Cass. com., 18 mai 1999, n° 97-14.414
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Ministre de l'Économie et des Finances
Défendeur :
Syndicat des médecins de la Somme, Conseil départemental de l'Ordre des Médecins de la Somme
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Léonnet
Avocat général :
M. Raynaud
Avocats :
Me Ricard, SCP Richard, Mandelkern.
LA COUR : - Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 avril 1997) que le Syndicat des médecins de la Somme a décidé, en 1987, en accord avec le Conseil départemental de l'Ordre des médecins, de réorganiser le service de garde des médecins du "Grand Amiens" ; qu'un seul numéro téléphonique, correspondant à celui du centre régulateur du Samu, répercute les appels vers les médecins de garde ; que l'établissement d'une liste trimestrielle est maintenu pour le tour des gardes de nuit ainsi que les fins de semaine et jours fériés ; que les noms et coordonnées des médecins de garde sont publiés dans l'édition du samedi du journal le Courrier Picard ; que par ailleurs, un système de remplacement permet à chaque médecin de s'exonérer de sa garde en se faisant remplacer pour une garde déterminée, pour la durée du trimestre ou pour toute l'année ; que ce système est accessible aux médecins syndiqués ou non syndiqués, moyennant pour ces derniers, le paiement d'une participation annuelle ; que toutefois l'association SOS médecins n'a pas été incorporée au service de garde ni incluse dans le service de remplacement ; que le ministre de l'économie estimant que ces pratiques portaient atteinte aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et à celles prévues par le Code de déontologie médicale a saisi, le 9 août 1993, le Conseil de la concurrence ; que par décision n° 96-D-49 du 3 juillet 1996 le conseil a décidé que ces pratiques, visant "à exclure une catégorie de médecins de l'exercice normal de leur activité" portaient atteinte au principe de la libre concurrence et étaient assimilables à un boycott, a infligé une sanction pécuniaire de 20 000 F au Conseil de l'Ordre des médecins de la Somme ainsi qu'au Syndicat médical des médecins de ce département ; que le Syndicat des médecins de la Somme a formé un recours contre cette décision ;
Sur le premier moyen : - Attendu que le ministre de l'économie fait grief à l'arrêt d'avoir "infirmé" la décision du Conseil de la concurrence en ce qui concerne l'organisation du service de garde, alors, selon le pourvoi, que sont prohibées les ententes ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché ; que le seul objet anticoncurrentiel de la pratique en cause suffit à justifier la prohibition de celle-ci, indépendamment même de tout effet réel sur la concurrence ; que l'arrêt attaqué a constaté que "l'association SOS médecins 80 Amiens n'a pas été intégrée au service de garde médicale réorganisé par le Syndicat des médecins de la Somme" ; que cette exclusion d'une partie non négligeable des médecins d'Amiens du service de garde ainsi réorganisé a, dès lors, un objet anticoncurrentiel ; qu'en décidant le contraire, et en exigeant que cette exclusion ait eu un effet réel sur la concurrence sur ce marché, la cour d'appel a violé l'article 7, alinéa 1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu que pour décider que l'organisation du service de garde des médecins du département de la Somme ne constituait pas une pratique prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 la cour d'appel a relevé que l'association SOS médecins n'avait pas demandé à participer à cette organisation puisque "la garde" constituait déjà son activité et que ses coordonnées étaient publiées dans la presse locale "aux côtés du numéro du centre régulateur du Samu permettant de connaître les noms et adresses des médecins de garde ; qu'ayant en outre vérifié de façon concrète si l'organisation du service de garde avait eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la libre concurrence entre les médecins libéraux du "Grand Amiens" et n'ayant pas constaté l'existence d'une telle éventualité, la cour d'appel a pu statuer ainsi qu'elle l'a fait; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen : - Attendu que le ministre de l'économie fait grief à l'arrêt de ne pas avoir sanctionné l'organisation du service de remplacement organisé par le Syndicat des médecins de la Somme, alors, selon le pourvoi, que l'entente qui concerne une part significative du marché en cause est prohibée et doit donner lieu à injonction ou à sanction pécuniaire, dès lors qu'elle a un objet anticoncurrentiel ou un effet potentiel sur la concurrence, même si elle n'a pas eu d'effet anticoncurrentiel réel sur le marché en cause ; que l'arrêt attaqué a constaté que les pratiques relatives au service du remplacement, qui entravent la libre concurrence entre les praticiens du Grand Amiens, sont prohibées par l'article 7 de l'ordonnance ; qu'en énonçant pourtant, pour refuser de prononcer une injonction ou une sanction à l'encontre de leur auteur, que les pratiques incriminées n'ont eu sur le marché de la médecine libérale du Grand Amiens qu'une portée limitée ne pouvant porter atteinte de façon sensible au jeu de la concurrence, et en liant, dès lors, le prononcé d'une sanction à un effet réel significatif des pratiques sur la concurrence, la cour d'appel a violé les articles 7 et 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu qu'ayant constaté, après avoir souverainement apprécié les effets de l'organisation du service de remplacement litigieux, que les coordonnées de l'association SOS médecins étaient toujours publiées et que les médecins souhaitant se faire remplacer par les membres de cette association laissaient un message sur leur répondeur téléphonique, et ayant, en outre, relevé que le montant de la quote-part annuelle d'accès au service de remplacement "chiffré à quelques centaines de francs par an n'(était pas) de nature à empêcher les médecins désireux de se faire remplacer de recourir à ce service ou de pénaliser réellement les médecins syndiqués qui ne souhaitent pas en bénéficier", c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a décidé qu'il n'avait pas été porté atteinte de façon sensible au jeu de la concurrence entre les médecins libéraux du secteur considéré; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi.