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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 8 septembre 1998, n° ECOC9810303X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Coca-Cola entreprise (SA)

Défendeur :

Orangina France (Sté), L'Igloo Post Mix (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Premier président :

M. Canivet

Président :

Mme Favre

Avocat général :

M. Woirhaye

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Lecharny-Cheviller

Avocats :

Mes Danet, Buhart, de la Laurencie, Saint Esteben.

CA Paris n° ECOC9810303X

8 septembre 1998

Saisi par la société métropolitaine des boissons Orangina (ci-après Orangina) et par la société L'Igloo Post Mixt des pratiques anticoncurrentielles qui auraient été mises en œuvre par la société Coca-Cola Beverages (ci-après Coca-Cola), le conseil de la concurrence a, par décision n° 96-D-67 du 29 octobre 1996 :

- dit que la procédure suivie n'était entachée d'aucune irrégularité ;

- considéré que le marché pertinent était le marché national des boissons au goût de cola et des sirops " post-mix " au goût de cola ;

- dit que, en 1990 et 1992, la société Coca-Cola détenait sur ce marché une position dominante ;

- estimé que la société Coca-Cola avait abusé de sa position dominante sur le marché concerné en accordant aux entrepositaires-grossistes des remises liées à la prépondérance des ventes de Coca-Cola et en mettant, à partir du mois d'avril 1990, gratuitement à la disposition de ses clients les appareils de soutirage des sirops dits " post-mix " ;

- dit en revanche qu'il n'était pas établi que la même société ait abusé de sa position dominante à l'occasion des opérations promotionnelles sur les parkings d'hypermarchés au cours des mois d'avril à décembre 1990, lors du refus de la Société régionale de boissons gazeuses de vendre à la société Gastaldi du Coca-Cola en boites de 33 centilitres au prix qui était pratiqué sur le parking de l'hypermarché Géant-Casino de Villefranche-sur-Saône ou à l'occasion de la livraison gratuite de caisses de bouteilles Coca-Cola par la société Sud-Boissons à vingt et un débitants de boissons installés dans la région Midi-Pyrénées ;

- infligé à la société Coca-Cola Beverages une sanction pécuniaire de 10 000 000 F.

La société Coca-Cola a formé contre cette décision, ainsi que contre " la décision n° 95-DSA-04 datée du 12 avril 1995, ensemble la décision implicite du 8 mars 1995 de rejet de sa demande de confidentialité " recours en annulation, et subsidiairement en réformation, au soutien duquel elle fait valoir :

- aux fins d'annulation :

- que le conseil a violé les dispositions de l'article 20 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dans la mesure où il n'a pas statué avant la reprise de l'instruction sur une proposition de non-lieu formulée par le rapporteur ;

- que le retrait du dossier de la plupart des documents relatifs à la proposition de non-lieu constitue un manquement grave aux règles de procédure, au principe du contradictoire et à l'obligation de loyauté ;

- que l'existence parallèle de la proposition de non-lieu et de la notification de griefs a créé une situation de confusion qui l'a privée de la possibilité d'organiser sa défense ;

- aux fins de réformation :

- que le conseil a défini de manière incorrecte le marché pertinent comme étant celui des boissons au cola ;

- à supposer qu'un tel marché soit considéré comme pertinent, qu'il a de façon erronée retenue que la société Coca-Cola détenait sur ce marché une position dominante ;

- à supposer que l'analyse faite du marché et de la position que cette dernière détient sur ce marché soit exacte, que le conseil a, à tort, considéré que l'octroi d'une remise aux entrepositaires-grossistes réalisant 85 % de leurs achats de colas en bouteilles de verre consignées auprès de Coca-Cola ainsi que la mise à disposition gracieuse d'appareils de soutirage pour sirop post-mix constituaient des abus de position dominante au sens de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

- qu'aucune sanction ne doit être prononcée contre elle dès lors qu'elle a abandonné de sa propre initiative les pratiques incriminées ;

- à titre infiniment subsidiaire, que le principe de proportionnalité édicté à l'article 13 de l'ordonnance précitée exige que la sanction soit réduite de manière substantielle. Elle demande en outre que soit annulée la décision 95-DSA-04 et toute décision implicite de rejet de sa demande de confidentialité.

Les sociétés Orangina France et L'igloo Post Mixt ont de leur côté formé un recours incident contre la décision n° 96-D-67, aux fins de voir déclarer irrecevable le recours incident régularisé par la société Coca-Cola, voir confirmer la décision déférée en ce qu'elle a déclaré que la société Coca-Cola détenait une position dominante sur le marché français des boissons au goût de cola et qu'elle avait abusé de sa position dominante en attribuant aux revendeurs des remises liées à la prépondérance des ventes de Coca-Cola et, pour le surplus, la voir réformer et voir condamner la société Coca-Cola pour les pratiques non sanctionnées par le conseil.

Elles sollicitent par ailleurs chacune la condamnation de la société Coca-Cola Beverages à leur payer la somme de 100 000 F au titre de j'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le 30 décembre 1997, ces deux sociétés ont déposé au greffe un mémoire valant désistement de recours incident, complété le 6 février 1998 par un mémoire valant retrait de plainte.

Elles demandent à la cour :

- de leur donner acte qu'elles n'interviendront plus à la procédure, qu'elles retirent la totalité des plaintes déposées contre la société Coca-Cola, qu'elles renoncent au bénéfice de la décision n° 95-DSA-04 rendue le 12 avril 1995 par le président du conseil de la concurrence et de la décision n° 96-D-67 rendue le 29 octobre 1996 par le conseil ainsi qu'au bénéfice de la totalité des actes accomplis par elles tant dans la procédure devant le conseil de la concurrence que dans le recours formé devant la cour, et notamment à celui de leurs mémoires en défense ainsi que des pièces déposées à l'appui de ces mémoires ;

- de prononcer leur mise hors de cause et d'en tirer toutes les conséquences quant au sort des écritures et des pièces déposées devant le conseil de la concurrence puis devant la cour.

Compte-tenu du développement de la situation procédurale résultant des mémoires des 30 décembre 1997 et 6 février 1998, Coca-Cola a soulevé un nouveau moyen ayant pour objet de voir dire que les retraits de plaintes, la renonciation au bénéfice des décisions rendues et le désistement des recours incidents entraînent l'extinction de la procédure, l'anéantissement de la décision déférée et le dessaisissement de la cour. par application des règles de la procédure civile, et invoque l'article 561 du nouveau Code de procédure civile en soutenant que la rétractation par Orangina de sa plainte est permise devant la cour comme elle l'est devant le conseil, et avec les mêmes effets.

Elle demande en conséquence à la cour, à titre principal, de constater que par conclusions signifiées le 30 décembre 1997 les sociétés Orangina France et L'igloo Post Mix se sont désistées de leur recours incident, d'en prendre acte, de prendre également acte de ce que ces sociétés, par conclusions du 6 février 1998, ont retiré la totalité des plaintes déposées devant le conseil contre la société Coca-Cola, ont renoncé au bénéfice de la décision n° 95-DSA-04 rendue le 12 avril 1995 par le président du conseil de la concurrence, à celui de la décision n° 96-D-67 tendue le 29 octobre 1996 par le conseil, ainsi qu'au bénéfice de la totalité des actes accomplis par elles tant dans la procédure devant le conseil de la concurrence qu'à l'occasion du recours formé devant la cour, et notamment à celui de leurs mémoires en défense ainsi que des pièces déposées à l'appui de ces mémoires, d'écarter en conséquence l'ensemble des pièces produites par les sociétés Orangina France et L'igloo Post Mix, faute d'objet, et, sur le fondement de l'article 1er du décret du 19 octobre 1987, de constater l'extinction de l'ensemble de la procédure et l'anéantissement des décisions n° 95-DSA-04 et 96-D-67 et, par voie de conséquence, le dessaisissement de la cour.

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie observe que la déclaration de recours répond aux conditions de délai du recours à titre principal tel que prévu à l'article 2 du décret du 19 avril 1987, le fait que soit visé, dans la déclaration, l'article 6 relatif au recours incident étant inopérant.

Il indique, s'agissant de la procédure, que le refus de statuer en l'état prend le caractère d'un acte purement interne d'organisation de la procédure insusceptible par lui-même de faire grief à quiconque, ne pouvant faire l'objet d'un recours contentieux au sens de l'article 15 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et que par suite aucune disposition légale ne fait obligation au conseil de statuer par une décision formelle sur une proposition de non-lieu. Il ajoute, à supposer que le conseil n'ait pas respecté les dispositions de l'article 20 en ne statuant pas formellement sur la proposition de non-lieu, que cette omission ne saurait constituer un moyen de nullité de la décision rendue puisqu'il a été procédé à l'instruction de l'affaire au fond et que la notification des griefs puis le rapport ont été régulièrement notifiés aux entreprises intéressées. Il estime par ailleurs que l'absence au dossier de la proposition primitive de non-lieu et des observations des parties et du commissaire du gouvernement n'a pas constitué par elle-même une violation du principe du contradictoire et des droits de la défense, le second rapporteur ayant instruit le dossier sans se baser sur la proposition de non-lieu en vertu de l'obligation de loyauté qui s'impose à lui.

Sur le fond, le ministre demande à la cour de considérer que les boissons au cola constituent un marché pertinent, marché que la Commission européenne et la cour ont déjà retenu à plusieurs reprises, sur lequel la société Coca-Cola Beverages détient une position dominante, de confirmer la qualification d'abus de position dominante de Coca-Cola Beverages pour la mise à disposition à titre gratuit des appareils de soutirage pour les sirops " post-mix " et pour les remises de fidélité accordées aux entrepositaires-grossistes, mais de la réformer en retenant la qualification d'abus de domination de Coca-Cola Beverages pour les ventes massives organisées sur les parkings d'hypermarchés, et, dans ce cas, d'apprécier s'il convient, et dans quelle mesure, d'aggraver la sanction.

Après les retraits de recours et de plaintes des sociétés Orangina France et L'Igloo Post Mixt, le ministre fait observer que le contentieux de la concurrence présente, par ses finalités et l'existence de sanctions ayant un caractère punitif, un caractère pénal, que la saisine du conseil par une personne habilitée a pour effet de porter à la connaissance de celui-ci des pratiques susceptibles d'être contraires au droit de la concurrence, et qu'une fois la saisine déposée son auteur ne décide plus de son devenir puisque le conseil est saisi in rem et intervient pour rétablir une situation concurrentielle sur un marché donné, que dès lors le retrait de plaintes des sociétés Orangina France et L'Igloo Post Mixt, au cours de l'instance devant la cour, n'entraîne ni l'extinction de la décision du conseil, ni le dessaisissement de la cour, mais a pour seul effet d'écarter du débat les demandes propres des entreprises précitées et les pièces qu'elles ont versées au stade du recours.

Le conseil, usant de la faculté qui lui est offerte par l'article 9 du décret du 19 octobre 1987, a déposé des observations écrites visant également au rejet du recours, aux termes desquelles il fait essentiellement valoir :

- sur la procédure : que l'article 20 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'impose pas que l'instruction ne puisse être reprise sans décision du conseil à la suite d'une proposition de non-lieu, et, qu'en tout état de cause, le conseil peut, à la suite de l'instruction conduite par le rapporteur, décider qu'il n'y a pas lieu à poursuivre la procédure ;

- sur le marché pertinent : que pour déterminer le marché pertinent, est pris en compte un faisceau d'éléments comme la nature des produits et des besoins qu'ils sont susceptibles de satisfaire, la stratégie de différenciation des offreurs, les modes de distribution, le prix d'acquisition pour les consommateurs, qui peuvent toutefois ne pas être tous réunis ou, pour certains, être incomplets ; que s'agissant d'un produit alimentaire, l'indice du goût est essentiel ;

- sur la position dominante : qu'une éventuelle baisse des prix ne saurait à elle seule établir l'existence d'une pression concurrentielle, et que la part d'une entreprise sur un marché, si elle est très importante et notamment si elle dépasse 50 %, peut en elle-même constituer un indice de la position dominante ; - sur les pratiques anticoncurrentielles : que la mise à disposition à titre gratuit du matériel de soutirage, par une société en position dominante et dans l'objectif de restreindre l'accès au marché à une société concurrente, constitue bien une pratique anticoncurrentielle au sens de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que l'octroi de remises dites de fidélité par une société en position dominante fait l'objet d'une jurisprudence constante tant en droit communautaire qu'en droit interne, aux termes de laquelle le rabais de fidélité tendant à empêcher, par la voie de l'octroi d'avantages financiers, l'approvisionnement des clients auprès de producteurs concurrents, constitue un abus au sens de l'article 86 du traité.

S'agissant des conséquences à tirer du désistement des sociétés Orangina France et L'Igloo Post Mixt de leur recours incident et de leur retrait de toutes les plaintes qu'elles avaient déposées devant le conseil, ce dernier fait remarquer que la décision par laquelle il sanctionne une entreprise pour avoir mis en œuvre une pratique anticoncurrentielle est une sanction administrative pour une infraction à l'ordre public économique ; que, dès lors, contrairement aux principes directeurs de la procédure civile où le procès est " la chose des parties ", si une société ayant saisi le conseil conserve le pouvoir de diligenter un recours contre la décision rendue, elle n'a plus le pouvoir de retirer la plainte sur le fondement de laquelle la procédure a été diligentée et la décision prononcée. Il ajoute qu'en tout état de cause, si les principes de la procédure civile avaient vocation à être appliqués, le désistement de l'appel emporterait acquiescement au jugement, par application de l'article 403 du nouveau Code de procédure civile.

La société Coca-Cola Beverages, qui a pris la dénomination de Coca-Cola Entreprise SA, a répliqué à l'ensemble des observations déposées.

Le ministère public a présenté, à l'audience, des observations orales tendant à la constatation du désistement des sociétés Orangina et Igloo de leur recours incident, à la recevabilité du recours de la société Coca-Cola Beverages mais à son rejet.

Sur quoi, la cour :

Sur le retrait de plaintes et le désistement des sociétés Orangina France et L'igloo Post Mixt de leur recours incident :

Considérant que les sociétés Orangina France et L'Igloo Post Mixt, par mémoire du 30 décembre 1997, ont déclaré se désister du recours incident qu'elles avaient formé par déclaration en date du 2 avril 1997 contre la décision du conseil de la concurrence n° 96-D-67 du 29 octobre 1997 ;

Qu'il convient de leur en donner acte et de constater, par voie de conséquence, que la cour est dessaisie des demandes formulées dans le cadre de ce recours, les écritures et les pièces déposées à l'appui de celui-ci par les sociétés Orangina France et L'igloo Post Mixt étant, du fait de ce désistement, écartées des débats ;

Considérant que, par " mémoire valant retrait de plainte " du 6 février 1998, les mêmes sociétés ont demandé à la cour de leur donner acte qu'elles n'interviendront plus à la procédure, qu'elles retirent la totalité des plaintes déposées contre la société Coca-Cola, qu'elles renoncent au bénéfice de la décision n° 95-DSA-04 rendue le 12 avril 1995 par le président du conseil de la concurrence, à celui de la décision n° 96-D-67 rendue le 29 octobre 1996 par le conseil ainsi qu'à celui de la totalité des actes accomplis par elles tant dans la procédure devant le conseil de la concurrence qu'à l'occasion du recours formé devant la cour ; qu'elles prient enfin la cour de prononcer leur mise hors de cause et d'en tirer toutes les conséquences quant au sort des écritures et des pièces déposées tant devant la cour que devant le conseil de la concurrence ;

Considérant que les sociétés Orangina France et L'Igloo Post Mixt peuvent, en tout état de la procédure, tant qu'une décision définitive n'est pas intervenue, retirer leurs plaintes, déclarer renoncer au bénéfice des décisions rendues et se désister des voies de recours dont elles avaient usé ;

Que la cour leur donnera donc les actes par elles requis ; Considérant que la société Coca-Cola Beverages SA, aujourd'hui dénommée Coca-Cola Entreprise SA, soutient de son côté que le désistement d'action des entreprises qui ont initialement saisi le conseil de la concurrence entraîne non seulement l'extinction de " l'instance d'appel ", mais aussi la disparition de la décision attaquée devant la cour ; qu'elle demande en conséquence à la cour de constater son dessaisissement ;

Mais considérant que la décision du conseil de la concurrence, même si elle a le caractère d'une punition, est une décision administrative non juridictionnelle ; que, rendue par un organisme qui remplit une mission ayant pour finalité la défense d'un ordre public économique, elle n'intervient pas pour satisfaire à la demande d'une partie, mais sanctionne les pratiques anticoncurrentielles dont le conseil, régulateur du marché, a pu établir l'existence ;

Que la saisine du conseil par une personne habilitée a pour effet de porter à la connaissance de celui-ci des pratiques susceptibles d'être contraires aux règles de la concurrence, mais que, une fois cette saisine déposée, son auteur n'a pas la maîtrise de la procédure ainsi engagée devant le conseil, lequel a la faculté de s'autosaisir, notamment lorsqu'une saisine irrecevable ou rétractée révèle des faits dont l'examen s'avère nécessaire du point de vue de l'ordre public économique ;

Qu'il s'ensuit qu'un retrait de plainte, intervenu après la constatation par le conseil de l'existence de pratiques anticoncurrentielles et après le prononcé de sanctions, est sans aucun effet sur la décision rendue ;

Considérant, par ailleurs, que les désistements opérés devant la cour ne concernent que le recours incident formé par les sociétés Orangina France et L'Igloo Post Mixt de sorte que la cour reste saisie du recours principal de la société Coca-Cola ;

Sur la procédure suivie devant le conseil de la concurrence :

Considérant que la société Coca-Cola rappelle qu'après une instruction complète, le rapporteur initialement désigné a rédigé une proposition de non-lieu qui a été notifiée aux sociétés plaignantes et au commissaire du Gouvernement par lettre du président du conseil en date du 18 janvier 1993 indiquant expressément que la notification de la proposition de non-lieu intervenait en vue de l'examen par le conseil de la proposition de non-lieu à poursuivre la procédure, en application des dispositions de l'article 20 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Que tant le commissaire du Gouvernement que les sociétés Orangina France et L'Igloo Post Mixt ont déposé des observations écrites sur cette proposition de non-lieu et que le rapporteur général a convoqué les intéressés à une séance du conseil de la concurrence en vue de l'examen par celui-ci de la proposition de non-lieu ; Que cependant, ladite séance ne s'est jamais tenue et que, après qu'Orangina France eut adressé au conseil une nouvelle série de plaintes l'instruction a été reprise par un nouveau rapporteur, désigné en remplacement du premier, qui avait cessé ses fonctions ;

Que c'est cette nouvelle instruction qui a abouti à l'envoi d'une notification de griefs qui, à l'issue de la procédure, a donné lieu à la décision à l'encontre de laquelle le recours est formé ; Que Coca-Cola en déduit que la procédure est irrégulière, le fait que le conseil ait omis de statuer sur la proposition de non-lieu avant que l'instruction ait été reprise constituant une violation de l'article 20 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'elle fait en outre valoir que la poursuite de l'instruction en violation du texte précité a conduit au retrait du dossier de tout ce qui concernait la proposition de non-lieu, ce qui a eu pour conséquence logique d'empêcher le rapporteur d'instruire le dossier de manière équitable et de provoquer une situation de confusion insurmontable ;

Considérant que l'article 20 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dispose que " le conseil de la concurrence peut décider, après que l'auteur de la saisine et le commissaire du Gouvernement ont été mis à même de consulter le dossier et de faire valoir leurs observations, qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure " ;

Qu'ainsile conseil de la concurrence est seul investi du pouvoir de décider de la suite à donner à une proposition de non-lieu établie, conformément aux règles édictées par l'ordonnance, par le rapporteur désigné, et notifiée à l'auteur de la saisine et au commissaire du Gouvernement, ces notifications ouvrant le droit pour ces derniers de consulter le dossier et de faire valoir leurs observations et mettant en l'état fin à l'instruction ;

Considérant en l'espèce que la proposition de non-lieu, régulièrement établie et notifiée par le rapporteur, n'a jamais été soumise pour décision au conseil;

Quel'instruction a néanmoins été reprise par un nouveau rapporteur désigné pour ce faire par le président du conseil de la concurrence ;

Que la décision de poursuivre la procédure a donc été prise par une autorité incompétente, seul le conseil pouvant ordonner un complément d'instruction ; qu'elle est en conséquence entachée d'irrégularité ;

Qu'il s'ensuit que tous les actes postérieurs qui s'appuient sur cette décision irrégulière sont eux-mêmes nuls ;

Qu'il résulte en conséquence de ce qui précède que l'intégralité de la procédure postérieure à la notification de la proposition de non-lieu et aux observations déposées en réponse et, notamment, les décisions n° 95-DSA-04 du 12 avril 1995 et n° 96-D-67 du 29 octobre 1996 doivent être déclarées nulles,

Par ces motifs : Donne acte aux sociétés Orangina France et L'igloo Post Mixt de ce qu'elles retirent la totalité des plaintes déposées contre la société Coca-Cola, qu'elles déclarent renoncer au bénéfice de la décision n° 95-DSA-04 rendue le 12 avril 1995 par le président du conseil de la concurrence et de la décision n° 96-D-67 rendue le 29 octobre 1996 par le conseil ainsi qu'au bénéfice de la totalité des actes accomplis par elles tant dans la procédure devant le conseil de la concurrence que dans le recours formé devant la cour, et notamment à celui de leurs mémoires en défense ainsi que des pièces déposées à l'appui de ces mémoires ; Constate que les sociétés Orangina France et L'Igloo Post Mixt se sont désistées du recours incident par elles formé contre la décision n° 96-D-67 du 29 octobre 1996, et, par voie de conséquence, qu'elle est dessaisie des demandes formulées dans le cadre de ce recours ; Ecarte des débats les écritures et les pièces déposées au soutien de ce recours incident ; Constate qu'elle reste saisie du recours principal formé par la société Coca~Cola Beverages SA, aujourd'hui dénommée Coca-Cola Entreprise SA ; Dit irrégulière la décision de poursuivre la procédure concernant les pratiques mises en œuvre par la société Coca-Cola, intervenue après la notification au commissaire du Gouvernement et aux parties plaignantes de la proposition de non-lieu établie par le rapport sans que le conseil de la concurrence se soit prononcé sur la suite à donner à cette proposition ; Annule en conséquence tous les actes postérieurs, et notamment les décisions n° 95-DSA-04 du 12 avril 1995 et n° 96-D-67 du 29 octobre 1996 ; Laisse les dépens à la charge du Trésor.