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Décisions

Cass. com., 1 juin 1999, n° 98-30.010

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Normandie Béton (SARL), André, Béton moderne (Sté), Béton mécanique (SA), Trouvé, Prefall (SA), Produit béton du maine (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

SCP Delaporte, Briard, SCP Waquet, Farge, Hazan, SCP Ryziger, Bouzidi, SCP Tiffreau, Me Ricard.

TGI Evry, prés., du 21 août 1997

21 août 1997

LA COUR : - Attendu que, par ordonnance du 21 août 1997, le président du Tribunal de grande instance d'Evry a, en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, autorisé des agents de la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes à effectuer une visite et des saisies de documents dans les locaux de 9 entreprises, aux domiciles respectifs de MM. Claude André et Christian Trouvé, ainsi que dans le véhicule professionnel de M. André, en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles prohibées par les points 2 et 4 de l'article 7 de l'ordonnance précitée, dans le secteur des éléments préfabriqués en béton ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 98-30.015, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Prefall reproche à l'ordonnance d'avoir ainsi statué alors, selon le pourvoi, d'une part, que les visites et saisies prévues par l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne peuvent être autorisées que dans le cadre d'une enquête demandée par le ministre chargé de l'Économie ou le Conseil de la Concurrence, la demande d'enquête devant porter sur des faits déterminés et ne pas se contenter de prescrire des interventions dans le cadre de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que la demande d'enquête "relative à la production d'éléments préfabriqués en béton", par laquelle le ministre demande au directeur général de la Concurrence de prescrire en utilisant au besoin les pouvoirs de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, toutes les investigations de nature à apporter la preuve des pratiques prohibées par les points 2 et 4 de l'article 7 de l'ordonnance précitée, ne caractérisent pas la demande d'enquête sur des faits précis seuls susceptibles de justifier une demande de visite domiciliaire, en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, d'autre part, qu'il résulte de la demande d'enquête que le ministre de l'Économie s'est borné à demander "en application du titre VI de l'ordonnance du 1er décembre 1986", une enquête "relative à la production d'éléments préfabriqués en béton" en autorisant M. Sorrentino, chef de service régional du la Direction nationale des enquêtes de concurrence en tant que de besoin, lui-même ou tout fonctionnaire de catégorie A désigné par lui pour le représenter, à saisir le président du tribunal de grande instance compétent ou le juge délégué par lui, pour obtenir l'autorisation de visite et de saisie prévue par l'article 48 et faire procéder aux opérations dans les locaux des entreprises qui seraient impliquées et dont les noms suivent en annexe ; qu'en autorisant néanmoins les visites domiciliaires en l'état de cette demande, l'ordonnance a violé l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu qu'il résulte de l'ordonnance que la demande d'enquête du ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie ne s'est pas bornée à prescrire des interventions dans le cadre de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, mais prescrit des investigations de nature à apporter la preuve de pratiques anticoncurrentielles prohibées par les points 2 et 4 de l'article 7 de l'ordonnance précitée dans un secteur déterminé, à savoir celui des éléments préfabriqués en béton ; qu'ainsi, elle répond aux prescriptions de l'article 48 précité ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Sur le premier moyen des pourvois n° 98-30.010, n° 98-30.011, n° 98-30.014, n° 98-30.45, commun aux demandeurs : - Attendu que les sociétés Normandie Béton et Produit Béton du Maine, ainsi que MM. André et Trouvé font grief à l'ordonnance d'avoir ainsi statué alors, selon les pourvois, que la délégation de signature, laquelle consiste pour une autorité à attribuer à une personne placée sous sa direction le pouvoir de prendre pour elle des décisions, sans pour autant se dessaisir du pouvoir dont elle est originairement titulaire, doit être donnée par l'autorité même dont la signature est déléguée, en sorte qu'une délégation de signature donnée par un délégataire de signature constitue une subdélégation illégale ; que le pouvoir de demander une enquête et d'apprécier dans ce cadre l'opportunité de solliciter l'autorisation judiciaire pour procéder à des visites domiciliaires, tendant à la recherche d'agissements prohibés par l'ordonnance du 1er décembre 1986 ressortit aux compétences exclusives et concurrentes du Ministre de l'économie et des finances et du Conseil de la Concurrence ; qu'il en résulte que seuls le Ministre de l'économie et des finances ou le Conseil de la Concurrence peuvent déléguer à un agent de l'Administration, le pouvoir d'apprécier l'opportunité de saisir le juge judiciaire aux fins que les enquêteurs de Direction nationale de la concurrence se fassent autoriser à procéder à des visites domiciliaires et saisies dans les locaux des sociétés concernées, à l'exclusion de la personne à laquelle il a délégué sa signature, fût-ce régulièrement ; qu'en l'espèce, la lettre du 4 août 1997, signée par M. Gallot, délégataire de signature du Ministre et prévoyant que M. Sorrentino "pourra en tant que de besoin, lui-même ou tout fonctionnaire de catégorie A désigné par lui pour le représenter, saisir le président du tribunal de grande instance compétent ou le juge délégué par lui pour obtenir l'autorisation de visite et de saisie prévue par l'article 48 de l'ordonnance", laisse à M. Sorrentino le pouvoir d'apprécier l'opportunité de solliciter l'autorisation judiciaire, de telle sorte qu'elle lui consent ainsi une subdélégation de signature illégale ; qu'en jugeant néanmoins recevable la requête présentée par M. Sorrentino, laquelle s'inscrivait dans la dépendance d'une délégation de signature illégale, le vice-président du tribunal de grande instance a violé l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que, si les demandes de visites et saisies prévues par l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 doivent être présentées dans le cadre d'enquêtes demandées soit par le ministre chargé de l'Économie, soit par le Conseil de la Concurrence, ce texte n'exige pas qu'elles émanent du ministre lui-même ni de son délégataire, ou du Conseil de la Concurrence ; qu'il s'ensuit qu'est régulière la lettre par laquelle M. Gallot, directeur général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes, agissant en vertu d'une délégation permanente de signature du ministre délégué aux Finances et au Commerce Extérieur, a prescrit à M. Sorrentino, chef de la direction nationale des enquêtes de concurrence, de mener une enquête, en lui laissant la faculté de demander, le cas échéant, une autorisation de visite domiciliaire ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen des pourvois n° 98-30.010, n° 98-30.011, n° 98-30.014, n° 98-30.145, commun aux demandeurs, pris en ses deux branches : - Attendu que les sociétés Normandie Béton et Produit Béton du Maine, ainsi que MM. André et Trouvé reprochent à l'ordonnance d'avoir statué comme elle a fait, en désignant les gendarmes Lachartre et Blandin, alors, selon les pourvois, d'une part, que les gendarmes ont la qualité d'officier de police judiciaire pour autant qu'ils comptent au moins quatre ans de service dans la Gendarmerie, et qu'ils soient nominativement désignés par arrêté des ministres de la Justice et des Armées, après avis conforme d'une Commission ; que seuls les officiers de police judiciaire peuvent assister aux opérations de visite et saisie et en tenir le juge judiciaire informé dans le cadre d'enquêtes de concurrence ; qu'en l'espèce, le premier vice-président du tribunal de grande instance, qui s'est borné à affirmer que le gendarme Lachartre avait la qualité d'officier de police judiciaire, sans constater ni son ancienneté au service de la gendarmerie, ni sa désignation par arrêté des ministres de la Justice et des Armées, après avis conforme d'une Commission, n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la qualité d'officier de police judiciaire de ce gendarme et privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 de Code de procédure pénale, ensemble l'article 48, alinéa 3, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, d'autre part, que, si les gradés de la Gendarmerie et les gendarmes comptant au moins 4 ans de service dans la Gendarmerie nominativement désignés par arrêté des ministres de la Justice et des Armées ont la qualité d'officier de police judiciaire, seuls ceux qui assurent, à un poste actif de commandement ou d'exécution, le service spécial de leur arme, dans le cadre d'une circonscription territoriale déterminée, sont habilités à exercer les fonctions attachées à cette qualité ; qu'en tant qu'ils défèrent à des réquisitions et agissent dans le cadre de commissions rogatoires, les officiers de police judiciaire désignés dans le cadre d'une enquête de concurrence doivent répondre aux critères susvisés pour être habilités à exercer ces fonctions ; qu'en se bornant à rapporter la qualité d'officiers de police judiciaire de l'adjudant Blandin et du gendarme Lachartre pour les désigner, aux fins d'assister aux opérations de visite et saisies qu'il a autorisées, sans constater qu'ils étaient habilités, comme assurant à un poste actif de commandement ou d'exécution le service spécial de leur arme, dans le cadre d'une circonscription territoriale déterminée, à exercer les fonctions attachées à cette qualité, le premier vice-président du tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard des articles 114 et 115 du décret n° 43 414 du 20 mai 1903 modifié par les décrets n° 70-1163 du 8 décembre 1970 et n° 58-761 du 22 août 1958, ensemble l'article 48, alinéa 3 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu qu'en mentionnant que les gendarmes qu'il désignait nominativement pour assister aux opérations étaient officiers de police judiciaire, le président du tribunal a satisfait aux exigences de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen des pourvois n° 98-30.010, n° 98-30.011, n° 98-30.014, n° 98-30.145, commun aux demandeurs, pris en ses deux branches : - Attendu que les sociétés Normandie Béton et Produit Béton du Maine, ainsi que MM. André et Trouvé font encore grief à l'ordonnance d'avoir statué comme elle a fait, alors, selon les pourvois, d'une part, que les agents de l'Administration ne peuvent procéder à des auditions et dresser des procès-verbaux, relatant des déclarations recueillies qu'à la condition qu'une enquête demandée par le ministre de l'Économie et des Finances les y habilite ; que le premier vice-président du tribunal de grande instance a constaté d'abord que la demande d'enquête, ayant pour objet la recherche d'agissements prohibés sur le marché de la production d'éléments préfabriqués en béton du ministre était en date du 4 août 1997, et ensuite que les procès-verbaux de déclaration avaient tous été établis entre les mois de mars et juin 1997, soit antérieurement à la demande d'enquête du ministre compétent ; qu'il en résulte que les agents de l'Administration ayant entendu des personnes et établi les procès-verbaux de déclaration en l'absence de toute demande d'enquête du ministre de l'Économie et des Finances, les documents produits par l'Administration au soutien de sa requête étaient irréguliers et ne pouvaient par conséquent avoir une origine licite, en sorte qu'en estimant le contraire, le premier vice-président du tribunal de grande instance a violé les articles 45 et 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors, d'autre part, que le principe selon lequel nul ne peut être forcé à témoigner contre lui-même ou s'avouer coupable, conduit à respecter une obligation de loyauté dans la recherche des preuves qui imposent aux enquêteurs de la Direction nationale de la concurrence de faire connaître clairement aux personnes interrogées l'objet de l'enquête ; que le premier vice-président du tribunal de grande instance s'est essentiellement déterminé pour autoriser M. Sorrentino à procéder à des visites et saisies, au regard des procès-verbaux de déclaration dressés en application des articles 46 et 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, documents qui ne font pas état de l'objet de l'enquête ; qu'à supposer même que les agents enquêteurs aient été habilités à entendre les déclarants et à dresser ces procès-verbaux, il leur incombait à tout le moins d'informer les personnes interrogées de l'objet de leur enquête ; qu'en se bornant à affirmer l'origine apparemment licite de ces procès-verbaux, en tant qu'ils avaient été établis en application des articles 46 et 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, sans rechercher s'il avait été porté à la connaissance des personnes entendues l'objet de l'enquête pour laquelle elles avaient été appelées à témoigner, le premier vice-président du tribunal de grande instance a privé sa décision de toute base légale au regard des articles susvisés et de l'article 48 du même texte, ensemble l'article 14-3-g du Pacte international de New York, relatifs aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ;

Mais attendu, d'une part, que l'article 45 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui prévoit que les agents de l'Administration peuvent procéder aux enquêtes nécessaires à l'application de cette ordonnance, exige seulement qu'ils soient habilités à cet effet par le ministre chargé de l'Economie ;

Attendu, d'autre part, que les procès-verbaux sur lesquels le président s'est fondé pour accueillir la requête de l'Administration relatent les déclarations de personnes entendues comme témoins et non comme accusées d'une infraction; d'où il suit qu'inopérant en sa seconde branche, le moyen n'est pas fondé en sa première ;

Sur le quatrième moyen des pourvois n° 98-30.010, n° 98-30.011, n° 98-30.014, n° 98-30.145 commun aux demandeurs : - Attendu que les sociétés Normandie Béton et Produit Béton du Maine, ainsi que MM. André et Trouvé font le même grief à l'ordonnance, alors, selon les pourvois, que le président du tribunal de grande instance a l'obligation de vérifier le bien-fondé de la demande et doit, pour ce faire, apprécier de manière concrète les éléments d'information que lui fournit l'Administration ; qu'il résulte des différents procès-verbaux de déclaration que M. Hommel témoigne d'une augmentation des prix de 50%, à compter du mois de novembre 1994 (PV des 17 mars et 31 mai 1997, p. 3 avant-dernier), celle de M. Herrmann atteste, pour la même période, d'une hausse de 20 à 25% (PV du 5 mai 1997, p. 3) et celle de M. Gherardi, toujours pour la même période, d'une hausse de 10 à 25% (PV du 25 avril 1997, p. 4) cependant que celle de Mme Dicker fait état d'une augmentation intervenue seulement en 1995 (PV du 6 mai 1997, p. 4), les déclarations de MM. Michel et Contin indiquent que depuis les années 1992-1993, "la tendance générale est à la stagnation voire à la baisse des prix" (PV du 16 avril 1997, p. 3) et que M. Huet n'a relaté qu'une "faible" augmentation des prix (PV du 17 avril 1997, p 4) ; qu'il en résulte que ces différentes déclarations, ni ne sont le reflet d'une augmentation homogène des prix, les proportions indiquées étant toutes différentes, en sorte qu'elles ne peuvent faire présumer d'un alignement résultant d'une concertation entre les fournisseurs incriminés, ni n'attestent de comportements tarifaires convergents, puisque certains d'entre eux ont constaté une baisse des prix là où d'autres ont subi une augmentation, en sorte qu'elles ne permettent pas davantage de présumer de pratiques concertées ; qu'en se bornant à reproduire des fragments de ces procès-verbaux, sans en confronter à aucun moment la teneur pour apprécier le bien-fondé de la demande d' autorisation, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article 48 du l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que le moyen, qui ne tend qu'à remettre en question l'appréciation souveraine, par le président du Tribunal, de la valeur des éléments retenus à titre de présomptions d'agissements anticoncurrentiels justifiant la mesure demandée, ne peut être accueilli ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 98-30.016, pris en ses trois branches : - Attendu que la société Morin système architectonique fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, que l'ordonnance autorisant les visites et saisies doit faire preuve par elle-même de sa régularité ; qu'en l'espèce, s'il ressort de l'ordonnance attaquée que M. Gérard Sorrentino, chef de la direction nationale des enquêtes de concurrence, autorisé à procéder et faire procéder aux visites et saisies, est titulaire de l'un des grades prévus à l'article 1er du décret n° 95-873 du 2 août 1995, et qu'en tant que fonctionnaire de catégorie A, il est habilité au sens de l'article 2 de l'arrêté du 22 janvier 1993, le vice-président délégué du tribunal de grande instance ne pouvait se borner à autoriser ce fonctionnaire à "désigner parmi les enquêteurs habilités par les arrêtés ministériels des 22 janvier et 11 mars 1993, les agents placés sous son autorité pour effectuer les visites et saisies autorisées" ; qu'il lui appartenait de désigner lui-même des enquêteurs satisfaisant aux conditions susvisées ou de constater dans son ordonnance la désignation effective de tels enquêteurs territorialement compétents, nommément désignés par le chef de la direction des enquêtes de concurrence par un acte exprès dont ces derniers devraient justifier lors de l'exécution des opérations autorisées ; qu'en omettant d'y procéder le vice-président du tribunal de grande instance a violé les textes susvisés, l'article 45 de l'ordonnance précitée, ainsi que le principe constitutionnel des droits de la défense ; alors, d'autre part, que les exceptions au principe de l'inviolabilité du domicile prévues par le paragraphe 2 de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont d'interprétation étroite, et ne peuvent justifier des atteintes à des droits et libertés que dans la mesure où elles sont légitimes, nécessaires et proportionnées à la poursuite d'infractions légalement prévues et sanctionnées ; que le président du tribunal de grande instance ne peut légalement autoriser des visites et saisies, dans le cadre des articles 45 et 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qu'au siège social des personnes morales contre lesquelles il constate que les éléments d'information qui lui sont présentés par l'administration poursuivante, font effectivement présumer l'existence des infractions alléguées par celle-ci ; qu'en l'espèce, aucun des motifs de l'ordonnance attaquée, ni aucun des éléments d'information analysés par le vice-président délégué du tribunal de grande instance, et notamment la dénonciation initiale de M. Hommel du 21 mai 1997, déclarant "avoir des informations récentes sur le marché des produits en béton préfabriqués" sans citer la société Morin système architectonique dont l'ordonnance attaquée constate qu'elle a repris les "actifs de la société Partek Morin le 1er janvier 1996", laquelle "a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 2 juillet 1996", ne révèle l'existence d'une présomption de Commission par la société Morin système architectonique de l'une quelconque des infractions alléguées par l'administration poursuivante ; qu'en autorisant des visites et saisies dans les locaux de cette société, au motif inopérant "qu'il a été fait apport des actifs de la société Partek Morin le 1er janvier 1996, à la société Morin système architectonique (...) Que la société Partek Morin, qui est présumée avoir participé à des pratiques anticoncurrentielles, a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 2 juillet 1996 ; qu'il convient de retenir parmi les lieux à visiter la société Morin système architectonique en lieu et place de la société Partek Morin", le président délégué du tribunal de grande instance a violé les textes susvisés ; et alors, enfin, que le président du tribunal de grande instance ne peut légalement autoriser des visites et saisies, dans le cadre de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qu'au siège social des personnes morales contre lesquelles il constate que les éléments d'information qui lui sont présentés par l'administration poursuivante, font effectivement présumer l'existence des infractions alléguées par celle-ci ; qu'en l'espèce, la mise en cause de la société Partek Morin, dont l'ordonnance attaquée constate qu'elle "a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 2 juillet 1996", ne résulte que de la seule dénonciation initiale du 21 mai 1997 de M Hommel déclarant "avoir des informations récentes sur le marché des produits en béton préfabriqués" ; qu'aucun des autres éléments d'information analysés par le vice-président délégué au tribunal de grande instance et, notamment, aucun des procès-verbaux d'audition des dirigeants des autres sociétés mises en cause par le dénonciateur, ne fait une quelconque référence directe ou indirecte à la société Partek Morin ; en autorisant des visites et saisies dans les locaux de la société Morin système architectonique, au motif inopérant "qu'il a été fait apport des actifs de la société Partek Morin le 1er janvier 1996 à la société Morin système architectonique (...) que la société Partek Morin, qui est présumée avoir participé à des pratiques anticoncurrentielles, a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 2 juillet 1996 ; qu'il convient de retenir parmi les lieux à visiter la société Morin système architectonique en lieu et place de la société Partek Morin", le président délégué du tribunal de grande instance a violé les textes susvisés et notamment les articles 45 et 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu, d'une part, qu'il n'est pas interdit au président du Tribunal de laisser au chef de service qui a sollicité l'autorisation exigée par la loi, de désigner les agents placés sous son autorité chargés d'effectuer les visites et saisies autorisées, dès lors que ces agents sont dûment habilités en qualité d'enquêteurs;

Attendu, en second lieu, que le juge peut autoriser des visites et saisies en tous lieux, même privés, où des pièces et documents se rapportant aux agissements frauduleux dont la preuve est recherchée sont susceptibles d'être détenus ; qu'ayant souverainement retenu qu'il résultait des éléments fournis par l'Administration des présomptions selon lesquelles la société Partek Morin aurait participé aux pratiques anticoncurrentielles dénoncées et ayant constaté que cette société avait fait apport de ses actifs à la société Morin système architectonique, le président du Tribunal a motivé sa décision d'autoriser les visites et saisies dans les locaux de cette dernière et a ainsi satisfait aux exigences de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;

Sur le premier moyen des pourvois n° 98-30.012 et n° 98-30.013 : - Attendu que les sociétés Béton Moderne et Béton Mécanique reprochent à l'ordonnance d'avoir statué comme elle a fait alors, selon les pourvois, que le seul élément du dossier présenté par M. Sorrentino à l'appui de sa requête, les mettant en cause, est le procès-verbal de déclaration et de communication en date du 21 mai 1997, qui retrace les propos de M. Hommel, ancien président directeur général de la SA Sodremat ; qu'en décidant que ce procès-verbal semblait avoir une origine licite sans constater qu'il avait été établi par des fonctionnaires habilités par le ministre à procéder aux enquêtes nécessaires pour l'application de l'ordonnance, seuls compétents, selon l'article 45 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, pour procéder aux dites enquêtes et pour recueillir les déclarations, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard des articles 45 et 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu, qu'en relevant que l'un des documents présentés par l'Administration au soutien de sa requête était un procès-verbal établi dans les conditions prévues aux articles 46 et 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et de l'article 31 du décret 96-1309 du 29 décembre 1986, le président a procédé au contrôle qui lui incombait, toute autre contestation au fond quant à la licéité de cette pièce relevant du contentieux dont peuvent être saisies les juridictions appelées à statuer sur les résultats de la mesure autorisée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen des pourvois n° 98-30.012 et n° 98-30.013 : - Attendu que les sociétés Béton Moderne et Béton Mécanique reprochent enfin à l'ordonnance d'avoir statué comme elle a fait alors, selon les pourvois, que le président du tribunal de grande instance ne peut autoriser que la visite simultanée de lieux situés dans le ressort de plusieurs juridictions ; qu'en autorisant la visite de lieux situés dans différents ressorts, en se bornant à préciser dans son dispositif qu'elle devra être exécutée au plus tard le 20 octobre 1997, et sans préciser que les visites devront être effectuées simultanément, l'ordonnance attaquée a violé l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu qu'ayant retenu, par une décision motivée, des présomptions d'agissements communs aux entreprises visées par la demande d'autorisation, le président a énoncé qu'il était nécessaire de permettre aux enquêteurs d'intervenir simultanément dans les locaux et le véhicule susceptibles d'abriter les preuves, afin d'éviter la disparition ou la dissimulation d'éléments matériels ; qu'il a ainsi satisfait aux exigences de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, toute autre contestation quant au respect de cette prescription relevant du contentieux de la validité des opérations ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette les pourvois.