Livv
Décisions

Cass. com., 8 juillet 1997, n° 96-10.373

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Ministre de l'Économie

Défendeur :

L'Entreprise industrielle (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

M. Mourier

Avocats :

Mes Ricard, Choucroy, Vuitton, SCP Piwnica, Molinié.

Cass. com. n° 96-10.373

8 juillet 1997

LA COUR : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 1er décembre 1995), que le ministre de l'Économie a saisi, le 6 décembre 1989, le Conseil de la concurrence de pratiques illicites qui avaient été constatées de la part de sociétés lors de la passation du marché de fourniture et de montage des installations électriques du barrage de Saint-Egrève (Isère) ; que, par décision du 3 janvier 1995, le Conseil de la concurrence a prononcé diverses sanctions pécuniaires à l'encontre des sociétés Spie-Trindel, Cegelec, Clemessy et L'Entreprise industrielle ; que trois de ces sociétés ont formé des recours en annulation devant la cour d'appel de Paris ;

Sur la recevabilité du pourvoi contestée par la société Spie-Trindel : (sans intérêt) ;

Sur le premier moyen : - Attendu que le ministre de l'Economie fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable le recours formé par la société Spie-Trindel et d'avoir annulé la décision qui l'a condamnée au paiement d'une sanction pécuniaire, bien que ce recours ne lui ait pas été dénoncé dans le délai de 5 jours édicté par l'article 4 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987, alors, selon le pourvoi, qu'aux termes de l'article 4 du décret du 19 octobre 1987 " dans les 5 jours qui suivent le dépôt de la déclaration, le demandeur au recours doit, à peine d'irrecevabilité de ce dernier, en adresser par lettre recommandée avec demande d'avis de réception une copie aux parties auxquelles la décision du Conseil de la concurrence a été notifiée, ainsi qu'il ressort de la lettre de notification prévue au deuxième alinéa de l'article 20 du présent décret " ; que le ministre chargé de l'Economie, lorsqu'il est l'auteur de la saisine du Conseil de la concurrence qui a fait droit à sa demande, a la qualité de " partie " à laquelle doit être notifiée la décision du Conseil de la concurrence ; que les dispositions de l'article 4 du décret du 19 octobre 1987 lui sont donc seules applicables, même s'il n'est pas demandeur au recours dans ce cas ; qu'en appliquant les dispositions de l'article 5 du décret du 19 octobre 1987 applicables dans le cas où le ministre de l'Economie n'a pas la qualité de partie, et en déclarant que la dénonciation par la société Spie-Trindel de son recours au ministre, après l'expiration du délai de 5 jours édicté par l'article 4 du décret du 19 octobre 1987 ne peut avoir pour conséquence de rendre ce recours irrecevable, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 4 et 5 du décret du 19 octobre 1987 ;

Mais attendu, ainsi que l'arrêt l'a énoncé à bon droit, l'article 5 du décret du 19 octobre 1987 précisant que le greffe de la cour d'appel notifie au ministre de l'Economie, dès l'enregistrement d'un recours formé contre la décision du Conseil de la concurrence, un exemplaire de la déclaration de la partie requérante si le ministre n'est pas demandeur au recours, l'omission de la formalité prévue par l'article 4 du décret précité, ne saurait faire grief au ministre, qu'il fût ou non auteur de la saisine du Conseil de la concurrence, puisque cette notification lui permet, s'il n'a pas introduit de recours principal, de faire, le cas échéant, un recours incident ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que le ministre de l'Economie fait grief à l'arrêt d'avoir annulé la décision du Conseil de la concurrence du 3 janvier 1995 ayant infligé des sanctions pécuniaires aux sociétés Spie-Trindel, Cegelec, Clemessy et l'Entreprise industrielle, au motif que l'action était prescrite lorsque le Conseil de la concurrence avait statué, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes de l'ordonnance du 1er décembre 1986, " le Conseil ne peut être saisi de faits remontant à plus de 3 ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction " ; que ladite prescription triennale, régie par les dispositions particulières de l'ordonnance du 1er décembre 1986, est interrompue par le premier acte tendant à la recherche, la constatation ou la sanction des faits en cause, telle la saisine du Conseil de la concurrence, sans qu'une nouvelle prescription puisse commencer à courir à compter de cet acte pendant la durée de la procédure ; qu'il est constant, en l'espèce, que les faits étant survenus entre juin et décembre 1988, la saisine du Conseil de la concurrence en date du 6 décembre 1989 a interrompu la prescription ; que l'effet interruptif de la saisine du Conseil de la concurrence dure pendant toute la durée de la procédure devant le Conseil de la concurrence ; qu'en décidant que la prescription, qui avait recommencé à courir à compter de la saisine du Conseil de la concurrence, était acquise lorsqu'ont eu lieu ensuite les premières auditions par le rapporteur le 25 mai 1993, la cour d'appel a violé l'article 27 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors, d'autre part, qu'en toute hypothèse, l'acte de désignation du rapporteur permet à ce dernier de déclencher l'enquête préalable destinée à la recherche et à la constatation des pratiques en cause ; que cet acte, en ce qu'il " tend à la recherche et à la constatation des faits " a un effet interruptif de la prescription que la cour d'appel a constaté ; qu' ainsi, dans le délai de 3 ans suivant la saisine du conseil par le ministre chargé de l'Economie le 6 décembre 1989, sont intervenues les désignations des rapporteurs successifs ; qu'en décidant pourtant que la prescription était acquise, la cour d'appel a derechef violé l'article 27 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 27 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, que le Conseil de la concurrence ne peut connaître de faits remontant à plus de 3 ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction; que la cour d'appel ayant relevé que la saisine du Conseil de la concurrence par le ministre de l'Economie, avait eu lieu le 6 décembre 1989 et que les procès-verbaux d'auditions du rapporteur, qui auraient pu interrompre la prescription, n'avait été dressés que le 25 mai 1993, en a exactement déduit que cette prescription était acquise lors de ces auditions, les actes de désignation des rapporteurs successifs, mesure d'ordre interne, n'étant pas par eux-mêmes interruptifs de prescription; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.