CA Paris, président, 21 novembre 1997, n° 1328-97
PARIS
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
Taxi Radio Toulonnais (GIE)
Défendeur :
Ministre de l'Économie et des Finances
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Carre Pierrat
Avocat :
Me Couturier.
Par décision n° 96-D-64 du 20 novembre 1996, relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l'exploitation de taxis à Toulon, le Conseil de la concurrence (le Conseil) a :
* enjoint au GIE Taxi Radio Toulonnais (GIE-TRT) de :
- ne plus s'immiscer dans la procédure de transfert des licences d'exploitant de taxi à Toulon autrement que dans le cadre réglementaire énoncé par le décret n° 86-426 du 13 mars 1986, portant création de la commission communale des taxis et voitures de petite remise,
- supprimer, dans un délai de trois mois, d'une part les dispositions des articles 1er alinéa 2, 9-1 alinéa 2 et 12 alinéa 2 de ses statuts et d'autre part les dispositions des articles 1er alinéa 2, 10, 10 bis, 28 alinéa 1, 29, 31 et 32 de son règlement intérieur,
* infligé au GIE-TRT une sanction pécuniaire de 60 000 F,
* prononcé une mesure de publication de la décision, dans un délai maximum de trois mois, dans l'édition du journal " Var Matin " couvrant le département du Var et dans " l'Artisan du taxi ", journal national des adhérents de la Fédération nationale des artisans taxis.
Ayant formé un recours le 27 août 1997 contre cette décision dont il poursuit l'annulation, le GIE-TRT demande, sur le fondement de l'article 15, alinéa 3, de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à titre principal, qu'il soit sursis à l'exécution de cette décision et, à titre subsidiaire, en cas de maintien de la mesure de publication de la décision du Conseil, de l'assortir de l'indication du recours formé.
A l'appui de sa requête, le requérant fait essentiellement valoir que l'exécution immédiate de cette décision serait " source de difficultés juridiques et pratiques ".
Le représentant du Ministre de l'économie et le Ministère Public concluent au rejet de la requête, ce dernier ne s'opposant pas à la demande subsidiaire du requérant.
Sur quoi :
Attendu qu'aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le recours contre une décision du Conseil n'est pas suspensif mais que, toutefois, le premier président de la Cour d'appel de Paris peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou s'il est intervenu postérieurement à sa notification des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité ;
Attendu qu'au soutien de sa demande de sursis à exécution, en toutes ses dispositions, de la décision du Conseil, le GIE-TRT, qui n'invoque pas la survenance depuis la notification de la décision de faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité, ne produit, en ce qui concerne les injonctions qui lui sont faites, aucun moyen quant à l'existence de conséquences manifestement excessives ; que sa demande n'est donc pas fondée de ce chef ;
Sur la sanction pécuniaire :
Attendu que le requérant soutient que :
* le paiement de la sanction pécuniaire mise à sa charge lui imposerait, au préalable, de procéder à un appel de fonds qui se heurterait non seulement à des difficultés juridiques et matérielles tenant aux règles générales de fonctionnement d'un GIE, mais, également, entraînerait, très vraisemblablement, la mise en sommeil, voire la dissolution du groupement,
* en cas de réformation de la décision du Conseil, même partielle, la rétrocession à ses membres des sommes perçues en vue du paiement de la sanction pécuniaire, procéderait d'une opération complexe,
* le secteur économique des entreprises artisanales de taxis étant en crise, la solvabilité de ses membres est hypothétique ;
Mais attendu que les difficultés alléguées, qui au demeurant ne sont pas établies dans le cadre de la présente procédure, ne sauraient caractériser l'existence, au sens du texte précité, de conséquences manifestement excessives justifiant une mesure de sursis d'exécution ;
Qu'en effet, en premier lieu, aucune précision n'est donnée sur la nature des difficultés susceptibles d'être rencontrées par le requérant à l'occasion de l'appel de fonds ou, en cas d'annulation de la décision critiquée, de sa rétrocession à ses membres, alors que le GIE-TRT, comme tout groupement d'intérêt économique, jouissant de la personnalité morale et de la pleine capacité juridique, est amené, pour la réalisation de son objet social, à y procéder, de manière habituelle ;
Qu'au surplus, un appel de fonds de 60 000 F, soit une contribution pour chacun de ses membres à hauteur de 675 F, à supposer que le requérant se trouve dans l'obligation d'y procéder, compte tenu de son chiffre d'affaires qui, pour l'exercice social de 1996, s'élève à 1 538 249 F, ne se heurte manifestement à aucune difficulté, le GIE-TRT devant nécessairement disposer en son sein d'une structure de gestion ;
Qu'en second lieu, aucun document comptable ou financier n'étant versé aux débats, les moyens tirés de la situation du GIE en cas de mise en recouvrement de la sanction pécuniaire et de celle plus généralement de la profession d'artisan taxi, ne sont, à supposer qu'ils puissent caractériser l'existence de conséquences manifestement excessives, en rien justifiées ;
Qu'il s'ensuit que les moyens tirés de l'existence de conséquences manifestement excessives ne sont pas fondés ;
Sur les mesures de publicité :
Attendu que le requérant soutient que les mesures de publicité ordonnées par le Conseil lui sont préjudiciables dans la mesure où la condamnation pourrait avoir de graves conséquences sur la clientèle et serait susceptible de conduire à une remise en cause de l'existence du GIE ;
Mais attendu que la publication de décisions à caractère juridictionnel procédant du principe fondamental de publicité des décisions de cette nature, ne saurait par elle-même porter atteinte au crédit et à la considération de la personne visée ;
Qu'il convient toutefois d'écarter le risque de confusion dans l'esprit du public et des professionnels sur le caractère illicite de la pratique sanctionnée, en cas d'annulation de la décision déférée, en complétant chacune des publications prescrites de l'indication du recours exercé, selon les modalités précisées au dispositif de la présente ordonnance ;
Par ces motifs : rejetons la demande de sursis à statuer ; Disons que les publications ordonnées par la décision n° 97-D-54 du 9 juillet 1997 du Conseil de la concurrence, seront précédées en caractère gras et apparents, d'une dimension n'excédant aucun des caractères utilisés dans le corps du texte, et en encadré, d'une mention expresse indiquant le recours formé devant la Cour d'appel de Paris par le groupement d'intérêt économique des taxis radio toulonnais ; Laissons les dépens à la charge du requérant.