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Décisions

Conseil Conc., 3 novembre 1993, n° 93-D-47

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques constatées lors de marchés d'aménagement paysager dans le département des Bouches-du-Rhône

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport de M. François Vaissette, par MM. Barbeau, président, Jenny, vice-président, , Sargos, membre, désigné en remplacement de M. Cortesse, empêché.

Conseil Conc. n° 93-D-47

3 novembre 1993

Le conseil de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre enregistrée le 27 juin 1991 sous le numéro F 418, par laquelle le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget a saisi le conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les sociétés Avenir Paysages, Irrigation Service, Français Chailan, " Horticulture La Verdure ", Etablissement Saurin, société d'études et Réalisations Paysagistes (SERP) et Entreprise Bronzo lors de marchés d'aménagement paysager dans le département des Bouches-du-Rhône ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence, ensemble le Décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application ; Vu les observations présentées par la société Irrigation Service, la société SERP, la société Bronzo et le commissaire du Gouvernement ; Vu la lettre en date du 8 janvier 1993 par laquelle le président du conseil de la concurrence a décidé de porter l'affaire devant la commission permanente ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Bronzo, Avenir Paysages, Irrigation Service, SERP, Etablissement Saurin, Horticulture La Verdure et François Chailan entendus, Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (11) ci-après exposés :

I. - CONSTATATIONS

A. - Le secteur concerné

Entre 1988 et 1990, de nombreux chantiers d'aménagement paysager ont été lancés dans le département des Bouches-du-Rhône en raison notamment d'un programme de réhabilitation de cités appartenant à l'office public d'habitation à loyer modéré de la ville de Marseille et à l'office public d'aménagement et de construction des Bouches-du-Rhône.

Sur 770 entreprises recensées, en France, au 1er juillet 1989 par le Comité national interprofessionnel de l'horticulture florale et ornementale et des pépinières, 23 entreprises possédaient un agrément dans ce département, pour une ou plusieurs activités définies par la profession.

B. - Les pratiques relevées

Au cours de l'année 1990, les enquêteurs de la direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes Provence-Alpes-Côte-d'Azur ont pu consulter, sur le fondement de l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, des documents relatifs à sept marchés publics ou privés, auprès d'entreprises appartenant au secteur de l'aménagement paysager.

1. Pratiques relevées à l'occasion de marchés publics

a) Marché de la création d'espaces verts et d'installations d'arrosage dans la ZAC du Mazet de l'étang de Berre à Fos-sur-Mer :

Dans le dossier d'étude de l'entreprise Avenir Paysages, les enquêteurs ont trouvé le 20 juin 1990, une télécopie comportant des prix manuscrits relatifs à des travaux d'arrosage et d'assainissement fluvial avec le cachet de la société Irrigation Service (annexe n° I, cotes l2l, 122, 123 du dossier).

M. Lombard, gérant d'Avenir Paysages, a reconnu avoir établi l'offre de son entreprise, après avoir demandé à Arrosage Automatique, qui dispose d'une structure administrative commune avec Irrigation Service, de lui communiquer ses tarifs (annexe 2, cote 235 du dossier).

Le gérant d'Irrigation Service, M. Pasquale, a reconnu avoir soumissionné à l'occasion du lancement du marché de la création d'espaces verts et d'installation d'arrosage dans la ZAC du Mazet en mai 1990 et avoir communiqué sa proposition de prix à Avenir Paysages (annexe 3, cote 343 du dossier).

L'étude intitulée " brouillon ", réalisée par M. Lombard, ne portait que sur les postes relatifs aux terrassements et à l'engazonnement et présentait quatre prix d'arrosage à la baisse par rapport à la proposition d'Irrigation Service. Ces prix, qui portent sur les postes 3.1, 3.8, 3.13 et 3.162, figurent en surcharge sur une télécopie émanant d'Irrigation Service (annexe 1, cotes 121, 122, 123 du dossier). Selon les termes du règlement particulier d'appel d'offres du marché, les candidats devaient indiquer dans l'acte d'engagement le montant des prestations à sous-traiter et produire une demande d'acceptation des sous-traitants (annexe 2, cote 250 du dossier).

Or ni l'offre d'Avenir Paysages ni celle d'Irrigation Service ne faisaient apparaître de demande d'acceptation de sous-traitants.

b) Marché de l'aménagement paysager complémentaire de la résidence La Chênaie, à Vitrolles :

Dans le dossier d'étude d'Avenir Paysages, il a été trouvé par les enquêteurs, le 20 juin 1990, un document manuscrit intitulé " brouillon ", réalisé par le gérant d'Avenir Paysages (annexe I, cotes 22 à 33 du dossier), qui correspond ligne pour ligne à l'offre d'Irrigation Service recueillie auprès du maître de l'ouvrage (annexe 5, cotes 376 à 387 du dossier).

Bien qu'Avenir Paysages n'ait pas soumissionné (annexe 2, cote 239 du dossier), se trouvaient,, dans son dossier, la lettre de consultation de la mairie de Vitrolles adressée à Irrigation Service ainsi que la déclaration à souscrire du gérant d'Irrigation Service et un bordereau dactylographié, tous deux non signés et comportant le cachet d'Irrigation Service (annexe I, cotes 8 à 15 du dossier).

M. Lombard a reconnu avoir confectionné le bordereau. L'offre de prix d'Irrigation Service a donc été entièrement réalisée par Avenir Paysages après intégration de sa propre marge.

c) Marché de l'aménagement d'un terrain de sport dans le quartier Milan-Sud, à Port-de-Bouc :

Au siège de l'entreprise François Chailan, les enquêteurs ont trouvé le même jour deux bordereaux de prix dactylographiés identiquement intitulés " Terrain de sport Milan-Sud" avec une typographie différente, l'un portant le cachet "François Chailan ", l'autre celui d'Horticulture La Verdure (annexe 8, cotes 399 et 400 du dossier).

M. René Chailan, propriétaire exploitant de l'entreprise François Chailan, a reconnu avoir établi l'offre d'Horticulture La Verdure, ce que confirme l'étude rédigée de sa main, retrouvée chez lui, dont les prix unitaires hors taxes sont strictement similaires aux prix unitaires hors taxes de l'offre présentée par Horticulture La Verdure (annexe 11, cotes 425 et 430 du dossier).

d) Marché d'aménagement d'un espace vert, rue Emile-Delacour, à La Ciotat :

La direction des services techniques de La Ciotat a procédé à la consultation de plusieurs entreprises en novembre l989, dans le cadre d'un marché négocié. Sept entreprises sur les neuf consultées ont présenté une offre.

L'enquête, réalisée auprès de l'entreprise Bronzo le 7 novembre 1990, a permis de constater qu'un bordereau de prix manuscrit établi par un ingénieur en travaux publics de l'entreprise Bronzo, M. Pichon, prenait pour référence les prix unitaires de l'entreprise SERP (annexe 12, cotes 492 et 493 du dossier).

Cet ingénieur a reconnu avoir demandé à la SERP de lui communiquer ses prix afin de pouvoir établir son offre faisant valoir les relations habituelles de sous-traitance entretenues avec la SERP par Bronzo pour ce type de travaux et l'absence de poste, dans l'appel d'offres, correspondant aux spécialités de son entreprise (annexe 12, cotes 492 et 493 du dossier).

Il a, par ailleurs, été constaté que ni les dossiers d'études ni les offres des entreprises SERP et Bronzo n'avaient fait état d'un accord de sous-traitance.

2. Pratiques relevées à l'occasion de marchés privés

a) Travaux d'espaces verts, rue Rocca, à Marseille :

En mars 1990, M. Joël Martin, paysagiste-conseil, a consulté trois entreprises, Avenir Paysages, François Chailan, et Etablissement Saurin, qui ont chacune proposé un devis. Le 20 juin 1990, les enquêteurs ont constaté que, dans l'entreprise Avenir Paysages, le dossier d'étude relatif à cette opération contenait non seulement les bordereaux que cette entreprise avait élaborés, mais aussi ceux, dactylographiés, émanant des entreprises François Chailan et Etablissement Saurin avec des prix de prestations et d'entretien différents ainsi qu'une étude comportant un nombre important de surcharges manuscrites (annexe 1, cotes 46 et 61 du dossier).

Il ressort de la lecture de ces documents que les bordereaux dactylographiés ont été établis à partir de l'étude manuscrite. Les prix unitaires et les chiffres des trois colonnes " total " (annexe 1, cotes 58, 59, 60, 61 du dossier) correspondent respectivement aux montants des bordereaux Avenir Paysages (1re colonne total, sauf ligne 11, annexe 1, cotes 47, 48, 49 du dossier), François Chailan (2e colonne total, sauf ligne 40, annexe 1, cotes 50, 51, 52, 53 du dossier) et Etablissement Saurin (3e colonne total, sauf ligne 51).

L'enquête a permis de constater que les entreprises Etablissement Saurin et Français Chailan ne disposaient d'aucun document concernant ce marché, à commencer par leur propre offre.

Le gérant d'Avenir Paysages a reconnu être l'auteur du document manuscrit et avoir communiqué les trois offres au maître d'œuvre, après avoir obtenu des prix par téléphone des entreprises Français Chailan et Etablissement Saurin (annexe 2, cote 236 du dossier).

M. René Chailan, propriétaire exploitant de l'entreprise Français Chailan, a confirmé ce procédé en ajoutant que le cachet de son entreprise avait été apposé avec son accord sur le document réalisé par la société Avenir Paysages (annexe 18, cotes 583, 584 de la notification de griefs).

b) Travaux d'espaces verts, avenue du Prado, à Marseille :

En février 1990, le même paysagiste-conseil a consulté les trois mêmes entreprises pour réaliser des travaux d'espaces verts à Marseille.

L'enquête a permis de constater que seule l'offre de l'entreprise Etablissement Saurin figurait dans le dossier du maître d'œuvre, alors que les trois entreprises avaient proposé une offre.

Au siège de l'entreprise Avenir Paysages, le 20 juin 1990, il a été découvert trois bordereaux de prix dactylographiés portant le cachet, respectivement, des entreprises Avenir Paysages (annexe 1, cotes 34 à 37 du dossier), Etablissement Saurin (annexe 1, cotes 38 à 41 du dossier) et François Chailan (annexe 1, cotes 42 à 45 du dossier) avec des prix de prestations et d'entretien, à chaque fois différents, ainsi qu'un bordereau manuscrit, avec mention de prix unitaires et de totaux, dans un ordre croissant (sauf les lignes 59, 60 et 63,' annexe 2, cotes 265 à 268 du dossier).

Ces prix unitaires correspondaient aux chiffres des bordereaux dactylographiés des entreprises Avenir Paysages (colonne total ou F du tableau sauf pour la ligne 10), Français Chailan et Etablissement Saurin (à l'exception des lignes 59, 60, 69 et 71 pour cette dernière).

Le document manuscrit a constitué une étude préalable à la réalisation des documents dactylographiés, ainsi que le révèlent les chiffres inscrits en dernière colonne représentant la différence de montant entre les trois propositions, l'absence d'indication pour les postes 68 et 11 de la page 3 au titre de l'entreprise Etablissement Saurin et la différence de prix sur les postes 59 et 60 par rapport à l'offre de cette dernière (100 F au lieu de 1000 F).

Le gérant d'Avenir Paysages, M. Lombard, a reconnu avoir réalisé cette étude après avoir obtenu des prix par téléphone de la part des entreprises Etablissement Saurin et Français Chailan et avoir ensuite communiqué au maître d'œuvre les offres de ces entreprises, avec celle d'Avenir Paysages.

Les responsables des trois entreprises ont confirmé ces pratiques et ont indiqué avoir été d'accord pour apposer le cachet de leurs entreprises respectives sur les documents élaborés par le gérant d'Avenir Paysages (annexe 18, cotes 583 et 584 du dossier).

c) Marché d'aménagement et de plantation les " villages du soleil " à Arles

L'enquête a révélé que le même paysagiste-conseil avait consulté les trois mêmes entreprises, le 20 février 1988. Dans le dossier d'étude d'Avenir Paysages, il a été retrouvé les bordereaux d'envoi adressés aux trois entreprises ainsi qu'une note manuscrite récapitulant les montants des différentes offres (Avenir Paysages : 61 887 F HT, Etablissement Saurin : 78003,50 F HT et François Chailan : 81 336 F HT) (annexe 20, cote 604 du dossier).

Le dossier d'étude d'Avenir Paysages contenait des bordereaux de prix anonymes contenant des prix manuscrits dont le montant total correspond, à 100 F près, au montant offert à M. Martin par Avenir Paysages, ainsi que deux bordereaux écrits intitulés " brouillon 1 " et "brouillon 2 ".

II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRÉCÈDENT, LE CONSEIL

Sur la prescription :

Considérant que la consultation pour l'aménagement paysager des " villages du soleil " en Arles a eu lieu, le 20 février 1988 ; que le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget a saisi le conseil de la concurrence le 27 juin 1991; que s'il résulte des dispositions de l'article 27 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que le conseil ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction, il ressort de l'instruction qu'un procès-verbal de communication de documents a été établi par les enquêteurs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes le 20 juin 1990 ;que ce procès-verbal, dressé dans le cadre de la procédure prévue par l'article 47 de l'ordonnance précitée, constitue un acte tendant à la recherche et à la constatation de faits prévus par cette ordonnance; qu'ainsi les pratiques relevées à l'occasion du marché les "villages du soleil " en Arles ne sont pas prescrites ;

Sur l'absence d'indication aux maîtres d'œuvre ou d'ouvrage des relations de donneur d'ordre à sous-traitant des soumissionnaires :

Considérant que s'il est loisible, au regard des règles de la concurrence, pour plusieurs entreprises ayant étudié la possibilité d'établir entre elles des liens de donneur d'ordre à sous-traitant à l'occasion d'un marché, de présenter des offres distinctes, elles ne sauraient établir des propositions apparemment concurrentes qu'à la condition, lors du dépôt de leurs offres, de faire connaître aux maîtres d'œuvre ou d'ouvrage, même s'ils ne le réclament pas expressément, la nature des liens de sous-traitance qui les unissent, d'une part, ou le fait qu'elles ont échangé des informations entre elles, d'autre part ;

Sur les autres pratiques constatées :

En ce qui concerne le marché de la création d'espaces verts et d'installations d'arrosage de l'étang de Berre :

Considérant qu'il résulte des éléments mentionnés au B, 1, a du I de la présente décision, qu'une concertation a eu lieu entre les entreprises Avenir Paysages et Irrigation Service pour le marché public de création d'espaces et d'installation d'arrosage de la ZAC du Mazet 1 de l'étang de Berre ;

Considérant qu'Irrigation Service fait valoir qu'elle a été consultée par Avenir Paysages sur sa proposition de prix dans la mesure où cette dernière envisageait de lui sous-traiter une partie du marché et qu'elle ne saurait être tenue pour responsable de l'absence d'indication sur les prestations à sous-traiter et de demande d'acceptation de sous-traitant dans l'offre d'Avenir Paysages ;

Considérant, cependant, que l'absence d'indication, lors du dépôt des offres, sur les informations échangées préalablement à la date de ce dépôt par les entreprises soumissionnaires Avenir Paysages et Irrigation Service, ne permettait pas de faire connaître au maître d'ouvrage le fait que ces offres n'étaient pas indépendantes l'une de l'autre ; que les informations ainsi échangées ont pu avoir pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché considéré; que, par suite, cette concertation entre dans le champ d'application de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

En ce qui concerne le marché de l'aménagement paysager complémentaire résidence La Chênaie :

Considérant qu'il résulte des éléments mentionnés au B, 1, b du I de la présente décision qu'une concertation a eu lieu entre les entreprises Avenir Paysages et Irrigation Service ;

Considérant que le commissaire du Gouvernement soutient dans ses observations écrites qu'Avenir Paysages n'a pas soumissionné, qu'il n'est pas démontré que cette entreprise ait eu l'intention de le faire et que l'imputation d'un objet anti-concurrentiel à la concertation entre les deux entreprises serait, en conséquence, sans fondement ;

Considérant cependant, qu'il importe peu que les pratiques aient ou non effectivement faussé la concurrence ou eu un objet anti-concurrentiel dès lors qu'il est constaté qu'elles pouvaient avoir un effet anti-concurrentiel ; qu'en l'espèce, il est avéré qu'Avenir Paysages disposait de la lettre de consultation de la mairie de Vitrolles adressée à Irrigation Service ; ainsi que de la déclaration à souscrire comportant le cachet d'Irrigation Service qu'Avenir Paysages reconnaît qu'elle a matériellement réalisé l'offre d'Irrigation Service ;

Considérant qu'Irrigation Service soutient que le marché d'aménagement paysager complémentaire résidence La Chênaie ne constituait pas un marché " ouvert " mais une simple demande de consultation adressée par la mairie de Vitrolles ;

Considérant, cependant, que la rencontre entre une demande spécifique et des offres destinées à lui répondre et substituables entre elles constitue bien un marché au sens de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'ainsi, ces échanges préalables à la date du dépôt des offres entre les entreprises Avenir Paysages et Irrigation Service ont pu avoir pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché considéré ; que, par suite, cette concertation entre bien dans le champ d'application de l'article 7 de l'ordonnance précitée ;

En ce qui concerne le marché de l'aménagement d'un terrain de sport quartier Milan-Sud :

Considérant qu'il résulte, tant des constatations figurant ci-dessus au B, 1, c du I de la présente décision que des déclarations des représentants des entreprises lors de la séance, qu'une concertation s eu lieu entre les entreprises François Chailan et l'" Horticulture La Verdure ", lors d'un marché négocié avec la ville de Port-de-Bouc pour l'aménagement d'un terrain de sport dans le quartier Milan Sud ; que cette concertation a pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur le marché considéré; que, par suite, elle entre dans le champ d'application de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre l986 ;

En ce qui concerne le marché d'aménagement d'un espace vert, rue Emile-Delacour, à La Ciotat :

Considérant qu'il résulte des constatations figurant au B, 1, d du I de la présente décision, qu'une concertation a eu lieu entre les entreprises SERP et Bronzo lors du marché négocié de l'aménagement d'un espace vert, rue Emile-Delacour, à La Ciotat :

Considérant, en premier lieu, que la SERP soutient que les deux entreprises SERP et Bronzo ne sont pas directement concurrentes dans la mesure où " elles ne disposent ni des mêmes personnels ni des mêmes moyens, qu'elles n'ont pas le même objet et qu'elles ne dépendent pas des mêmes régimes sociaux " ;

Considérant, cependant, que le fait que des entreprises distinctes n'appartiennent pas au même secteur et que leur personnel ait des qualifications différentes est sans effet sur la situation de concurrence dans laquelle elles se trouvent dès lors qu'elles présentent des offres portant sur un même marché ;

Considérant, en deuxième lieu, que les entreprises SERP et Bronzo font valoir que la procédure retenue en l'espèce par le maître de l'ouvrage, qui n'est pas celle de l'adjudication au moins disant mais la procédure du marché négocié, rendait une concertation par les prix entre les différents soumissionnaires sans effets anti-concurrentiels ;

Considérant, en troisième lieu, que la SERP allègue la circonstance qu'il est habituel, pour des " marchés hybrides" portant sur des montants peu élevés, de présenter une offre sans mentionner la présence d'un sous-traitant et de ne formaliser la demande d'homologation du sous-traitant qu'après la conclusion du marché ;

Considérant, cependant, que, quelle que soit la forme juridique du marché, l'absence d'indication sur les informations échangées préalablement à la date de dépôt des offres par les entreprises soumissionnaires SERP et Bronzo ne permettait pas de faire connaître au maître d'ouvrage lors du dépôt des offres le fait que les offres présentées par ces deux entreprises n'étaient pas indépendantes l'une de l'autre ; que cette concertation a pu avoir pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché considéré et que par suite, elle entre bien dans le champ d'application de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

En ce qui concerne les travaux d'espace vert, 6, rue Rocca et 424, avenue du Prado, à Marseille, et l'aménagement paysager des " villages du soleil" en Arles :

Considérant qu'il résulte des constatations figurant au B, 2, a, b et c du I de la présente décision que des concertations ont eu lieu entre les entreprises Avenir Paysages, François Chailan et Etablissement Saurin lors des marchés d'espaces verts au 6, rue Rocca et 424, avenue du Prado, à Marseille, et lors du marché d'aménagement paysager des " villages du soleil " en Arles ; que ces concertations ont pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur les marchés considérés ; que par suite, elles entrent dans le champ d'application de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Sur les sanctions :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le conseil de la concurrence " peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. 100 du montant du chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au cours du dernier exercice clos..." ;

Considérant qu'il y a lieu de faire application des dispositions précitées de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et d'infliger des sanctions pécuniaires aux entreprises auxquelles sont imputables les pratiques anti-concurrentielles susmentionnées ;

Concernant l'entreprise Avenir Paysages :

Considérant qu'Avenir Paysages s'est livrée à des pratiques anti-concurrentielles dans cinq des sept marchés examinés par le conseil ; que le montant cumulé des travaux à l'occasion desquels ont été relevées les pratiques en cause, s'élève, hors entretien, à 1 875 551 F ; que ces concertations sont d'autant plus graves que les agissements sont dispersés en différents endroits du département des Bouches-du-Rhône sur une période de trois années, avec des entreprises pour partie différentes d'un marché à l'autre ;

Considérant que cette entreprise a réalisé en 1992 un chiffre d'affaires de 3 161 390 F; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de lui infliger une sanction pécuniaire de 100 000 F ;

Concernant l'entreprise Irrigation Service :

Considérant qu'Irrigation Service s'est livrée à des pratiques anti-concurrentielles prohibées avec Avenir Paysages dans deux marchés sur sept ; que le montant cumulé des travaux à l'occasion desquels ont été relevées les pratiques en cause représente 1 681 269 F ; qu'elle a pris une part active dans les échanges d'informations ;

Considérant que cette entreprise a réalisé du 1er août 1991 au 31 juillet l992, un chiffre d'affaires de 3 990 667 F ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de lui infliger une sanction pécuniaire de 40 000F ;

Concernant l'entreprise François Chailan :

Considérant que l'entreprise François Chailan s'est livrée à des pratiques anti-concurrentielles prohibées dans quatre marchés sur sept ; que le montant cumulé des travaux à l'occasion desquels ont été relevées les pratiques en cause s'élève hors entretien à plus de 190 000 F ; que ces concertations sont d'autant plus graves que ces agissements sont dispersés en différents endroits du département des Bouches-du-Rhône sur une période de trois années ;

Considérant que cette entreprise a réalisé du 1er août 1990 au 31 juillet 1991, dernier exercice connu, un chiffre d'affaires de 5 151 154 F : qu'il y a lieu, dans ces conditions, de lui infliger une sanction pécuniaire de 75 000 F ;

Concernant l'entreprise " Horticulture La Verdure " :

Considérant que l'entreprise " Horticulture La Verdure" s'est livrée à des pratiques anti-concurrentielles prohibées pour un unique marché ; que le rôle de cette entreprise dans la transmission des informations s été secondaire ;

Considérant que son chiffre d'affaires pour 1991, dernier exercice connu, s'est élevé à 463 274 F ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de lui infliger une sanction pécuniaire de 4 500 F ;

Concernant l'entreprise Etablissement Saurin :

Considérant que l'entreprise Etablissement Saurin s'est livrée à des pratiques anti-concurrentielles prohibées dans trois marchés sur sept que le montant cumulé des travaux à l'occasion desquels ont été constatées ces pratiques s'élève, hors entretien, à 194 282 F ; que ces concertations sont d'autant plus graves que les agissements sont dispersés en différents endroits du département des Bouches-du-Rhône sur une période de trois années ;

Considérant que son chiffre d'affaires pour l992 s'est élevé à 1 970 084 F; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de lui infliger une sanction pécuniaire de 25 000 F ;

Concernant la société d'études et réalisations paysagistes :

Considérant que l'entreprise SERP s'est livrée à des pratiques anti-concurrentielles prohibées dans un marché dont le montant des travaux s'élève à 349 900 F ; qu'elle n'a pas pris l'initiative de cette concertation ;

Considérant que le chiffre d'affaires de cette entreprise pour 1992 s'est élevé à 7 202 775 F ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de lui infliger une sanction pécuniaire de 70 000 F ;

Concernant l'entreprise Bronzo :

Considérant que l'entreprise Bronzo s'est livrée à des pratiques anti-concurrentielles prohibées sur un marché dont le montant total s'élève à 349 900 F et pour lequel elle a été déclarée moins-disante qu'elle a pris une part déterminante dans la concertation reprochée ; que cette entreprise, qui compte 1 50 salariés, est une société importante dans le secteur des travaux publics du département et de la région ; qu'à ce titre elle dispose d'une puissance d'entraînement auprès des autres entreprises du secteur concerné ;

Considérant qu'elle prétend que son chiffre d'affaires dans le secteur des espaces verts s'est élevé en 1992 à 6 365 F : qu'à supposer que le secteur des espaces verts soit distinct du reste de ses activités, affirmation à l'appui de laquelle elle n'apporte aucune justification, il y a lieu d'observer que son chiffre d'affaires en matière d'espaces verts est très variable d'une année sur l'autre ; qu'ainsi, en 1990, celui-ci s'est élevé, d'après ses propres observations, à 198 450 F ; qu'en conséquence, ses capacités d'intervention dans le domaine des espaces verts ne sauraient être appréciées à partir de son seul chiffre d'affaires pour 1992, alors qu'elle ne justifie pas que les activités concernées par son chiffre d'affaires hors espaces verts ne mettent pas en œuvre des techniques et des matériels voisins ou complémentaires par des personnels de même qualification que ceux requis par les activités d'espaces verts ; que son chiffre d'affaires pour 1992 s'est élevé à 75 043 968 F ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de lui infliger une sanction pécuniaire de 300 000 F,

Décide:

Article unique. Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes

100 000 F à la société Avenir Paysages ;

40 000 F à la société Irrigation Service ;

75 000 F à la société Chailan François ;

4 500 F à la société " Horticulture La Verdure"

25 000 F à la société Etablissement Saurin ;

70 000 F à la société société d'Etudes et Réalisations Paysagistes ;

300 000 F à la société Bronzo.