Conseil Conc., 18 juin 1997, n° 97-D-48
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques mises en œuvre dans le secteur des transactions immobilières entre particuliers par les entreprises du réseau de franchise Eras
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport de Mme Simone de Mallmann, par M. Barbeau, président, M. Cortesse, vice-président, , M. Rocca, membre, désigné en remplacement de M. Jenny, vice-président, empêché.
Le Conseil de la concurrence (commission permanente),
Vu la lettre enregistrée le 29 juin 1992, par laquelle le ministre de l'économie et des finances a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre dans le secteur des transactions immobilières entre particuliers par les entreprises du réseau de franchise Eras ; Vu l'ordonnance n° 861243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 861309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général et le commissaire du Gouvernement entendus, les sociétés Euro Cuisine Groupe Eras et Inter Partner Service ayant été régulièrement convoquées ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (II) ciaprès exposés :
I CONSTATATIONS
Les transactions immobilières entre particuliers peuvent s'effectuer par l'intermédiaire de journaux, d'agences, de notaires et d'entreprises organisées en réseaux (Eras, Hestia, HLP). Ces dernières mettent en relation des particuliers, en leur fournissant des listes informatisées d'annonces de vente et de location de biens immobiliers.
A Le réseau de franchise Eras
La marque Eras a été déposée et enregistrée à l'Institut national de la propriété industrielle le 28 octobre 1988. Elle a été exploitée par la société à responsabilité limitée Euro Cuisine Groupe Eras à Cannes (06400), puis par la société anonyme Inter Partner Service dont le siège est au Cannet (06110).
Dans le "document d'information franchise Eras, édition juin 911", il est indiqué que la société Inter Partner Service a "tout d'abord appuyé son développement sur la ligne de services locations entre particuliers et avec celleci" et qu'elle "offre maintenant à ses partenaires, anciens et nouveaux, une nouvelle ligne de service : la diffusion vente". Avec 38 entreprises franchisées, 7 bureaux pilotes au 1er juin 1991, 70 points de vente Eras à la fin de l'année 1991 représentant 60 000 clients, le réseau Eras occupait une position de premier plan dans le domaine de la location de particuliers à particuliers.
Le groupe Eras propose, sous forme d'un contrat d'adhésion, un abonnement payant donnant l'accès à des adresses de biens immobiliers destinés à la vente ou à la location et permet ainsi aux adhérents de traiter leurs transactions de particuliers à particuliers, sans intermédiaires professionnels. S'agissant des biens offerts en location, les prestations sont gratuites pour le propriétaire. En ce qui concerne les ventes, le contrat de diffusion, qui comporte la description du bien mis en vente, est conclu avec le propriétaire pour une durée déterminée, moyennant le versement d'un prix.
Le fonctionnement du réseau Eras s'appuie sur la parution de petites annonces dans les journaux locaux et régionaux, un réseau informatisé, un réseau minitel (3616 code Eras) interconnecté au réseau informatique et l'édition automatisée d'informations immobilières, la collaboration des centres Eras avec les agences immobilières n'étant pas écartée. Il repose sur le traitement de l'information, la recherche, la saisie informatique, l'analyse et la diffusion des informations par les franchisés. La configuration informatique mise en place utilise un matériel IBM et est définie dans la "bible" du franchisé, dossier remis aux franchisés, qui vise "à mettre à disposition du franchisé le maximum d'informations facilitant le démarrage et la conduite de son entreprise et à standardiser les procédures de fonctionnement d'un centre Eras". Le franchisé conclut avec le franchiseur un contrat de franchise aux termes duquel lui est accordé un secteur géographique sur lequel il exerce en exclusivité son activité (article 1, contrat 1989 et 1990 et article 2, contrat type 1991). Par ailleurs, "le franchisé s'interdit, sauf accord écrit du franchiseur, toutes activités, ... à l'extérieur du domaine géographique défini" (article 83, contrat 1989 et 1990 et article 103, contrat type 1991). La commercialisation par le franchisé des informations s'effectue contre paiement d'un droit d'entrée, d'une contrepartie financière pour les prestations assurées par le franchiseur et d'une redevance représentant 7 % du chiffre d'affaires.
B Les pratiques constatées
1. La clause de nonconcurrence introduite dans le contrat de franchise Eras
Dans le contrat de franchise en vigueur en 1989 de la société Euro Cuisine Groupe Eras et en 1990 de la société Inter Partner Service, la clause de nonconcurrence prévoyait (article 202, pièces 20 et 21) : "Dans tous les cas où le contrat aura été résolu, soit à son terme naturel, soit avant son terme, aux torts et aux griefs du franchisé, celuici aura l'interdiction absolue sur tout le secteur géographique concédé pendant la durée expirant au terme conventionnel et dans les trois années suivantes, de s'affilier, d'adhérer, de participer directement ou indirectement à une organisation comparable à celle à laquelle il adhère par la conclusion du présent contrat ; de même de représenter ou se lier à tous groupements, organisations, associations ou sociétés concurrents du franchiseur". Toutefois, cette clause a été réduite à douze mois dans le contrat type établi par la société Inter Partner Service en 1991 (pièce 22).
2. Les clauses relatives à l'équipement et à l'approvisionnement des franchisés
Le contrat de franchise en vigueur en 1989 et 1990 (article 11) et 1991 (article 13) prévoit que "le franchisé devra réserver l'exclusivité de ses achats aux produits référencés par le franchiseur, et en particulier :
- tous les documents publicitaires (presse, coupons, etc.),
- tous les produits annexes sélectionnés et référencés,
- tous les matériels informatiques et bureautiques,
- tous les logiciels".
La "bible" du franchisé indique que la configuration informatique est fondée sur un matériel IBM et donne notamment comme référence pour l'unité centrale le modèle "8530021 IBM".
Mme Michèle Guerin, exploitant une entreprise spécialisée dans la diffusion de publicité dans l'immobilier à Montpellier, a précisé par procèsverbal du 15 octobre 1991 (pièce 30) : "En ce qui concerne mes achats de produits nécessaires à mon activité, le franchiseur Eras ne m'a jamais imposé de fournisseurs référencés par ses soins.
Le logiciel de base fourni par Eras est inclus dans le droit d'entrée de 210 000 F HT prévu par le contrat. En matière d'informatique, il m'a imposé un type d'ordinateur IBM 85.03.002 et l'imprimante, ceci dans un souci d'uniformisation du réseau et permettre une meilleure intégration de nouveaux logiciels... J'achète uniquement auprès d'Eras les papiers à entête Eras, les cartes de visite et les dépliants publicitaires... Il ne m'impose rien en matière d'achat de produits et fournitures".
M. Joseph Batard, propriétaire exploitant d'un centre de recherche locatif de particuliers à particuliers à Nantes, franchisé Inter Partner Service, a indiqué le 14 juin 1990 (pièce 31) : "A part les enseignes Eras (losange et drapeau) achetés à Eras, je ne vois que le matériel informatique dont la bible nous donne un "fournisseur recommandé" : "Elan Informatique" M. Bloin 62 Bld Carnot 06400 Cannes 93384585. Mais je sais que le franchisé de Rennes a acheté ailleurs".
M. Chiriac, franchisé Eras à Grenoble, a déclaré le 15 octobre 1991 (pièce 28) : "La clause d'exclusivité d'achat (article 11 du contrat) est purement formelle. Elle n'est pas rigoureuse dans les faits. Les produits sont achetés auprès du franchiseur dans la mesure où ils donnent satisfaction".
Mme Conchita BarqueroCorella, gérante de la SARL CCIE à Bordeaux, a indiqué le 15 octobre 1991 (pièce 25) : "En ce qui concerne le matériel, nous sommes entièrement libres du choix (fournisseur et matériel) et même de nos investissements".
Enfin, M. Sébastien Sosio, franchisé Eras à Bayonne, a déclaré le 15 octobre 1991 (pièce 32) : "En ce qui concerne l'exclusivité d'achat des produits référencés par le franchiseur prévu à l'article 11 du contrat de franchise, elle concerne en principe l'ensemble des documents commerciaux (papier à lettre, enveloppes, prospectus, contrats, etc.) mais elle reste relativement souple : ainsi j'ai fait fabriquer moimême les panneaux de diffusionvente.
Pour le matériel informatique, le franchiseur impose la marque d'un constructeur, IBM en l'occurrence, correspondant au logiciel établi par ses soins, chacun conservant la liberté d'effectuer l'achat où bon lui semble ; en revanche, les logiciels sont systématiquement achetés au franchiseur".
3. Les pratiques relevées en ce qui concerne la fixation et la diffusion des prix
Le franchiseur a établi des tarifs d'abonnement pour les contrats d'adhésion et les contrats de diffusion, dans des documents intitulés "prix de vente TTC tarif conseillé au 1er octobre 1991" et "prix de vente TTC tarifs au 2 janvier 1991 " (pièce 36). Au sujet de ces prix, M. Laprevotte, directeur général de la société Inter Partner Service, a déclaré le 4 décembre 1991 (pièce 9) : "Les tarifs d'abonnement, de diffusion et de fournitures que j'adresse aux franchisés sont des tarifs conseillés. Ils ne sont pas imposés mais vivement recommandés dans le but d'obtenir une uniformisation des prix dans le réseau et afin que le client ne soit pas confronté à des incohérences. Ces prix sont établis sur la base d'études de rentabilité liées aux prix de revient".
Par ailleurs, les tarifs d'abonnement communiqués par le franchiseur sont contenus dans la " bible " du franchisé dont ils font partie intégrante. La société Inter Partner Service procède à la mise à jour des tarifs qui sont transmis aux franchisés par voie de circulaire. Plusieurs franchisés ont évoqué cette diffusion.
Les tarifs font aussi l'objet de discussions dans le cadre de réunions tenues entre franchiseurs et franchisés. M. Bernard Audra, centre Eras à Valence, a déclaré le 15 octobre 1991 (pièce 26) : "Chaque année, le franchiseur organise une réunion nationale des franchisés... A l'occasion de ces réunions, au cours de l'année 1990, ... les tarifs des nouvelles prestations (locationvente) ont été discutés en commun".
M. Joseph Batard a précisé : "Le franchiseur organise des groupes de réflexion commun sur tous sujets... Les prix actuels ont été fortement discutés dans ces réunions ; ils étaient conseillés par M. Laprevotte et son équipe...".
M. Claude Sussond, franchisé Eras à Poitiers, a indiqué le 28 mars 1990 (pièce 23) : "L'adhésion est de... Ces prix sont fixés par mon franchiseur en accord avec tous les franchisés. Les franchisés se réunissent pour fixer les prix".
M. Sébastien Sosio, franchisé Eras à Bayonne, a précisé : "Les prix pratiqués correspondent à ceux affichés en vitrine et à l'intérieur de l'établissement. Ces tarifs ont été établis en commun au cours d'une réunion où le franchiseur a proposé les tarifs qu'il envisageait et les nouveaux services proposés...".
Les comptes rendus de réunions entre le franchiseur et les franchisés établissent également que des discussions sur les prix ont eu lieu. Ainsi, le compte rendu de la réunion du 19 février 1990 entre le franchiseur et les franchisés de la région RhôneAlpes mentionne : "L'augmentation du tarif du contrat de diffusion à 3 000 F est votée à l'issue de la discussion". C'est ainsi également que, lors de la réunion du 25 juin 1990 entre le franchiseur et les franchisés de cette même région, il a été admis "qu'un tarif préférentiel peut être envisagé pour les étudiants intéressés par les chambres meublées ou les studios en courte durée".
L'instruction a aussi mis en évidence que la quasitotalité des franchisés qui ont été entendus pratiquaient les tarifs transmis par le franchiseur. Mme Martine Leborgne et M. Gilles Pasteur, SARL "EMMLB" à Toulouse, ont indiqué, le 15 octobre 1991 (pièce 34) : "Depuis le démarrage de notre activité nous appliquons les tarifs qui nous ont été communiqués par le franchiseur".
Mme Yvette Leveillé, du centre Eras à Pau, a déclaré le 15 octobre 1991 (pièce 35) : "Le tarif actuellement appliqué, comme les précédents, m'a été communiqué par le franchiseur lors d'une réunion nationale en octobre 1990 à Avignon et a été confirmé par courrier au mois de décembre 1990".
Mlle Lydie Piney, responsable du bureau Eras de Lyon, succursale de la SARL Audra à Valence, a déclaré le 15 octobre 1991 (pièce 39) : "Les tarifs d'abonnement m'ont été communiqués et présentés comme ceux appliqués dans l'ensemble des centres Eras".
M. Joseph Batard, franchisé Inter Partner Service, a communiqué son "tarif affiché" et a précisé qu'il correspondait "à la fiche D103 a de la bible".
M. Jean Louis Arnaud, franchisé Eras à Sète, a précisé le 15 octobre 1991 (pièce 33) : "J'applique ce tarif que m'a demandé d'appliquer le franchiseur :
- carte d'abonnement 6 mois : 800 F (TTC) ;
- carte diffusion vente 6 mois : 6 000 F".
Mme Michèle Guerin a indiqué : "Mon tarif affiché en vitrine a été établi par mes soins à partir de tarifs conseillés par mon franchiseur Eras, ainsi qu'ils ressortent du document intitulé "prix de vente TTC au 1er mars 1990" (D1 03 a) intégré dans la bible du franchisé Eras".
M. Sébastien Sosio, franchisé Eras à Bayonne, a déclaré : "... Ces tarifs ont été établis en commun au cours d'une réunion où le franchiseur a proposé les tarifs qu'il envisageait et les nouveaux services proposés : ils ont été acceptés par l'ensemble des franchisés et pour ma part, je les pratique systématiquement".
M. Bernard Zanarolli, franchisé Eras à Annecy, a précisé le 15 octobre 1991 (pièce 40) : "Par rapport à mes concurrents locaux hors réseau, je suis le plus cher en matière de location actuellement. Au cours des mois de maijuin 90, le franchiseur souhaitait faire passer les tarifs de location de 600 F à 800 F. Sous l'impulsion du franchiseur, certains franchisés ont suivi immédiatement, surtout les grosses villes qui ont un potentiel important. Les franchisés ont poussé les autres franchisés à les suivre dans leur augmentation au cours des réunions régionales.
J'étais, pour ma part, réticent à augmenter au départ. J'ai quand même accepté d'augmenter mon tarif".
Toutefois, selon d'autres déclarations, chaque franchisé aurait la possibilité d'adapter les consignes de prix qui lui sont fournies par le franchiseur. M. Chiriac a déclaré : " Les prix tarifs sont proposés par le franchiseur et discutés ensuite entre les franchisés... Le prix de 800F a été discuté au cours d'une de ces réunions... Il a, dans l'ensemble, été approuvé par les participants mais ensuite chacun est resté libre de l'appliquer ou de ne pas l'appliquer. Certains ont d'ailleurs défini un prix spécifique pour les étudiants ".
Mme Christelle Pascalin, franchisé Eras à Lyon, a indiqué le 15 octobre 1991 (pièce 27) : "... Le tarif pratiqué était de 600 F. Ce tarif m'avait été indiqué par le franchiseur. En mars 1990, le franchiseur m'a demandé de porter le prix du contrat à 800 F. Cette augmentation me semblait élevée. J'ai donc par la suite proposé pour le même prix une prestation illimitée dans le temps pour la région lyonnaise... Pour les étudiants, je propose un contrat de 4 mois pour un prix de 600 F".
Enfin, M. Pierre Rémy, franchisé Eras à Avignon, a déclaré le 15 octobre 1991 (pièce 38) : "Nous avons la possibilité de faire des prix inférieurs à ceux du tarif diffusé par le franchiseur dans la mesure où les variations sont raisonnables. Ainsi, je pratique un tarif de 5 840 F (TTC) pour la diffusion vente, avec diffusion dans les journaux, alors que le tarif du franchiseur est de 6 000 F. Je n'ai pas eu besoin de demander l'autorisation du franchiseur pour pratiquer ce prix. Un inspecteur du franchiseur, M. Delegarde, fait le tour des franchisés et regarde le niveau des prix ainsi que l'argumentaire de mes employés notamment. (...) Le dernier tarif que j'ai reçu est daté de janvier 1991. Pour ma part, j'ai changé le tarif le 26 août 1991 en passant le prix de la "recherche de chambre ou studio longue durée pour 6 mois" à 680 F (prix conseillé par le franchiseur 650 F)".
II SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,
Sur la clause de nonconcurrence introduite dans le contrat de franchise Eras :
Considérant que le contrat de franchise Eras liant en 1989 la société Euro Cuisine Groupe Eras et en 1990 la société Inter Partner Service aux franchisés contenait une clause qui interdisait aux franchisés, à son expiration, de représenter un concurrent ou de s'associer à lui pendant une durée de trois ans, ramenée à douze mois dans le contrat type établi en 1991 ;
Considérant que les clauses de nonconcurrence peuvent être considérées comme inhérentes à la franchise dans la mesure où elles permettent d'assurer la protection du savoirfaire transmis qui ne doit profiter qu'aux membres du réseau et de laisser au franchiseur le temps de réinstaller un franchisé dans la zone d'exclusivité ; que ces clauses doivent cependant rester proportionnées à l'objectif qu'elles poursuivent ;
Considérant que les sociétés Euro Cuisine Groupe Eras et Inter Partner Service font valoir que le franchiseur transmet aux franchisés un savoirfaire en termes de gestion et de procédés commerciaux ; que la clause de nonconcurrence constitue le moyen indispensable "pour garantir la loyauté et l'usage de ce savoirfaire" et qu'enfin, celleci étant limitée dans le temps et dans l'espace, revêt un caractère licite ;
Mais considérant que lesdites sociétés n'apportent aucun élément tendant à justifier que l'activité en cause requiert pour son exercice une technicité telle qu'elle impose une clause de nonconcurrence d'une durée de trois ans; que le règlement (CEE) n° 4087-88 du 30 novembre 1988 prévoit qu'une obligation de nonconcurrence ne peut être imposée aux franchisés après l'expiration du contrat que pour une durée raisonnable qui ne peut excéder un an et seulement dans la mesure où une telle obligation est nécessaire pour protéger les droits de propriété industrielle ou intellectuelle du franchiseur ou pour maintenir l'identité commune et la réputation du réseau; que dans le contrat qui lie le franchiseur et les franchisés du réseau Eras, il est d'ailleurs prévu de se prémunir contre la divulgation du savoirfaire, par l'imposition d'une obligation de confidentialité s'étendant audelà de l'expiration du contrat ;
Considérant ainsi que la clause de nonconcurrence figurant aux contrats en vigueur en 1989 et 1990 a pu dissuader d'anciens franchisés soit de se réinstaller à titre individuel, soit d'adhérer à un autre réseau sur la zone d'exclusivité pendant la période stipulée au contrat et a pu limiter artificiellement le jeu de la concurrence dans le secteur des transactions immobilières entre particuliers; que, par suite, cette clause est contraire aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Sur les clauses relatives à l'équipement et à l'approvisionnement des franchisés :
Considérant que la société Inter Partner Service impose à ses franchisés, d'une part, d'équiper leur centre en matériel informatique base IBM, l'unité centrale correspondant au modèle 8530021 IBM, d'autre part, de réserver l'exclusivité de leurs achats aux produits qu'elle sélectionne s'agissant des documents publicitaires, du papier à lettre, des cartes de visite, des documents contractuels, des matériels informatiques et bureautiques, des logiciels, l'ensemble de ces matériels et fournitures étant référencés dans la "bible" du franchisé ;
Considérant qu'en vertu de la jurisprudence tant nationale que communautaire, un franchiseur est en droit d'imposer aux franchisés de s'approvisionner exclusivement auprès de sa société ou auprès des fournisseurs qu'il aura référencés lorsqu'il est prouvé qu'il n'est pas possible, en pratique, en raison de la nature des produits qui font l'objet de la franchise, d'appliquer des spécifications de qualité objectives, dans la mesure où le respect de ces obligations est nécessaire à la protection des droits de propriété industrielle ou intellectuelle du franchiseur ou pour maintenir l'identité commune et la réputation du réseau ;
Considérant, s'agissant du matériel informatique, que la société Inter Partner Service soutient que n'est pas imposé aux franchisés un produit IBM en soi, mais un produit compatible ; que s'il est exact que la "bible" du franchisé fait référence à la base IBM, elle donne aussi des références de matériel précises ; qu'ainsi, notamment l'unité centrale est référencée "8530021 IBM" ; que, toutefois, tous les ordinateurs dits PC (personal computer), étant compatibles entre eux, le franchisé peut, pour ce type de matériel, définir des prescriptions objectives pour préserver l'uniformité du réseau ; qu'en ce qui concerne les fournitures, telles que les documents publicitaires, le papier à lettre, les cartes de visite, les documents contractuels..., il n'est ni établi, ni même allégué que le franchisé ne pourrait définir des prescriptions objectives de qualité ; que, dès lors, l'obligation pour les franchisés d'équiper leur centre en matériel informatique base IBM et de réserver l'exclusivité de leurs achats en fournitures que référence le franchiseur et de s'approvisionner pour ces derniers produits auprès de sa société ou des sociétés qu'il désigne, a pour objet et a pu avoir pour effet de limiter la concurrence entre les fournisseurs de matériels et de fournitures et la liberté d'approvisionnement des franchisés audelà de ce qui est nécessaire au maintien de l'identité commune du réseau;
Considérant, par suite, que tant les dispositions du contrat de franchise que celles de la "bible" du franchisé qui imposent aux franchisés des références de matériel informatique et de fournitures délivrées par le franchiseur, sont contraires aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Sur la fixation et la diffusion des tarifs aux consommateurs au sein du réseau :
Considérant que la société Inter Partner Service communique à ses franchisés des tarifs à appliquer qui sont discutés lors de réunions franchiseur/franchisés, sont contenus dans la "bible" du franchisé et sont actualisés par voie de circulaire ;
Considérant que la fixation concertée de prix par des commerçants indépendants regroupés sous une même enseigne ne constitue pas une pratique prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 lorsque ces commerçants ne sont pas situés dans la même zone de chalandise ; qu'il est, en outre, possible à un franchiseur de communiquer à des franchisés, situés dans la même zone de chalandise, des barèmes de prix maximaux de revente ou de prix conseillés, à condition que ces indications soient sans ambiguïté et que ces prix ne revêtent pas en réalité le caractère de prix imposés ou de prix minimaux ; qu'à l'inverse, lorsque les franchisés sont regroupés sous la même enseigne et situés, pour certains d'entre eux, sur les mêmes zones de chalandise, la fixation de prix de revente identiques ou minimaux que tous les membres du réseau se trouvent, en fait, dans l'obligation d'appliquer constitue une pratique prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant que les prix ont été discutés au cours des réunions réunissant le franchiseur et les franchisés et sont donc le résultat d'une concertation ; que, toutefois, chaque franchisé exerce son activité dans une zone d'exclusivité définie contractuellement et comprenant un portefeuille d'annonces correspondant à un secteur géographique déterminé couvrant la plupart du temps un département; que, dès lors, chaque franchisé exerçant son activité sur une zone géographique distincte, la fixation concertée des prix des prestations dispensées par les franchisés ne constitue pas une pratique prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Sur les suites à donner :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos" ;
Considérant que les sociétés Euro Cuisine groupe Eras et Inter Partner Service ont introduit dans le contrat de franchise applicable en 1989 et 1990 une clause de nonconcurrence d'une durée de trois ans ; que toutefois dans le contrat type élaboré en 1991 cette clause a été ramenée à douze mois ;
Considérant que le contrat de franchise de la société Inter Partner Service oblige les franchisés à équiper leur centre en matériel informatique base IBM qu'elle référence et à acquérir les fournitures (documents publicitaires, papier à lettre, cartes de visite, contrats...) auprès de sa société ; que, dans l'appréciation de la gravité de la pratique imputable à cette société, il y a lieu de tenir compte du fait qu'en imposant ces obligations la société Inter Partner Service a limité les sources d'approvisionnement des franchisés et a entravé la concurrence entre les fournisseurs de matériel informatique et de fournitures en produits de papeterie ; que l'appréciation du dommage causé à l'économie doit tenir compte de la circonstance que les pratiques en cause ont concerné un réseau comprenant au 1er juin 1991, 38 entreprises franchisées, 7 bureaux pilotes et, à la fin de l'année 1991, 70 points de vente Eras et qui a occupé une position de premier plan dans le secteur des transactions immobilières de particuliers à particuliers ;
Considérant que le Tribunal de commerce de Cannes a, par jugement du 22 mai 1997, prononcé la liquidation judiciaire de la société Inter Partner Service et a nommé comme liquidateur Me Pierre Garnier à Mougins (06250) ; que cette société ne subsiste que pour les besoins de sa liquidation et n'exerce plus aucune activité depuis le 22 mai 1997 ; qu'en raison de l'arrêt des poursuites individuelles, elle ne peut faire l'objet d'une condamnation à une somme d'argent ; que dans ces conditions, il n'y a pas lieu au prononcé de sanction à l'égard de la société Inter Partner Service,
Décide :
Article 1er Il est établi que la société Inter Partner Service a enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
Article 2 Il n'y a lieu ni à sanction, ni à injonction à l'égard de la société Inter Partner Service.