Livv
Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 15 juin 1999, n° ECOC9910197X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Canal Plus (SA)

Défendeur :

Télévision par Satellite (SNC), Multivision (SNC), Ministre de l'Economie, des Finances et du Budget

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Premier président :

M. Canivet

Présidents :

Mmes Favre, Marais

Conseillers :

MM. Hascher, Sommy

Avoués :

Me Bolling, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Mes Saint-Esteben, Cohen-Tanugi, Théophile, Dunaud.

CA Paris n° ECOC9910197X

15 juin 1999

Par décision n° 98-D-70 du 24 novembre 1998, le Conseil de la concurrence (le conseil) a :

Art. 1er. - Dit qu'il est établi que la société Canal Plus (Canal Plus) a enfreint les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986

Art. 2. - Enjoint à Canal Plus de cesser de lier le préachat de droits exclusifs de diffusion télévisuelle par abonnement des films cinématographiques français à la condition que le producteur renonce à céder à tout autre opérateur les droits de diffusion télévisuelle de ces films pour le paiement à la séance avant ou au cours de la période pour laquelle Canal Plus peut mettre en œuvre l'exclusivité de la diffusion par abonnement.

Art. 3. - Enjoint à Canal Plus de mettre son contrat type de préachat de droits exclusifs de diffusion télévisuelle par abonnement qu'elle propose aux producteurs de films en conformité avec les dispositions de l'article 2 ci-dessus en modifiant, notamment, les articles 2, 6 et 7 de ce contrat type.

Art. 4. - Infligé à Canal Plus une sanction pécuniaire de 10 millions de francs.

Cette décision a été notifiée à la société Canal Plus, par lettre recommandée avec accusé de réception, le 28 décembre 1998.

Le même jour, le conseil a établi un communiqué de presse, adressé à l'Agence Française de Presse, reprenant en substance les motifs et le dispositif de la décision n° 98-D-70.

Canal Plus a formé, contre cette décision d'établir et de transmettre à la presse un communiqué relatif à la décision rendue le 24 novembre 1998, un recours en annulation ou en réformation, en application des dispositions de l'article 15 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Au soutien de son recours, elle prétend :

A titre liminaire :

- que le fait de ne pas disposer d'un document formel matérialisant la décision litigieuse ne saurait rendre le recours irrecevable ;

- que la Cour d'appel de Paris est compétente dans la mesure où son recours se fonde sur l'ordonnance du 1er décembre 1986 et ses textes d'application, plus précisément sur l'inobservation des règles relatives aux sanctions, et spécialement à la publication des décisions du conseil ;

- qu'en l'espèce, alors que la décision n° 98-D-70 n'a pas accueilli la demande de publication " sanctionnatrice " expressément formulée par les parties saisissantes, le conseil a décidé de faire procéder à une publication du contenu de cette décision dans des conditions illégales, puisque le mode de publicité employé n'entre pas dans les modalités de celle prévue par les dispositions légales, que la décision n'a fait l'objet d'aucun débat, d'aucun délibéré, d'aucune motivation et d'aucune notification régulière.

A titre subsidiaire :

- que la décision a eu objectivement les effets d'une grave sanction, comme le prouve la lecture des articles de presse en rendant compte, totalement injustifiée et disproportionnée.

Le conseil observe que la décision attaquée ne fait pas partie de celles visées par l'article 15 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 de sorte que le recours formé à son encontre est irrecevable. Il indique, sur le fond, qu'en tant qu'organisme administratif indépendant, il peut, sans attenter aux droits des parties, rendre compte de son activité par voie de presse à titre d'information du public.

Le ministre de l'économie ainsi que le ministère public dans ses observations orales font valoir que le communiqué de presse ne présente pas le caractère d'une décision susceptible de faire l'objet du recours prévu par l'article 15 de l'ordonnance précitée.

La société Canal Plus a eu la possibilité de répliquer de manière complète à toutes les argumentations avancées, tant lors de l'instruction écrite qu'à l'audience.

Sur ce, LA COUR :

Considérant que la diffusion par le conseil d'un communiqué de presse annonçant le prononcé de sa décision ne constitue pas une mesure de publication au sens de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Que dès lors, à supposer même qu'un tel acte de publicité procède d'une décision, le recours formé par Canal Plus n'entre pas dans la compétence de la Cour d'appel de Paris fixée par les articles 12 et 15 du texte précité ;

Par ces motifs : se déclare incompétente ; condamne la société requérante aux dépens.