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Décisions

Cass. com., 9 novembre 1993, n° 91-20.722

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Lechêne

Défendeur :

Syndicat local des moniteurs de l'école de ski français de la vallée de Méribel

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

M. Curti

Avocats :

Mes de Nervo, Guinard, Odent, SCP Lesourd, Baudin, SCP Boré, Xavier.

Cass. com. n° 91-20.722

9 novembre 1993

LA COUR : - Attendu qu'il résulte des dispositions de l'arrêt attaqué (Paris, 26 septembre 1991) que M. Lechêne, agissant en tant que moniteur de ski et président de l'Association de l'école de ski Snow Fun, a saisi, le 4 septembre 1987, le Conseil de la concurrence de pratiques qu'il estimait anticoncurrentielles à son égard de la part de la régie municipale des sports de montagne de Cauterêts et de l'école de ski français (ESF) de Cauterêts ; que le ministre de l'Economie et des Finances s'est joint en 1989 à cette instance et a saisi le Conseil de la concurrence pour l'ensemble de ces pratiques dans le secteur national de l'enseignement du ski ; que, par décision du 19 février 1991, le Conseil de la concurrence a constaté l'existence des faits dénoncés et a enjoint : 1°) Au Syndicat national des moniteurs de ski français d'abroger, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, les stipulations du dernier alinéa du chapitre 1er, paragraphe 5, de la convention type entre les moniteurs ESF interdisant à un moniteur quittant l'école ou qui en est exclu d'exercer sa profession dans la commune ou dans les communes limitrophes, et de s'abstenir d'introduire une telle clause dans tout document opposable à ses adhérents ; 2°) A la régie municipale des sports de montagne de Cauterêts d'abroger la convention cadre du 1er août 1985 dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision et de s'abstenir à l'égard des moniteurs de ski diplômés, d'une part, de lier le passage prioritaire sur ses installations à l'existence d'un effectif minimum et, d'autre part, de pratiquer des prix discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles ; que la cour d'appel, saisie d'un recours par les divers syndicats parties au litige, la régie municipale des sports de montagne de Cauterêts et les sociétés de remontées mécaniques, a annulé la décision du Conseil en ce qu'elle a constaté et sanctionné ces pratiques anticoncurrentielles sur le marché de l'enseignement du ski dans les stations de Cauterêts, Grand-Bornand et sur le site de Mottaret, et rejeté pour le surplus leurs recours ;

Sur la recevabilité du pourvoi principal contestée par la défense : - Vu l'article 609 du nouveau Code de la procédure civile ; - Vu l'article 7 du décret du 19 octobre 1987 relatif aux recours exercés devant la Cour d'appel de Paris contre les décisions du Conseil de la concurrence ; - Attendu que M. Lechêne, qui avait, tant en son nom personnel qu'ès qualités, saisi le Conseil de la concurrence des pratiques dénoncées et qui s'était porté intervenant volontaire devant la cour d'appel, le recours formé par les différentes parties risquant d'affecter les droits qui lui avaient été reconnus par le Conseil de la concurrence, est, dès lors, recevable à se pourvoir devant la Cour de cassation contre l'arrêt déféré ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident formé par le Syndicat national des moniteurs de ski français : - Attendu que le Syndicat national des moniteurs de ski français SNMSF fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours contre la décision du Conseil de la concurrence lui ayant enjoint d'abroger les stipulations du dernier alinéa du chapitre 1er, paragraphe 5, de la convention type existant entre les moniteurs ESF, alors, selon le pourvoi, qu'en se bornant à énoncer qu'en raison de l'influence du SNMSF dans l'enseignement du ski, la clause de non-rétablissement insérée dans la convention nationale type avait pour objet et pour effet de limiter le libre exercice de la concurrence sur ce marché sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions du syndicat, si les effets individuels de cette clause entre un syndicat local et un moniteur créait ou non un obstacle à l'arrivée de nouvelles écoles d'enseignement du ski et avait une incidence directe sur le fonctionnement de ce marché, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que c'est à bon droit qu'après avoir rappelé les dispositions du dernier alinéa du chapitre 1er, paragraphe 5, de la convention litigieuse prévoyant que " le moniteur quittant l'école ou exclu, s'interdit, pendant une période de trois ans à compter de son départ, de créer, gérer, exploiter directement ou indirectement une école ou une affaire individuelle d'enseignement du ski ou d'y participer à quelque titre que ce soit, dans la commune ou les communes limitrophes, sous peine de dommages et intérêts ", la cour d'appel a décidé que le retrait ou l'éviction d'une organisation syndicale ne pouvait être assorti de restrictions au libre exercice d'une activité professionnelle, cette restriction étant, en outre, dans le cas d'espèce, sans proportion avec la protection des intérêts commerciaux des moniteurs regroupés en une ESF ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal pris en sa première branche : - Vu l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ensemble l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu qu'après avoir relevé que le Conseil de la concurrence avait porté atteinte au droit de la défense du SNMF en se fondant sur des pièces couvertes par le secret professionnel, la cour d'appel a décidé que la nullité qui en a résulté a affecté la décision du Conseil " à l'égard de toutes les parties en cause, non seulement en ce qui concerne les pratiques relevées sur le marché de l'enseignement du ski à Cauterêts, auxquelles elles se rapportent directement, mais encore celles identiques constatées sur les marchés du site de Motaret et de la station du Grand-Bornand, dès lors que dans chacun des cas il est retenu que les concertations visant à écarter, par le nombre de moniteurs affiliés, les écoles du ski autres que l'ESF, du bénéfice d'avantages dans l'utilisation des remontées mécaniques, ont eu lieu sur la base de recommandations du SNMSF " ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans prendre en compte - abstraction faite des pièces entachées de nullité concernant l'enseignement du ski à Cauterêts et dont la cour d'appel a décidé à bon droit qu'elles devaient être retirées du dossier - les éléments objectifs retenus également par le Conseil de la concurrence à l'appui de sa décision, tels que les témoignages divers établissant l'absence d'accès prioritaires aux remontées mécaniques des clients de l'école Snow Fun, les conditions avantageuses de prix consenties aux moniteurs de l'ESF et, d'une façon générale, tous les éléments de preuve laissant apparaître, de façon concrète, que les moniteurs appartenant à l'ESF bénéficiaient d'avantages substantiels par rapport à ceux consentis aux moniteurs concurrents de cette organisation, tant dans les stations de Cauterêts, que celles du Motaret ou du Grand-Bornand, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen et sur le second moyen pris en ses trois branches : rejette le pourvoi incident ; casse et annule, mais seulement en ce qu'il a annulé les infractions constatées par le Conseil de la concurrence dans sa décision du 19 février 1991 concernant le marché de l'enseignement du ski dans les stations de Cauterêts, du Grand-Bornand et sur le site de Motaret, l'arrêt rendu le 26 septembre 1991, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.