CA Paris, 1re ch. H, 20 octobre 1998, n° ECOC9810342X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Syndicat national des artisans teinturiers traditionnels
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Marais
Avocat général :
M. Woirhaye
Avocat :
Me Nsimba
Saisi par le Syndicat national des artisans teinturiers traditionnels (SNATT) de comportements en matière de prix des pressings dits " hards discounts " qui seraient assimilables à une vente à perte et constitutifs d'une infraction visée à l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le Conseil de la concurrence (ci-après le conseil) a, par décision n° 98-PB-02 du 27 janvier 1998, déclaré la saisine irrecevable aux motifs que :
- la partie saisissante n'a pas apporté d'éléments qui permettraient d'apprécier en quoi les prix pratiqués par ces pressings seraient abusivement bas par rapport aux coûts de mise en œuvre des prestations concertées ;
- le SNATT n'a pas apporté suffisamment d'éléments probants susceptibles d'établir que la pratique de prix unique mise en œuvre par les pressings dits discompteurs aurait eu pour objet ou pu avoir pour effet d'éliminer un concurrent du marché en cause.
Le SNATT a formé contre cette décision un recours en annulation, qui réitère l'exposé de sa lettre de saisine du conseil, alléguant que :
- depuis plusieurs années, des pressings dénommés les " hards discounts " prolifèrent, particulièrement en Ile-de-France ;
- certains d'entre eux ne sont pas immatriculés au registre du commerce ;
- ces " hards discounts ", qui font de la publicité, pratiquent des prix abusivement bas et n'affichent qu'un prix alors que les teinturiers et pressings traditionnels ont l'obligation d'afficher cinq prix de prestations en vitrine extérieure et cinquante à l'intérieur du magasin ;
- certains affichent plusieurs prix pour un même article et d'autres pratiquent dans un même commerce et en concomitance des prix discount et des prix bas ;
- le concepteur de l'enseigne " Clean Discount " a pour objectif de mettre en faillite les 8 000 pressings de France ;
- le " matraquage " des prix orchestré par les " hards discounts " "fausse la concurrence sur le marché de la teinturerie ;
- cette pratique doit s'assimiler à une vente à perte et constitue une infraction visée à l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, relevant que le recours n'est pas motivé, conclut à son irrecevabilité par application des dispositions de l'article 2 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987.
Le conseil n'a pas usé de la faculté de présenter des observations écrites devant la cour.
Le ministère public considère que le recours est irrecevable dès lors que le requérant expose des moyens de fait, à savoir le comportement et les pratiques commerciales de certaines entreprises de pressings, qu'il incrimine au regard d'un moyen de droit, soit les dispositions de l'article 10-1 de l'ordonnance.
Estimant toutefois que les prestations de services ne constituent pas des produits ayant fait l'objet d'une production ou d'une transformation par ceux qui en assurent la commercialisation et qu'elles ne relèvent donc pas de la prohibition édictée par le texte précité, il observe que le recours est mal fondé.
Cela étant exposé, LA COUR,
Considérant que l'article 2 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987 énonce que les recours contre les décisions du Conseil de la concurrence sont formés, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, par une déclaration écrite déposée contre récépissé au greffe de la Cour d'appel de Paris et que, lorsque la déclaration ne contient pas l'exposé des moyens invoqués, le demandeur doit déposer cet exposé au greffe dans les deux mois qui suivent la notification de la décision du conseil ;
Considérant qu'en l'espèce le conseil a déclaré la saisine opérée par le SNATT irrecevable aux motifs qu'en se limitant à produire des publicités de prix de pressings dits discompteurs et en se référant à plusieurs courriers de ses adhérents faisant état de leur baisse d'activité, la partie saisissante n'avait pas apporté d'éléments permettant d'apprécier en quoi les prix incriminés seraient abusivement bas par rapport aux coûts de mise en œuvre des prestations concernées, ni d'établir que la pratique de prix unique aurait eu pour objet, ou aurait pu avoir pour effet, d'éliminer un concurrent du marché de la teinturerie ;
Considérant que le recours formé par le SNATT se borne à reproduire à l'identique le contenu de la lettre par laquelle il avait saisi le conseil sans énoncer aucun moyen d'annulation à l'encontre de la décision critiquée ;
Que,dans ces circonstances, il ne permet pas de discerner les points de droit ou de fait contestés de la décision du conseil et ne peut constituer l'exposé des moyens du recours au sens du texte précité ;
Considérant qu'il s'ensuit que le recours du SNATT est irrecevable,
Par ces motifs : Déclare irrecevable le recours formé par le SNATT ; Met les dépens à la charge du requérant.