Livv
Décisions

Conseil Conc., 23 novembre 1993, n° 93-D-50

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Secteur des matériels et des films destinés aux arts graphiques industriels

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Adopté sur le rapport de M. Jean-Claude Facchin, par MM. Barbeau, président Cortesse, vice-président, , Blaise, Robin, Rocca, Sloan, Thilion, Urbain, membres.

Conseil Conc. n° 93-D-50

23 novembre 1993

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE,

Vu la lettre enregistrée le 9 décembre 1991 sous le numéro F. 458 par laquelle le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, a saisi le Conseil de la concurrence de la situation de la concurrence dans le secteur des films destinés aux arts graphiques industriels ; Vu le traité du 25 mars 1957 modifié instituant la Communauté européenne modifiée, et notamment son article 85, ensemble le règlement n° 17-62 du Conseil de la Communauté européenne modifiée, pris pour son application ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu la décision du président du Conseil de la concurrence n° 92-DSA-24 du 22 décembre 1992 retirant plusieurs pièces du dossier ; Vu les observations présentées par la société Agfa Gevaert et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et la société Agfa Gevaert entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (II) ci-après exposés :

I - CONSTATATIONS

A. - Le secteur et les marchés concernés

Les surfaces sensibles sont des matériaux photographiques utilisés dans diverses applications, dont les arts graphiques industriels, qui concourent à la création et à la réalisation d'imprimés et de formes imprimantes. On distingue neuf grands types de films, neuf familles ou gammes, non substituables entre eux, dont les films Line et Diffusion Transfer.

Les films Line permettent la reproduction d'originaux au trait ou tramés. Ils sont développés selon la rapid access method (ou RAM) à partir de produits chimiques ad hoc et d'une machine à développer permettant des bains à température élevée.

Les films Diffusion Transfer utilisent le procédé de transfert par diffusion et ils sont utilisés pour la photographie instantanée, permettant d'obtenir en quelques secondes une image positive développée.

Outre les surfaces sensibles, les fabricants et importateurs du secteur offrent à leurs clients la vente de matériels et équipements destinés à leur laboratoire. Il en va ainsi pour la société Agfa Gevaert qui vend notamment des développeuses monobain pour le traitement des films Copy Proof et des matériels de photocomposition (équipements informatiques, scanners, imprimantes laser, photocomposeuses, unités d'insolation laser) ainsi que les consommables associés (polices de caractères, toner, etc.).

Les ventes en France de surfaces sensibles destinées aux arts graphiques ont presque doublé en dix ans, de 1980 (6 157 000 mètres carrés) à 1990 (11 601 000 mètres carrés). Pour ce qui concerne les films Line, elles sont passées de 2 947 000 mètres carrés en 1988 à 3 099 000 mètres carrés en 1989 et 2 997 000 mètres carrés en 1990. Pour ce qui concerne les films Diffusion transfer, elles sont passées de 4 479 000 mètres carrés en 1989 à 3 769 000 mètres carrés en 1990.

La demande de ces surfaces sensibles émane de près de dix mille entreprises de l'industrie graphique qui produisent trois millions de tonnes d'imprimés divers. Parmi ces entreprises, on compte les imprimeries de labeur ainsi que les entreprises de presse, l'édition, la photogravure, auxquelles il faut ajouter les imprimeries intégrées au sein de grandes entreprises industrielles ou commerciales et l'imprimerie nationale. L'évolution de la production d'imprimés entraîne une évolution parallèle de la demande de films destinés aux arts graphiques.

En raison des contraintes techniques de fabrication et des impératifs de coûts, l'offre en France de films destinés aux arts graphiques industriels émane directement d'une dizaine de producteurs appartenant aux groupes chimiques mondiaux les plus importants et d'une PME française.

Créée en 1989 après la prise de participation en 1982 d'Agfa Gevaert dans la société américaine Compugraphic, la société Agfa Compugraphic appartenait au groupe germano-beige Agfa Gevaert, lui-même membre du groupe chimique allemand Bayer. En 1989, le chiffre d'affaires d'Agfa Compugraphic s'est élevé à 918 340 000 F, pour un résultat d'exploitation de 38 790 000 F et un bénéfice net comptable de 13 590 000 F. Les trois quarts de son chiffre d'affaires étaient réalisés par vente directe (force de vente et mercatique à distance) et le dernier quart par l'intermédiaire d'un réseau de distributeurs agréés, assurant, les uns, la " revente nationale" et, les autres, la " revente régionale ". Elle intervenait dans les secteurs de la photocomposition, de la reprographie, de l'offset, etc., mais elle réalisait 70 p. 100 de son volume d'affaires sur le marché graphique où elle occupait la position de leader, les surfaces sensibles représentant à elles seules 67 p. 100.

Le 20 décembre 1990, la SA Agfa Gevaert a absorbé, par voie de fusion, la SA Agfa Compugraphic. En 1992, le chiffre d'affaires réalisé en France de la SA Agfa Gevaert s'est élevé à 2 089 917 000 F, pour une perte nette comptable de 15 890 000 F.

Les autres offreurs sont la SA Ilford-Anitec France, filiale du groupe américain International Paper, après le rachat par celui-ci des sociétés américaine Anitec et anglaise Ilford ; la SARL Dic France (filiale du groupe chimique japonais Dainippon Ink & Chemicals Inc.) ; les SA Du Pont de Nemours France et Du Pont-Howson France (du groupe chimique Du Pont de Nemours) et la SA Compagnie industrielle d'application photographique (CIAP), distributeur exclusif de divers produits de Du Pont (USA) ; la SA Chemco Graphic France (filiale du groupe néerlandais Chemco Europe NV, lui-même appartenant au groupe américain Chemco récemment repris par le groupe japonais Konica) ; la SA Equipements & Fournitures pour l'imprimerie (EFI) qui distribue en France les produits destinés aux arts graphiques du groupe japonais Fuji ; la SA Guilleminot, Boespflug et Cie créée en 1858 et dernier producteur français indépendant de surfaces sensibles ; la SA Kodak Pathé (division Arts graphiques) ; la société Konika France (jusqu'en 1989) ; la SA 3 M France (département Industries graphiques) et la SA Sodigraph, distributeur exclusif de la société suisse Typon AG mais qui distribue par ailleurs, en complément de gammes, des produits Kodak et Guilleminot.

Les marchés concernés par le présent dossier sont : 1° le marché des équipements de photocomposition ; 2° le marché des surfaces sensibles destinées à la reprographie, aux circuits imprimés et à la cartographie (catégorie Line) ; 3° le marché des films Diffusion Transfer.

Sur le premier de ces marchés, la société Agfa Gevaert serait, selon elle, le premier offreur, et sa part de marché aurait évolué de 25,5 p. 100 à 20,5 p. 100 de 1987 à 1990.

Les films du deuxième de ces marchés doivent avoir une haute définition, une stabilité dimensionnelle (épaisseur de 18/100) et une densité optimales, et ils doivent pouvoir être rapidement traités (traitement Rapid access). Tel est le cas du film HDU 3 P d'Agfa Compugraphic. Il résulte de l'instruction qu'il existait ou avait existé huit autres films substituables et que, en 1988, 1989 et 1990, Agfa Compugraphic a réalisé 81,6 p. 100, 74 p. 100 et 69,8 p. 100 des ventes en France, en volume. Selon Agfa Gevaert, ces parts de marché devraient être minorées pour tenir compte des ventes des films PCU 7 et UC 7 de Du Pont de Nemours, qu'elle affirme substituables, et réalisées soit directement soit par l'intermédiaire de la société CIAP.

Les caractéristiques techniques des films Diffusion Transfer, du troisième de ces marchés, et les conditions particulières de leur mise en œuvre, et en particulier la rapidité de celle-ci et le faible montant des investissements nécessaires, rendent ces films non substituables aux autres surfaces sensibles destinées aux arts graphiques industriels. Pour les années 1988 à 1990, il existait six films substituables les uns aux autres, offerts par des fournisseurs différents dont Agfa Compugraphic qui a réalisé 85 p. 100 environ des ventes du marché.

Pour l'ensemble des films destinés aux arts graphiques industriels, selon Kodak, les ventes se sont élevées en 1989 à 13 millions de mètres carrés, répartis entre Agfa Compugraphic (27 p. 100). Du Pont (16 p. 100), Fuji (16 p. 100), Kodak (10,5 p. 100), Chemco (9 p. 100), 3 M (9 p. 100) et divers autres fournisseurs, représentant 12,5 p. 100 à eux tous. Pour la même année 1989, 3 M évalue ces ventes à 13,5 millions de mètres carrés, mais en attribue 31,1 p. 100 à Agfa Compugraphic, 22,7 p. 100 à Du Pont, 11,8 p. 100 à Fuji, 11 p. 100 à Chemco, 7,3 p. 100 à Kodak, 4,9 p. 100 à 3 M et 11,2 p. 100 à quatre autres fournisseurs.

B. - Les pratiques relevées

1. Pour ce qui concerne les matériels de photocomposition

Agfa Compugraphic a mis en place, à côté des ventes directes, un réseau de onze distributeurs avec qui ont été conclus des contrats de partenariat spécifiques, dont il existe deux types et qui comportent des clauses de protection territoriale et d'interdiction d'exporter et des clauses de prix imposés. Les critères de sélection pour l'un et l'autre type ne faisaient l'objet d'aucun document écrit communicable aux distributeurs qui en feraient la demande.

a) Les accords de revente

De mars à octobre 1989, peu après la fusion entre Agfa Gevaert et Compugraphic, Agfa Compugraphic a conclu des accords d'agents commerciaux avec SMO et Setra Nord pour une durée d'un an renouvelable et des accords de revente sans condition de durée avec quatre distributeurs Megatek, Ergo, Groupe B 33 et Novascript. Tous ces accords sauf un (Megatek) indiquent le volume d'affaires attendu, mais deux seulement (Groupe B 33 et Novascript) comportent une clause d'exclusivité à leur article 14 (le revendeur s'engage " à ne proposer que des photocomposeuses Compugraphic ") et définissent une " zone d'activité ", à leur article 4, de cinq départements du sud-ouest de la France (groupe B 33) ou de la région Nord - Pas-de-Calais (Novascript).

Ces accords de revente, exclusive ou non, précisaient : " Pour éviter la dégradation de notre image (et celle du marché), nous souhaitons qu'une rigueur tarifaire soit observée. " Ainsi, les entreprises Megatek et Novascript ont conclu, d'une part, des accords de partenariat ou de coopération relatifs aux surfaces sensibles qui indiquent à leur article 11.3 ou 10.2 que le " revendeur fixe librement ses tarifs " et, d'autre part, un accord de revente exclusive qui concerne les matériels de photocomposition et indique à son article 3 que le revendeur doit observer une " rigueur tarifaire ".

Selon Agfa Compugraphic, les accords de revente exclusive seraient progressivement remplacés par des accords de partenariat et la clause de " rigueur tarifaire " qu'ils contiennent aurait " pour objet d'éviter la dérive des remises nuisibles à notre image de marque. Dans les faits, nous ne sommes jamais intervenus pour faire modifier les tarifs de nos revendeurs ou influencer leur politique commerciale ".

b) Les accords de partenariat revendeur régional matériel

De tels accords ont ensuite été conclus, entre septembre et décembre 1990, pour une durée d'un an, avec cinq distributeurs : Tual, Carbumeca, Stalor, PAO Conseil et Alpha Laser. Ils définissent des objectifs de chiffre d'affaires et définissent une zone d'influence : quelques départements du sud-est de la France (PAO Conseil), de la Bretagne (Tual) ou de la région parisienne (Alpha Laser et Carbumeca) ou non connue (Stalor). Les remises consenties sont de 20 p. 100 par rapport au tarif public, pouvant aller jusqu'à 35 p. 100 dans deux cas.

Dans trois cas (Alpha Laser, Carbumeca et Tual), ils comportent à leur article 5.2 la clause selon laquelle " le revendeur s'interdit la vente d'équipements hors de France ". Le responsable d'Alpha Laser a confirmé " Nous ne vendons pas à l'export. "

Ces accords indiquent à leur article 4 : " La clientèle déjà équipée de matériel Compugraphic relève de la seule responsabilité d'Agfa Compugraphic et ne peut faire l'objet d'aucune prospection de (la) part (du revendeur). Il est entendu qu'en aucun cas vous ne pouvez confier une partie de vos ventes à une société autre que la vôtre " et, à leur article 7 ou 8 : " Les équipements Compugraphic sont soumis au contrôle de la destination finale. A cet effet, nous vous remercions de nous informer de la destination des équipements (raison sociale, siège social et adresse de livraison) dès que vous en avez connaissance. " Le responsable de la SARL B 33 a déclaré : " Nous n'avons jamais eu de problème de respect de zone avec Agfa car nos commerciaux ne couvrent que la zone prévue au contrat et nous n'avons pas reçu de commande de clients situés en dehors de cette zone. Dans le cadre de nos bonnes relations, nous avertissons Agfa non seulement de la destination des matériels mais aussi du contact commercial afin que les commerciaux ne se "télescopent" pas chez le client. "

Ces accords comportent enfin, à leur article 10.2, la clause selon laquelle " le revendeur applique le tarif Agfa Compugraphic ". Ainsi, la société Tual a conclu deux accords de partenariat avec Agfa Compugraphic : l'un, qui concerne les surfaces sensibles, indique à son article 11.2 " que le revendeur fixe librement ses tarifs ", l'autre, qui concerne les matériels de photocomposition, indique à son article 10.2 que " le revendeur applique le tarif Agfa Compugraphic ".

Selon les revendeurs concernés, la zone d'influence contractuellement déterminée n'était respectée dans les faits ni pour les signataires d'un accord de partenariat matériel ni pour les signataires d'un accord de revente. De même, le tarif Agfa Compugraphic constituait la référence en matière de prix : leur prix d'achat est ce prix de tarif minoré des remises qui constituent leur marge, et celle-ci est d'autant plus élevée que leur prix de vente aux utilisateurs est plus proche de ce prix de tarif.

2. Pour ce qui concerne les films destinés à la reprographie, aux circuits imprimés et à la cartographie

La part détenue par Agfa Compugraphic sur le marché de ces films est passée de 82 p. 100 en 1988 à 74 p. 100 en 1989 et 63 p. 100 en 1990, et aucun des autres offreurs ne représentait jamais plus de 12 p. 100 des ventes. Par ailleurs, Agfa Compugraphic possède la gamme de surfaces sensibles destinées aux arts graphiques la plus étendue de tous les offreurs. Selon les sources professionnelles déjà mentionnées, elle aurait réalisé en 1989 moins du tiers (entre 27 et 31,1 p. 100) des ventes de surfaces sensibles de toutes catégories estimées entre 13 et 13,5 millions de mètres carrés alors qu'aucun de ces compétiteurs n'en aurait réalisé, au mieux, plus d'un cinquième. Enfin, l'organisation commerciale d'Agfa Compugraphic, vaste et efficace, permet d'atteindre tous les demandeurs du territoire national.

Les accords de distribution (" de coopération " et " de partenariat ") convenus entre Agfa Compugraphic et ses revendeurs concernaient d'une par toutes les gammes de surfaces sensibles sauf la gamme Copyline, et d'autre part les films HDU 1 P qui appartiennent à cette dernière gamme. Le reste de cette gamme, dont les films HDU 3 P, était commercialisé par Agfa Compugraphic soit directement aux utilisateurs, soit par l'intermédiaire de revendeurs qui, en principe, ne pouvaient donc bénéficier du soutien technique et de formation d'Agfa Compugraphic, ni des conditions de vente favorables prévues dans ces accords.

En 1990, Agfa Compugraphic a vendu pour 3 818 000 F de films HDU 3 P : 3 746 000 F directement et 72 000 F à des revendeurs nationaux et régionaux, soit 1,9 p. 100 des ventes totales.

Les conditions générales de vente pour 1990 pratiquées par Agfa Compugraphic à l'égard de ses clients utilisateurs, et donc également aux revendeurs de HDU 3 P, étaient une remise " conteneur " de 8 p. 100 de la commande hors taxe à laquelle s'ajoutait une remise " volumétrique " progressive en fonction du chiffre d'affaires. Dans la pratique, toutefois, les remises réellement accordées ont été différentes. L'instruction a montré que les conditions consenties à chaque revendeur n'ont pas varié au cours de l'année 1990, que leur montant n'est pas fonction des quantités achetées et que, sauf quand aucune remise n'est accordée, il est sans lien avec les conditions générales de vente. Agfa Gevaert a reconnu que ces remises n'étaient pas celles prévues aux conditions générales de vente, mais celles prévues dans les accords de coopération ou de partenariat, alors même que de convention expresse le HDU 3 P était exclu du champ de ces accords.

La société Classorga a été créée en 1951 et a choisi de distribuer l'ensemble des fournisseurs du secteur. Elle a commencé de commercialiser les produits Agfa en 1957. Depuis cette époque, il lui a été proposé à plusieurs reprises, dont la dernière remonte aux 25 avril et 21 mai 1985, de conclure un contrat de distribution, mais Classorga a toujours refusé, estimant qu'ils pouvaient être anti-concurrentiels, que l'exclusivité qu'ils accordaient n'était pas réelle et " qu'ils étaient trop défavorables au distributeur. Ils restreignaient de manière excessive la liberté commerciale du distributeur sans réelle contrepartie. D'autre part, certaines clauses conféraient à Agfa un pouvoir d'application trop arbitraire ".

Néanmoins, les relations commerciales de Classorga avec Agfa Compugraphic, qui était son premier fournisseur avec un chiffre d'affaires annuel d'environ 2 millions de francs, sont restées normales jusqu'au milieu de l'année 1989, sans aucun problème, notamment, pour les livraisons de films HDU 3 P. Le 28 juin 1989, elle a passé téléphoniquement commande d'une boîte de film HDA 3 P (gamme Copyline) à la direction régionale de Lyon d'Agfa Compugraphic. Cette commande lui a été livrée le 29 juin et facturée le 1er juillet 1989. Le 10 juillet, Agfa Compugraphic l'a informée de ce que cette commande avait été livrée en considération d'éléments personnels, mais que " la fourniture du film HDU 3 P est exclusivement réservée aux clients utilisateurs, et donc qu'il (...) est impossible de vous approvisionner ". Le 12 juillet, Classorga a répondu par télex en rappelant qu'elle " distribue ces films depuis plus de dix ans ". Le 17 juillet suivant, elle a commandé une boîte de films HDU 3 P par télex puis télécopie. Elle a été livrée, mais les conditions revendeurs qu'elle obtenait auparavant (21 p. 100 de remise) ne lui ont pas été accordées.

Selon Agfa Compugraphic, son refus d'honorer les commandes de Classorga tient à ce que, en raison de la technicité du produit, aucun revendeur ne pourrait en assurer une diffusion adéquate. Elle ne pourrait donc accorder les conditions de vente " revendeurs " lorsque exceptionnellement elle vend du HDU 3 P à un distributeur comme Classorga. C'est cette argumentation qu'elle a employée dans les lettres des 10 et 19 juillet, 21 août, 9 novembre et 21 décembre 1989, 4 janvier et 3 avril 1990 adressées à Classorga, qui contenaient en outre une proposition de signer un contrat de partenariat ou de coopération. Classorga a exprimé son désaccord sur ce point et sur les termes du contrat soumis à sa signature dans les télex des 27 juillet et 21 août 1989 et la lettre du 3 novembre 1989 et elle a proposé une nouvelle rédaction d'un tel contrat par lettre du 17 janvier 1990.

3. Pour ce qui concerne les films Diffusion Transfer :

La part détenue par Agfa Compugraphic sur le marché de ces films était d'environ 85,14 p. 100 de 1988 à 1990. Sur ce marché, aucun des autres offreurs n'a représenté plus de 12 p. 100 des ventes.

Agfa Compugraphic commercialisait ses produits par ventes directes et par téléphone (de 78 millions de francs en 1988 à 59 millions en 1990), ainsi que par l'intermédiaire de distributeurs " nationaux " (de 22 millions de francs en 1988 et 1990) ou "régionaux " (de 61 millions de francs en 1988 à 49 millions en 1990) avec qui ont été conclus respectivement des accords " de coopération " et " de partenariat ". Ces accords concernent toutes les gammes de surfaces sensibles, dont les films Diffusion Transfer, mais seulement les films HDU 1 P dans la gamme Copyline.

Les conditions de vente des produits contractuels consenties aux signataires de ces accords de coopération et de partenariat, à l'exception du "groupe Dalbe" considéré par Agfa Compugraphic comme une " centrale d'achat ", sont plus favorables que les conditions générales de vente qui figurent aux tarifs d'Agfa Compugraphic.

Une annexe aux deux types de contrat prévoit les conditions de remises consenties aux revendeurs signataires. Pour ce qui concerne les surfaces sensibles et les produits chimiques, un barème général accorde une " remise conteneur " (emballage carton complet) de 8 p. 100 plus une " remise volumétrique ", cumulative, allant de 12 p. 100 pour une commande hors taxe de 20 à 30.000 F à 26 p. 100 pour les commandes supérieures à 600 000 F. Des " remises fonctionnelles " de 10 à 25 p. 100 sont accordées pour certaines familles de produits : Offset, Copyproof, Rapidoprint, Graphique (sauf Copyline) et HDU 1 P. En 1991, ces accords de distribution ont fait l'objet d'avenants, qui modifient notamment la structure et le montant des remises accordées.

L'article 5 des accords de partenariat accorde une remise supplémentaire de 3 p. 100 en contrepartie de l'interdiction faite aux revendeurs concernés de vendre des produits concurrents des produits d'Agfa Compugraphic concernés " 5.1.

Pendant toute la durée du contrat, Agfa Compugraphic accordera au revendeur ayant respecté les engagements de cet accord, et notamment les articles 3 et 4, une ristourne de fin d'année de 3 p. 100 sur le chiffre d'affaires consommables qu'il aura réalisé avec Agfa Compugraphic. "

La société EFI, revendeur important, est le seul distributeur des produits de marque Fuji pour la France. Toutefois, son contrat ne lui interdit pas de vendre d'autres produits que les produits Fuji. Le responsable d'EFI souhaitant pouvoir proposer une gamme étendue de films arts graphiques à sa clientèle, y compris des films Diffusion Transfer très demandés, a sollicité d'Agfa Compugraphic, par lettre recommandée du 21 février 1991, la communication de ses " prix et conditions générales de vente pour distributeurs (le barème des écarts, les remises de fin d'année, etc.) concernant le procédé de transfert film et papier Copyproof ". Cette lettre étant restée sans réponse, EFI a renouvelé sa demande par lettre recommandée du 26 mars 1991 dans laquelle elle commandait également 300 boîtes et 200 litres de produits chimiques, commande qu'elle s'engageait à confirmer dès qu'elle serait " en possession de(s) conditions générales" d'Agfa Compugraphic.

Par lettre recommandée du 10 avril suivant, cette dernière a répondu à EFI qu'étant " distributeur-importateur exclusif Fuji " elle ne pouvait faire partie des revendeurs d'Agfa Compugraphic puisque ceux-ci doivent s'engager à " ne pas vendre ni représenter des produits concurrents de ceux figurant dans le tarif ". Elle a donc invité EFI à lui " faire savoir si (elle) compte abandonner la vente de produits concurrents dans le domaine graphique " et lui a transmis une copie de contrat de partenariat national exclusif et son tarif 1991.

II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL

Considérant qu'est inopérant le moyen avancé par la société Agfa Gevaert et selon lequel les clauses de protection territoriale et d'interdiction d'exporter contenues dans les accords de distribution exclusive dits " accords de partenariat (revendeurs régionaux) " relatifs aux équipements de photocomposition, accords conclus avec les sociétés Alpha Laser, Carbumeca et Tual, auraient été insérées par le responsable commercial de l'entreprise qui n'en avait référé ni aux instances dirigeantes ni au conseil de celle-ci ;

Sur la demande tendant à la notification d'un grief complémentaire :

Considérant que le commissaire du Gouvernement estime qu'aurait dû être notifié un grief complémentaire à la société Agfa Gevaert pour l'obligation d'achat exclusif mise à la charge des revendeurs régionaux avec lesquels elle a conclu un accord de partenariat relatif aux ventes de surfaces sensibles, alors même qu'elle détient une position dominante sur le marché des films destinés à la reprographie, aux circuits imprimés et à la cartographie et sur celui des films Diffusion Transfer ;

Mais considérant que le fait, pour une entreprise même en position dominante, de choisir de distribuer ses produits au travers d'un réseau de distribution exclusive, n'est pas anticoncurrentiel en soi ; que toutefois, le fait d'exiger l'exclusivité d'un distributeur alors qu'elle n'est pas exigée des autres peut constituer l'exploitation abusive d'une position dominante ; que le grief correspondant, relatif à la distribution des films Diffusion Transfer d'Agfa Compugraphic, a été notifié ;

Au fond :

En ce qui concerne les matériels de photocomposition :

Considérant que sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres les accords de distribution exclusivedits " accords de partenariat (revendeurs régionaux) " relatifs aux équipements de photocomposition, accords conclus avec les entreprises Alpha Laser, Carbumeca et Tual en tant qu'ils comportent à leur article 5-2 la clause selon laquelle " le revendeur s'interdit la vente d'équipements hors de France " et à leur article 3-2 la clause selon laquelle " le revendeur s'engage à n'acheter les produits concernés qu'à Agfa Compugraphic "; que de telles clauses ont, en effet, pour objet de cloisonner les marchés nationaux sur lesquels est implanté le groupe Agfa Gevaert puisqu'un étranger ne peut importer directement ces matériels de France par l'intermédiaire d'un de ces revendeurs français et qu'aucun de ceux-ci ne peut se fournir à l'étranger;

Considérant en outre que la combinaison de cet article 3-2 et de l'article 5 de ces mêmes accords confère aux revendeurs concernés, une protection territoriale absolue dans la zone qui leur est concédée; que chacun d'eux est le seul à qui Agfa Compugraphic livre le matériel concerné dans cette zone, qu'il ne peut se fournir qu'auprès d'Agfa Compugraphic, et ne peut donc s'approvisionner ni à l'étranger ni auprès d'un autre revendeur français et que, bien qu'aucune clause ne prévoit explicitement que les utilisateurs de sa zone ne peuvent acheter le matériel en cause qu'à lui, toute vente, même pour répondre à la demande d'un client faite en dehors de la zone concédée, c'est-à-dire dans la zone d'un autre concessionnaire, se voit privée de toute assistance technique et commerciale du concédant ; qu'enfin, l'arbitrage de celui-ci dans tout différend entre deux concessionnaires est de droit " avant toute action judiciaire " ;

Considérant qu'il ne peut être utilement soutenu par la société Agfa Gevaert que la clause d'interdiction d'exporter de l'article 5-2 des accords de partenariat conclus avec Alpha Laser, Carbumeca et Tual, d'une part, aurait pour objet de pallier l'incompétence technique et financière des revendeurs concernés et, d'autre part, serait sans conséquence en raison de l'étroitesse de la zone d'influence régionale de ceux-ci ; qu'en effet les accords identiques conclus avec Stator et PAO Conseil ne comportent pas cette clause, que ces deux dernières entreprises ont également une zone d'influence régionale (sud-est de la France pour PAO Conseil) et qu'il n'est pas établi ni même allégué qu'elles disposeraient de compétences techniques et d'assise financière supérieures aux trois autres ;

Considérant que la protection territoriale organisée par ces accords est renforcée par l'existence de clauses comparables dans les contrats de revente passés avec d'autres distributeurs des mêmes matériels; que deux de ces accords, de concession exclusive, attribuent également des zones qui ne recoupent pas celles concédées par les accords de partenariat ; la région Nord-Pas-de-Calais pour Novascript et cinq départements du Sud-Ouest pour Groupe B 33 ; que ces deux contrats, ainsi que ceux conclus avec Megatek et Ergo comportent en outre une clause interdisant toute revente à des distributeurs et une autre clause soumettant toute vente au contrôle par Agfa Compugraphic de sa destination finale ;

Considérant qu'en admettant même que cette clause de contrôle de la destination finale ait été insérée, comme le soutien Agfa Gevaert, en application d'une décision du Cocom (Coordinating Committee on Multilateral Export Controis), elle s'appliquait aux ventes à l'intérieur comme à l'extérieur de la Communauté européenne ; que, pour les ventes à l'intérieur de celle-ci, elle contribuait au cloisonnement des marchés, dont il ne peut être utilement soutenu qu'il résulterait également de cette décision du Cocom ;

Considérant qu'aucun des accords conclus par Agfa Compugraphic avec ses distributeurs français n'a été notifié à la Commission des Communautés européennes, et n'a donc fait l'objet d'attestations négatives individuelles, et que le règlement d'exemption de la commission n° 1983-83 du 22 juin 1983 relatif à " des catégories d'accords de distribution exclusive " ne pourrait davantage trouver application;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les clauses sus-analysées des accords de distribution exclusive dits " accords de partenariat (revendeurs régionaux) " relatifs aux équipements de photocomposition, accords conclus avec Alpha Laser, Carbumeca et Tual, qui ont pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, se trouvent incompatibles avec le Marché commun et interdites par application de l'article 85-1 du traité de Rome;

Considérant que la distribution des équipements en cause est assurée sur le territoire français non seulement au travers d'un réseau de distribution exclusive (accords de partenariat - revendeurs régionaux, mais aussi accords de revente avec Groupe B 33 et Nova-script) et les ventes au travers d'un réseau de distribution sélective (autres accords de revente), mais également par les ventes directes ;

Considérant que la protection territoriale accordée dans leur zone aux signataires d'un accord de partenariat (revendeur régional), à savoir Tual, Carbumeca, Stalor, PAO Conseil et Alpha Laser, était absolue, par la combinaison des articles 3.2 et 5 de ces accords, bien que cette protection ait été partagée entre Carbumeca et Alpha Laser dans la région parisienne et même si, en violation du contrat et comme l'affirme Agfa Gevaert, ces revendeurs se sont approvisionnés entre eux et avec son assistance technique et commerciale ; que les contrats de revente exclusive passés avec deux autres distributeurs des mêmes matériels définissaient également une " zone d'activité " ;

Considérant que l'ensemble des revendeurs de matériels, quel que soit le contrat qu'ils aient conclu avec Agfa Compugraphic (accords de partenariat - revendeur régional ou accords de revente), étaient tenus, aux termes des clauses insérées dans leur contrat, de pratiquer les prix de revente déterminés par cette dernière entreprise;

Considérant que, dès lors, les clauses de protection territoriale et de prix de revente contenues dans les accords de distribution de matériel mis en place par Agfa Compugraphic, qui excèdent l'objet pour lequel ils s'avèrent indispensables, qu'il s'agisse des accords de distribution exclusive (accords de partenariat - revendeurs régionaux conclus avec Stator, Alpha Laser, PAO Conseil, Carbumeca et Tual et les accords de revente conclus avec Groupe B 33 et Novascript) ou les accords de distribution sélective (accords de revente conclus avec Megatek et Ergo), ont pour objet et peuvent avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur le marché concerné; qu'elles se trouvent prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée;

En ce qui concerne les films destinés à la reprographie, aux circuits imprimés et à la cartographie et les films Diffusion Transfer :

Considérant qu'Agfa Compugraphic réalisait environ 60 p. 100 des ventes sur le premier de ces marchés et plus de 80 p. 100 des ventes sur le second, alors qu'aucun autre offreur n'en réalisait plus de 12 p. 100;

Considérant que la société Agfa Gevaert affirme que l'importance de ses parts de marchés serait due à l'absence d'efforts commerciaux de ses concurrents et qu'elle ne se sentirait pas à l'abri d'une offensive commerciale de ceux-ci ; qu'à les supposer établies, ces circonstances ne sont pas de nature à modifier l'appréciation qu'il convient de porter sur la position d'Agfa Compugraphic sur les marchés concernés ;

Considérant en effet que cette entreprise possède la gamme de surfaces sensibles destinées aux arts graphiques la plus étendue de tous les offreurset qu'elle a réalisé en 1989 près du tiers des ventes de surfaces sensibles de toutes catégories tandis qu'aucun de ses compétiteurs n'en a réalisé plus d'un cinquième; que son organisation commerciale est la plus vaste et la plus sophistiquée, et permet d'atteindre tous les demandeurs du territoire national; qu'il résulte de ces faits et des parts de marchés détenues par Agfa Compugraphic que celle-ci détenait une position dominante sur les deux marchés concernés;

Considérant en premier lieu que s'il était loisible à la société Agfa Compugraphic de déterminer librement les conditions de distribution de ses produits, et de les modifier, elle ne pouvait en revanche pas, ayant recours à un réseau de revendeurs, accorder à certains de ceux-ci des conditions de vente discriminatoires ;

Considérant qu'en refusant d'honorer les commandes de la société Classorga de films HDU 3 P sur le marché desquels elle détenait une position dominante, puis en acceptant de la livrer mais en refusant de lui accorder les mêmes conditions tarifaires qu'aux autres revendeurs, et en n'acceptant enfin de reprendre ses livraisons que sous la condition que soit conclu un contrat de coopération ou de partenariat, la société Agfa Compugraphic a faussé l'exercice de la concurrence entre revendeurs dont elle a accepté qu'ils constituent d'autres sources d'approvisionnement pour les utilisateurs ; que ces pratiques constituent une exploitation abusive de la position dominante détenue par l'entreprise sur ce marché et qu'elles se trouvent prohibées par l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant en second lieu qu'ayant choisi de distribuer ses films Diffusion Transfer, produits pour lesquels elle détenait également une position dominante, par l'intermédiaire de tous ses revendeurs nationaux et régionaux, exclusifs ou non, la société Agfa Compugraphic n'a proposé à EFI la signature que de l'accord de partenariat national impliquant une exclusivité, ce qui revenait en fait à rendre impossible la distribution de ces films par un revendeur qui présentait les mêmes garanties commerciales et techniques que les autres revendeurs, quelle que soit par ailleurs sa situation vis-à-vis de la société Fuji ; que cette pratique discriminatoire, qui avait pour objet et pouvait avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché des films concernés, constitue une exploitation abusive de la position dominante détenue par Agfa Compugraphic sur ce marché, prohibée par l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée ;

Considérant que la société Agfa Gevaert soutient que ni les clauses d'interdiction de revente à l'exportation ni celles relatives aux prix de revente ni ses pratiques dans la distribution des films destinés à la reprographie, aux circuits imprimés et à la cartographie et des films Diffusion Transfer n'auraient pu avoir un effet sensible sur le jeu de la concurrence ;

Mais considérant que les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 prohibent d'une part les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions et, d'autre part, les exploitations abusives d'une position dominante, dès lors qu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence; qu'entre ainsi dans le champ d'application de ces dispositions toute clause contractuelle ou toute pratique commerciale, même si elle n'a pas eu d'effet, dès lors qu'elle a un objet ou peut avoir un effet anticoncurrentiel sur un marché;

Considérant qu'il n'est pas établi ni même allégué que les clauses et pratiques examinées aient eu pour effet d'assurer un progrès économique ou qu'elles résultent de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application; qu'elles ne peuvent bénéficier des dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant que le 1 de l'article 85 du traité de Rome prohibe tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées dès lors qu'ils sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qu'ils ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence; qu'il n'est pas contesté que les clauses visant à cloisonner les marchés au sein de la Communauté européenne sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres ; qu'il n'est pas davantage contesté que la société Agfa Gevaert est le premier offreur sur le marché français de matériels de photocomposition, avec une part de marché supérieure à 20 p. 100;

Sur la sanction :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le Conseil de la concurrence " peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable, soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise (...) et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. 100 du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos. (...) Le Conseil de la concurrence peut ordonner la publication de sa décision dans les journaux ou publications qu'il désigne " ;

Considérant que les faits reprochés à la société Agfa Gevaert au titre de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sont au nombre de trois : une entente verticale prohibée par l'article 7 en tant que les contrats concernés comportent des clauses anticoncurrentielles, et l'exploitation abusive de la position dominante détenue sur deux marchés prohibée par l'article 8 ;

Considérant que la société Agfa Gevaert, qui appartient à un groupe puissant implanté en Europe, ne pouvait ignorer les législations tant communautaire que nationale; que les clauses anticoncurrentielles des contrats concernés par l'accord vertical ont empêché les utilisateurs finaux de profiter des baisses de prix susceptibles de résulter du jeu normal de la concurrence;

Considérant que, si ces mêmes clauses portaient sur un marché où l'entreprise détenait une part de plus de 20 p. 100, elles n'ont été constatées que dans les contrats conclus avec sept revendeurs ; que, de même, si les pratiques d'exploitation abusive de position dominante portaient sur des marchés où l'entreprise détenait des parts de plus de 60 p. 100 et 80 p. 100, elles n'ont été établies que pour deux revendeurs ; que, selon les déclarations des représentants de la société, la clause d'interdiction d'exporter contenue dans certains contrats aurait été supprimée ;

Considérant qu'en 1992 la société Agfa Gevaert a réalisé en France un chiffre d'affaires de 2 089 917 000 F ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, d'ordonner à la société Agfa Gevaert la suppression de ses contrats de distribution des clauses anticoncurrentielles, de lui infliger une sanction pécuniaire de deux millions de francs et d'ordonner la publication de la présente décision ;

Décide :

Article 1er. Il est enjoint à la société Agfa Gevaert de supprimer, dans le délai de trois mois à dater de la notification de la présente décision, les clauses anticoncurrentielles figurant dans les contrats de distribution de ses matériels et relatives à la protection territoriale absolue de ses revendeurs, à l'interdiction d'exporter à l'intérieur de la Communauté européenne et aux prix de revente.

Article 2. Il est infligé à cette société une sanction pécuniaire de deux millions de francs.

Article 3. Dans le délai de deux mois à dater de la notification de la présente décision, la société Agfa Gevaert fera publier la présente décision dans la revue Caractère. Cette publication sera précédée de la mention " Décision du Conseil de la concurrence en date du 23 novembre 1993 relative à des pratiques relevées dans le secteur des matériels et des films destinés aux arts graphiques industriels ".