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Décisions

Conseil Conc., 4 juin 1997, n° 97-D-42

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Saisine présentée par la Société Toulousaine d'Entretien Auto à l'encontre de la société Magneti Marelli distribution

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Hélène Mathonnière, par M. Cortesse, vice-président, présidant la séance, MM. Bon, Callu, Marleix, Rocca, Sloan.

Conseil Conc. n° 97-D-42

4 juin 1997

Le Conseil de la concurrence (section I),

Vu la lettre enregistrée le 8 avril 1974 sous le numéro F 671 par laquelle la Société Toulousaine d'Entretien Auto (STEA) a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société Magneti Marelli distribution ; Vu le traité du 25 mars 1957 modifié instituant la Communauté européenne et notamment son article 85 ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu la décision du Conseil de la concurrence n° 94-MC-06 du 25 mai 1994 ; Vu les observations présentées par les sociétés STEA, Magneti Marelli France, Magneti Marelli SpA et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés STEA, Magneti Marelli France et Magneti Marelli SpA entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (II) ci-après exposés :

I- CONSTATATIONS

A- Le secteur concerné

Le groupe Magneti Marelli est spécialisé dans la fabrication des équipements pour automobiles. En 1995, le groupe a réalisé 75 % de son chiffre d'affaires avec les constructeurs automobiles : Fiat 36 %, PSA 10 %, Renault 7 %, Ford 6 %, VW 2 %, BMW 2 %, autres 12 %. Les pièces de rechange ont représenté 14 % du chiffre d'affaires total. Le reste, c'est-à-dire 11 %, provient des lubrifiants.

Les ventes de pièces détachées pour la rechange se font en Italie, en France, en Espagne, en Allemagne et au Royaume-Uni par l'intermédiaire d'un réseau comprenant des concessionnaires et des points de vente spécialisés Magneti Marelli, dénommés PSMM. Les PSMM sont chargés de faire du diagnostic et sont normalement les clients des concessionnaires.

La société Magneti Marelli distribution a mis en place en France en 1992 un réseau de distribution comprenant 26 concessionnaires et 800 PSMM.

Dans le cadre d'une restructuration au sein du groupe Magneti Marelli, les sociétés françaises du groupe ont été regroupées. Le 1er juillet 1994, la société Solex, filiale de Magneti Marelli SpA, spécialisée dans la fabrication de carburateurs et systèmes à injection, a absorbé les autres sociétés françaises du groupe, dont Magneti Marelli distribution. La nouvelle entité a pris le nom de Magneti Marelli France, société anonyme au capital de 424 494 000 F, située à Nanterre. Cette société est filiale à plus de 99 % de la société holding Ufima, elle-même filiale de Magneti Marelli SpA, qui fait partie du groupe Fiat.

Parallèlement à cette restructuration, l'ensemble des contrats de concession, à l'exception de celui de STEA, ont été cédés par avenant à la société Magneti Marelli SpA. Les magasins de stockage situés en France ont été fermés et transférés en Italie. Les livraisons ont été facturées à partir de l'Italie. Les distributeurs français sont ainsi devenus les concessionnaires directs de la société Magneti Marelli SpA.

Depuis le début de l'année 1996, les contrats de concession sont de nouveau gérés par la société Magneti Marelli France à la suite d'une cession de contrat entre la société Magneti Marelli SpA et la société Magneti Marelli France, qui a pris effet au 1er janvier 1996.

B- Les pratiques relevées

1. Les clauses contenues dans les contrats de concession

a) Les critères de sélection

L'exposé préalable qui précède le contrat précise que "la notoriété du concessionnaire est reconnue sur le marché dans le domaine de la distribution régionale" et que "la compétence de ce dernier fait autorité au niveau régional aussi bien pour ses aptitudes techniques et commerciales que pour son expérience et la qualité des personnes qui en assurent la direction".

b) Les engagements du concédant

Le concédant s'engage à vendre exclusivement au concessionnaire les produits contractuels sur le territoire concédé (art. 1.1 et art. 1.4). Cette exclusivité comporte toutefois deux réserves :

- les points de vente spécialisés Magneti Marelli, dénommés PSMM : le concédant a désigné sur le territoire concédé les PSMM qui assurent le service après-vente et l'installation des produits contractuels et a signé des conventions d'assistance technique. Le concédant s'engage à informer le concessionnaire des PSMM situés sur son territoire. Normalement, ces PSMM sont des clients des concessionnaires, mais Magneti Marelli se réserve le droit de les approvisionner directement (art. 4 et art. 14).

- les clients réservés : le concédant se réserve le droit exclusif d'approvisionner les constructeurs automobiles, les administrations et collectivités. Il peut également conclure des ventes avec des clients supra-régionaux, comme les établissements à succursales multiples et les centrales d'achat (art. 5).

c) Les engagements du concessionnaire

Le concessionnaire s'engage à s'approvisionner exclusivement auprès du concédant ou de toute autre société désignée par le concédant (art. 9-1). Le contrat ne contient pas de clause prévoyant que le concessionnaire vendra exclusivement des produits Magneti Marelli.

Il exerce exclusivement son action dans le territoire concédé, qui est défini en annexe au contrat (art. 2.1).

Le concessionnaire s'engage à réaliser un quota d'achat minimum par an dont le montant est fixé par le concédant en accord avec le concessionnaire au début de chaque année civile. Le concessionnaire a la possibilité de consulter, sur sa demande, les pièces justificatives servant de base au calcul du quota d'achat minimum (art. 9). Il s'engage également à respecter un stock minimum qui varie en fonction des familles de produits contractuels dans les conditions définies en annexe au contrat (art. 13).

Les remises sur les prix de tarif ainsi que la remise de fin d'année sont définies en annexe au contrat (art. 11). L'article 12 précise : "Les prix de vente du concessionnaire sont fixés librement et sous sa seule responsabilité. Les conditions et les prix de revente doivent cependant être établis en prenant en considération le marché et la politique de vente du concédant afin que les meilleurs résultats de vente puissent être atteints.

La revente à perte n'est pas autorisée".

En vertu de l'article 4-3, le concessionnaire "s'engage à ne pas faire de publicité en son propre nom pour les produits contractuels à l'extérieur du territoire concédé, à ne pas établir de succursale et à ne pas entretenir de dépôt pour la vente en dehors du territoire concédé".

De plus, en vertu de l'article 7-4, le concessionnaire "s'engage à requérir l'accord du concédant avant toutes publications éventuelles dans des journaux, revues ou livres ainsi que toutes conférences ou manifestations publiques sur les produits contractuels".

En vertu de l'article 19, le concédant est en droit de résilier le contrat sans préavis en cas de faute grave du concessionnaire. Parmi les cas considérés comme des manquements graves figurent : l'absence de paiement ou non-respect des échéances, le non-respect du territoire concédé, la détérioration financière du concessionnaire, la non-atteinte des objectifs d'achat.

2. Les annexes au contrat

Le contrat comporte sept annexes qui sont révisées annuellement et signées par les deux parties : liste des produits contractuels, délimitation du territoire concédé, définition des objectifs du contrat, conditions générales de vente, prix des produits, définition du stock type, manuel du service.

L'annexe n° 5 relative aux prix des produits comprend le tarif fabricant "Magneti Marelli" à partir duquel sont appliquées les remises sur factures ainsi que le montant des ristournes de fin d'année, les conditions de paiement et les garanties financières.

a) Les remises sur factures

Elles sont accordées systématiquement à tous les concessionnaires, sans conditions quantitatives ou qualitatives. Le principe d'attribution n'a pas varié depuis 1992 et les taux de remises, qui varient de 48 à 62 % selon les familles de produits, sont restés très comparables.

b) Les remises différées

Elles sont de faible importance, de 1,5 à 3 % du montant des achats selon les années, et sont subordonnées au respect des objectifs d'achats fixés annuellement et individuellement pour chaque concessionnaire et spécifiés dans l'annexe 3 du contrat. Les objectifs sont de plusieurs types : minimum d'achat par catégorie de produit, respect d'un assortiment de produits, objectifs de démarchage de clientèle.

Les conditions d'attribution des remises différées ont évolué depuis 1992. En 1992, si l'objectif minimum est atteint, la ristourne est égale à 3 % du chiffre d'affaires d'achat net. Initialement, le seuil d'attribution de la ristourne était fixé à 85 % de l'objectif d'achat. La quasi-totalité du réseau n'ayant pas atteint ses objectifs, le seuil d'attribution de la prime a été fixé à 70 %.

En 1993, le système initial était basé sur :

- le respect d'objectifs bimestriels qui donnait droit à une remise "prorata" de 5 % sur le montant des achats nets facturés du bimestre. L'assortiment produit devait être respecté à plus ou moins 10 ou 15 %. Les bimestres étaient indépendants les uns des autres ;

- le respect de l'objectif annuel qui donnait droit à une ristourne de fin d'année égale à 1,5 % du montant annuel des achats nets facturés.

Au bout d'un semestre, ce système a été modifié pour augmenter de trois points les remises sur factures pour les achats quotidiens et diminuer de quatre points la prime de fin d'année.

Les objectifs ont été réduits pour chaque client d'environ 50 %, avec les modalités d'attribution suivantes : le respect de l'objectif annuel a donné droit à une ristourne de fin d'année égale à 2,5 % sur le montant des achats annuel net facturé. Ces 2,5 % sont décomposés en 1,5 % sur le montant global et 1 % de ce même montant si l'assortiment produit est respecté, avec une variation de plus ou moins 10 % par ligne de produits.

En 1994, la règle établie pour le second semestre 1993 continue à s'appliquer : le respect de l'objectif annuel donne droit à une ristourne de fin d'année de 2,5 % (1,5 % sur le chiffre d'affaires d'achat global, 1 % du même chiffre en cas de respect de l'assortiment produit, avec une variation de plus ou moins 10 % par ligne de produits). A ce système général, s'ajoute une promotion sur les alarmes : 10 % de remise supplémentaire sur tous les achats d'alarmes de 1994 si les objectifs d'achats d'alarmes sont atteints et 30 % de remise supplémentaire accordée sur la partie du chiffre d'affaires dépassant les objectifs d'achats d'alarmes et antivols.

La vérification des factures et avoirs, établis pour l'ensemble des concessionnaires entre 1992 et 1994, fait apparaître que les ristournes différées, exprimées en pourcentage du chiffre d'affaires, n'ont aucun lien ni avec les chiffres d'affaires réalisés, ni avec le degré de réalisation de l'objectif d'achat. Ainsi, pour trois concessionnaires ayant réalisé en 1994 leur objectif d'achat à 100 %, les ristournes différées accordées correspondent à des remises sur chiffres d'affaires de 1,2 %, 1,3 % et 4,2 %. Deux concessionnaires ayant réalisé leur objectif à 55 % et 66 % ont perçu des ristournes correspondant respectivement à 0,2 % et 0,9 % du chiffre d'affaires, alors que des concessionnaires ayant réalisé leur objectif à 70 % et 85 % n'ont perçu aucune ristourne. Parmi les cinq concessionnaires ayant dépassé leur objectif en 1994, les constatations suivantes ont été effectuées :

EMPLACEMENT TABLEAU

c) Les conditions de paiement

Les conditions de paiement sont identiques pour l'ensemble des concessionnaires. En 1992, le délai de paiement était de 90 jours fin de mois, puis, à partir de 1993, de 60 jours fin de mois pour une moitié de la facturation et 90 jours fin de mois pour l'autre moitié.

d) Les garanties financières

L'annexe 5 au contrat mentionne, pour l'ensemble des concessionnaires ayant signé les contrats en 1992, à la rubrique "Garanties", le montant de la caution bancaire exigée du concessionnaire.

L'examen des cautions bancaires demandées en 1992 fait apparaître deux situations extrêmes : celle du concessionnaire Pilayrou qui a refusé de prendre l'engagement de produire une caution bancaire et celle du concessionnaire STEA qui se voit demander de fournir une caution de 3 000 000 F, d'un montant nettement plus élevé que les autres concessionnaires, et en particulier du concessionnaire IDLP qui réalise pourtant un chiffre d'affaires supérieur. A partir de 1993, l'annexe 5 au contrat ne comporte plus la mention relative à la caution bancaire.

3. Les différences de prix pratiquées à l'égard des constructeurs automobiles et à l'égard des concessionnaires du réseau Magneti Marelli

Les pièces de rechange fabriquées par Magneti Marelli France et destinées aux constructeurs automobiles sont livrées dans les magasins centraux des constructeurs. Selon la société Magneti Marelli France il n'existe pas de contrats écrits avec les constructeurs aussi bien pour la première monte que pour les pièces de rechange. Les seuls éléments écrits sont les conditions générales de vente qui figurent au verso des factures. L'article 6 des conditions générales de vente relatif aux prix précise que le prix facturé sera celui du tarif en vigueur à la date de livraison. En réalité, les prix sont négociés annuellement avec les constructeurs. La facture est établie au prix net.

Les éléments recueillis au cours de l'instruction font apparaître que les prix pratiqués à l'égard des constructeurs automobiles sont nettement inférieurs à ceux pratiqués à l'égard des concessionnaires. Les différences sont variables selon les références. La société Magneti Marelli France explique ces différences de la façon suivante : "En ce qui concerne les tarifs des pièces de rechange pour constructeurs, les prix ne sont pas les mêmes que ceux proposés à nos concessionnaires. En effet, les quantités achetées par les constructeurs sont beaucoup plus importantes, les lieux de livraison sont uniques (départ usine vers un lieu de livraison). Par ailleurs, les constructeurs nous font des prévisions sur six mois. Pour de nombreuses raisons, nous avons beaucoup moins de frais avec les constructeurs".

Il a été procédé, à partir d'un échantillon de pièces de rechange, à une comparaison des prix nets pratiqués à l'égard des deux types de clientèles et des quantités vendues. La comparaison fait apparaître des écarts importants à l'avantage des constructeurs, qui peuvent aller jusqu'à près de 60 % sur certaines références, ces écarts s'accroissant entre 1992 et 1994 au détriment des concessionnaires.

4. Les relations entre la société STEA et la société Magneti Marelli France

La société STEA, située à Toulouse est spécialisée dans la vente des pièces détachées pour automobiles et dans la réparation des carburateurs et de leurs accessoires. Le 19 février 1992, un contrat de concession a été signé entre les deux sociétés.

Avant le transfert de ses magasins de stockage situés dans le Val d'Oise vers l'Italie, décidé dans le cadre de la restructuration du groupe Magneti Marelli, la société Magneti Marelli distribution a incité ses concessionnaires à passer des commandes pour éviter le renvoi des produits en Italie.

En décembre 1993, la société STEA a passé un ensemble de commandes d'un montant total de 4 711 307 F. Les onze premières commandes d'un montant de 2 180 644 F ont été livrées sauf pour les pièces épuisées. En revanche, la société Magneti Marelli distribution a refusé de livrer la dernière commande, d'un montant de 2 552 663 F, estimant que cette commande, qui correspondait à peu près à une année de commande habituelle de la part de la société STEA, présentait un caractère anormal et aurait fait doubler son risque financier.

Par lettre du 24 mars 1994, la société Magneti Marelli distribution annonce son intention de résilier le contrat de concession. Par lettre du 29 mars 1994, la société Magneti Marelli distribution exige la production d'une caution bancaire de 3 millions dans les termes suivants : "Nous vous rappelons que vous vous étiez engagé aux termes du contrat du 19 février 1992 à nous fournir une caution bancaire à hauteur de trois millions de francs. Cette garantie demandée est le corollaire des conditions de paiement préférentielles qui vous sont octroyées dans le cadre du contrat de concession. Nous vous demandons une nouvelle fois, instamment, de nous remettre la caution promise et vous informons que nous limitons par la présente votre encours à son montant actuel jusqu'à réception de la caution bancaire de 3 millions de francs demandée. A défaut, nous nous verrions contraint de refuser vos commandes". Le concessionnaire n'ayant pas produit la caution demandée, la société Magneti Marelli distribution résilie le contrat de concession avec effet immédiat par lettre du 17 juin 1994. Le litige commercial a été porté devant le Tribunal de commerce de Nanterre qui a ordonné, dans son jugement du 3 janvier 1995, aux sociétés Magneti Marelli France et Magneti Marelli SpA la reprise des livraisons sous astreinte. Le président de la Cour d'appel de Versailles a ordonné, par une ordonnance de référé du 27 janvier 1995, la suspension de l'exécution provisoire du jugement.

Après la résiliation du contrat de concession la société STEA a cherché à s'approvisionner en carburateurs auprès d'un autre concessionnaire Magneti Marelli, la société AFEPAC, située à Montauban, pour continuer à exercer son activité de réparation. Par lettre du 26 novembre 1994 la société AFEPAC a écrit à la société STEA : "Suite à la visite de M. Monti le 21 novembre 1994 et après de vives discussions, ce dernier nous a demandé de respecter les règles de secteur attribué à notre concession. Par conséquent, nous sommes contraints de ne plus pouvoir vous livrer de matériel Magneti Marelli à compter de ce jour".

Par lettre du 3 janvier 1995, la société Magneti Marelli France s'est adressée à la société AFEPAC dans les termes suivants : "Il a été porté à notre connaissance les termes d'un courrier que vous avez adressé à la société STEA le 26/11/94. Nous nous permettons de vous rappeler qu'un des principes fondamentaux du régime de la concession exclusive veut que le concessionnaire s'interdise de vendre en dehors du territoire qui lui est concédé à la suite d'un démarchage commercial actif. A cet égard, les dispositions de l'article 2 du contrat qui nous lie traduisent bien ce principe nécessaire au maintien de cohésion du réseau. Toute démarche ou proposition commerciale active effectuée en dehors du territoire concédé ne nous semble pas aller dans le sens de cette cohésion".

La société STEA a assigné en référé, le 15 février 1996 la société AFEPAC afin de voir ordonner la livraison des pièces qu'elle lui avait commandées. Dans ses conclusions présentées devant le tribunal de Montauban, la société AFEPAC expose que la société Magneti Marelli lui ayant rappelé que tout concessionnaire doit respecter son secteur d'intervention, elle s'est crue, dans un premier temps, dans l'impossibilité de pouvoir répondre aux demandes de la société STEA, mais que le contrat qui la lie à la société Magneti Marelli ne pouvant lui interdire une concurrence passive, elle a accepté les commandes présentées spontanément par la société STEA. Elle précise que si les produits commandés depuis le 1er janvier 1996 n'ont pas été livrés, comme ceux commandés antérieurement, ce n'est pas parce qu'elle refuse de les livrer, mais parce qu'elle ne les avait pas dans ses stocks faute d'avoir été elle-même livrée.

II- SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,

Sur la procédure :

Considérant que les sociétés Magneti Marelli France et Magneti Marelli SpA invoquent la nullité de la procédure au motif que le courrier adressé par le service d'enquête le 22 février 1995 n'indique pas clairement l'objet de l'enquête, que les auditions effectuées par la suite par l'enquêteur et le rapporteur ne précisent pas davantage l'objet de l'enquête, que les auditions effectuées par le rapporteur ont porté tant sur la société Magneti Marelli France que sur la société Magneti Marelli SpA, sans que ces dernières aient été informées de l'extension de la procédure à la société italienne, et que la notification de griefs ne comporte ni date, ni signature ;

Considérant qu'aux termes de l'article 46 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "Les enquêtes donnent lieu à l'établissement de procès-verbaux et, le cas échéant, de rapports. Les procès-verbaux sont transmis à l'autorité compétente. Un double en est laissé aux parties intéressées. Ils font foi jusqu'à preuve contraire" ;

Considérant que la preuve que les enquêteurs ont fait connaître clairement aux personnes interrogées l'objet de leur enquête peut être rapportée par la mention, faisant foi jusqu'à preuve contraire, que les agents de contrôle ont fait connaître cet objet à l'intéressé, sans qu'il y ait lieu de décrire cet objet;

Considérant que le procès-verbal de déclaration du 3 mars 1995 de M. Girardot, président-directeur général de la société Magneti Marelli France, et le procès-verbal du 20 avril 1995 de M. Ansieau, gérant de la société Pierburg France, portent le visa de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ainsi que la mention que l'objet de l'enquête a été indiqué ; que, préalablement à l'audition de M. Girardot, l'enquêteur a adressé à la société Magneti Marelli France, le 22 février 1995, un courrier précisant : "Suite à une plainte déposée par la société STEA à l'encontre de la société Magneti Marelli, le président du Conseil de la concurrence a chargé mon administration de réaliser une enquête relative au respect des dispositions de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986" ; qu'au surplus, au cours de la procédure qui s'est déroulée devant le conseil pour examiner la demande de mesures conservatoires présentée par la société STEA, la société Magneti Marelli distribution a eu connaissance de la saisine ainsi que des pièces fournies par la société STEA à l'appui de sa saisine et de sa demande de mesures conservatoires ; que la société Magneti Marelli distribution a été destinataire de la décision n° 94-MC-06 du 25 mai 1994 par laquelle le conseil a rejeté la demande de mesures conservatoires mais a considéré qu'il n'était pas exclu que les pratiques alléguées puissent entrer dans le champ d'application des articles 7 et 8 de l'ordonnance ; que le procès-verbal de l'audition tenue le 19 juin 1996 porte la référence de l'affaire ; que, dans ces conditions, les sociétés Magneti Marelli France et Magneti Marelli SpA sont mal fondées à prétendre que les personnes auditionnées ne connaissaient pas l'objet de l'enquête ;

Considérant, par ailleurs, qu'au cours de l'unique audition effectuée par le rapporteur le 19 juin 1996, seuls les représentants de la société Magneti Marelli France ont été entendus ; que le nom de la société Magneti Marelli SpA n'a été mentionné par le déclarant que pour préciser que les contrats de concession étaient de nouveau gérés par la société Magneti Marelli France "à la suite de la cession de contrat entre Magneti Marelli SpA et Magneti Marelli France qui a pris effet au 1er janvier 1996" ; qu'en l'absence d'obligation légale, la circonstance que la société Magneti Marelli SpA, n'ait pas été informée par le rapporteur préalablement à la notification des griefs qu'elle était mise en cause dans la présente procédure est sans incidence sur sa régularité, dès lors que, comme en l'espèce, elle a comme les autres parties intéressés été mise en mesure de présenter en temps utile ses observations tant sur la notification de griefs que sur le rapport, ainsi que de présenter ses observations orales devant le conseil;

Considérant, en dernier lieu, que l'argument selon lequel l'absence de date et de signature sur la notification de griefs serait une cause de nullité de procédure doit être écarté, dès lors que la notification de griefs étant accompagnée d'une lettre signée du président du conseil et adressée en recommandé avec accusé de réception;

Sur l'imputabilité des pratiques :

Considérant que la société Magneti Marelli SpA fait valoir qu'elle n'a été le cocontractant des concessionnaires français que pendant une période très limitée, du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1995 ; que l'ensemble des éléments matériels et humains liés aux faits concernés sont localisés au sein de la société Magneti Marelli France ; que "compte tenu de la démarche objective suivie par le Conseil de la concurrence, la notification de griefs ne devrait concerner que la société Magneti Marelli France" ;

Mais considérant que le 31 janvier 1994 a été signé, entre les sociétés Magneti Marelli SpA et Magneti Marelli distribution d'une part et les concessionnaires d'autre part, un avenant rédigé dans les termes suivants : "Une restructuration intervenant au sein du groupe Magneti Marelli conduit la société Magneti Marelli distribution à ne plus assurer, en France, la distribution de produits de rechange automobile pour le compte des sociétés du groupe. En conséquence, la société Magneti Marelli SpA, société italienne, qui à travers sa Division Commerciale Rechange, est spécialisée dans la distribution des produits et pièces de rechange automobile, a décidé de reprendre cette activité. Elle se substitue donc à la société Magneti Marelli distribution, pour tous les engagements pris par cette dernière envers le concessionnaire soussigné dans le cadre du contrat de concession signé le 5 mars 1992. Le présent avenant vaut cession de contrat à compter du 1er janvier 1994, ce qui est expressément accepté par le concessionnaire, préalablement informé du projet de cession par Magneti Marelli distribution" ; que les magasins de stockage situés en France ont été fermés et transférés en Italie et les livraisons facturées à partir de l'Italie ; que, dès lors, la société Magneti Marelli SpA doit être considérée comme responsable des pratiques mises en œuvre pendant la période allant du 1er janvier 1994 au 1er janvier 1996, date à laquelle les contrats ont été cédés par la société Magneti Marelli SpA à la société Magneti Marelli France ;

Sur les pratiques relevées :

Sur l'état de dépendance économique de la société STEA vis-à-vis des sociétés Magneti Marelli SpA et Magneti Marelli France :

Considérant que la société STEA fait valoir qu'en 1993 elle a réalisé 51,4 % de son chiffre d'affaires avec les produits Magneti Marelli ; que les produits Magneti Marelli, qui représentent près de 75 % du marché de la carburation, sont indispensables à l'exercice de son activité de spécialiste en matière de carburation ; qu'elle se trouve en conséquence en situation de dépendance économique vis-à-vis des sociétés Magneti Marelli ; que la société saisissante soutient encore, qu'en ayant, dans un premier temps, refusé de la livrer puis, dans un second temps, résilié le contrat de concession, les sociétés Magneti Marelli SpA et Magneti Marelli distribution ont fait une exploitation abusive de l'état de dépendance économique dans lequel elle se trouve à leur égard et qu'elles auraient ainsi faussé le jeu de la concurrence sur le marché de la carburation ;

Mais considérant que le groupe Magneti Marelli a mis en place en 1992 un nouveau système de distribution en vertu duquel les concessionnaires s'engagent à constituer un stock type de pièces détachées, parmi lesquelles figure le carburateur ; que le contrat de concession n'impose pas aux concessionnaires de vendre exclusivement des produits Magneti Marelli; qu'en conséquence le contrat de concession n'interdisait pas à la société STEA de diversifier son activité; que la part importante des carburateurs de marque Magneti Marelli dans le chiffre d'affaires de la société STEA résulte du choix délibéré de cette dernière de se spécialiser dans la vente et la réparation des carburateurs; que l'évolution de son chiffre d'affaires entre 1993 et 1996 montre qu'après avoir baissé de 17% entre 1993 et 1995, il a progressé de 8,5 % en 1996 ; qu'en outre, malgré la baisse de 35% des produits Magneti Marelli dans les ventes de la société STEA entre 1993 et 1996, le chiffre d'affaires global n'a diminué que de 10% pendant la même période ;

Considérant au surplus que, s'il est exact que le carburateur répond à des besoins spécifiques, il convient d'observer qu'il fait partie d'un ensemble d'équipements nécessaires à la bonne marche du véhicule; qu'au stade de l'offre, l'ensemble de ces équipements est fourni par le fabricant dans le cadre du contrat de concession; qu'au stade de la demande, ces équipements sont utilisés par les garagistes qui s'approvisionnent en pièces de rechanges de marques différentes et qui procèdent à l'ensemble des réparations nécessitées par l'état du véhicule; qu'en l'absence de méthode de distribution spécifique au carburateur et de circuit spécialisé de vente et de réparation, la seule constatation que le carburateur possède des fonctions et des caractéristiques propres ne suffit pas pour en déduire qu'il constitue à lui seul un marché particulier;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société STEA est mal fondée à soutenir que le refus de livraison opposé par la société Magneti Marelli distribution ainsi que la résiliation du contrat de concession puissent faire l'objet d'un examen au regard du 2 de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

En ce qui concerne les critères de sélection des concessionnaires :

Considérant que les éléments relatifs à la sélection des concessionnaires figurent dans l'exposé préalable qui précède le contrat et qui précise que la notoriété du concessionnaire est reconnue sur le marché dans le domaine de la distribution régionale et que sa compétence fait autorité au niveau régional aussi bien pour ses aptitudes techniques et commerciales que pour son expérience et la qualité des personnes qui en assurent la direction ; que, par ailleurs, les contrats signés en 1992 avec l'ensemble des concessionnaires prévoyaient l'engagement de fournir une caution bancaire ;

Considérant que les sociétés Magneti Marelli SpA et Magneti Marelli France font valoir que, s'agissant d'un contrat de concession exclusive, il n'y a pas lieu de s'interroger sur les critères requis pour sélectionner les distributeurs ; qu'il est en outre établi et non contesté que les distributeurs Magneti Marelli sont des professionnels reconnus ; que l'exigence d'une caution bancaire est uniquement destinée à garantir le concédant contre les risques financiers résultant d'impayés de la part de ses concessionnaires et ne sauraient être assimilée à un critère de sélection qui aurait fait l'objet d'une application discriminatoire à l'égard de la société STEA ;

Considérant, en premier lieu, que, dans le cadre d'un réseau organisé selon les principes de la distribution exclusive, le choix des distributeurs ou concessionnaires relève de la libre appréciation du fournisseur, sous réserve que le refus opposé à un demandeur ou l'éviction d'un concessionnaire ne constituent pas des pratiques contraires aux règles de la concurrence ; qu'en second lieu, si l'engagement portant sur une caution bancaire figurait bien dans tous les contrats de concession signés en 1992, le fait que la caution n'ait été exigée que de la société STEA ne suffit pas pour établir que cette dernière a fait l'objet d'un traitement discriminatoire contraire aux règles de la concurrence ; qu'en effet, l'instruction n'a pas apporté la preuve que cette exigence, qui s'inscrivait dans le cadre d'un litige commercial comportant des risques financiers pour la société Magneti Marelli distribution, ait eu un objet ou une potentialité d'effet anticoncurrentiel ;

En ce qui concerne l'attribution des remises différées :

Considérant qu'il ressort des constatations figurant au I B-2 de la présente décision que, pour les pièces de rechange vendues aux concessionnaires Magneti Marelli, le prix de vente facturé correspond au prix client conseillé par le fabricant, déduction faite des remises, dont le montant varie entre 40 % et 62 %, qui sont accordées systématiquement à l'ensemble des concessionnaires ; qu'en revanche les ristournes différées sont subordonnées à la réalisation d'un quota d'achat minimum dont les modalités de détermination présentent un caractère confidentiel ; que l'examen des avantages accordés aux concessionnaires entre 1992 et 1994 montre que les ristournes n'ont été fonction ni du chiffre d'affaires ni du degré de réalisation de l'objectif d'achat et qu'elles ont été attribuées de façon discriminatoire ;

Considérant que les sociétés Magneti Marelli France et Magneti Marelli SpA soutiennent que les remises de fin d'année constituent une simple incitation commerciale ; que, même si elles n'ont pas été calculées sur la base de critères objectifs, elles n'ont pu avoir d'effet sur le marché, compte tenu de leur caractère marginal dans l'ensemble du système de remises Magneti Marelli ;

Mais considérant que les conditions générales de vente et les avantages tarifaires proposés par un fournisseur à des distributeurs, explicitement ou tacitement acceptés par ceux-ci, constituent des conventions au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; que les clauses de telles conventions et leur application sont prohibées par ce texte lorsqu'elles ont un objet ou peuvent avoir un effet anticoncurrentiels; qu'il en est ainsi, notamment, dans le cas où des dérogations tarifaires aux conditions générales de vente sont consenties par un fournisseur à certains de ses distributeurs sans conditions objectivement définies permettant à toute entreprise qui les remplit d'y accéder et sans contreparties effectivement mises en œuvre par les bénéficiaires de ces avantages; qu'en l'espèce, dans la mesure où les concessionnaires du réseau Magneti Marelli étaient en situation de se faire concurrence en répondant à la demande passive de la clientèle, de telles pratiques ont pu avoir un effet anticoncurrentiel;

En ce qui concerne les pratiques susceptibles de créer un partage artificiel du marché entre les distributeurs de marque automobiles et les concessionnaires indépendants :

Considérant que la société Magneti Marelli France conteste que les différences entre les prix facturés aux constructeurs automobiles et les prix facturés aux concessionnaires Magneti Marelli aient pour objet d'éviter que les distributeurs de marque automobiles s'approvisionnent en pièces de rechange auprès des concessionnaires indépendants ; qu'elle soutient que les quantités vendues aux constructeurs, d'une part, et aux concessionnaires indépendants, d'autre part, ne sont pas de même ampleur et ne situent pas au même niveau de commercialisation ; que les différences de prix sont justifiées par les différences de coûts de distribution entre les livraisons effectuées directement dans les usines des constructeurs automobiles qui redistribuent ensuite les pièces de rechange dans leurs réseaux de distribution et les livraisons effectuées aux concessionnaires indépendants ;

Considérant que si les éléments recueillis au cours de l'instruction font apparaître pour certaines références, à quantités égales, des différences importantes entre les prix appliqués aux concessionnaires Magneti Marelli et les prix appliqués aux constructeurs automobiles, il est constant que la société Magneti Marelli France a réalisé en 1996 un chiffre d'affaires d'environ deux milliards de francs avec les deux constructeurs français contre moins de 70 millions avec ses trente distributeurs ; que les constructeurs fournissent des services spécifiques, comme la prise en charge de l'ensemble des coûts de gestion et de fonctionnement de leur propre réseau de distribution et des risques financiers relatifs aux créances de leurs clients finaux, la planification des commandes, le faible coût de l'emballage pour les expéditions faibles par containers ; qu'en outre, les contrats de concession ne contiennent pas de clause interdisant aux concessionnaires Magneti Marelli de vendre aux concessionnaires de marque automobiles ;

Sur les pratiques conférant aux concessionnaires une protection territoriale absolue :

Considérant qu'après la résiliation du contrat de concession la société STEA a passé des commandes auprès du concessionnaire AFEPAC ; que le courrier adressé par la société AFEPAC à la société STEA le 26 novembre 1994 et cité au point I B-2 de la présente décision montre que le concédant est intervenu auprès de son concessionnaire pour lui interdire de vendre hors de son territoire de concession ; que la société STEA a assigné en référé le 15 février 1996 la société AFEPAC et, par acte séparé, la société Magneti Marelli France, afin de voir ordonner la livraison des pièces qu'elle lui avait commandées ; que dans ses conclusions présentées devant le tribunal de commerce de Montauban, la société AFEPAC écrit : "La société Magneti Marelli lui ayant rappelé que tout concessionnaire doit respecter son secteur d'intervention, la société AFEPAC, dans un premier temps, s'est crue dans l'impossibilité de pouvoir répondre aux demandes de la société STEA. Mais finalement, le contrat de concession qui la lie à la société Magneti Marelli, ne pouvant lui interdire une concurrence passive, la société AFEPAC a accepté les commandes présentées spontanément par la société STEA" ; qu'elle précise que son chiffre d'affaires dégagé par la vente des produits Magneti Marelli est mineur par rapport à son chiffre d'affaires total ; que la société STEA est son plus important client en produits Magneti Marelli ; que compte tenu du nombre de références de produits Magneti Marelli elle ne dispose pas d'un stock important ; qu'en conséquence "pour répondre aux besoins de ses clients, elle se trouve dans l'obligation, la plupart du temps, de s'approvisionner directement auprès de Magneti Marelli et ainsi concomitamment à la réception de la commande passée par un de ses clients, elle doit elle-même passer commande à Magneti Marelli" ; qu'elle précise par ailleurs qu'elle traite "les commandes de STEA avec toute la diligence qui s'impose, et alors même que pour 70 % d'entre elles, il s'agit de commandes de pièces de carburation, alors qu'elle est spécialisée dans les pièces électriques... que, si tous les produits commandés depuis le 1er janvier 1996 n'ont pas été livrés, comme ceux commandés antérieurement au 1er janvier 1996, ce n'est pas parce qu'(elle) refuse de les livrer, mais parce qu'(elle) ne les avait pas dans ses stocks , et ne les a toujours pas, faute d'avoir été elle-même livrée, comme l'atteste les listes des reliquats établis par la société Magneti Marelli et versées aux débats" ; qu'il résulte de ces éléments que la société AFEPAC ne s'est pas livrée à du démarchage commercial actif mais s'est contentée de répondre aux demandes de la société STEA et que la société Magneti Marelli, qui ne pouvait ignorer que les commandes de pièces de carburation commandées par la société AFEPAC étaient destinées à la société STEA, a par différents moyens tels que retards de livraison, non conformité des produits livrés aux produits commandés, commandes non livrées sous prétexte que les pièces ne sont plus fabriquées alors qu'elles figurent au catalogue, entravé l'approvisionnement de la société AFEPAC, l'empêchant ainsi d'honorer les commandes passées par la société STEA ;

Considérant que la société Magneti Marelli France soutient que le contrat de concession exclusive est conforme au règlement d'exemption n° 1983-83 et que le conseil n'a pas compétence pour retirer le bénéfice de l'exemption ; que, d'ailleurs, elle n'a pas interdit à la société AFEPAC de vendre à la société STEA, comme en témoigne la lettre qu'elle lui a adressée le 3 janvier 1995, citée au point IB2 de la présente décision, dans laquelle elle lui rappelait qu'en vertu du contrat de concession il lui était interdit de procéder à du démarchage commercial actif ; que cette interdiction est conforme audit règlement et en particulier à son article 2 paragraphe 2 c, qui autorise le concédant à imposer à son concessionnaire "l'obligation de ne faire aucune publicité pour les produits visés au contrat, de n'établir aucune succursale et de n'entretenir aucun dépôt pour leur distribution en dehors du territoire concédé" ;

Mais considérant qu'en ayant interdit, dans un premier temps, à la société AFEPAC d'établir des relations commerciales avec la société STEA pour la raison que cette dernière n'était pas située sur son territoire concédé, puis, dans un second temps, en ayant restreint l'approvisionnement de la société AFEPAC auprès de laquelle la société STEA était fondée à s'adresser, la société Magneti Marelli France a imposé au concessionnaire exclusif une restriction de concurrence qui ne peut être assimilée à l'obligation exemptée par l'article 2, paragraphe 2, point c, du règlement (CEE) n° 1983-83; que cette restriction est également contraire à l'article 3, point c, du dit règlement qui prévoit que l'article 1er du règlement n'est pas applicable lorsque "les utilisateurs ne peuvent acheter dans le territoire concédé les produits visés au contrat qu'au concessionnaire exclusif et qu'il n'existe pas de sources alternatives d'approvisionnement à l'extérieur du territoire concédé"; que, dès lors, les pratiques mises en œuvre par la société Magneti Marelli France sont prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; qu'en revanche, il n'est pas établi que ces pratiques aient affecté les échanges intracommunautaires et ne peuvent, en conséquence, être qualifiées au regard de l'article 85-1 du Traité de Rome;

Sur les sanctions :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : " Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. 100 du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos " ;

Considérant, que les pratiques ont consisté d'une part à attribuer des ristournes discriminatoires aux concessionnaires et d'autre part à instituer une protection territoriale absolue ; que pour apprécier le degré de gravité des pratiques, il y a lieu de tenir compte de la circonstance que les sociétés Magneti Marelli SpA et Magneti Marelli France font partie du groupe Magneti Marelli, de dimension mondiale, qui fait lui-même partie du groupe Fiat, et que la société Magneti Marelli France est le seul fabricant de carburateurs dont étaient équipés les véhicules automobiles fabriqués par les constructeurs français et italiens ; qu'en restreignant l'approvisionnement de la société AFEPAC auprès de laquelle la société STEA avait procédé à plusieurs commandes et en contraignant cette dernière soit à limiter son activité de réparation et d'entretien, soit à rechercher, dans des conditions incertaines, d'autres sources d'approvisionnement, les sociétés en cause ont mis en œuvre des pratiques qui ont pu avoir pour effet de limiter le jeu de la concurrence au stade de la réparation des véhicules automobiles au détriment des consommateurs ; que toutefois, le dommage à l'économie doit s'apprécier en tenant compte du fait que l'attribution de ristournes discriminatoires n'a eu qu'une portée limitée en raison de leur faible montant et de la circonstance que la pratique tendant à conférer une protection territoriale absolue aux revendeurs n'a été établie qu'à l'égard d'un seul concessionnaire;

Considérant que les chiffres d'affaires réalisés en France au cours du dernier exercice, clos le 31 décembre 1996 se sont élevées pour la société Magneti Marelli SpA à 283 millions de francs et pour la société Magneti Marelli France à 2,17 milliards de francs ;

Considérant que la société Magneti Marelli SpA a mis en place en 1992 les contrats de concession par l'intermédiaire de sa filiale Magneti Marelli distribution ; que, pendant la période allant du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1995, elle a géré directement les contrats de concession ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 100 000 F ;

Considérant que la société Magneti Marelli France a repris la gestion des contrats à partir du 1er janvier 1996 et qu'elle est l'auteur des pratiques tendant à instaurer une protection territoriale absolue ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 900 000 F ;

Décide :

Article 1 : Il est établi que la société Magneti Marelli SpA et la société Magneti Marelli France ont enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Article 2 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

- 100 000 F à la société Magneti Marelli SpA ;

- 900 000 F à la société Magneti Marelli France.