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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 18 mars 1997, n° FCEC9710134X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Zannier (SA)

Défendeur :

Ministre de l'Économie, des Finances et du Budget

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Thin

Avocat général :

M. Woirhaye

Conseillers :

Mme Mandel, M. Cailliau

Avoué :

SCP Duboscq Pellerin

Avocat :

Me Lefort

CA Paris n° FCEC9710134X

18 mars 1997

Saisi par lettre du ministre de l'économie, des finances et du budget en date du 24 mars 1992 de pratiques relevées à l'occasion de l'exécution de conventions de franchise dans le réseau de vente de vêtements pour enfants de la marque Z, le Conseil de la concurrence a défini le marché concerné par ces pratiques comme étant celui des vêtements pour enfants, sur lequel il a relevé que les ventes réalisées sous l'enseigne Z avaient en 1990 représenté 2,7 % du chiffre d'affaires total de ce marché.

Les pratiques incriminées ont été retenues à la charge de la société mère du groupe Zannier: la société groupe Zannier SA, et de la société filiale Zannier SA, chargée de la commercialisation des produits vendus sous la marque Z au travers du réseau de franchise regroupant les magasins sous enseigne Z.

Le Conseil a relevé qu'entre 1990 et 1992 trois modèles de contrats de franchise se sont succédés, dans lesquels a été constatée la présence de clauses susceptibles de tomber sous le coup de la prohibition de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986. C'est ainsi qu'ont été retenues :

- la clause présente dans les trois contrats imposant aux franchisés de s'adresser pour la réalisation des aménagements intérieurs et extérieurs des magasins à la société Z Service, filiale du groupe, à l'exclusion de toute autre entreprise, et fixant les modalités de paiement de ces prestations ;

- la clause également présente dans les .trois contrats et imposant aux franchisés de se fournir auprès de la société Zannier, ou d'entreprises agréées, pour l'ensemble de leurs achats, y compris les sacs et emballages, les travaux d'impression, les objets publicitaires, boîtes cadeaux, caisses enregistreuses, et imprimantes de Minitel ; en outre, le premier contrat-type comportait une clause non reprise dans les contrats ultérieurs, qui interdisait aux franchisés les rétrocessions de marchandises ;

- les deux premiers contrats-types comportaient une clause d'exclusivité interdisant aux franchisés d'exercer pendant deux ans après l'expiration de leur contrat dans la zone d'exclusivité tout commerce concurrent dans le cadre d'un groupement et, en cas de rupture anticipée, toute activité concurrente, quel que soit le mode d'exercice de celle-ci pendant la même durée, le troisième contrat interdisant l'exercice de tout commerce de vente de vêtements d'enfants dans la zone d'exclusivité pendant une année ;

- les deux premiers contrats-types prévoyaient une obligation de respect des prix " conseillés " (1er contrat), ou "indicatifs " (2ème contrat).

Le Conseil a estimé que la clause imposant l'approvisionnement en articles de mode auprès d'un même fournisseur était justifiée par la nature des articles faisant l'objet de la franchise, mais qu'en revanche les mêmes justifications n'étaient pas applicables aux aménagements de magasins, tant en ce qui concerne les installations et fournitures s'y rapportant que les modalités de financement de ces travaux, aux achats d'articles publicitaires, et aux acquisitions de matériel servant à la gestion.

Il a également relevé que la prohibition des rétrocessions entre franchisés avait un effet restrictif de concurrence, de même que les clauses d'exclusivité des deux premiers contrats-types, en raison de la durée excessive de la prohibition qu'elles instauraient.

Il a enfin retenu que les constatations matérielles opérées au cours de l'enquête administrative avaient établi que les prix de vente conseillés des marchandises étaient préenregistrés sur les caisses enregistreuses, lesquelles étaient reliées directement au franchiseur; que les articles étaient livrés munis d'une étiquette comportant non seulement un code barre destiné à sa lecture optique, mais également du prix pré-imprimé, et que les campagnes publicitaires nationales s'accompagnaient de l'envoi aux franchisés de prospectus mentionnant les prix de vente des articles concernés; il a en conséquence estimé que ces différentes pratiques, conjuguées aux clauses obligeant au respect de prix conseillés aboutissaient à imposer les prix de revente, et étaient de nature à restreindre la concurrence entre franchisés qui pour certains se trouvaient dans la même zone de chalandise donc en situation de concurrence potentielle.

Le Conseil a en conséquence :

- enjoint à la société Groupe Zannier de supprimer des contrats de franchise qu'elle établit deux des clauses incriminées, maintenues dans les conventions ultérieures, et,

- infligé des sanctions pécuniaires de 150 000 F à la société Groupe Zannier, et 1 500 000 F à la société Zannier SA pour ses interventions propres, ainsi que celles de la société Z Services, absorbée par la société Caz Services, elle-même absorbée par Zannier SA à dater du 1er janvier 1995.

A l'appui de leur recours, les sociétés Groupe Zannier et Zannier SA font valoir à titre principal :

- un moyen d'annulation, tiré de ce que les faits sanctionnés auraient été commis plus de trois ans avant le premier acte interruptif de la prescription à l'égard des sociétés Zannier SA et Caz Services ;

- un deuxième moyen d'annulation selon lequel le marché pertinent aurait été mal défini par le Conseil; selon les requérants le marché à considérer étant celui de la vente des vêtements d'enfants, quel que soit le mode de distribution choisi, le Conseil aurait dû y constater la présence d'un oligopole en faveur des chaînes de grande distribution, et grandes surfaces spécialisées, auxquelles n'appartiennent pas les franchisés du groupe Zannier, et retenir que, sous la pression de cet oligopole, les prix avaient évolué dans le sens de la baisse ;

- un moyen de réformation selon lequel la part détenue par le groupe Zannier sur le marché ainsi défini étant de 3 %, le seuil de sensibilité de l'effet des pratiques retenues ne serait pas atteint, ce qui interdirait toute application de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Subsidiairement, pour solliciter la réformation de la décision, elles développent les moyens suivants :

- le premier type de contrats n'interdisait pas les rétrocessions entre franchisés, mais au contraire en réservait tacitement la possibilité; en toute hypothèse, le seuil de sensibilité d'une telle pratique ne serait pas atteint, de même que pour la clause imposant le choix des entreprises et matériaux pour l'aménagement des magasins ;

- le Conseil aurait à tort estimé que l'obligation faite aux franchisés d'acquérir auprès de fournisseurs agréés le matériel destiné à la communication interne au réseau de franchise et les objets publicitaires avait pu restreindre le jeu de la concurrence entre les franchisés, d'une part, et entre les fournisseurs, d'autre part ; qu'en effet les premières de ces fournitures doivent répondre à une exigence de parfaite compatibilité avec le système en place dans la société Zannier, afin de lui permettre de gérer au mieux les stocks, et l'unité d'approvisionnement pour les secondes permet d'assurer l'identité d'image du réseau, ainsi que de préserver le respect des droits de propriété industrielle du franchiseur ; l'atteinte à la concurrence susceptible de résulter de l'application de ces clauses resterait selon les requérants en dessous du seuil de sensibilité ;

- le Conseil aurait méconnu le contenu exact des clauses de non-concurrence, en ignorant la distinction qu'elles opèrent selon la cause de rupture du contrat de franchise, et le mode de rétablissement, quant à la durée de l'interdiction de concurrence, ainsi que leur finalité de prévention de la fraude aux intérêts légitimes du franchiseur; il aurait également fixé de façon subjective à un an la durée acceptable pour de telles clauses ;

- les dispositions des deux premiers contrats types relatives aux prix conseillés n'auraient pas eu pour effet de rendre obligatoire la pratique de ces prix.

A titre plus subsidiaire, les sociétés requérantes demandent à la cour de réformer la décision attaquée sur le montant des sanctions, en raison, d'une part, de la mauvaise appréciation que le Conseil aurait portée sur l'effet de ces pratiques, en se référant à l'activité générale des sociétés du groupe Zannier, y compris en dehors du réseau de franchise considéré, de l'absence d'effet réel et structurel sur le marché pertinent et, d'autre part, de la prise en compte comme fondement du montant de ces sanctions du chiffre d'affaires réalisé au cours du dernier exercice clos à la date de la décision, alors que les comptes de cet exercice n'avaient pas encore été approuvés par les assemblées générales des actionnaires.

Le Conseil de la concurrence fait observer que le moyen tiré de la prescription n'est pas fondé, en vertu du principe de sa saisine in rem, et de l'existence d'un délai inférieur à trois ans entre sa saisine et la convocation de M. Zannier aux fins d'audition :

- que, contrairement aux prétentions des requérantes, il a défini et étudié dans sa structure le marché pertinent, en ne commettant pas l'erreur qui lui est imputée relativement à la part de ce marché détenue par les sociétés incriminées ;

- que la constatation d'un effet sensible sur le marché n'a pas à être posée en préalable de la qualification des pratiques en cause ;

- qu'il a caractérisé au regard des éléments contenus dans le dossier la pratique de prix imposés ;

- qu'il a dans la détermination des sanctions tenu compte de la durée des pratiques, de leur gravité et de l'activité globale du groupe Zannier sur le marché de référence, en ce qu'elle est susceptible de permettre d'apprécier l'étendue du dommage causé à l'économie.

M. le ministre chargé de l'économie conclut au rejet du recours, en faisant valoir que :

- la prescription n'est pas acquise, puisque le Conseil, saisi le 24 mars 1992 de faits qui se sont déroulés entre mars 1989 et mars 1992, a établi le 13 mars 1995, soit moins de trois ans après sa saisine, un procès-verbal d'audition de M. Roger Zannier, président de la société Groupe Zannier, cet acte interrompant également la prescription à l'égard de la société Zannier SA, en raison de la participation des deux sociétés aux mêmes faits, et du principe de la saisine in rem du Conseil ;

- le marché pertinent a été correctement apprécié et décrit par le Conseil; que l'existence d'un oligopole détenu par les enseignes de la grande distribution alimentaire invoqué par les requérantes n'est pas établi, et que la décision attaquée ne comporte pas d'erreur relativement à la part de marché détenue par les revendeurs franchisés, puisque les sociétés chiffrent cette part à 3 % de ce marché, et que le Conseil a retenu une part de 2,7 % ;

- l'examen de l'effet sensible des pratiques incriminées est à juste titre examiné par le Conseil en vue de la fixation du montant de la sanction, et non en tant que condition d'application de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

- certaines des clauses des contrats imposent des restrictions à la concurrence qui ne sont pas nécessaires pour atteindre les objectifs d'amélioration de la distribution, à savoir :

- le choix exclusif de la société Z Services, filiale du groupe pour les travaux d'aménagement, ainsi que la prohibition d'approvisionnement en dehors du franchiseur ou de ses fournisseurs agréés en produits ne faisant pas l'objet de la franchise ;

- les clauses de non-concurrence, dont la durée de validité ne devrait pas dépasser une année, en raison de la faible technicité de la vente dans ce secteur ;

- l'interdiction de rétrocession entre franchisés a pour effet potentiel d'éliminer la concurrence sur une partie substantielle des produits objet de la franchise ;

- la clause relative aux prix conseillés est de nature anticoncurrentielle, et a bien été suivie d'effets, étant en fait renforcée par le pré-étiquetage des produits, ainsi que l'enregistrement des prix dans les caisses enregistreuses ;

- le montant des sanctions a été apprécié par le Conseil en fonction de tous les éléments de la cause, et respecte le principe de proportionnalité, la référence aux derniers comptes arrêtés par le conseil d'administration des sociétés sanctionnées étant justifiée, que ces comptes aient été ou non approuvés par l'assemblée générale.

Le ministère public conclut également au rejet des recours. Sur ce, la cour :

1. Sur le moyen tiré de la prescription :

Considérant qu' il est constant que le Conseil a été saisi par lettre du 24 mars 1992 de faits s'étant déroulés entre les mois de mars 1989 et mars 1992; que M. Zannier, convoqué par lettre du 15 février 1995 a été entendu le 13 mars 1995 sur les faits objet de la saisine ; qu'il importe peu qu'il n'ait été entendu qu'en tant que représentant légal de l'une des sociétés en cause, le conseil étant saisi in rem des pratiques incriminées et l'interruption de la prescription étant acquise à l'égard de celles-ci ;

2. Sur le moyen tiré du défaut de définition du marché pertinent :

Considérant que les sociétés requérantes contestent non pas la délimitation du marché pertinent opérée par le Conseil, mais la description des conditions d'exercice de la concurrence sur ce marché, en affirmant que la grande distribution y détiendrait un oligopole et que la part croissante de ce marché dont elle dispose aurait conduit à constater une baisse générale des prix des vêtements pour enfants, de l'ordre de 20 % entre 1988 et 1994; que la part de marché détenue par les magasins franchisés ne représentant que 3 % environ, l'effet des pratiques reprochées demeurerait en dessous du seuil de sensibilité ;

Considérant toutefois qu'il ne peut être reproché au Conseil d'avoir fait état de données erronées relativement aux parts de marchés détenues par le réseau de franchise sous la marque Z, la décision attaquée précisant que " l'enseigne Z détenait à elle seule, en 1990, 2,7 % de ce marché. Le groupe Zannier réalisait quant à lui, toutes marques confondues, environ 5 % du marché en 1990, le président du groupe ayant estimé lors de son audition que ce chiffre s'établissait en 1994 à environ 7 % " ; que pareillement, le Conseil a décrit l'évolution des prix dans le sens de la baisse, sous la pression des chaînes spécialisées dans la vente de vêtements à faible coût, et des grandes et moyennes surfaces; que l'existence d'un oligopole au profit de ces dernières est démentie par la description même de la structure du marché par les requérantes ; que les chaînes de grande distribution sont en situation de concurrence entre elles et que les chaînes spécialisées ont en outre vu s'accroître leur part de marché au cours de la période de référence ;

3. Sur le moyen tiré de l'absence de franchissement du seuil de sensibilité :

Considérant que les sociétés requérantes, tout en affirmant que les pratiques sanctionnées n'auraient produit qu'un effet inférieur au seuil de sensibilité, se contentent de se référer à la part de marché détenue par le réseau de franchise pour en induire que, cette part étant inférieure au seuil de 5 % retenu par les autorités communautaires comme étant celui en deçà duquel un accord est considéré comme d'importance mineure, il ne saurait leur être fait application des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant qu'il est constant que les requérantes ne revendiquent pas l'application en l'espèce du droit communautaire, mais soutiennent que, par analogie, une solution semblable à celle qui est retenue par la communication de la Commission européenne concernant les accords d'importance mineure devrait être adoptée ;

Considérant qu'en l'absence de toute définition légale ou réglementaire d'un seuil de sensibilité, il appartient aux juridictions saisies de vérifier dans chaque cas d'espèce si l'effet potentiel ou avéré des pratiques incriminées est de nature à restreindre de manière sensible le jeu de la concurrence sur le marché concerné ;

Considérant que les données relatives au marché de la vente de vêtements d'enfants, décrites et analysées par la décision attaquée, révèlent que celui-ci a enregistré à l'époque de référence une augmentation en volume des ventes, accompagnée d'une baisse en valeur, sous l'effet de la pression exercée par les grandes surfaces et les chaînes spécialisées; que le Conseil a également relevé que le réseau de franchise Z comportait en 1990 247 magasins et se trouvait de ce fait parmi les principales enseignes de vente au détail de vêtements pour enfants par le nombre de points de vente; qu'il a en outre indiqué que les sociétés sanctionnées appartenaient à un groupe propriétaire de marques renommées, permettant à celui-ci de couvrir toutes les gammes du marché ainsi que de recourir à l'ensemble des modes de distribution des produits, et que ce groupe disposait toutes marques confondues de 5 % environ du marché ;

Qu'ainsila circonstance que le réseau de franchise ne détenait à lui seul que 2,7 % d'un marché caractérisé par une forte concurrence, et partant particulièrement sensible à toute atteinte portée à celle-ci, ne saurait permettre en elle-même d'exclure que les restrictions apportées à la concurrence y aient développé un effet significatif ;

3. Sur les différentes clauses incriminées :

a) La clause d'aménagement exclusif des magasins :

Considérant qu'à juste titre, le Conseil a retenu que cette clause, présente dans les trois contrats successifs, qui réservait à une société membre du groupe le bénéfice exclusif des contrats d'aménagements des magasins, et fixait les modalités de paiement de ces travaux n'était pas indispensable à la sauvegarde de l'identité du réseau, qui pouvait être assurée par d'autres voies, préservant une possibilité de choix pour les franchisés ;

Qu'il résulte de l'examen de cette clause qu'elle recelait un objet anti-concurrentiel, en ce qu'elle limitait l'accès de toute entreprise concurrente de la société Z Services au marché de l'aménagement des magasins, et qu'elle était susceptible de fausser le jeu de la concurrence entre franchisés présents dans une même zone de chalandise ; qu'ainsi elle entre dans le champ d'application de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

b) La clause relative à l'approvisionnement exclusif au profit du franchiseur et des entreprises agréées :

Considérant que les sociétés requérantes affirment que la réussite de leur politique relative aux prix de vente, et la recherche de rentabilité des produits, face à la concurrence des grandes surfaces rendait indispensable l'adoption dans l'ensemble du réseau d'un matériel de communication, et particulièrement de caisses enregistreuses compatibles avec le système de gestion central; considérant toutefois qu'elles n'apportent pas la preuve de ce qu'une telle restriction à la liberté de choix des franchisés ait été nécessaire pour parvenir à cet objectif, les spécifications techniques requises pour ce matériel étant susceptibles d'une description précise ;

Qu'il en est de même pour les achats d'objets publicitaires,l'exclusivité consentie à certains fournisseurs ne pouvant être considérée comme nécessaire à la préservation des droits intellectuels sur la marque, ni à celle de l'identité d'image du réseau ;

Considérant que cette clause, dont les effets anticoncurrentiels sont susceptibles d'affecter les marchés de ces diverses fournitures, ainsi que la concurrence entre franchisés, en limitant leur liberté contractuelle dans le domaine extérieur à la franchise, où elle serait en mesure de s'exercer ne peut, compte tenu du contexte du réseau franchise, être considérée comme ayant un effet insignifiant ;

c) La clause de non-concurrence en fin de contrat de franchise :

Considérant que les contrats de franchises étant conclus pour une durée de cinq ans renouvelable par tacite reconduction, une faculté de résiliation anticipée à l'initiative du franchisé figurait dans les deux premiers contrats; que d'autres causes de rupture anticipée étaient prévues, telles que modification dans la situation juridique du franchisé, ou inexécution par celui-ci de ses obligations contractuelles; que les sociétés requérantes demandent à la cour de constater que le Conseil aurait méconnu le contenu et la portée de cette clause, en ne tenant pas compte de la possibilité offerte au franchisé de se rétablir individuellement en cas de non renouvellement du contrat à son terme, et en omettant de relever que les dispositions interdisant l'exercice d'un commerce concurrent pendant une durée de deux années à dater du terme initialement prévu en cas de rupture anticipée auraient constitué la contrepartie de la faculté unilatérale de résiliation consentie au franchisé par les mêmes contrats ;

Considérant que le Conseil n'a méconnu ni le contenu ni la portée de cette clause, en retenant que les clauses de non-concurrence permettent d'assurer la protection du savoir-faire transmis aux membres du réseau, et le remplacement par le franchiseur d'un franchisé dans la zone d'exclusivité ; qu'il a à juste titre estimé que la durée de ces mesures restrictives de la liberté d'installation devait être proportionnée à l'objectif qu'elles poursuivent , et que ni la technicité de la vente de vêtements d'enfants ni les exigences du remplacement d'un point de vente dans une zone d'exclusivité ne justifiaient le choix de la durée de deux ans après la date d' expiration prévue pour le contrat; qu'en ramenant cette durée à un an dès le troisième contrat type, les sociétés concernées ont démontré que ce délai était suffisant; que la protection contre le risque de fraude de la part du franchisé qui utiliserait la faculté de résiliation admise par les conventions incriminées était déjà assurée par l'exigence d'un préavis d'un an, et la fixation du point de départ du délai de non-rétablissement à la date d'expiration initialement prévue au contrat; que le Conseil n'a pas ignoré l'existence d'une possibilité de rétablissement immédiat sous forme de commerce individuel, en cas de non-renouvellement de la franchise à son tenue, et a exactement tiré les conséquences de la présence dans les contrats de clauses interdisant cette forme d'établissement, de même que l'exercice dans le cadre d'un autre réseau, à la suite d'une rupture anticipée, en estimant qu'elles avaient pu dissuader d'anciens franchisés de se réinstaller dans la zone d'exclusivité pendant les périodes stipulées au contrat; que leur effet potentiellement anticoncurrentiel est ainsi démontré ;

d) La prohibition de rétrocession entre franchisés :

Considérant que les sociétés requérantes soutiennent que le premier contrat aurait tacitement autorisé de telles rétrocessions; mais considérant que la prohibition faite aux franchisés de transférer dans d'autres points de vente que le ou les magasins dénommés au contrat, qu'ils leur appartiennent ou non, est explicite, et ne peut être considérée comme excluant tacitement les rétrocessions; que la modification des contrats sur ce point dès l'élaboration du deuxième type de conventions, est significative à cet égard; qu'une telle disposition en limitant pour les franchisés les sources d'approvisionnement, et en leur interdisant la recherche de conditions optimales d'achat, a pu avoir pour effet de restreindre la concurrence au sein du réseau ; que le caractère marginal de ce type d'approvisionnement ne peut être invoqué, compte tenu de l'effet dissuasif de la clause de prohibition ;

e) La clause imposant le respect de prix conseillés :

Considérant que les sociétés requérantes soutiennent que la clause des deux premiers contrats types imposant le respect de prix imposés n'aurait pas été suivie d'effet, les franchisés conservant en fait la possibilité de fixer librement leur prix, et ayant usé de cette faculté, et aucun contrôle du respect des prix n'étant effectué par le franchiseur ;

Considérant toutefois que les déclarations convergentes de nombreux franchisés établissent la réalité de la pratique des prix conseillés; que la dispersion des marges brutes invoquée par les requérantes comme preuve de l'absence d'identité des prix de vente n'est pas déterminante, la marge brute dépendant non seulement des prix de vente, mais également des conditions d'achat, et que la constatation que certains points de vente ne respectaient pas ces consignes ne fait pas apparaître l'objet anticoncurrentiel de cette clause; considérant en outre que le conseil a retenu à juste titre quel'effet de cette clause était renforcé par les incitations matérielles résultant du pré-enregistrement des prix dans les caisses enregistreuses, lesquelles, étant reliées au service central du franchiseur, permettaient notamment à celui-ci de connaître les prix effectivement pratiqués ; qu'il en est de même du pré-étiquetage des produits ;

3. Sur la détermination des sanctions :

Considérant que les sociétés requérantes soulignent que les pratiques incriminées sont d'une gravité mineure, comme ne relevant ni de l'exclusion ni du boycott, sont anciennes et ont connu une durée limitée; que les contrats ont évolué dans le temps, ce qui, compte tenu de la similitude des modes de fonctionnement nécessaire au bon fonctionnement du réseau, a retenti sur l'application des contrats les plus anciens; que les responsables sociaux se sont inquiétés de la conformité des stipulations des contrats avec les exigences du droit de la concurrence, en consultant la DGCCRF de Saint-Etienne, et en se conformant à ses observations, pour la rédaction des contrats ultérieurs, ce qui serait exclusif de toute mauvaise foi de leur part ; que le conseil aurait à tort retenu l'activité globale du Groupe Zannier sur le marché de référence, et que les pratiques n'auraient causé aucun effet structurel sur le marché, la réalité d'un effet avéré n'étant par ailleurs pas démontrée ;

Considérant que le conseil a caractérisé des pratiques ayant pour certaines un objet anticoncurrentiel, leur effet limitant le jeu de la concurrence au sein du réseau de franchise, sur l'ensemble du marché pertinent, et sur des marchés connexes; qu'il a tenu compte pour l'appréciation du dommage en résultant pour l'économie à la fois des circonstances favorables aux sociétés sanctionnées, telles que l'évolution des contrats dans le temps, en dépit de la persistance de certaines des clauses incriminées, mais également de la situation propre à ces sociétés sur le marché de référence; qu'ainsi la présence de la société Groupe Zannier à d'autres titres que le réseau de franchise leur confère une puissance commerciale supérieure; que le conseil a également retenu à bon droit que les points de vente du réseau de franchise sont répartis sur l'ensemble du territoire ;

Considérant que le montant du chiffre d'affaires hors taxe à prendre en considération pour asseoir le calcul du montant des sanctions est celui réalisé au cours du dernier exercice clos à la date de la décision; que cette disposition qui impose de ne pas tenir compte de la fraction du chiffre d'affaires relative aux exportations ne commande pas de se référer aux comptes approuvés par l'assemblée générale des actionnaires, dès lors que les comptes étaient arrêtés par le conseil d'administration de la société; que le montant des chiffres d'affaires hors exportations réalisés par les deux sociétés s'est élevé en 1995 à l5 332 720 F pour la société Groupe Zannier, et à 530 442 413 F pour la société Zannier SA; que dès lors les sanctions infligées à ces deux sociétés respectent le principe de proportionnalité ; qu'enfin ayant constaté que deux des clauses sanctionnées figuraient encore dans le contrat type en vigueur à la date de la décision, le conseil a justifié l'injonction faite aux sociétés concernées de les supprimer,

Par ces motifs : Rejette les recours des sociétés Groupe Zannier et Zannier SA contre la décision n° 96-D-36 du Conseil de la concurrence ; Les condamne aux dépens.