet, la société Diffusion Mode a multiplié les incidents de paiement. Le non paiement des sommes dues (prix des marchandises livrées et redevances permanentes) justifie à lui seul que soit prononcée la résiliation aux torts exclusifs du franchisé. Les consorts Montel n'ont à aucun moment informé Camaïeu International de leur volonté de ne pas poursuivre le contrat.

Par ailleurs, le clause de non-concurrence a été violée six mois après la conclusion du contrat de franchise avec Camaïeu, la concluante a pris connaissance par la presse spécialisée de l'intention des consorts Montel de devenir à leur tour franchiseur de leur chaîne de magasin Défi Mode. Ils ont pillé, plagié et exploité le savoir-faire informatique et de gestion de Camaïeu International et dès que ce savoir-faire leur a été transmis lors de la conclusion du contrat en octobre 1993.

Intimée, la SARL Diffusion Mode conclut à la confirmation du jugement et demande de dire que la société Camaïeu International porte la pleine et exclusive responsabilité de la rupture anticipée du contrat de franchise au préjudice de la société Défi Mode.

Elle sollicite en conséquence sa condamnation à lui payer les sommes de :

- 931 192 F au titre des investissements engagés qui ont été perdus,

- 603 661 F au titre des marges brutes dont la société Diffusion Mode a été privé sur l'écart de chiffre d'affaires dû à l'étude de marché fautive,

- 781 856 F, sauf à parfaire, au titre des pertes subie,

- 10,5 MF à titre de dommages et intérêts pour rupture fautive du contrat de franchise, et ce pour chacune, au taux d'intérêt légal, à compter du 15 mai 1995 avec capitalisation des intérêts échus par application de l'article 1154 du code civil.

Elle réclame en outre que la société Camaïeu soit condamnée à reprendre la totalité des stocks de marchandises dont elle est propriétaire, et à lui payer la somme de 30 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle répond et soutient que :

- la résiliation fautive du contrat de franchise est le fait exclusif de la société Camaïeu International. Cette société, en sa qualité de franchiseur, est débiteur d'une obligation d'information sincère et loyale définie à l'article 1 de la loi du 31 décembre 1989 dite loi Doubin. Cette obligation légale est formulée à l'article 2 du contrat de franchise puisque Camaïeu déclare et reconnaît avoir fait des études prévisionnelles. Le chiffre d'affaires réel réalisé par les produits Camaïeu sur le secteur contractuel est inférieur de 40 % au chiffre que Camaïeu International avait retenu en conclusion de son étude de marché préalable. Or ces études préalables fautives sont la cause de la signature du contrat de franchise.

- la qualification juridique des opérations commerciales est la suivante : le régime juridique des approvisionnements de la boutique est celui du mandat. La société Camaïeu International a voulu que tous les produits vendus dans le magasin restent sa pleine et entière propriété tant que cette marchandise n'était pas payée par le franchisé ; les vêtements ont été mis en dépôt chez la société Diffusion Mode par la société Camaïeu qui organise seule et en toute indépendance les approvisionnements de la boutique. La société Camaïeu fixe le prix de vente au public des articles qui sont vendus dans le magasin comme le prouve le pré-étiquetage des prix sur les marchandises qu'elle livre. Seul le propriétaire de la marchandise est en droit de fixer le prix de vente des articles au client final (violation de l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986). La rémunération versée par Camaïeu à la société Diffusion Mode à hauteur d'une somme égale à 35 % du chiffre d'affaires TTC est caractéristique du mandat. Sur le fondement de l'article 2000 du code civil Camaïeu International devra indemniser la SARL Diffusion Mode des pertes subies. L'exigence de bonne foi dans l'exécution du contrat prévue aux articles 1134 et 1135 du code civil n'a pas été remplie. Plutôt que d'adapter les approvisionnements de la société Diffusion Mode aux possibilités du marché réel, Camaïeu International a mené une politique d'approvisionnements fondée sur ses prévisions surestimées et surréalistes.

- les prix de vente étaient imposés par Camaïeu International,

- les conséquences dommageables de ces fautes sont à supporter par cette société sur le fondement des articles 1149 et 1150 du code civil. Les chefs de préjudice sont énoncés,

- la créance invoquée par la société Camaïeu International est artificielle et n'est pas fondée,

- la prétendue violation de la clause de non-concurrence, tenant par un pillage du savoir-faire, est imaginaire et contrée par les pièces produites.

MOTIVATION :

Attendu que le contrat de franchise conclu le 27 octobre 1993 entre la société Camaïeu International (CI) et la société Montel Diffusion expose que le franchiseur CI a mis au point une organisation spécifique dont le développement constitue un savoir-faire qui s'applique à la distribution de produits qu'elle effectue à travers une chaîne de magasins en libre service à vocation textile ; que cette organisation spécifique porte notamment sur les méthodes de commercialisation et les modes de gestion particulièrement adaptés à la gestion moderne, normes dont il est propriétaire ;

Attendu que le franchisé, devenu Diffusion Mode (DM), reconnaît que son attention a été attirée sur les risques inhérents à la création et à l'exploitation d'un commerce ; qu'il contractait ainsi le droit de commercialiser les articles produits et services définis sous l'enseigne Camaïeu selon les normes mises au point ;

Attendu que cette convention a été conclue après que la société CI eut réalisé une étude de marché qui concluait positivement à l'utilité de cette convention de franchise, laquelle devait permettre la réalisation d'un chiffre d'affaires de 6 MF TTC la première année, de 6,45 MF la seconde et de 6,934 MF la troisième ; qu'elle établissait ensuite un compte d'exploitation prévisionnel, du 5 octobre 1993, qu'après signature de la convention, l'exploitation débutait le 29 octobre 1993 ; qu'après huit mois d'activité la société DM essuyait une perte de 213 777 F et arrêtait son activité dès le mois d'août 1994 et fermait le fonds de commerce en janvier 1995 ;

Attendu qu'à ce jour, contrairement à l'instance première, la demande de chaque partie porte, non plus sur la nullité de la convention, mais sur sa rupture fautive aux torts exclusifs de l'autre partie ;

Attendu dès lors que les analyses tirées de l'existence d'un mandat peuvent être sans plus attendre écartées, le contrat fondant l'action n'étant pas nul et demeurant le contrat de franchise ; que d'ailleurs il n'est pas tiré de conséquences exploitables du développement de cette analyse portant sur le mandat ;

Attendu qu'ainsi convient-il de déterminer si l'exécution du contrat de franchise, en sa réparation et en sa mise en œuvre, a été fautive, du fait de l'une ou de l'autre partie ;

Sur les fautes dans la préparation et l'exécution du contrat de franchise :

Attendu que la convention a fait l'objet d'une préparation élaborée en vue de déterminer l'applicabilité des obligations réciproques au site de Thiers ;

Attendu que la société CI pratique habituellement le développement de son système de franchise et connaissait alors une période d'expansion ; que de son côté la société Montel exploitait une vingtaine de magasins de prêt-à-porter en Auvergne depuis 1982 ; que les négociations s'engageaient ainsi entre professionnels soucieux du développement de leur activité ;

Attendu que l'étude d'implantation du point de vente envisagé était, selon la convention elle-même, le fait du franchiseur et comprenait, selon l'article 2 des points précis et personnalisés, portant sur le marché local, le choix du lieu, une étude d'investissements, un plan de financement, un compte d'exploitation prévisionnel personnalisé et une évaluation du stock type nécessaire à l'exploitation ;

Attendu par ailleurs que la convention soulignait expressément que les prévisions estimatives du chiffre d'affaires et de résultat étaient indicatives et que les études étaient établies dans l'hypothèse d'une exploitation performante ;

Attendu que l'exploitation s'est avérée très rapidement être un échec ; que celui-ci est caractérisé par une perte de 781 856 francs au terme de la première année et un chiffre d'affaires très inférieur, à proportion de 46 % à celui prévu ; que cette constatation relevée par les premiers juges n'est pas démentie ; que pour caractériser cet échec il est également utile de relever, de façon concordante, que pour les 8 premiers mois d'activité, le chiffre d'affaires s'élevait à 1,968 MF HT alors que pour la même période l'étude concluait à un chiffre d'affaires HT de 3,372 MF, l'écart étant alors, selon DM de 43 %, non démenti ;

Attendu que l'importance même de la différence entre prévision et réalisation, sur une période réduite quoique significative, comme s'étendant sur la durée d'un exercice environ, traduit l'erreur commise par l'auteur des prévisions; que d'ailleurs, en dehors des documents énonçant les comptes prévisionnels, on ne trouve pas de documents circonstanciés et analytiques sur quoi les premiers seraient fondés, tels que, comme prévus à la convention, étude de marché local, avis sur le choix du lieu ;

Attendu qu'ainsi ne peut-on mieux dire que le tribunal selon qui cet échec trouve son origine dans une erreur de base fondamentale générée par l'étude de marché totalement erronée, erreur qui constitue une faute du franchiseur puisqu'il faisait de ses prévisions une marque incontestable de son savoir-faire; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il impute cette erreur à la société CI et conclut à ce que cette erreur a été la cause de la déconfiture de DM qui a cessé son activité ;

Attendu que le franchisé DM a, quant à lui, accepté entièrement les prévisions produites par la société CI, procédé aux investissements onéreux préconisés et mis en œuvre les propositions faites ; que l'on peut tout de même s'interroger sur l'absence préalable de sens critique, pour un professionnel averti, s'engageant au seul vu des comptes prévisionnels présents, alors d'une part que des études concrètes et circonstanciées du marché local n'étaient pas, malgré stipulations conventionnelles, présentées, alors d'autre part que, prudemment, la même convention plaçait ces prévisions dans un contexte théorique hypothétique " d'une exploitation performante assurée dans d'excellentes conditions ", alors enfin, en troisième part, que MM. Montel étaient parfaitement connaisseurs des marchés auvergnats dans le domaine de leur commerce, leur enseigne couvrant par ailleurs dans la région une vingtaine de fonds ;

Attendu qu'ainsi la société DM a dès les débuts, ayant une connaissance propre de la nature et de l'importance du marché local au lieu d'implantation du magasin en cause, accepté sans réserve des prévisions optimistes ;

Attendu en second lieu que l'exploitation s'est poursuivie plusieurs mois ; que cette exploitation était le fait du franchisé, sans que l'argument qu'il invoque pour prétendre à une limitation abusive de sa liberté à ce titre s'avère exact ; qu'en effet il ne résulte aucunement de la convention de franchise que la société CM lui imposait un prix de revente; que les éléments de fait invoqués pour établir le contraire (prix marqué sur les produits et code barre contenant ledit prix, ce qui est d'ailleurs contesté par CM, sans que la Cour soit éclairée...) ne sont pas déterminants au regard de l'absence de stipulation expresse à ce titre dans un contrat par ailleurs circonstancié; qu'ainsi la société DM demeurait un commerçant indépendant ; que par ailleurs la clause de réserve de propriété, en cas de non paiement du franchiseur est dépourvue d'effet sur la nature de cette relation ; que la propriété des marchandises était classiquement transférée lors de la fourniture ; que la société DM était propriétaire de son stock ;

Attendu dès lors que l'exploitation du fonds comportait pour l'exploitant la responsabilité d'obtenir un chiffre d'affaires rentable par adaptation des prix de vente ;

Attendu par ailleurs que la discussion engagée sur le stockage, alors qu'il était convenu, au titre même du savoir-faire confié par CI à DM, une pratique dite de flux tendu de nature à réduire au plus juste un stock adapté, ne vient pas établir une faute du franchiseur ou une dépendance totale du franchisé ; que l'article 5 de la convention fait obligation au franchiseur d'apporter, en matière d'organisation commerciale, " l'approvisionnement régulier, au moins hebdomadaire, des produits en remplacement de ceux déjà vendus ou nouvelles gammes complétant la gamme restante au magasin et permettant toujours d'avoir le nombre d'articles prévus dans le plan de gammes " ;

Or attendu qu'il ne résulte pas des justifications produites que cette prescription n'ait été respectée par la société CI, ni, si le flux n'était pas conforme aux prescriptions conventionnelles qu'il y ait eu, au cours des mois d'exploitation, des protestations ou réclamations de la part de l'exploitant ;

Attendu enfin qu'il est à souligner que l'article 7 de la convention définit précisément que le franchisé demeure libre et responsable dans la direction de son fonds de commerce ou dans sa qualité de commerçant indépendant ;

Attendu qu'ainsi l'exploitation déficitaire du fonds a-t-elle pour cause, outre la faute initiale du franchiseur et des prévisions inadaptées, celle de l'exploitant qui n'a pas exercé sa liberté de commerçant indépendant pour adapter sa gestion au marché réel ;

Attendu qu'il est par ailleurs reproché au franchisé une concurrence déloyale par captation de savoir-faire et de techniques et par exploitation concurrentielle distincte ;

Attendu que des coupures de presse sont produites au soutien de cette assertion ;

Attendu que tout savoir-faire tombe tôt ou tard dans le domaine public ;

Attendu que des articles de journaux ne constituent pas une preuve ;

Attendu qu'il n'est aucunement établi que les spécificités de la convention de franchise aient été fautivement détournées des conditions conventionnelles de leur attribution à la société DM ; que cette demande doit être rejetée ;

Attendu qu'ainsi le jugement doit être confirmé en ce qu'il a résilié le contrat aux torts réciproques des parties ;

Les conséquences :

Attendu qu'il convient de distinguer les conséquences résultant de la résiliation du contrat et justifiant le paiement des sommes dues en vertu de ce contrat avant sa résiliation, et par ailleurs, celles résultant des fautes et constituant des dommages et intérêts pouvant être réduits dans leur montant par la faute commise par la victime ;

Attendu qu'ainsi au premier titre sont dues à la société CI, sans autre discussion, les impayés pour marchandises livrées et autres fournitures, soit les sommes de 1 359 256,80 F et 35 478,88 F ; que de même les redevances permanentes conventionnelles sont demeurées impayées pour 277 536,90 F ;

Attendu par contre que la réclamation au titre des frais financiers doit être rejetée dès lors que les intérêts légaux attachés aux sommes allouées ont pour objet de réparer ce chef de préjudice et que par ailleurs, en aucune façon, la société CI ne justifie de frais spécifiques ou plus élevés que ceux couverts par le taux légal ;

Attendu qu'ainsi la société DM doit-elle payer à la société CI la somme de 1 672 272,58 F assortie des intérêts au taux légal depuis l'arrêté de compte du 15 mai 1995 ;

Attendu que la réclamation de la société CI à titre de dommages et intérêts pour résiliation abusive et anticipée du contrat par la société DM est formulée à hauteur de 768 044,66 F représentant deux années de redevance en réparation du manque à gagner, outre 200 000 F à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que cette dernière somme ne correspond à aucun préjudice établi et doit être écartée ; que celle correspondant aux deux années de redevances est à écarter également, ce préjudice n'apparaissant nullement certain ; qu'en effet il résulte de l'analyse des fautes respectives commises par les parties que, même en l'absence de faute reprochable à la société DM, celle commise par CI suffisait à rendre impossible une exploitation rentable durable ; que dès lors, que l'exploitation ait cessé à sa date ou plus ou moins tard, cette cessation inévitable ne permet pas de retenir comme réalisé un préjudice pour pertes futures, non imputable à l'exploitant ;

Attendu que les autres préjudices allégués par la société CI ne sont pas constitués ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une cessation d'activité à Thiers dès lors que la concurrence déloyale alléguée n'est pas constituée ;

Attendu que de son côté la société DM peut prétendre au paiement des sommes suivantes :

Attendu que les investissements engagés pour satisfaire aux exigences de franchise sont dus à cette société, soit 931 192 F ; qu'en effet il apparaît, au vu des descriptifs de ceux-ci qu'ils consistaient en un aménagement des lieux propre au mode d'exploitation du franchiseur ; qu'en dehors d'une exploitation exercée dans le cadre de la franchise, ces frais ne sont pas de nature à permettre un profit ; qu'il n'est d'ailleurs pas soutenu par CI qu'ils puissent demeurer profitables pour la société DM après résiliation du contrat ; qu'il apparaît ainsi qu'ils ont été engagés à perte par cette société ; que ce préjudice qui est propre à la franchise et ne résulte pas de l'exploitation, est donc entièrement imputable à la société CI, la faute de DM dans l'exploitation étant sans effet réducteur de son montant ;

Attendu que les intérêts au taux légal sur cette somme seront dus ;

Attendu que les pertes finalement subies au terme de l'exploitation, selon le bilan établi au 31 décembre 1994, trouvent leur cause dans les fautes respectivement commises par les parties ; que la réparation est donc due par la société CI, à hauteur de sa part de responsabilité ; que cette part peut être appréciée à 50 % ; qu'il sera donc dû à ce titre la somme de 781 856 / 2 = 390 928 F ;

Attendu par contre que la privation de marges brutes entre les chiffres d'affaires réels et ceux prévus est un préjudice non constitué, ne serait-ce que parce que le chiffre d'affaires prévu n'était que prévisionnel et indicatif, donc incertain ;

Attendu que le préjudice au titre de la rupture fautive du contrat de franchise par la société CI, réclamé à hauteur de 10 000 F n'est établi ni dans sa nature et sa consistance, ni dans son montant ; que cette demande doit être écartée ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu à ordonner la reprise des stocks ;

Attendu que la capitalisation des intérêts sur les condamnations à charge de CI, réclamée par DM est de droit dès lors qu'elle est demandée ; que CI aurait dû en faire autant ;

Attendu qu'au total la société CI doit donc à la société DM la somme de 1 322 120 francs à titre de dommages et intérêts ; que cette somme portera intérêts aux taux légal à compter du jugement, la capitalisation intervenant par ailleurs conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

Attendu qu'il convient d'opérer compensation entre les sommes réciproquement dues, sous réserve de la comptabilisation des intérêts ; que ces créances réciproques seront donc arrêtées au jour du présent arrêt qui fait cesser le caractère litigieux de celles-ci et permet la compensation ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu à allocation au titre des frais irrépétibles de procédure ;

Attendu qu'il convient que chaque partie supporte les dépens, à hauteur de la moitié chacune ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation de la convention de franchise aux torts réciproques des parties ; Réformant : Condamne la société Diffusion Mode à payer à la société Camaïeu International la somme de 1 672 272,58 F (un million six cent soixante douze mille deux cent soixante douze francs et cinquante huit centimes) avec intérêts au taux légal depuis le 15 mai 1995 ; Condamne la société Camaïeu International à payer à la société Diffusion Mode la somme de 1 322 120 F (un million trois cent vingt-deux mille cent vingt francs) avec intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 1996, avec capitalisation conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ; Ordonne la compensation entre les créances qui seront arrêtées au jour de l'arrêt (principal et intérêts) ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne les deux sociétés à supporter la moitié des dépens chacune et autorise les avoués de la cause à recouvrer directement et dans les mêmes proportions ceux dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante.