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Décisions

Cass. com., 7 avril 1998, n° 96-13.735

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Rallye (Sté)

Défendeur :

Ministre de l'Économie et des Finances

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner, Me Ricard.

Cass. com. n° 96-13.735

7 avril 1998

LA COUR : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 5 mars 1996) que le ministre de l'Economie a saisi, en 1989, le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société Rallye lors de l'acquisition des réseaux de distribution Disque bleu et Genty Cathiard ; que ces pratiques, susceptibles de constituer des actions concertées ou des ententes au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, concernaient des négociations avec les fournisseurs de la société Rallye, ayant donné lieu ultérieurement à des accords de coopération commerciale, portant sur la nature et le montant des avantages susceptibles d'être consentis par les fournisseurs au distributeur pouvant prendre la forme, soit de remises accordées en fonction du chiffre d'affaires total, soit de budget de référencement, soit de rémunérations de services spécifiques rendus par le distributeur au fournisseur, notamment sous la forme d'opérations publicitaires ; que le Conseil de la concurrence a décidé, le 9 mai 1995, qu'il n'était pas établi que la société Rallye ait enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que le ministre de l'Economie a formé un recours contre cette décision ;

Sur le deuxième moyen pris en sa deuxième branche : - Vu l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; - Attendu que, pour réformer la décision n° 95-D-34 du 9 mai 1995 du Conseil de la concurrence et condamner la société Rallye au paiement d'une sanction pécuniaire, la cour d'appel énonce que l'acte par lequel un distributeur à l'occasion d'une opération de concentration réalisée par lui, fait savoir à l'ensemble des fournisseurs d'une catégorie de produits ou à une partie substantielle d'entre eux, qu'il entend subordonner la poursuite des relations commerciales qu'il a nouées avec eux à des conditions supplémentaires par rapport à celles qu'il avait acceptées, est susceptible d'être visé par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'en effet, à la différence d'une négociation bilatérale qui, sauf hypothèses d'abus de position dominante ou de dépendance économique non visées en l'espèce, doit être considérée comme l'exercice normal d'une négociation commerciale entre un vendeur et un acheteur, la généralisation à tous les fournisseurs ou à une partie substantielle d'entre eux, d'une offre indifférenciée des conditions de renégociation, a pour objet ou pour effet d'entraîner leur adhésion à une harmonisation des conditions de vente, partant de neutraliser ou d'affaiblir le risque concurrentiel ; que l'arrêt relève encore, que les demandes de renégociation ont concerné la quasi-totalité des 3 300 fournisseurs du groupe Rallye couvrant l'ensemble des produits distribués et que cette pratique a été de nature à entraîner l'adhésion de ces fournisseurs ou de certains d'entre eux ou, à tout le moins, à affecter leur autonomie de décision et qu'elle peut être visée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'accord allégué ne pouvait être qualifié d'action concertée ou d'entente au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que s'il était établi que les parties y avaient librement consenti en vue de limiter l'accès au marché ou à la libre concurrence; qu'ayant seulement constaté que cette pratique prise à l'initiative de la société Rallye, qui aurait été susceptible de recevoir d'autres qualifications juridiques au regard de l'ordonnance susvisée, avait été de nature à entraîner l'adhésion des fournisseurs ou de certains d'entre eux, et avait eu pour effet d'affecter "leur autonomie de décision", la cour d'appel a violé le texte susvisé;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mars 1996, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.