CA Paris, président, 21 novembre 1997, n° 1319-97
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Syndicat Professionnel des Taxis du Var
Défendeur :
Ministre de l'Économie et des Finances
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Carre Pierrat
Avocat :
Me Couturier.
Par décision n° 96-D-64 du 20 novembre 1996, relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l'exploitation de taxis à Toulon, le Conseil de la concurrence (le Conseil) a :
* enjoint au Syndicat professionnel des taxis du Var (le Syndicat) de ne plus s'immiscer dans la procédure de transfert des licences d'exploitant de taxi à Toulon autrement que dans le cadre réglementaire énoncé par le décret n° 86-426 du 13 mars 1986, portant création de la commission communale des taxis et voitures de petite remise,
* infligé au Syndicat une sanction pécuniaire de 5 000 F,
* prononcé une mesure de publication de la décision, dans un délai maximum de trois mois, dans l'édition du journal " Var Matin " couvrant le département du Var et dans " l'Artisan du taxi ", journal national des adhérents de la Fédération nationale des artisans taxis.
Ayant formé un recours le 27 août 1997 contre cette décision dont il poursuit l'annulation, le Syndicat demande, sur le fondement de l'article 15, alinéa 3, de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à titre principal, qu'il soit sursis à l'exécution de cette décision et, à titre subsidiaire, en cas de maintien de la mesure de publication de la décision du Conseil, de l'assortir de l'indication du recours formé.
A l'appui de sa requête, le requérant fait essentiellement valoir que l'exécution immédiate de cette décision serait " source de difficultés juridiques et pratiques ".
Le représentant du Ministre de l'économie et le Ministère Public concluent au rejet de la requête, ce dernier ne s'opposant pas à la demande subsidiaire du requérant.
Sur quoi :
Attendu qu'aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le recours contre une décision du Conseil n'est pas suspensif mais que, toutefois, le premier président de la Cour d'appel de Paris peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou s'il est intervenu postérieurement à sa notification des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité ;
Attendu qu'au soutien de sa demande de sursis à exécution, en toutes ses dispositions, de la décision du Conseil, le Syndicat, qui n'invoque pas la survenance depuis la notification de la décision de faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité, ne produit, en ce qui concerne les injonctions qui lui sont faites, aucun moyen quant à l'existence de conséquences manifestement excessives ; que sa demande n'est donc pas fondée de ce chef ;
* Sur la sanction pécuniaire :
Attendu que le requérant soutient que :
* le paiement de la sanction pécuniaire mise à sa charge lui imposerait, au préalable, de procéder à un appel de fonds qui se heurterait tant à des difficultés juridiques, les adhérents n'étant pas tenus solidairement des dettes de leur organisation, que matérielles, la complexité de sa mise en œuvre étant de nature à le rendre aléatoire,
* le secteur économique des entreprises artisanales de taxis étant en crise, la solvabilité de ses membres est hypothétique ;
Mais attendu que les difficultés alléguées, qui au demeurant ne sont pas établies dans le cadre de la présente procédure, ne sauraient caractériser l'existence, au sens du texte précité, de conséquences manifestement excessives justifiant une mesure de sursis d'exécution ;
Qu'en effet, en premier lieu, aucune précision n'est donnée sur la nature des difficultés susceptibles d'être rencontrées par le requérant à l'occasion de l'appel de fonds ou, en cas d'annulation de la décision critiquée, de sa rétrocession à ses adhérents, alors que le Syndicat est amené, notamment pour le recouvrement de ses cotisations, à y procéder de manière habituelle ;
Qu'en second lieu, aucun document comptable ou financier n'étant versé aux débats, les moyens tirés de la situation du GIE en cas de mise en recouvrement de la sanction pécuniaire et de celle plus générale de la profession d'artisan taxi, ne sont, à supposer qu'ils puissent caractériser l'existence de conséquences manifestement excessives, en rien justifiés, d'autant que la contribution personnelle des adhérents s'élève à 20 F ;
Qu'il s'ensuit que les moyens tirés de l'existence de conséquences manifestement excessives ne sont pas fondés ;
* Sur les mesures de publicité :
Attendu que le requérant soutient que les mesures de publicité ordonnées par le Conseil lui sont préjudiciables dans la mesure où la condamnation pourrait avoir de graves conséquences sur la clientèle et serait susceptible de conduire à une remise en cause de l'existence du Syndicat ;
Mais attendu que la publication de décisions à caractère juridictionnel procédant du principe fondamental de publicité des décisions de cette nature, ne saurait par elle-même porter atteinte au crédit et à la considération de la personne visée ;
Qu'il convient toutefois d'écarter le risque de confusion dans l'esprit du public et des professionnels sur le caractère illicite de la pratique sanctionnée, en cas d'annulation de la décision déférée, en complétant chacune des publications prescrites de l'indication du recours exercé, selon les modalités précisées au dispositif de la présente ordonnance ;
Par ces motifs : Rejetons la demande de sursis à statuer ; Disons que les publications ordonnées par la décision n° 97-D-54 du 9 juillet 1997 du Conseil de la concurrence, seront précédées en caractère gras et apparents, d'une dimension n'excédant aucun des caractères utilisés dans le corps du texte, et en encadré, d'une mention expresse indiquant le recours formé devant la Cour d'appel de Paris par le syndicat professionnel des taxis du Var ; Laissons les dépens à la charge du requérant.