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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 25 mars 1997, n° FCEC9710168X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Mustière (Sté), Yves Pemzec (Sté), Patrick Gimbert Négoce Auto (Sté)

Défendeur :

Ouest distribution courtage (Sté), Syndicat des professionnels européens de l'automobile

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocat général :

M. Salvat

Conseillers :

Mmes Beauquis, Guirimand

Avoué :

SCP Roblin-Chaix de Lavarene

Avocats :

Mes Guillin, SCP Fourgoux

CA Paris n° FCEC9710168X

25 mars 1997

Saisi le 28 juin 1995 par la société Ouest Distribution et Courtage (ODC 44) et par le Syndicat des professionnels européens de l'automobile (SPEA) à raison de pratiques mises en œuvre, lors d'un salon tenu à Saint-Nazaire du 1er au 5 juin 1995, par les établissements Prosalon ainsi que par plusieurs concessionnaires automobiles et tendant à l'éviction de deux mandataires, le Conseil de la concurrence, par décision n° 96-D-42 du 25 juin 1996, a infligé diverses sanctions pécuniaires à sept sociétés ou entreprises, et notamment, des sanctions d'un montant de 126 000 F à la société Mustière, de 60 000 F à la société Gilot, de 113 000 F à la société Patrick Gimbert Négoce Auto (PGN) et de 93 000 F à Yves Pemzec.

Le Conseil de la concurrence (le Conseil) a retenu :

- que les concessionnaires participant au salon " L'Art de vivre " de Saint-Nazaire (les sociétés Mustière, Patrick Gimbert Auto Négoce [PGN], Gilot, Bodet, et les entreprises personnelles ACV et Yves Pemzec) avaient demandé aux établissements Prosalon, organisateurs de la manifestation, d'en interdire l'accès à deux mandataires, les sociétés GEA et ODC 44; que, satisfaisant à cette demande, Prosalon avait envoyé le 31 mai 1995 à la société GEA une lettre lui interdisant l'accès au salon en raison des pressions exercées par plusieurs concessionnaires automobiles, et que le 1er juin 1995, à la suite d'une pétition des concessionnaires, le stand mis à la disposition d'ODC 44 avait été muré par l'organisateur, afin d'en interdire l'accès, et ce, jusqu'au 3 juin 1995, date à laquelle avait été exécutée une décision du juge des référés du 2 juin 1995 ordonnant la réouverture dudit stand ;

- qu'il appartenait éventuellement aux concessionnaires - s'ils estimaient que leurs pratiques étaient justifiées par le fait que les mandataires exposaient des véhicules d'occasion en contradiction avec le règlement du salon, ce qui au demeurant n'était nullement établi - d'utiliser les voies de droit, et non de mettre en œuvre des pratiques anticoncurrentielles ;

- que les sociétés dont les agissements étaient dénoncés s'étaient concertées pour empêcher les sociétés GEA et ODC 44 de participer au salon en cause; que les pratiques incriminées, qui tendaient à exclure les entreprises d'une telle manifestation et qui avaient pour objet et pouvaient avoir pour effet de limiter la capacité concurrentielle de ces entreprises, étaient contraires aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Par déclaration du 12 août 1996, les sociétés Mustière, Patrick Gimbert Négoce Auto (PGN) et Gilot, ainsi qu'Yves Pemzec, ont formé un recours en annulation et en réformation contre la décision du conseil.

La société Gilot s'est désistée de son recours le 23 septembre 1996.

Les sociétés Mustière et PGN, et Yves Pemzec, demandeurs au recours, concluent à la réformation intégrale de la décision, et, subsidiairement, à la diminution des sanctions infligées, en raison, d'une part, de l'absence de caractère anticoncurrentiel des pratiques constatées et, d'autre part, du caractère excessif desdites sanctions.

Les demandeurs font valoir, sur la base de la constatation, par le conseil, du fait que les établissements Prosalon ont notifié à la société GEA son exclusion du salon par lettre du 31 mai 1995, soit avant la signature de la pétition du 1er juin 1995 :

- que leurs agissements n'ont eu aucune finalité anticoncurrentielle, mais qu'ils ont eu seulement pour objet, dès l'origine, d'intervenir auprès de Prosalon afin que cette entreprise assure le respect des engagements contractuels conclus et des dispositions - qui s'imposaient également aux mandataires -, des prescriptions de l'article 11-5 du règlement général du salon prohibant l'exposition " de tout matériel d'occasion " ;

- que le conseil ne pouvait, en se dispensant de vérifier si l'effet anticoncurrentiel allégué était susceptible de porter atteinte de façon sensible au jeu de la concurrence, se borner à retenir que la participation à un salon automobile permettait aux concessionnaires locaux d'automobiles, aux importateurs ou aux intermédiaires en automobiles au sens des textes communautaires, de contacter la clientèle potentielle intéressée par ce type de véhicules, dès lors, en premier lieu, que le salon " L'Art de vivre " n'était que très partiellement celui de l'automobile et était consacré principalement à l'habitat et à la décoration, qu'en second lieu, la défection des constructeurs français représentant 55 % à 60 % du marché retirait nécessairement à ce salon une grande partie de son impact commercial, et qu'en dernier lieu, la participation à un tel salon n'était pas le seul moyen - pour les intermédiaires en automobiles au sens du règlement CEE n° 1475-95 - d'accéder à la clientèle potentielle, étant précisé qu'ODC 44 avait pu, finalement, participer au salon litigieux ;

- qu'enfin, la concurrence des sociétés ODC 44 et GEA n'était pas protégeable en soi, puisque ODC 44 entretenait la confusion entre son activité de mandataire et une activité de vente de véhicules d'occasion, qu'elle était en fait un revendeur non agréé de véhicules neufs, qu'elle pratiquait des ventes à primes prohibées par l'article 121-35 du Code de la consommation, et que, par ailleurs, les sociétés ODC 44 et GEA avaient fait l'objet de procédures collectives dans des conditions établissant qu'elles se livraient, au moment des faits appréciés par le conseil, à une concurrence artificielle, voire frauduleuse, et, en tout cas, incontestablement préjudiciable à l'intérêt de nombreux consommateurs ;

- que la décision du conseil ne défini pas le marché de référence, privant ainsi la cour de la possibilité d'apprécier l'effet sensible des pratiques contestées ;

- que les sanctions prononcées ont un caractère excessif, au regard de la situation financière respective de chacune des entreprises concernées, et au regard de l'effet causé à l'économie par les pratiques litigieuses.

Le ministre de l'économie rappelle, dans ses observations, que l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 vise l'objet ou l'effet anticoncurrentiel, et retient :

1. Sur l'absence d'objet anticoncurrentiel :

- que l'action concertée menée par les concessionnaires dans le but d'exclure deux mandataires du salon s'est traduite, dans un premier temps, par des pressions verbales émanant des concessionnaires et exercées sur l'organisation du salon, celles-ci ayant entraîné, le 31 mai 1995, l'exclusion par Prosalon de la société GEA, puis, le 1er juin 1995, par la signature d'une pétition adressée par les concessionnaires à Prosalon, laquelle a eu pour conséquence la fermeture du stand d'ODC 44 ;

- que ces agissements ont eu pour seul objet, au-delà du règlement invoqué par les concessionnaires, l'exclusion de deux mandataires du salon ;

2. Sur l'absence d'effet anticoncurrentiel :

- que l'article 7 de l'ordonnance vise l'effet, réel ou potentiel, susceptible de porter atteinte de façon sensible au jeu de la concurrence sur le marché ;

- que la participation à un salon permet aux concessionnaires locaux, aux importateurs et aux intermédiaires en automobiles au sens du règlement (CEE) n° 123-185, applicable en la cause, de se concurrencer sur le même marché de la vente de véhicules particuliers neufs ;

- que les salons sont, pour les vendeurs, une occasion essentielle de rencontre avec la clientèle du marché, ainsi que le démontrent les déclarations faites par le responsable de l'entreprise personnelle ACV, selon lequel " la présence sur ce salon était d'une importance capitale pour assurer la promotion de la marque " ;

- que les actions concertées ont eu un effet réel, puisqu'un des mandataires a été exclu du salon avant l'ouverture, et que le stand du second a été muré pendant une journée ;

- que les pratiques constatées ont eu pour effet de limiter l'accès des mandataires à la clientèle potentielle intéressée par leurs services et présente sur le salon ;

- que le droit de la concurrence tend à assurer un fonctionnement concurrentiel du marché, et non à réparer les actes, à les supposer caractérisés, de concurrence déloyale ;

3. Sur les sanctions :

- que l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dispose que le montant de la sanction est calculé à partir du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos, et non pas à partir des résultats nets ;

- que les sanctions prononcées, en conformité avec les modalités de détermination prévues par l'ordonnance du 1er décembre 1986, s'élèvent à 0,25 % du chiffre d'affaires et sont justifiées ;

- que, s'agissant du dommage sensible causé à l'économie, il est constitué en l'espèce par la limitation de l'accès de deux mandataires au marché de la vente de véhicules particuliers neufs.

Le Conseil de la concurrence a fait connaître qu'il n'entendait pas user de la faculté de présenter des observations écrites.

La société ODC 44 conclut avec le Syndicat des professionnels de l'automobile (SPEA) à la confirmation de la décision entreprise, en ce que celle-ci a estimé que les concessionnaires s'étaient concertés pour amener Prosalon à exclure ODC 44 de la manifestation du mois de juin 1995, ce qui avait eu pour objet et pour effet de limiter la capacité concurrentielle des mandataires sur le marché de la distribution automobile dans la région de Saint-Nazaire.

La société ODC 44 rappelle qu'elle exerçait normalement, au moment des faits, les activités de mandataire au sens du règlement (CEE) n° 123-85, en procédant à des importations parallèles pour le compte d'utilisateurs finaux de la région de Saint-Nazaire, et que c'est en cette qualité qu'elle avait réservé un stand au salon " L'Art de vivre ", où devaient également être présents des concessionnaires automobiles régionaux.

Les sociétés Mustière et PGN et Yves Pemzec répliquent :

- que, contrairement à l'affirmation du ministre de l'économie, l'opposition des mandataires était motivée, dès l'origine, par la volonté desdits mandataires d'exposer, en vue de leur vente, des véhicules d'occasion ;

- que les concessionnaires étaient fondés à demander à Prosalon de faire respecter le règlement général de la manifestation interdisant la vente de matériel d'occasion, sans prendre eux-mêmes l'initiative d'une procédure judiciaire ;

- que la concurrence à laquelle s'est livrée la société ODC 44 n'était pas protégeable, dès lors que cette société entretenait la confusion entre son activité de mandataire et celle de revendeur, et qu'elle ne s'acquittait pas de ses obligations fiscales, portant ainsi doublement préjudice aux intérêts des consommateurs qui sont aussi des contribuables ;

- que la décision du conseil ne définit pas le marché de référence et ne permet pas ainsi à la cour d'apprécier l'effet sensible des pratiques contestées ;

- que le seul effet de ces pratiques a été de priver la société ODC 44 de la jouissance de son stand pendant une seule journée, et que ni GEA ni ODC 44 n'ont été privées de la possibilité de s'adresser à la clientèle potentielle du salon, puisque ces deux sociétés ont poursuivi la distribution de tracts publicitaires aux visiteurs, en utilisant leur exclusion ou tentative d'exclusion de la manifestation comme un argument publicitaire.

La société ODC 44 et le Syndicat des professionnels européens de l'automobile répondent qu'il y a eu atteinte à une concurrence protégeable sur le marché de la distribution automobile dans la région de Saint-Nazaire, les pratiques dénoncées s'analysant en un boycott collectif et brutal de concurrents participant à une manifestation commerciale, dont l'impact sur le marché régional est important et qui porte une atteinte sensible à la concurrence.

Le ministère public conclut, à l'audience, à la confirmation de la décision frappée de recours, sur le fond et sur les sanctions, en exposant :

- que l'action des concessionnaires a eu un objet et un effet anticoncurrentiels certains ;

- que sur le marché de la distribution de véhicules automobiles neufs, concessionnaires et mandataires sont en situation de concurrence, et que la participation aux foires et aux salons est un élément essentiel d'accès à la clientèle et de pénétration du marché ;

- que le débat sur la licéité ou l'illicéité de l'approvisionnement d'ODC 44 n'a pas lieu d'être, puisque c'est en sa seule qualité de mandataire, exerçant dans les conditions du règlement européen, que cette société a fait l'objet d'un boycott, et non en qualité d'acquéreur-revendeur de produits neufs, qu'en toute hypothèse, il n'est pas établi que l'approvisionnement de la société a été illicite, et que si tel avait été le cas, il appartenait aux concessionnaires d'agir aux fins de reconnaissance de leurs droits devant les juridictions compétentes plutôt que de constituer une entente illicite et prohibée ;

- qu'il convient également d'écarter l'argumentation selon laquelle ODC 44 se serait livrée à des ventes à primes prohibées, dès lors que la commission d'une infraction n'est pas, en toute hypothèse, de nature à justifier une entente répréhensible, et qu'au demeurant, la publicité produite à l'appui de ces dires concerne des faits antérieurs de près de neuf mois à la tenue du salon ;

- qu'il n'y a pas lieu de s'arrêter au fait qu'ODC 44 aurait été en état de cessation des paiements, puisque la déclaration constatant cet état est survenue plusieurs mois après les faits.

Sur quoi, LA COUR :

Considérant que les constatations faites par le Conseil dans sa décision ne sont pas discutées ;

Qu'il est établi :

- que les sociétés Mustière, Patrick Gimbert Auto Négoce (PGN) et l'entreprise personnelle Yves Pemzec, concessionnaires participant au salon " L'Art de vivre " tenu à Saint-Nazaire du 1er au 5 juin 1995, ont mis en œuvre des pratiques tendant à l'exclusion du salon de deux mandataires, les sociétés GEA et ODC 44 ;

- que le 31 mai 1995, les concessionnaires ont demandé aux établissements Prosalon, chargés d'organiser la manifestation, d'expulser la société GEA et qu'à la suite de cette requête l'organisateur a adressé le même jour à cette société une lettre lui interdisant d'accéder au salon; que cette démarche a été accomplie sous la menace, de la part des concessionnaires, de quitter eux-mêmes le salon s'il n'était pas donné suite à leur demande ;

- que dans le but d'obtenir l'expulsion du second mandataire, la société ODC 44, dont la présence avait été constatée le 1er juin 1995, les concessionnaires ont adressé le même jour à ces fins une pétition aux établissements Prosalon et que ces établissements, sous la menace d'un boycott général, ont fait murer le stand mis à la disposition d'ODC 44 pour en interdire l'accès ; que ce stand n'a été réouvert sur décision judiciaire que le 3 juin 1995; que le concessionnaire Ford est parvenu à se retirer du salon, les autres concessionnaires en ayant été empêchés ;

- que, par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le conseil a bien défini le marché de référence, à savoir celui de la distribution automobile dans la région de Saint-Nazaire, comme le rappellent la société ODC 44 et le Syndicat des professionnels de l'automobile dans des écritures, sur ce point, non discutées par les sociétés Mustière et PGN et Yves Pemzec ;

Considérant qu'en raison de la volonté délibérée d'éviction des mandataires, manifestée de façon dépourvue d'ambiguïté et réitérée par les concessionnaires, l'argumentation selon laquelle l'action menée aurait eu pour seul objet le respect du règlement du salon interdisant la vente de matériel d'occasion ne peut être admise; que n'est pas de nature à modifier cette analyse le constat d'huissier produit par les demandeurs au recours et faisant état de la présence le 1er juin 1995, sur le stand ODC 44, d'un véhicule Renault Twingo affichant 4 000 kilomètres environ au compteur, dès lors qu'il est indiqué qu'il s'agit d'un véhicule d'exposition, non destiné à la vente ;

Considérantsur le caractère de sensibilité de l'effet anticoncurrentiel en cause , que le salon " L'Art de vivre ", présenté dans la presse locale comme " le salon de l'auto et de l'habitat " concernait notamment le marché du véhicule neuf dans la région de Saint-Nazaire; qu'il a regroupé en fait des importateurs de grandes marques internationales (Ford, Fiat, Alfa Romeo, Opel, Volvo, Honda, ...) représentant, sur le marché national, environ 45 % des parts de marchés ;

Que,sur le marché de la distribution de véhicules automobiles neufs, concessionnaires et mandataires sont en situation de concurrence ; que la participation à un salon permet aux concessionnaires d'automobiles, aux importateurs locaux ou aux intermédiaires en automobiles de rencontrer la clientèle potentielle intéressée ; que cette participation constitue un support publicitaire privilégié du marché automobile et un élément essentiel d'accès à la clientèle et de pénétration du marché, la circonstance qu'il subsiste des possibilités de promotion dans le cadre d'autres canaux de distribution étant sans incidence à cet égard ;

Considérant quel'utilisateur final, désireux d'acquérir un véhicule, doit pouvoir recourir aux services de l'intermédiaire de son choix, mandataire ou concessionnaire automobile ; qu'en conséquence, ces deux opérateurs économiques, en dépit des différences de leurs statuts juridiques, sont en concurrence sur le marché du négoce des véhicules et doivent avoir accès sans discrimination aux différents supports publicitaires, faculté qui est expressément prévue pour les mandataires en automobiles par le règlement (CEE) n° 123-85 du 12 décembre 1984, applicable en l'espèce ;

Considérant qu'il importe peu au regard de ce qui précède, contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, que les concessionnaires de marques françaises aient été absents du salon de Saint-Nazaire ou que la société ODC, grâce à une décision judiciaire, ait pu après son éviction le 1er juin 1995 de nouveau participer à ce salon, et ce, à partir du 3 juin 1995 ; que ces circonstances ne sont pas de nature à faire disparaître les agissements dénoncés ;

Considérant, en cet état,qu'il ne peut être utilement soutenu que les pratiques discutées ont été dénuées d'effet sensible; qu'il convient d'ajouter, pour caractériser cet effet anticoncurrentiel, que l'éviction entreprise par les concessionnaires au cours du salon de Saint-Nazaire tendait non seulement à la limitation du libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises, mais également, à l'élimination d'une forme de concurrence par les prix ;

Considérant, sur l'atteinte à une concurrence protégeable, qu'il convient de retenir :

- au regard de la réglementation européenne, que la société ODC 44 a été exclue du salon " L'Art de vivre " en sa qualité de mandataire, exerçant dans les conditions du règlement européen 123-85, et non en tant qu'acquéreur-revendeur de produits neufs; qu'en outre, il n'a pas été recherché, et qu'il n'apparaît pas, au demeurant, que l'approvisionnement de cette société aurait été illicite; que d'ailleurs, si tel avait été le cas, les concessionnaires, disposant d'un droit d'agir devant les juridictions compétentes pour faire reconnaître leurs droits, n'auraient pas été fondés, pour autant, à procéder à des ententes prohibées ;

- au regard de la commission, prêtée à ODC 44, de ventes avec primes prohibées, que les concessionnaires ne prouvent nullement l'existence de telles pratiques, et produisent seulement, à l'appui de leurs dires, une publicité concernant des faits antérieurs de près de neuf mois à la tenue du salon et sans rapport avec ceux de la procédure; que sont également sans relation avec les agissements soumis à la cour, et par conséquent dépourvues de toute incidence, les allégations des demandeurs relatives à la cessation de paiement d'ODC 44, survenue au cours de l'année 1996, postérieurement à la manifestation du salon de Saint-Nazaire ;

Considérant, dans ces conditions, que les pratiques d'exclusion des sociétés Mustière, Patrick Gimbert Auto Négoce (PGN) et de l'entreprise personnelle Yves Pemzec, ainsi que l'a justement estimé le conseil, ont eu pour objet et ont pu avoir pour effet de limiter la capacité concurrentielle des entreprises qu'elles visaient ; qu'elles constituent, dès lors, des ententes prohibées, au sens des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Sur les sanctions :

Considérant que, selon l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, dont les termes ont été rappelés par le conseil dans sa décision, le montant maximal de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos; que cette sanction doit être proportionnée à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ;

Considérant que les requérants soutiennent que le montant des sanctions représente un pourcentage élevé de leurs résultats nets et de la rentabilité actuelle de leur entreprise, et qu'il est excessif au regard de l'effet causé au marché ;

Considérant, cependant, que, pour justifier les sanctions infligées, qui représentent environ 0,25 % du chiffre d'affaires des entreprises concernées, le conseil a justement tenu compte, en premier lieu, de la gravité de l'atteinte portée à la concurrence du fait des pratiques d'exclusion commises à l'égard de deux mandataires et du préjudice constitué par l'affaiblissement du succès commercial de la manifestation du salon "L'Art de vivre" ainsi que par la diminution des possibilités de choix des consommateurs, et, en second lieu, des résultats financiers des entreprises en cause pour l'année 1994 ou 1995, à partir du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos ;

Considérant que les principes de motivation et de proportionnalité ayant été respectés, la cour ne trouve pas motif à modification des sanctions prononcées par le Conseil de la concurrence,

Par ces motifs : Constate le désistement de la société Gilot ; Rejette les recours des sociétés Mustière, Patrick Gimbert Négoce Auto (PGN) et Yves Pemzec; Met les dépens à la charge des requérants.