Cass. com., 5 octobre 1999, n° 97-15.617
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Campenon Bernard SGE (SNC), Sogea Bouygues (SA), Bouygues (SA), DTP terrassement (SNC), Entreprise Quillery et Compagnie (SNC), Entreprise Chagnaud (Sté), Pertuy (SNC), Entreprise Deschiron (SNC), Muller travaux publics (SA), Campenon Bernard SGE (SNC), Sogea (SA), SPIE Batignolles (SA), Valerian (SA), Guintoli (SA), Entreprise Jean Spada (SA), Quillery et Compagnie (SNC), Gagneraud et Fils (SA), L' Entreprise Industrielle (SA), Fougerolle (SA), Nord France Entreprise (SA), Bec Frères (SA), SPIE Citra (SA), Société auxiliaire d'entreprises (SA), Yves Prigent (SA), Chantiers modernes (SA), Demathieu et Bard (SA), Quille (SNC), Fougerolle Ballot (Sté), Borie SAE (Sté), Dumez (SA), GTM-Entrepose (Sté), Levaux (SA), Entreprise Bazel (SA), DTP Pertuy (SNC)
Défendeur :
Ministre de l'Économie, des Finances et du Budget, Conseil de la concurrence
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Léonnet
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
SCP Delaporte, Briard, Me Choucroy, SCP Guiguet, Bachellier, Potier de La Varde, SCP Gatineau, Mes Bouthors, Blondel, SCP Piwnica, Molinié, SNC Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, Me Guinard, SCP Peignot, Garreau, SCP Célice, Blancpain, Soltner, Me Ricard.
LA COUR : - Donne acte à la société Entreprise Chagnaud de son désistement envers les sociétés Bouygues, DTP terrassement, Pertuy, Entreprise Deschiron, Muller travaux publics, Campenon Bernard SGE, Sogea, SPIE Batignolle, Valerian, Guintoli, Entreprise Jean Spada, Quillery et compagnie, la société d'exploitation des Entreprises Gagneraud et fils, les sociétés L'Entreprise industrielle, Fougerolle, Nord France entreprise, Bec frères, SPIE Citra, Auxiliaire d'entreprises, Yves Prigent, Chantiers modernes, Demathieu et Bard, Quille, Fougerolle-Ballot, Borie SAE, Dumez, GTM-Entreprose, GTM-CI, Levaux et Entreprise Razel et à la société SPIE Citra de son désistement envers les sociétés Bouygues, DTP terrassement, Pertuy, Entreprises Deschiron, Muller travaux publics, Campenon Bernard SGE, Sogea, Valerian, Guintoli, Entreprise Jean Spada, Quillery et compagnie, la société d'exploitation des Entreprises Gagneraud et fils, les sociétés L'Entreprise industrielle, Fougerolle, Nord France entreprise, Bec frères, Auxiliaire d'entreprises, Yves Prigent, Chantiers modernes, Entreprise Chagnaud, Demathieu et Bard, Quille, Fougerolle-Ballot, Borie SAE, Dumez, GTM-Entrepose, GTM-CI, Levaux, Entreprise Razel et SPIE Batignolles ; - Joint le pourvoi n° 97-15.626, qui attaque l'arrêt rectificatif de la Cour d'appel de Paris en date du 27 mai 1997, et le pourvoi n° 97-15.632, qui attaque l'arrêt de la même Cour en date du 6 mai 1997 ; - Joint ces deux pourvois avec les pourvois n° 97-15.617, 97-15.673, 97-15.777, 97-15.760, 97-15.805, 97-15.826, 97-15.836, 97-15.852, 97-15.871, 97-15.932, 97-16.004 et 97-16.330 qui attaquent les mêmes arrêts ; - Sur la recevabilité des pourvois incidents de la société Nord France entreprise, contestée par la défense, formés à l'appui des pourvois n° 97-15.632, 97-15.760, 97-15.805, 97-15.852, 97-15.871, 97-15.932 et 97-16.004 : - Attendu que les pourvois principaux n° 97-15.871 de la société Fougerolle, n° 97-15.932 de la société Demathieu et Bard et n° 97-16.004 de la société Muller travaux publics ont été dénoncés à la société Nord-France, ayant déposé ses mémoires au greffe de la Cour de cassation dans le délai prévu par l'article 1010, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, est donc recevable à se pourvoir, les autres pourvois incidents étant irrecevables faute de dénonciation des pourvois principaux par les sociétés Sogea, Quillery et compagnie, Bec Frères et Quille, la société Nord France entreprise ayant eu la possibilité de se pourvoir contre l'arrêt déféré qui lui avait été régulièrement notifié dans le délai prévu par l'article 15 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Sur l'ensemble des pourvois principaux joints et sur le pourvoi incident de la société Nord France entreprise à l'appui des pourvois n° 97-15.871, 97-15.932 et 97-16.004 : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 mai 1997, rectifié le 27 mai 1997), que le Conseil de la concurrence a été saisi, par deux lettres du ministre de l'économie en date des 23 novembre 1990 et 26 juillet 1991, de pratiques d'ententes relevées à l'occasion de marchés de grands travaux relatifs à des infrastructures routières et ferroviaires lors des procédures de mise en concurrence pour la construction du pont de Normandie et d'autres ouvrages d'art et pour les marchés concernant les lignes du TGV Nord, de son interconnexion, et du TGV Rhône-Alpes ; que, sur les cinquante-trois entreprises concernées, le Conseil, par décision n° 95-D-76 du 29 novembre 1995, a infligé à trente et une entreprises des sanctions pécuniaires comprises entre 5 200 F et 148 700 000 F ; que vingt-quatre de ces entreprises ont formé un recours devant la Cour d'appel ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° 97-15.617, le premier moyen, pris en ses deux dernières branches, du pourvoi n° 97-15.626, le deuxième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° 97-15.836, le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° 97-15.852, le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° 97-15.777, et le premier moyen du pourvoi n° 97-15.760, tels qu'ils figurent en annexe : - Les moyens étant réunis ; - Attendu que, par ces moyens, pris d'une violation des dispositions de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'article 14-5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les entreprises font grief à l'arrêt de ne pas avoir respecté le principe de l'égalité des armes et de la publicité des débats ;
Mais attendu, en premier lieu, que la Cour d'appel, en se référant à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, a rappelé que " des impératifs de souplesse et d'efficacité peuvent justifier l'intervention préalable dans la procédure suivie d'une autorité administrative qui, comme le Conseil de la concurrence, ne satisfait pas, sur tous les aspects, aux prescriptions de forme du paragraphe 1er de l'article 6 de la Convention, dès lors que les décisions prises par celle-ci subissent a posteriori, sur les points de fait, les questions de droit, ainsi que sur la proportionnalité de la sanction prononcée avec la gravité de la faute commise, le contrôle effectif d'un organe judiciaire offrant toutes les garanties d'un tribunal au sens du texte susvisé ";
Attendu, en second lieu, que si l'article 25, alinéa 1er, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dispose que les séances du Conseil ne sont pas publiques, il précise toutefois, pour sauvegarder les droits de la défense, que les parties peuvent y assister, demander à être entendues et se faire représenter, le Conseil ayant en outre la possibilité d'entendre toute personne susceptible de contribuer à son information; que la Cour d'appel ayant enfin exactement relevé que le fait que le prononcé de la décision ne soit pas public ne saurait faire grief aux parties intéressés dès lors qu'elles peuvent se pourvoir contre la décision devant une juridiction, ce qui rend inopérant le grief de l'absence de publicité des débats ou de double degré de juridiction la cour d'appel n'encourt pas les griefs des moyens; que les moyens ne sont pas fondés ;
Mais, sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° 97-15.626, sur le premier moyen pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° 97-15.673, sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi n° 97-15.760, sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° 97-15.836, sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi n° 97-15.852, sur le premier moyen du pourvoi n° 97-15.932, sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal n° 97-16-004, et sur les pourvois n° 97-15.805, 97-15.826, sur les pourvois incidents n° 97-15.871, 97-15.932, 97-16.004, ainsi que sur le pourvoi n° 97-16.330, le moyen étant soulevé d'office en ce qui concerne : - Les moyens étant réunis ; - Vu l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - Attendu que, pour rejeter le moyen soutenu par les parties de nullité de la décision du Conseil de la concurrence par suite de la présence lors du délibéré du rapporteur et du rapporteur général, l'arrêt énonce que leur présence, sans voix délibérative, est prévue par l'article 25, alinéa 4, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et qu'elle ne saurait entacher de nullité la décision fondée sur les seuls éléments du rapport discuté contradictoirement, alors qu'est ouvert à l'encontre de cette décision un recours de pleine juridiction devant la Cour d'appel, soumise aux protections édictées par la Convention européenne des droits de l'homme, spécialement en ce qui concerne les principes de l'égalité des armes et de la participation de son délibéré des seuls magistrats du siège la composant ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la participation du rapporteur au délibéré, serait-ce sans voix délibérative, dès lors que celui-ci a procédé aux investigations utiles pour l'instruction des faits dont le Conseil est saisi, est contraire au principe évoqué; qu'il en est de même pour la présence à ce délibéré du rapporteur général, l'instruction du rapporteur étant accomplie sous son contrôle; que la Cour d'appel a ainsi violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : déclare irrecevables les pourvois incidents formés par la société Nord France entreprise à l'appui des pourvois n° 97-15.632, 97-15.760, 97-15.852 ; casse et annule, dans toutes ses dispositions concernant les sociétés Campenon Bernard SGE, Sogea, Bouygues, DTP Terrassement, Quillery, Entreprise Chagnaud, Entreprise Deschiron, Quille, Demathieu et Bard, Muller Travaux publics, Bec Frères, SPIE Citra, Fougerolle, Entreprise Jean Spada et Nord France entreprise, l'arrêt rendu le 6 mai 1997, entre les parties, rectifié le 27 mai 1997, par la Cour d'appel de Paris; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.