Cass. com., 21 mars 1989, n° 88-10.162
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
La Ligne du Cuir (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudoin
Rapporteur :
M. Hatoux
Avocat général :
M. Jéol
Avocat :
Me Capron.
LA COUR : - Sur la recevabilité du pourvoi, en la forme : - Vu l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ensemble les articles 1, 4, 5 et 76 de la loi du 31 décembre 1971 et l'article 576 du Code de procédure pénale ; - Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que l'avocat, qui n'a pas renoncé à la postulation, est dispensé de produire une procuration écrite lorsqu'il déclare se pourvoir en cassation au nom de son client contre une ordonnance rendue en vertu de l'article 48 précité de l'ordonnance du 1er décembre 1986 par le président du tribunal de grande instance auprès duquel il est établi professionnellement ; d'où il suit qu'en l'espèce, Me Marchand, avocat au barreau de Rennes, avait qualité pour faire, au greffe du Tribunal de grande instance de Rennes, la déclaration de pouvoir sans avoir à justifier du pourvoi spécial prévu à l'article 576 du Code de procédure pénale, et que le pourvoi est, en la forme, recevable ;
Sur la recevabilité du pourvoi, en tant que dirigé contre le ministère public : - Attendu, que le Ministère public n'ayant pas été partie devant la juridiction qui a rendu la décision attaquée, le pourvoi dirigé contre lui est irrecevable ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu qu'il est fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé des agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à effectuer des visites et saisies dans divers locaux commerciaux ou d'habitation, en se bornant à préciser : " ces visites seront effectuées en présence des officiers de police judiciaire territorialement compétents des services régionaux de police judiciaire et de la Direction centrale de la police judiciaire à Paris ", alors, d'une part, qu'il appartient au président du tribunal de grande instance qui autorise la " perquisition " de décider si les opérations seront effectuées en présence d'un ou plusieurs officiers de police judiciaire ; qu'à cet égard, l'autorisation est intervenue en violation de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors, d'autre part, qu'il appartient au président du tribunal de grande instance de désigner nommément le ou les officiers de police judiciaire appelés à assister à cette opération ; qu'à cet égard encore, l'autorisation est intervenue en violation de l'article 48 précité ;
Mais attendu que le président du tribunal n'est pas tenu de nommer les officiers de police judiciaire qu'il désigne pour assister aux opérations et le tenir informé de leur déroulement ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen : - Attendu qu'il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir autorisé des visites et saisies dans divers lieux professionnels et privés en se bornant à énoncer : " autorisons M. Serge Boiron et les fonctionnaires dûment habilités placés sous son autorité à procéder aux visites et saisies nécessaires à la recherche des agissements visés ", alors, selon le pourvoi, que l'autorisation doit préciser le nom de l'agent ou des agents appelés à effectuer la " perquisition ", que le juge ne peut déléguer à un agent le soin de désigner ceux de ses collègues qui pourront y participer ; qu'ainsi, l'autorisation est intervenue en violation de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu qu'il n'est pas interdit au président du tribunal de laisser au chef de service qui a sollicité l'autorisation exigée par la loi le soin de désigner les agents placés sous son autorité chargés d'effectuer les visites et saisies autorisées, dès lors que ces agents sont dûment habilités en qualité d'enquêteurs ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen : - Vu l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; - Attendu qu'en autorisant les agents de l'Administration à effectuer des visites et saisies, outre dans certains lieux qu'il indiquait avec précision, dans " tous dépôts commerciaux dépendant " des entreprises citées " sis dans le ressort du tribunal de grande instance de Paris, s'il en est trouvé au cours de l'intervention, ainsi que dans les locaux d'habitation des responsables de droit ou de fait des locaux commerciaux susvisés ", alors qu'il était tenu d'identifier expressément les lieux où les visites étaient autorisées, sauf à renvoyer les agents à solliciter au cours des opérations les autorisations complémentaires qui leur semblaient nécessaires, le président du tribunal a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Et sur le quatrième moyen : - Vu l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; - Attendu que le président du tribunal de grande instance s'est reconnu compétent pour faire procéder à des visites et saisies hors de son ressort dans divers locaux, sans constater qu'une action simultanée devait être menée dans différents ressorts ; en quoi il a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Sur le cinquième moyen : - Vu l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; - Attendu que le président du tribunal de grande instance a fait procéder à des visites et saisies hors de son ressort sans délivrer des commissions rogatoires pour exercer le contrôle des opérations aux présidents des tribunaux de grande instance dans le ressort desquels devaient s'effectuer les visites ; en quoi il a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Par ces motifs : Déclare le pourvoi irrecevable en ce qu'il est dirigé contre le ministère public ; Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 6 novembre 1987, entre les parties, par le président du Tribunal de grande instance de Rennes ; Dit n'y avoir lieu à renvoi.