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Décisions

Cass. com., 27 janvier 1998, n° 96-11.080

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

ITM France (SA)

Défendeur :

Colgate-Palmolive (Sté), Procter et Gamble France (Sté), Henkel France (Sté), Scarmor (Sté), Scaouest (Sté), Socamaine (Sté), Scanormande (Sté), Scaso (Sté), Scadif (Sté), Socara (Sté), Scapalsace (Sté), Galec (Sté), Lever (Sté), Scachap (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Nicot (faisant fonctions)

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

M. Mourier

Avocats :

SCP Delaporte, Briard, Me Ricard.

Cass. com. n° 96-11.080

27 janvier 1998

LA COUR : - Donne acte à la société anonyme ITM France de son désistement envers les sociétés Colgate-Palmolive, Procter et Gamble France, Henkel France, Scarmor, Scaouest, Socamaine, Scanormande, Scaso, Scadif, Socara, Scapalsace, Galec, Lever, Scachap ; - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 13 décembre 1995) que le Conseil de la concurrence a été saisi en 1992, par le ministre de l'Economie, de pratiques mises en œuvre sur le marché des lessives par les sociétés Henkel France, Lever, Procter et Gamble France, et Colgate Palmolive, fournissant ensemble près de 90 % des produits vendus en France ; que ces lessives sont vendues à hauteur de 30 % par deux distributeurs regroupés sous les enseignes de Leclerc et Intermarché ; qu'en ce qui concerne les commerçants arborant l'enseigne Leclerc, ceux-ci se groupent au sein de sociétés coopératives d'achat régionales au nombre de 16, elles-mêmes étant réunies à l'échelon national au sein de la société coopérative Galec ; que les magasins Intermarché sont liés par des contrats de franchisage à la société ITM entreprises, la politique commerciale de l'ensemble des distributeurs portant l'enseigne Intermarché étant définie par la société ITM France ; que le Conseil, ayant estimé constitutif d'ententes prohibées un certain nombre de pratiques liées au référencement de produits lessiviers par un certain nombre de sociétés de distribution, a prononcé à l'encontre des auteurs de ces pratiques illicites des sanctions pécuniaires ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la société ITM France fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du Conseil de la concurrence l'ayant condamnée au paiement d'une sanction pécuniaire, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en l'absence de dispositions spécifiques expresses d'origine législative, la notification du rapport obéit aux règles de portée générale édictées en la matière par le nouveau Code de procédure civile ; que, conformément à ces règles, la notification, s'agissant d'une société, doit être effectuée au siège social de celle-ci ; qu'à défaut d'une telle notification, le délai impératif imparti à la société destinataire pour produire un mémoire en réponse prévu à l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne peut courir et cette société ne peut se voir privée du bénéfice de ce délai de deux mois pour assurer sa défense dans le cadre de la procédure devant le Conseil de la concurrence ; qu'en l'espèce, le rapport établi par le rapporteur a été adressé à la société ITM France en ses locaux commerciaux situés à Longjumeau alors que son siège social est installé à Paris, étant précisé qu'il n'est ni allégué ni établi que le Conseil de la concurrence n'ait pu connaître l'adresse de ce siège social du fait du comportement de la société ITM France et qu'il n'est pas contesté, au contraire, que le Conseil de la concurrence avait connaissance de cette adresse, y ayant précédemment à la notification du rapport fait parvenir un courrier de convocation aux fins d'audition du président de la société ITM France ; qu'en conséquence, cette notification n'a pas fait courir à l'égard de la société ITM le délai de dépôt du mémoire en réponse au rapport ; que la cour d'appel en a cependant décidé autrement, violant par là même ensemble les dispositions de l'article 6, paragraphe 1, et de l'article 6, paragraphe 2 b, de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article 18 de l'ordonnance de 1986 et les dispositions de l'article 21 de cette même ordonnance ; alors, d'autre part, que, dans ses conclusions prises devant la cour d'appel, la société ITM France faisait valoir que ni la notification des griefs, ni le rapport ne traitaient de l'argumentation développée par le Conseil de la concurrence sur la base du rapprochement, du courrier de la société Henkel à la société ITM France en date du 3 mai 1990, du courrier de la société ITM France en date du 2 juillet 1990 auquel étaient annexés différents relevés de prix afférents à l'année 1990 commandés par cette dernière à la société Panel de gestion, de troisième part, de l'exemplaire de l'Argus de la distribution n° 87 valable du 9 au 28 avril 1990, toutes pièces qui ne figuraient pas dans celles annexées au rapport, de sorte que la société ITM France n'avait eu connaissance de cette argumentation qu'à la lecture de la décision et n'avait pas été invitée à y répondre lors de la séance et la société ITM France en déduisait que la procédure devant le Conseil de la concurrence n'avait pas été pleinement contradictoire en violation de l'article 18 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que, pour décider que ce moyen et ses éléments de fait se trouvaient dans le débat, la cour d'appel s'est bornée à constater qu'en pages 29 et 30 de la notification des griefs, le rapporteur avait fait figurer des tableaux reprenant les relevés de prix et qu'il avait fait ressortir en conclusion que le prix relevé correspondait au prix indicatif diffusé auprès des magasins de la société ITM, éléments chiffrés et argumentation qui ne concernaient que la seule année 1991, la cour d'appel n'a pas établi que l'argumentation et les éléments de fait relatifs à l'année 1990 avaient fait l'objet d'une discussion contradictoire et ne s'est donc pas expliquée sur le moyen soulevé par la société ITM sur ce point, privant par là même sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 18 de l' ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors, enfin, que la présence du rapporteur et du rapporteur général au délibéré du Conseil de la concurrence, rapporteur qui est susceptible de par sa connaissance approfondie du dossier de conférer une orientation nouvelle à l'affaire sur laquelle les parties n'auraient pas eu à se prononcer, est de nature à priver celles-ci des garanties que sont le principe du respect dû au contradictoire et l'égalité des armes entre les parties et consacre par là même la méconnaissance de l'exigence d'un procès équitable posée par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; que décidant, en l'espèce, que la présence du rapporteur général et du rapporteur, sans voix délibérative, au délibéré du Conseil de la concurrence qui n'a fondé sa décision que sur des éléments du rapport, constatation parfaitement erronée ainsi que le démontrent les précédents développements de ce mémoire ampliatif, n'avait pas entaché de nullité la décision prononcée par celui-ci, la cour d'appel a statué en violation des dispositions sus-évoquées ;

Mais attendu, d'une part, qu' aucune disposition de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne prévoit que la notification du rapport doit être faite au siège social dès lors que l'entreprise concernée a pu avoir connaissance de ce rapport et a disposé du délai de deux mois prévu par l'article 21 de l'ordonnance pour y répondre ;qu'en l'espèce, la cour d'appel ayant relevé que la notification des griefs avait été faite avant l'envoi du rapport à l'adresse des locaux commerciaux de la société ITM France, sans que cette entreprise ait fait savoir ultérieurement qu'elle demandait que le rapport soit adressé à son siège social, l'arrêt n'encourt pas les griefs de la première branche du premier moyen ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt ayant constaté que la liste des prix figurant aux annexes du rapport " était reprise dans les tableaux des pages 29 et 30 de la notification des griefs " à partir des " relevés de prix adressés le 2 juillet 1990 par ITM à la société Henkel ", il en découlait que la société ITM France avait eu connaissance de ces éléments de preuve, qui étaient dans le débat, et avait eu la possibilité d'en contester contradictoirement la véracité, ce qu'elle n'a pas fait ;

Attendu, enfin, que l'article 25 de l'ordonnance énonce que le rapporteur et le rapporteur général assistent au délibéré sans voix délibérative ;qu' en l'espèce, la cour d'appel ayant constaté que le Conseil n'avait " fondé sa décision que sur les éléments du rapport discutés contradictoirement ", il n'est pas justifié que le principe de la contradiction ait été violé en méconnaissance des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société ITM France fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours, alors, selon le pourvoi, que la production, devant la cour d'appel saisie d'un recours tendant à l'annulation et la réformation d'une décision de sanction prononcée par le Conseil de la concurrence, d'observations écrites émanant de cette autorité administrative et répondant aux critiques émises par les parties à l'encontre de sa propre décision, est de nature à fausser le débat devant la juridiction judiciaire et méconnaît en conséquence l'exigence d'un procès équitable posée par l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que les dispositions de l'article 9, alinéa 1, du décret du 19 octobre 1987 relatif aux recours exercés devant la Cour d'appel de Paris, qui prévoient que le Conseil de la concurrence qui n'est pas partie à l'instance a la faculté de présenter des observations écrites lors de l'instance de la cour d'appel, ne sont pas de nature à fausser le débat dans la mesure où les parties ont la possibilité de répliquer aux observations de cette autorité administrative ;qu' ayant relevé qu'il n'était pas " établi ni même soutenu que le principe de la contradiction aurait été violé ", par le fait que le Conseil de la concurrence ait adressé des observations écrites à la cour d'appel concernant ce litige, l'arrêt n'encourt pas les griefs du moyen ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que la société ITM France fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours, alors, selon le pourvoi, que tout jugement doit à peine de nullité contenir l'exposé de prétentions respectives des parties et de leurs moyens ; que ne satisfait pas à cette exigence l'arrêt qui omet de relater l'une des demandes présentée par l'une des parties et les moyens soulevés au soutien de celle-ci ; qu'en l'espèce, ne ressortent pas des énonciations de l'arrêt attaqué ni la contestation élevée par la société ITM France s'agissant de l'avantage octroyé par Henkel pour progression du chiffre d'affaires, ni les moyens décisifs soulevés par la société ITM France au soutien de cette même demande ; que, par l'omission de ces mentions d'un caractère substantiel, la décision frappée de pourvoi a méconnu les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu' aucun texte ne déterminant sous quelle forme la mention des prétentions et des moyens doit être faite, il suffit qu'elle résulte, même succinctement, des énonciations de la décision ;qu'il ressort de la motivation de l'arrêt attaqué qu'il a été répondu à l'argumentation de la société ITM France concernant la ristourne que lui accordait la société Henkel, l'arrêt ayant relevé que " cet avantage artificiel ne saurait être justifié ni par le fait que le groupement ITM était l'un des deux clients les plus importants, ni par la volonté légitime exprimée par Henkel de reconquérir un marché " ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen, pris en ses six branches : - Attendu que la société ITM France fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, dans le document intitulé "relevé mois de mai" relatif notamment au produit Super Croix 5 kg et au produit le Chat machine 5 kg, figurent exclusivement, aux côtés des magasins d'enseigne concurrente de l'enseigne Intermarché, des bases Intermarché en regard desquelles est indiqué un prix; que, pour retenir l'existence d'un indice de la fixation impérative des prix par ITM, la cour d'appel a énoncé que ce document constituait "un relevé des prix du mois de mai 1990 opéré par "le panel" de la distribution tant auprès des magasins Intermarché qu'auprès de concurrents"; qu'en statuant par ces motifs, la cour d'appel a dénaturé, en substituant à la mention "base (Intermarché)" le terme "magasin (Intermarché)" les termes clairs et précis du document considéré, violant par là-même les dispositions de l'article 1134 du Code civil; alors, d'autre part, que sur le document précité, apparaît uniquement l'expression "relevé mois de mai" et dans un titre distinct, la mention "liste par prix croissants" sans précision sur la ou les sources d'information sur les prix indiqués; que l'arrêt attaqué fait état de "la mention du document indiquant qu'il s'agit de prix "relevés" et du "fait que ce prix a été porté sur un relevé de prix effectivement pratiqués", pour rejeter l'argumentation de la société ITM France tendant à constater l'existence d'un alignement des prix relatifs aux produits considérés sur le prix conseillé par l'Argus en vigueur à l'époque et des prix constatés dans les points de vente Intermarché; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a dénaturé, ajoutant aux mentions du document l'expression "prix relevés" et "prix effectivement pratiqués", en méconnaissance des dispositions de l'article 1134 du Code Civil; alors, en outre, que, dans ses conclusions en réplique prises devant la cour d'appel, la société ITM France articulait que le courrier de la société Henkel en date du 3 mai 1990 aux termes duquel "nous avons noté votre volonté de maintenir les prix de vente publics du Super Croix 5 kg à 48,30 francs et le Chat 5 kg à 50,75 francs", ne pouvait révéler le prix pratiqué par les différents points de vente exploités sous l'enseigne Intermarché dès lors qu'il ne peut s'agir que du souci de maintenir sans augmentation, au présent comme pour le futur, le niveau maximum des prix publics, tels que conseillés aux adhérents; que la cour d'appel de Paris ne pouvait précisément pas retenir les termes de cette lettre à titre d'indice pertinent d'une entente résultant de la pratique de prix imposés sans rechercher, ainsi que l'y invitaient les conclusions de la société ITM France, si les prix publics en cause ne constituaient pas des prix maximum conseillés qu'entendaient maintenir la société ITM; qu'à défaut de s'être expliquée sur ce moyen déterminant soulevé par la société ITM, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; alors, encore, que la charte des Mousquetaires dispose que "... la pratique des prix bas ne doit pas avoir pour conséquence de mettre l'entreprise en difficulté. Dans la mesure où le plus juste prix est calculé par le Groupement, l'adhérent ne saurait le baisser encore d'une manière normale..."; que la cour d'appel a retenu que "... les principes mêmes qui, par la charte des Mousquetaires, gouvernent les relations entre ITM et ses franchisés, leur font obligation de ne pas s'éloigner, dans des proportions trop importantes, des prix établis dans cette chaîne...", pour en déduire que les prix figurant à l'Argus de la distribution constituaient, sous couvert de prix maximum conseillés, des prix imposés; qu'en se prononçant de la sorte, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la charte des Mousquetaires en conférant un caractère impératif à une simple mise en garde, assortie d' aucune sanction, contre les risques sur le plan économique et légal inhérents à la baisse des prix s'accompagnant, abstraction faite de son ampleur, du franchissement du seuil de revente à perte, statuant par là-même en violation des dispositions de l'article 1134 du Code civil; alors, de surcroît que, pour retenir l'existence d'une entente résultant de la publication de prix dans l'Argus de la distribution, la cour d'appel s'est bornée à relever, d'une part, qu'Intermarché invite de manière vigoureuse ses adhérents à respecter les prix maximum indiqués à l'Argus qui ne réservent pas, par leur caractère très bas, une marge importante et, d'autre part, qu'en toute hypothèse, les mentions de l'Argus ne précisent pas clairement que les prix indiqués sont maximum ou conseillés; que n'ayant pas constaté que les engagements contractuels liant l'adhérent au groupement Intermarché ou que des mesures contraignantes exercées par ce dernier mettaient l'adhérent dans l'impossibilité de s'écarter des prix maximum recommandés par l'Argus de la distribution, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'absence d'autonomie de l'adhérent pour déterminer ses prix de vente publics, pourtant seule de nature à justifier la qualification d'entente illicite par les prix, privant par là-même sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; et alors, enfin, que, dans ses conclusions en réponse au recours incident du ministre de l'Economie, la société ITM France faisait valoir que le marché français des lessives de nature fortement oligopolistique induit nécessairement des comportements similaires, le produit étant largement prévendu, de sorte qu'il est particulièrement artificiel de prétendre que le groupement Intermarché serait à l'origine des dysfonctionnements prétendument constatés sur le marché des lessives sur lequel s'exerce une concurrence exacerbée; que la société ITM France ajoutait par ailleurs que la sanction réclamée ne reposait sur aucun fondement dès lors qu'il n'a pas été procédé à quelconque examen permettant d' apprécier au plan national l'existence de points de vente exploités sous l'enseigne Intermarché pouvant se trouver entre eux dans une situation de concurrence, l'appréciation de la notion de zone de chalandise étant au surplus susceptible d'évolution, la société ITM France soulignait encore que la diffusion sur le marché des brochures analogues à l'Argus excluait que la publication de l'Argus par Intermarché exerce un effet anticoncurrentiel sensible; qu'à défaut de s'être expliquée sur ces chefs péremptoires des écritures de la société ITM France qui étaient de nature à démontrer qu'à supposer la diffusion de l'Argus constitutive d'une entente, l'atteinte qu'elle portait prétendument à la concurrence n'était pas même identifiée et qu'en tout état de cause qu'elle ne pouvait avoir d'effet qu'extrêmement peu sensible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de preuve retenus par le Conseil de la concurrence, a constaté que la société ITM France "a adressé à la société Henkel le 2 juillet 1990 un relevé des prix du mois de mai 1990 opéré par le Panel de la distribution, tant auprès des magasins Intermarché, qu'auprès de concurrents, organisme dont le distributeur souligne lui-même le professionnalisme" et que "ce document fait apparaître une parfaite identité des prix effectivement relevés dans 11 "bases d'approvisionnement" retenus par le Panel de la distribution, après publication de l'Argus n° 87, ainsi qu'une identité avec les prix de vente conseillés"; que l'arrêt a précisé également que la mention du document indiquant qu'il s'agissait de prix relevés, contredisait la thèse de la société ITM France selon laquelle il s'agirait non de prix publics pratiqués mais de prix conseillés à ces "bases", lesquelles "constituent une implantation logistique du groupement permettant d'optimiser le ravitaillement des points de vente"; que la cour d'appel a ainsi constaté que "ce relevé de prix" indiquait les prix effectivement pratiqués par les magasins Intermarché, cette affirmation étant corroborée, selon les constatations de l'arrêt, par le courrier en date du 3 mai 1990 de la société Henkel qui indiquait à la société ITM France "nous avons bien noté votre volonté de maintenir les prix de vente publics de... Super Croix 5 kg à 48,30 francs... le Chat 5 kg à 50,75 francs" correspondant également aux prix indiqués par l'Argus et relevés par le Panel de la distribution; qu'ainsi, la cour d'appel n'encourt pas les griefs des trois premières branches du moyen;

Attendu, en deuxième lieu que l'arrêt constate "que les revendeurs disposent en réalité d'une marge de manœuvre réduite à l'extrême par le caractère très bas des prix maximum figurant à l'Argus, dans un contexte de grande tension des prix des lessives sur le marché et par les principes mêmes qui, par la Charte des Mousquetaires, gouvernent les relations entre ITM et ses franchisés, leur faisant obligation de ne pas s'éloigner, dans des proportions trop importantes, des prix établis dans cette chaîne de distribution développant une image de pratique de prix bas" ;que,s'étant également référée aux constatations du Conseil de la concurrence qui a relevé que le contrat de franchisage souscrit par toutes les sociétés faisant parties du "groupement Intermarché" lui interdisait de pratiquer des prix supérieurs "au prix maximum" ou de "le baisser encore d'une manière anormale", la cour d'appel a légalement justifié sa décision au regard de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Attendu, enfin, que l'arrêt, qui s'est référé aux constatations du Conseil de la concurrence, a relevé que "le groupement de commerçants indépendants Intermarché, qui occupait, selon la société Secodip, la deuxième place en 1993 dans la distribution en grandes et moyennes surfaces sur le plan national, les magasins qui y sont affiliés ayant réalisé en 1993 un chiffre d'affaires global de 117 milliards de francs, a mis en œuvre une entente anticoncurrentielle en proposant au consommateur les lessives à un prix unique sur l'Argus de la distribution, support diffusé sur l'ensemble du territoire national à plusieurs millions d'exemplaires"; que, par ces constatations, la cour d'appel n'encourt pas les griefs de la dernière branche du moyen; Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;

Sur le cinquième moyen : - Attendu que la société ITM France fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours, alors, selon le pourvoi, que, dans ses conclusions régulièrement produites aux débats, la société ITM France soutenait que la remise accordée par la société Henkel en fin d'année, en dehors de tout accord préalable, avait pour objet de réparer partiellement la discrimination dont avait été victime la société ITM France par rapport à d'autres clients comparables; que la société ITM France n'était, quoiqu'il en soit, pas en mesure d'analyser cet avantage comme une mesure discriminatoire compte tenu de l'opacité du marché et de la forte progression du chiffre d'affaires avec ce fournisseur et, enfin, que cette mesure de compensation étant intervenue a posteriori, elle ne pouvait affecter la concurrence par les prix et, en conséquence, être sanctionnée sur le fondement de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant pour la solution du litige, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences posées par l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

Mais attendu que l'arrêt a énoncé que l'avantage "artificiel" concédé par la société Henkel à la société ITM France "non versé aux distributeurs concurrents et qui ne saurait être justifié ni par le fait que le groupement ITM était l'un des deux clients les plus importants, ni par la volonté légitime exprimée par Henkel de reconquérir un marché, s'élève à 1 293 493 francs; que cette pratique, qui permet à la société Henkel de mieux résister aux demandes de concessions tarifaires présentées par les autres distributeurs, est également discriminatoire à l'égard des autres fournisseurs; qu'elle est de nature à porter une atteinte sensible au libre jeu de la concurrence"; que, par cette motivation, la cour d'appel a répondu à l'argumentation développée par la société ITM France; que le moyen n'est pas fondé;

Sur le sixième moyen, pris en ses deux branches : - Attendu, enfin, que la société ITM France fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, dans ses conclusions en réponse au recours incident du ministre de l'Economie, la société ITM France soutenait que l'article 13 de l'ordonnance de 1986 exige que la sanction soit proportionnée à la gravité des faits et aux dommages causés à l'économie et qu'à cet égard la sanction réclamée par le ministre ne reposait sur quelque fondement dès lors qu'il n'a pas été examiné quels étaient les points de vente susceptibles de se trouver en situation de concurrence, l'appréciation de la notion de zone de chalandise étant au surplus susceptible d'évoluer rapidement; qu'en énonçant que la société ITM France ne contestait pas la motivation de la proportionnalité des sanctions encourues, la cour d'appel a dénaturé les termes de ces conclusions en violation des dispositions de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile; et alors, d'autre part, et en tout état de cause, que, se bornant à se référer à la description des pratiques reprochées et à adopter implicitement les motifs de la décision du Conseil, qui, prononçant une sanction pécuniaire globale au titre de deux pratiques anticoncurrentielles distinctes en considération exclusivement de la position occupée par la société ITM France sur le marché des lessives, la cour d'appel n'a pas apprécié de manière concrète s'il existait une proportionnalité entre la peine infligée, la gravité de chacun des faits imputés et le dommage porté à l'économie du marché considéré, privant par là-même sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1976;

Mais attendu, d'une part, que la société ITM France, en ce qui concerne la détermination du montant de la sanction pécuniaire, a essentiellement dans ses écritures devant la cour d'appel répondu à l'argumentation du ministre de l'Economie qui demandait que soit pris en considération le montant du chiffre d'affaires du "groupement Intermarché" et non celui de cette seule société, les points de vente des magasins portant l'enseigne Intermarché étant, selon la société ITM France, en situation de concurrence les uns par rapport aux autres; que c'est donc, hors toute dénaturation, que la cour d'appel a pu énoncer que "la société ITM ne conteste pas la motivation de la proportionnalité des sanctions reconnues à (son) encontre";

Attendu, d'autre part, que c'est en se référant à la motivation du Conseil de la concurrence, qui avait de façon concrète analysé les pratiques illicites de la société ITM France, que la cour d'appel a infligé à cette entreprise une sanction pécuniaire de 7,5 millions de francs; que le Conseil avait, en effet, relevé que "le groupement de commerçants indépendants Intermarché, qui occupait, selon la société Secodip, la deuxième place en 1993 dans la distribution en grandes et moyennes surfaces sur le plan national, les magasins qui y sont affiliés ayant réalisé en 1993 un chiffre d'affaires global de 117 milliards de francs, a mis en œuvre une entente anticoncurrentielle en proposant au consommateur les lessives à un prix unique sur l'Argus de la distribution, support diffusé sur l'ensemble du territoire national à plusieurs millions d'exemplaires; que, par ailleurs, ce groupement a obtenu en application d'un accord signé avec la société Henkel, un avantage discriminatoire et injustifié; que la société ITM France, qui définit et coordonne la politique commerciale du groupement Intermarché, a réalisé un chiffre d'affaires de 728 888 232 francs sur le plan national au cours de l'exercice 1993, dernier exercice connu"; qu'en approuvant cette motivation, la cour d'appel n'encourt pas les griefs du moyen; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.