Conseil Conc., 13 mai 1998, n° 98-D-31
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Secteur de l'escrime
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport de Mme Anne-Sophie Chalhoub, par M. Barbeau, président ; MM. Cortesse, Jenny, vice-présidents.
LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE (commission permanente),
Vu la lettre enregistrée le 29 novembre 1993 sous le numéro F 636, par laquelle le ministre de l'économie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la Fédération française d'escrime ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application ; Vu la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 modifiée relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives ; Vu les lettres en date du 20 février 1998 du président du Conseil de la concurrence notifiant aux parties et au commissaire du Gouvernement sa décision de porter cette affaire en commission permanente, conformément aux dispositions de l'article 22 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
I. - CONSTATATIONS
A. - Le secteur de l'escrime
1. L'organisation du sport
L'escrime est pratiquée par les 36 000 licenciés de la Fédération française d'escrime, dont la très grande majorité (70 %) sont de jeunes et de très jeunes licenciés (poussins, cadets et juniors), et par les 70 000 titulaires de la carte Escrime, variante de la licence fédérale à destination du milieu scolaire et universitaire et des centres de loisirs.
La Fédération française d'escrime est la seule fédération sportive de cette discipline. Fondée en 1882, reconnue d'utilité publique en 1891, elle a obtenu l'agrément du ministre chargé des sports prévu par l'article 16 de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives et participe à ce titre à l'exécution d'une mission de service public. Elle a en outre reçu la délégation prévue par l'article 17 de la loi du 16 juillet 1984 pour organiser les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux et procéder aux sélections correspondantes.
La Fédération française d'escrime organise cinq compétitions par an : les championnats de France de 1re division individuels, les championnats de France des minimes à l'occasion de la Fête des jeunes et trois tournois de Coupe du monde, les challenges Monal-BNP, UAP et International de Paris, ces trois compétitions également organisées sous l'égide de la Fédération internationale d'escrime, à laquelle est affiliée la Fédération française d'escrime.
Les autres compétitions d'escrime sont organisées, à raison d'environ deux compétitions chaque fin de semaine, par les 30 ligues régionales et les 95 comités départementaux de la Fédération française d'escrime, dont ils sont les organes locaux, ainsi que par les 739 clubs d'escrime affiliés à la Fédération française d'escrime. La Fédération nationale du sport universitaire organise également quelques compétitions par an.
2. Les compétitions d'escrime
a) L'assistance technique
L'escrime, en entraînement comme en compétition, se pratique dans des locaux couverts et spécialement équipés. Cet équipement spécifique comprend des pistes, des installations de signalisation des touches (enrouleurs, câbles, répétiteurs de signaux lumineux, appareils de commande à distance), des chronomètres électroniques, des tableaux d'affichage, etc.
Ce matériel doit être maintenu en état pendant toute la durée de la compétition. L'atelier de réparation, qui doit être installé à cet effet, sert également à remédier aux bris de lame ou aux dysfonctionnements des équipements électriques personnels des tireurs. Sur ce point, le règlement de la Fédération internationale d'escrime, auquel sont soumises trois des cinq compétitions qu'organise la Fédération française d'escrime, prescrit (chapitre 2, paragraphe 5, point d) : "Le comité organisateur doit s'assurer de la présence de réparateurs compétents pour remédier aux avaries de l'appareillage électrique et, éventuellement, des équipements électriques personnels des tireurs." L'impossibilité, dans certains cas, de réparer le matériel exige que le responsable de l'atelier de réparation dispose d'un petit stock de matériel destiné à de la vente-dépannage.
L'ensemble des prestations de fourniture, mise en place, maintenance des installations collectives et réparation du matériel personnel des compétiteurs, est appelé "assistance technique" de la compétition.
Le degré de technicité du matériel et l'importance quantitative des installations requis varient selon le niveau des compétitions. Les salles d'armes des clubs d'escrime sont adaptées aux besoins des petites compétitions locales et l'organisateur y assure l'assistance technique. Il en est de même lorsque la compétition se déroule dans une salle du type "salle polyvalente", équipée avec le matériel appartenant à l'organisateur, club, comité départemental ou ligue régionale. S'agissant des compétitions de plus haut niveau, les organisateurs ne sont pas en mesure, en règle générale, d'assurer l'assistance technique et recourent pour celle-ci aux services d'un fournisseur de matériel et d'équipement d'escrime, qui, en raison de l'absence de moyens financiers des organisateurs, intervient gratuitement.
L'assistance technique des compétitions organisées par la Fédération française d'escrime et placées sous l'égide de la Fédération internationale d'escrime est soumise au règlement de la Fédération internationale d'escrime, dont les exigences se sont accrues en même temps que le progrès des techniques. Les normes qu'il édicte sont destinées à assurer dans les meilleures conditions la sécurité des escrimeurs et à favoriser la médiatisation croissante de ce sport (à titre d'exemple : masque à visière transparente laissant visible le visage de l'escrimeur). Ce type d'assistance technique requiert notamment la présence, durant la compétition, de plusieurs techniciens spécialisés.
b) Les stands commerciaux
Destiné au départ à assurer de la vente-dépannage, le stand tenu par le fournisseur de matériel et d'équipement d'escrime prestataire de l'assistance technique est devenu un stand d'exposition et de vente. En effet, en contrepartie de la gratuité de son intervention, l'organisateur de la compétition lui accorde la possibilité de tenir un stand commercial et lui en réserve, en général, l'exclusivité. Cette pratique connaît toutefois quelques exceptions, notamment pour les compétitions locales, à l'occasion desquelles il n'est pas rare que plusieurs fournisseurs de matériel et d'équipement d'escrime soient présents, et, en ce qui concerne les compétitions organisées par la Fédération française d'escrime, pour les championnats de France des minimes à l'occasion de la Fête des jeunes, où tous les fournisseurs de matériel et d'équipement d'escrime sont admis.
Le chiffre d'affaires réalisé sur les stands par les fournisseurs de matériel et d'équipement d'escrime représente 5 à 10 % de leur chiffre d'affaires global de matériel et d'équipement d'escrime. L'essentiel des ventes sur stand est réalisé sur les stands tenus dans les compétitions locales qui ont lieu toutes les fins de semaine, les stands tenus dans les compétitions de prestige telles que celles organisées par la Fédération française d'escrime étant moins recherchés pour les ventes qui y sont effectuées que pour les retombées indirectes qu'ils peuvent procurer.
3. Le marché de la chaussure d'escrime
a) Les caractéristiques du marché
L'équipement individuel obligatoire de l'escrimeur est composé, outre l'arme (sabre, fleuret ou épée), d'une tenue vestimentaire spécifique, d'un masque, de gants et, en compétition, d'une cuirasse électrique et d'un appareillage électrique de signalisation des touches.
Les chaussures d'escrime ne font pas partie de cet équipement obligatoire car, même en compétition, l'escrime peut se pratiquer en chaussures de sport.
Les chaussures d'escrime sont des chaussures spécifiques dont les caractéristisques essentielles sont la souplesse, la capacité d'amortissement des chocs et la protection antitalonnade. Ces caractéristiques conduisent leur utilisateurs à les réserver à la pratique de l'escrime. Un escrimeur adulte pratiquant deux fois par semaine n'achète, en moyenne, qu'une paire de chaussures d'escrime tous les deux ans.
Au début des années 90, les chaussures d'escrime étaient commercialisées par les cinq fournisseurs de matériel et d'équipement d'escrime présents sur le marché, les entreprises Prieur Sports, Cero Soudet, France Lames, Escrime Diffusion et Glisca. En 1997, outre l'entreprise ECL, cinq nouveaux fournisseurs de matériel et d'équipement d'escrime, les sociétés Zigfa International, Cartel, Tournois Marketing, Galaxy 3000 et Ruchaud, sont présents sur le marché. Les chaussures commercialisées sont principalement des chaussures de marque Adidas, dont les prix varient d'environ 400 F à 1 300 F (TTC) la paire. Leur vente représente 1 à 4 % du chiffre d'affaires global de vente de matériel et d'équipement d'escrime des entreprises. D'après les chiffres recueillis au cours de l'enquête administrative pour l'année 1992, l'entreprise Prieur Sports a vendu environ 400 paires de chaussures d'escrime, l'entreprise Cero Soudet environ 1 000 paires et l'entreprise Escrime Diffusion une centaine de paires.
Comme l'ensemble de l'équipement de l'escrimeur, les chaussures d'escrime sont vendues au public par les fabricants et distributeurs de matériel et d'équipement d'escrime, soit par correspondance, par des commandes passées au sein des clubs par le responsable du club ou par le maître d'armes, ce mode de distribution représentant 55 à 65 % des ventes, soit au magasin de vente au détail de l'entreprise, pour 30 à 40 % des ventes, soit sur les stands tenus à l'occasion de compétitions ou de manifestations d'escrime, pour 5 à 10 % des ventes, essentiellement sur les stands tenus lors des compétitions locales.
b) L'entreprise ECL
Créée le 19 mars 1988, l'Entreprise européenne de commerce au loin, dénommée ECL International (ci-après ECL), a exercé jusqu'à la fin de l'année 1992 l'activité de "conseil en propriété industrielle à l'international" et a débuté une activité de distribution de chaussures d'escrime au début de l'année 1993.
A partir de cette date, l'entreprise ECL a eu pour activité exclusive la commercialisation, en France et à l'étranger, de deux modèles de chaussures d'escrime, dits Estoc et Estoc Compétition, dont elle détenait les brevets de fabrication et qu'elle faisait fabriquer d'une manière artisanale par une coopérative ouvrière de production située à Pouzauges, dans le département de la Vendée. A cette époque, elle ne disposait pas d'un magasin de détail et vendait exclusivement par correspondance ou sur les stands installés à l'occasion de compétitions ou de manifestations d'escrime. Les prix de vente au public de ses deux modèles de chaussures d'escrime s'élevaient respectivement à 380 F et 450 F TTC la paire. En juillet 1994, l'entreprise ECL a provisoirement abandonné sa nouvelle activité de vente de chaussures d'escrime, pour la reprendre en 1995, en y ajoutant celle de matériel et d'équipement d'escrime de fabrication anglaise de la marque Leon Paul. Elle a également ouvert un établissement de vente au public à Brie-sous-Matha, dans le département de la Charente-Maritime, tout en conservant son siège social à Courbevoie.
Depuis, l'entreprise ECL a étendu la gamme de ses produits à du matériel et de l'équipement d'escrime de fabrication française, qu'elle commercialise sous la marque "ESTOC Compétition". D'après les chiffres qu'elle a fournis, et si l'on tient compte d'un prix moyen par paire de 415 F, l'entreprise ECL a vendu environ 539 paires de chaussures d'escrime en 1993, 1 036 paires en 1994, 804 paires en 1995, 148 paires en 1996 et 46 paires en 1997.
4. Le marché de la publicité pour les produits d'escrime
Pour promouvoir leurs produits, les fournisseurs de matériel et d'équipement d'escrime ont recours principalement, en plus des stands tenus à l'occasion de compétitions et de manifestations d'escrime, aux moyens mis à leur disposition par la Fédération française d'escrime, c'est-à-dire à l'achat d'espace publicitaire dans la revue de la Fédération française d'escrime, Escrime Magazine, et l'inscription gratuite de leurs coordonnées sur le serveur télématique de la Fédération française d'escrime, 36-15 Escrime.
En plus notamment d'informations sur les compétitions (calendriers, lieux, horaires, résultats...), sur les classements, sur les stages, de la diffusion de l'annuaire fédéral, d'une rubrique "Petites Annonces", le serveur Minitel : 36-15 Escrime fournit, sous l'intitulé "les fournisseurs français de matériel d'escrime", les coordonnées des entreprises distributrices de matériel et d'équipement d'escrime. En 1993, cette rubrique s'appelait "Le coin des fournisseurs de l'escrime".
B. - Les pratiques relevées
1. Les refus d'octroi d'un stand opposés par la Fédération française d'escrime à la société ECL
1.1. Le challenge UAP des 14 et 15 mai 1993 et la Fête des jeunes des 29, 30 et 31 mai 1993
Par lettre du 7 mai 1993, l'entreprise ECL a présenté une demande d'attribution d'emplacement pour exposer et vendre ses produits à l'occasion du tournoi de Coupe du monde, dit challenge UAP, les 14 et 15 mai 1993, et des championnats de France des minimes lors de la Fête des jeunes, les 29, 30 et 31 mai 1993.
Par lettre du 12 mai 1993, le président de la Fédération française d'escrime lui a répondu en ces termes :
"Sachez que, selon les statuts de notre fédération, nous n'avons pas vocation à faire du commerce et n'avons jamais commercialisé aucune surface ni aucun stand et nous n'avons pas d'emplacements commerciaux à vendre.
Comme toute autre fédération sportive, nous avons des partenaires et sponsors qui prennent en charge tout ou partie des manifestations organisées sous notre égide.
Occasionnellement, quelques commerçants courtois nous proposent d'installer leur stand dans les zones d'accès aux compétitions : nous les accueillons sans contrepartie.
J'étais donc prêt, dans ma lettre du 2 avril 1993 à faire de même avec vous en dépit de votre agressivité.
Mais je viens d'apprendre que, sur votre demande, la direction de la concurrence venait d'ouvrir une information à notre égard.
Je suis donc dans l'obligation de suspendre toute décision à votre sujet.
Il est en effet indispensable pour moi de savoir, au terme de cette enquête, si nous sommes en droit d'accueillir ainsi des commerçants gracieusement sur les lieux de nos compétitions et, à l'inverse, si nous sommes dans l'obligation de déférer aux réquisitions de commerçants entendant s'installer sur les lieux de compétition (...)."
Compte tenu de cette réponse d'attente, l'entreprise ECL a renouvelé sa demande pour la Fête des jeunes par lettre du 25 mai 1993, à laquelle la Fédération française d'escrime n'a pas répondu.
1.2. Les championnats de France, cinq armes, 1re division, des 18 et 19 décembre 1993
Quelques mois plus tard, par lettre du 3 décembre 1993, l'entreprise ECL a présenté une demande d'attribution de stand commercial à l'occasion des championnats de France, cinq armes, 1re division, les 18 et 19 décembre 1993, demande qu'elle a renouvelée par lettre du 17 décembre 1993.
Ces deux lettres sont restées sans réponse de la part de la Fédération française d'escrime.
1.3. Le challenge Brut de Fabergé des 29 et 30 janvier 1994
Par lettre du 12 janvier 1994 adressée au vice-président de la Fédération française d'escrime, l'entreprise ECL a présenté une demande d'attribution d'un stand commercial à l'occasion du tournoi international de fleuret masculin, dit challenge Brut de Fabergé, les 29 et 30 janvier 1994.
Par lettre du 18 janvier 1994, le vice-président de la Fédération française d'escrime lui a répondu en ces termes :
"Nous avons bien reçu votre lettre en date du 12 janvier 1994.
"Il n'est pas possible d'y donner une suite favorable.
"Nous vous prions d'agréer, Monsieur le directeur, nos salutations distinguées."
Malgré cette réponse négative, l'entreprise ECL a renouvelé sa demande, par une lettre du 25 janvier 1994, adressée au président de la Fédération française d'escrime. Cette lettre est restée sans réponse.
1.4. Le tournoi international d'épée de catégorie A, dit challenge Monal-BNP, des 12 et 13 mars 1994
Par lettre du 11 février 1994, l'entreprise ECL a présenté une demande d'attribution d'un stand commercial à l'occasion du tournoi international d'épée de catégorie A, dit challenge Monal-BNP, les 12 et 13 mars 1994.
Le 9 mars 1994, elle a reçu, comme tous les autres fournisseurs de matériel et d'équipement d'escrime, la réponse suivante de la Fédération française d'escrime :
"Messieurs,
A la suite de votre demande, vous trouverez ci-après les conditions de location d'un emplacement commercial à l'occasion de la compétition suivante :
Challenge BNP ayant lieu à Paris, au stade Pierre-de-Coubertin, les 12 et 13 mars 1994 :
1. Nombre d'emplacements disponibles : 3 ;
2. Situation des emplacements : cf. plan ci-joint ;
3. Surface approximative de l'emplacement : 15 mètres carrés ;
4. Prix de l'emplacement : 10 000 F ;
5. Equipement : entièrement à la charge du commerçant.
Important :
La présente vous est adressée en double exemplaire. Il vous appartient, si vous entendez contracter, de nous renvoyer l'un de ces deux exemplaires muni de votre signature, cachet commercial, bon pour accord.
Le nombre d'emplacements étant limité à trois, ces derniers seront attribués aux premières personnes nous ayant retourné la présente convention signée, le cachet de la poste faisant foi.
La Fédération française d'escrime se réserve le droit de refuser des stands ou présentations publicitaires non conformes à la loi portant atteinte à l'ordre public, la morale ou l'esprit sportif.
Le prix de l'emplacement est payable au plus tard la veille de la compétition."
Philippe Riboud,
Vice-président de la FFE, président de la commission Promotion
Lu et approuvé (le commerçant)
Cette lettre-circulaire est la première mise en œuvre par la Fédération française d'escrime de ce qui sera désormais sa pratique pour l'attribution des stands, à savoir leur mise à disposition payante.
Depuis cette date, en effet, la Fédération française d'escrime adresse à tous les intéressés, au début de chaque saison, une lettre-circulaire qui fixe notamment, pour chacune des compétitions, la surface approximative des emplacements disponibles, les conditions de réservation (au plus tard un mois avant l'épreuve) et le prix des emplacements, avec réduction de moitié du tarif au profit des annonceurs qui ont un contrat annuel dans sa revue Escrime Magazine.
2. Le refus d'inscription des coordonnées de l'entreprise ECL sur le serveur de la Fédération française d'escrime, 36-15 Escrime
Le 26 novembre 1993, l'entreprise ECL a envoyé en télécopie à la Fédération française d'escrime une lettre, adressée à Mme Ouradou, attachée de presse de la Fédération, portant la date du 29 novembre 1993, par laquelle elle sollicitait son inscription sur le serveur 36-15 Escrime dans les termes suivants :
"Je confirme ma demande de voir figurer notre entreprise dans la liste que vous avez établie sous la rubrique : "Le Coin des fournisseurs de l'escrime" sur Minitel : 36-15 Escrime, en notre qualité de fournisseurs de chaussures d'escrime."
Selon le document produit par la Fédération française d'escrime, la télécopie a été reçue par elle le 26 novembre 1993, à 13 h 33.
Quelques jours plus tard, le 3 décembre 1993, dans la lettre qu'elle adresse au vice-président de la Fédération française d'escrime pour demander l'attribution d'un stand commercial à l'occasion des championnats de France, cinq armes, 1re division, des 18 et 19 décembre 1993, l'entreprise ECL ajoute :
"Je profite enfin de la présente pour vous remercier d'avoir accepté ma demande d'insertion des coordonnées de notre entreprise dans la rubrique "Le coin des fournisseurs de l'escrime" sur Minitel : 36-15 Escrime, en notre qualité de fournisseurs de chaussures d'escrime."
Ces remerciements sont suivis d'une lettre datée du 17 décembre 1993 adressée au vice-président de la Fédération française d'escrime, dans laquelle l'entreprise ECL, outre le renouvellement de sa demande de stand pour les championnats de France des 18 et 19 décembre 1993, se plaint de n'avoir pas encore été inscrite sur le serveur 36-15 Escrime dans les termes suivants :
"Par ailleurs, je faisais aussi référence, dans ce courrier, à ma demande d'insertion des coordonnées de notre entreprise dans la rubrique "Le coin des fournisseurs de l'escrime" sur Minitel : 36-15 Escrime en notre qualité de fournisseurs de chaussures d'escrime, demande que vous aviez agréée par l'intermédiaire de Mlle Ouradou, et qui pourtant n'est pas encore concrétisée aujourd'hui.
Dans l'attente de votre réponse, je vous envoie ci-joint copie de ce courrier par fax (2 pages) en attendant que vous y donniez bonne suite."
Quelques mois plus tard, le 15 février 1994, l'entreprise ECL a joint en annexe à sa demande de mesures conservatoires, enregistrée sous le numéro M 123, une photocopie de l'écran de la rubrique "Le coin des fournisseurs de l'escrime" du serveur 36-15 Escrime.
De ce document il ressort qu'à cette date y figuraient les noms, adresses et numéros de téléphone de sept entreprises et, qu'en regard des coordonnées postales et téléphoniques de l'entreprise ECL, le serveur mentionnait : "Désolé, choix invalidé".
Le 17 mai 1996, l'entreprise ECL a adressé au rapporteur une lettre faisant le bilan des pratiques de la Fédération française d'escrime dont elle serait victime. Pour l'année 1994, l'entreprise ECL ne mentionne pas le défaut d'inscription de ses coordonnées sur le serveur fédéral, mais, pour l'année 1995, elle écrit :
"Concernant notre publicité dans le monde de l'escrime, à travers les outils mis à disposition par la Fédération française d'escrime, il est important de souligner qu'à nouveau nous ne sommes plus du tout cités sur 36-15 Escrime comme fournisseurs de matériel d'escrime, ceci à l'inverse de tous nos concurrents."
Le 20 mars 1997, M. Palisse, directeur de l'entreprise ECL, déclarait, lors de son audition par le rapporteur :
"Je ne comprends pas, d'ailleurs pourquoi la Fédération française d'escrime persiste, malgré mes demandes réitérées, à ne pas reconnaître la qualité de fournisseur de l'escrime, d'un point de vue général et en particulier, sur la rubrique 36-15 Escrime."
3. La collaboration entre la Fédération française d'escrime et les entreprises Prieur Sports et Cero Soudet
Avant 1994, la Fédération française d'escrime avait recours aux différents founisseurs de matériel et d'équipement d'escrime pour l'assistance technique de ses compétitions. Mais les défaillances de ces entreprises l'ayant contrainte à plusieurs reprises à appeler l'entreprise Prieur Sports pour remplacer au pied levé le prestataire de l'assistance technique, la Fédération française d'escrime n'a plus fait appel qu'à cette entreprise. Par ailleurs, en décembre 1993, l'entreprise Prieur Sports a acquis 50 % du capital de l'entreprise Cero Soudet.
Le 6 janvier 1994, la collaboration qui existait depuis plusieurs années entre la Fédération française d'escrime et l'entreprise Prieur Sports a été formalisée dans une convention de partenariat signée par la Fédération française d'escrime, d'une part, et les sociétés Prieur Sports et Cero Soudet, d'autre part.
Cette convention s'inscrit dans une politique générale de partenariat de la Fédération française d'escrime. L'exposé préliminaire de la convention dispose en effet : "Pour les besoins liés à la promotion de son sport et à l'organisation des manifestations qu'elle suscite dans ce cadre, la fédération est amenée à conclure avec des partenaires qui lui en font la proposition des conventions de partenariat destinées à organiser leurs relations.
C'est ainsi qu'en l'espèce la fédération et le partenaire se sont rapprochés pour organiser comme suit leur relation."
Aux termes de l'article 1er de la convention :
"Le partenaire fournit à la fédération les moyens techniques pour l'organisation des compétitions :
16 pistes principales et pistes annexes, conformes aux normes en vigueur au moment de la compétition, selon le descriptif suivant :
Equipement de la piste finale : (...)
Equipements des quatre pistes du tableau : (...)
Equipement des onze pistes complémentaires : (...)
Le partenaire s'oblige à procurer à la fédération un équipement de signalisation suffisant pour les besoins de la compétition à l'exception des pistes métalliques. Le nombre de pistes nécessaires sera communiqué au partenaire par les organisateurs au moins trois mois avant la compétition afin de permettre de planifier les besoins.
Le personnel responsable de l'assistance technique et de la réparation sera indemnisé directement par les organisateurs suivant accord préalable avant compétition.
Les frais de transport et de déplacement seront pris en charge par les organisateurs.
Les compétitions concernées par cette aide matérielle sont toutes celles organisées par la Fédération française d'escrime ou sous son égide, et plus particulièrement : Championnats de France 1re division, tournois de Coupe du monde, Fête des jeunes."
Les contreparties pour le partenaire sont énumérées à l'article 2 de la convention : "En contrepartie, la fédération s'oblige envers le partenaire :
1. A apposer le logo dans l'axe de chaque côté de la piste centrale ou du podium (dimension égale ou supérieure à 50 cm de largeur sur 70 cm de longueur).
2. A installer un stand d'au moins 15 m2 dans l'enceinte de la compétition dans le lieu du plus grand passage du public pour lui permettre de commercialiser ses produits.
3. La fédération autorise le partenaire à faire apparaître dans toute publication la mention "partenaire de la Fédération française d'escrime et le logo FFE après avis favorable de la FFE".
4. La fédération s'oblige à faire apparaître sur tout support promotionnel de la compétition le logo du partenaire."
D'autres avantages respectivement consentis par les deux parties font l'objet de l'article 3 de la convention, ainsi rédigé : "Sous les mêmes conditions, le partenaire s'oblige à faire paraître dans la revue "l'Escrime Magazine", un volume global annuel représentant au tarif en vigueur quatre publications pour Prieur Sports et quatre publications pour Cero Soudet.
Le partenaire accorde dans le cadre du contrat une remise de 35 % sur le matériel individuel, sur le tarif public en vigueur à la date de facturation.
A qualité et coût équivalent, la Fédération française d'escrime s'engage à privilégier le partenaire de ses achats.
En contrepartie de ses prestations techniques et de ses remises sur le matériel individuel, la Fédération française d'escrime consent au partenaire une remise de 50 % sur le tarif de publication en vigueur à la date de facturation."
L'article 4 de la convention fixe la durée dans les termes suivants : "Le présent contrat est conclu pour une olympiade et renouvelable pour la même période et pour les périodes successives suivantes, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties dans les six premiers mois de l'olympiade.
Pour la première période, le contrat est conclu jusqu'au 31 juillet 1997 et pourra être dénoncé avec un préavis de trois mois."
En application de cette convention, à partir de janvier 1994, les entreprises Prieur Sports et Cero Soudet ont assuré l'assistance technique de toutes les compétitions organisées par la Fédération française d'escrime et ont disposé gratuitement chacune d'un stand commercial dans l'enceinte des compétitions, sauf lors du challenge Brut de Fabergé, les 29 et 30 janvier 1994, pour lequel la Fédération française d'escrime n'a autorisé la tenue d'aucun stand.
La convention a fait l'objet d'un renouvellement par tacite reconduction le 31 juillet 1997, pour la durée d'un an seulement, les parties ayant adopté cette nouvelle durée contractuelle.
4. Les refus de la ligue de Paris
Par lettre du 1er octobre 1993, l'entreprise ECL a présenté au président de la ligue de Paris une demande de stand à l'occasion des Internationaux de Paris, le 31 octobre 1993. Par lettre du 11 octobre 1993, le président de la ligue de Paris lui a répondu en ces termes : "Il ne nous est pas possible d'accéder favorablement à votre demande. En effet, nous avons consenti l'exclusivité à la société Prieur en contrepartie des prestations techniques qu'elle nous fournit pour l'organisation de la compétition.
Dans la mesure où vous seriez capable d'assurer les mêmes prestations lors d'une autre compétition, nous serions bien entendu tout à fait disposés à examiner les conditions de la concession d'une telle exclusivité.
D'autre part, rien ne nous interdit de nous rencontrer pour discuter d'éventuelles actions de partenariat (...)."
Quelques jours plus tard, le 22 octobre 1993, le dirigeant de l'entreprise ECL a adressé au président de la ligue de Paris la lettre suivante :
"Comme suite à votre courrier et à la conversation téléphonique que nous avons eue vendredi 15 octobre dernier, j'ai bien noté que, dans la mesure où la société Prieur SA ne s'y opposerait pas, vous étiez prêt à nous accepter à cette compétition, ce dont je vous remercie d'avance.
J'ai donc l'honneur de vous confirmer par la présente, ainsi que vous me l'avez demandé à cette occasion, la proposition que je vous ai faite au téléphone, de vive voix.
Je tiens néanmoins d'abord à souligner ce que je vous ai dit en réponse à votre courrier susmentionné, soit en substance que nous n'avons pas la capacité, ni ne pouvons accepter de fournir les prestations techniques que vous m'avez décrites et que vous fournit la société Prieur SA dans le cadre d'un contrat d'exclusivité...
Nous côtoyons souvent depuis le début de la saison, au cours de ces compétitions, la société Prieur SA présente en tant que prestataire exclusif de services, et fournissant donc le même type de prestations techniques que celles que vous m'avez décrites au téléphone.
Depuis le début de la saison, nous avons notamment été présents en même temps que la société Prieur SA le 26 septembre 1993 EMC à Neuilly-sur-Marne, le 3 octobre 1993 EMS à Livry-Gargan, le 10 octobre 1993 EFCJ à Grenoble et le 17 octobre 1993 FMC à Bergerac.
La société Prieur SA, bien que nous ayant fait savoir qu'elle avait des contrats exclusifs de prestations de services semblables à celui que vous annoncez dans votre courrier, ne s'est finalement jamais opposée à notre présence effective à aucune de ces compétitions, ses dirigeants jugeant probablement qu'ils n'avaient pas de raisons légales valables pour le faire."
Par lettre du 22 octobre 1993, le président de la ligue de Paris a opposé une fin de non-recevoir à toute demande de l'entreprise ECL dans les termes suivants :
"Je viens de recevoir votre lettre recommandée du 22 octobre 1993 qui ne reflète pas du tout l'esprit de nos conversations.
Le procédé que vous employez est parfaitement déloyal à mon égard et manifeste que vous n'entendez pas collaborer avec la ligue de Paris autrement que dans des conditions que vous voulez vous-même imposer.
Dans ces conditions, il est inutile de revenir vers nous pour quelque cause que ce soit (...)."
L'entreprise ECL a cependant renouvelé sa demande de stand pour les prochaines compétitions organisées par la ligue de Paris, par lettre du 3 décembre 1993, que le président de la ligue de Paris lui a retournée, par lettre recommandée ainsi libellée :
"Rien ne vous autorise à vous adresser à moi en ces termes.
Je ne peux donc pas conserver votre lettre que je vous prie de trouver ci-jointe en retour. (...)."
Par lettre du 14 février 1994, l'entreprise ECL a tenté une dernière fois, en vain, d'obtenir la liste des compétitions et manifestations d'escrime organisées par la ligue de Paris.
5. Les refus de stand de la Fédération nationale du sport universitaire (FNSU)
5.1. Les championnats de France universitaires des 26, 27 et 28 mars 1993
Le 25 mars 1993, l'entreprise ECL a adressé en télécopie au directeur adjoint de la FNSU une demande de stand à l'occasion des championnats de France universitaires d'escrime organisés à Vandœuvre-lès-Nancy les 26, 27 et 28 mars 1993.
Par télécopie du même jour, le directeur adjoint de la FNSU lui a répondu négativement dans les termes suivants :
"En réponse à votre demande, j'ai le regret de ne pas pouvoir vous accorder cette autorisation, par suite d'un accord passé avec le comité d'organisation de cette épreuve.
Ce dernier a, en effet, accordé l'exclusivité à une société parisienne qui fournit en échange tout le matériel nécessaire à l'organisation technique de nos épreuves, alors que notre sponsor national n'aurait pas vu d'inconvénient à votre présence."
5.2. Le trophée ESIEE des 26, 27 et 28 novembre 1993
Des contacts ont eu lieu entre l'entreprise ECL et la FNSU, coorganisatrice avec l'Ecole supérieure d'ingénieurs en électrotechnique et électronique et l'Ecole supérieure de technologie électrique, dites groupe ESIEE, du tournoi d'escrime, dit Trophée ESIEE, qui s'est déroulé les 26, 27 et 28 novembre 1993.
La FNSU a adressé le 22 octobre 1993 la télécopie suivante à l'entreprise ECL : "Comme convenu, voici les coordonnées de l'ESIEE, et le plan pour vous y rendre. J'ai eu M. Warter : il attend votre appel !"
Par lettre du 3 novembre 1993, l'entreprise ECL a confirmé sa demande de stand au responsable du service des sports du groupe ESIEE, M. Warter, dans les termes suivants :
"Je fais suite au contact que nous avons pris avec votre groupe suite à l'aimable proposition de M. D. Revenu, directeur de la FNSU, de nous attribuer un espace pour présenter et commercialiser nos chaussures d'escrime haut de gamme "Estoc Compétition", de conception et de fabrication entièrement et exclusivement françaises, durant le tournoi du Trophée de l'ESIEE que vous organisez les 26, 27 et 28 novembre prochains.
N'ayant pu vous joindre personnellement la semaine dernière, j'ai chargé Mlle Cathy Zanibellato de prendre contact avec vous à cette fin. Cette dernière m'a donc informé dès ce matin de votre réponse positive, ce dont je vous remercie.
Dans l'attente d'un prochain contact personnel dès mon retour de déplacement, je vous envoie ce courrier pour vous confirmer que nous serons, comme convenu, volontiers présents pendant les trois jours de la compétition (...)."
Le 6 novembre 1993, l'entreprise ECL a reçu, en télécopie, la réponse suivante du directeur adjoint de la FNSU :
"Suite à un long et difficile entretien téléphonique hier avec la société Prieur, mon collègue responsable des sports à l'ESIEE a dû prendre la décision, pour bénéficier de l'installation technique et de la maintenance de 24 pistes, de ne pas vous autoriser à être présent pendant ces 3 journées. Sinon nous allions au-devant de difficultés peu facilement solubles dans un délai maintenant aussi court : trouver l'équipement nécessaire, paiement des détériorations, transport.
Une nouvelle fois, je suis désolé de ce contre-temps, qui survient après une position toute différente qui avait été prise voici trois semaines (...)."
II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL
Sur la compétence :
Considérant que la Fédération française d'escrime soutient que le Conseil de la concurrence est incompétent pour connaître de ses pratiques en matière d'attribution de stand commercial sur les lieux de compétition avant la mise en place de son système de location payante au motif qu'elle n'autorisait alors qu'un seul stand de vente de produits d'escrime, celui du fournisseur de matériel et d'équipement d'escrime auquel elle avait confié l'assistance technique de la compétition ; que l'organisation de l'assistance technique des compétitions et, à ce titre, l'installation d'un stand de vente auquel les compétiteurs peuvent s'adresser pour remplacer le matériel défaillant sont des obligations qui lui sont imposées par le règlement de la Fédération internationale d'escrime auquel sont soumises la plupart des compétitions qu'elle organise ; que la mise à disposition d'un stand unique de vente au bénéfice du prestataire de l'assistance technique faisait en conséquence partie de sa mission de service public d'organisation des compétitions et n'en était pas détachable ; que cette activité ne pourrait donc pas être qualifiée d'activité de production, de distribution ou de services au sens de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant que la Fédération française d'escrime, fédération sportive agréée unique dans cette discipline, a reçu, en vertu des dispositions de l'article 17 de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, délégation du service public de l'organisation des compétitions d'escrime à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux ; qu'à ce titre, elle est garante du bon déroulement des compétitions d'escrime qu'elle organise et doit, notamment, en assurer l'assistance technique ;
Considérant toutefois que, lorsque la Fédération française d'escrime, qui n'assure pas, elle-même, l'assistance technique des compétitions qu'elle organise, passe avec un fournisseur de matériel et d'équipement d'escrime un contrat de droit privé aux termes duquel, en contrepartie de la fourniture par cette entreprise de l'assistance technique de la compétition, la Fédération française d'escrime met à sa disposition, dans l'enceinte de la compétition, un emplacement pour exposer et vendre ses produits et faire la promotion de son entreprise, elle exerce une activité de service au sens de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui, bien que mise en œuvre à l'occasion de la mission de service public d'organisation des compétitions, en est détachable; que, dès lors, le Conseil de la concurrence est compétent pour en connaître;
Sur l'application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance :
En ce qui concerne les refus d'octroi d'un stand commercial de la Fédération française d'escrime à l'occasion des compétitions qu'elle organise :
Sur le marché de référence :
Considérant que le marché à prendre en considération est celui sur lequel se rencontrent l'offre de stand commercial à l'occasion des compétitions d'escrime et la demande exprimée par les fournisseurs de matériel et d'équipement d'escrime désirant promouvoir leurs produits; que, pour un fournisseur de produits d'escrime, les avantages tirés de la tenue d'un stand commercial à l'occasion d'une compétition ne consistent pas seulement dans les ventes réalisées sur le stand, mais aussi dans la notoriété conférée à ses produits par sa présence pendant la compétition ; que les compétitions de prestige qu'organise la Fédération française d'escrime, trois tournois de Coupe du monde et deux championnats de France, bénéficient, par le niveau des sportifs qui y participent et leur dimension internationale, d'une notoriété sans commune mesure avec celle des compétitions locales ou organisées par les organes locaux de la Fédération française d'escrime; que la tenue d'un stand commercial à l'occasion d'une compétition de prestige organisée par la Fédération française d'escrime et la tenue d'un stand commercial à l'occasion d'autres compétitions ne répondent pas de façon équivalente aux besoins des fournisseurs de matériel et d'équipement d'escrime pour promouvoir leurs produits; que ces deux types de prestations ne sont donc pas substituables pour ces entreprises ; que le marché à prendre en considération est donc celui de la mise à disposition des stands commerciaux à l'occasion des compétitions d'escrime de prestige organisées par la Fédération française d'escrime;
Considérant que sur le marché ainsi défini la Fédération française d'escrime est le seul offreur ; qu'elle détient donc une position dominante sur ce marché ;
Sur les pratiques constatées :
Considérant que l'entreprise ECL a reçu, le 12 mai 1993, de la Fédération française d'escrime une réponse d'attente à sa demande de stand, à l'occasion du challenge UAP, les 14 et 15 mai 1993, qui l'a empêchée d'exposer et de vendre ses produits à l'occasion de cette compétition ; que les demandes de stand de l'entreprise ECL pour les championnats de France, 5 armes, 1re division, des 18 et 19 décembre 1993, sont également restées sans réponse ; que pour le challenge Brut de Fabergé des 29 et 30 janvier 1994, l'entreprise ECL s'est vu opposer le 18 janvier 1994 un refus de stand exprès et non motivé ;
Considérant que les réponses aux demandes de participation de l'entreprise ECL à ces compétitions sont intervenues dans une situation incertaine au plan juridique pour la Fédération française d'escrime ; qu'en effet, bien qu'ayant saisi les autorités de concurrence du problème, nouveau pour elle, lié aux demandes de stands par des entreprises commerciales, alors qu'elle avait, jusqu'alors, réservé l'exclusivité des abords des compétitions au prestataire de l'assistance technique, la Fédération française d'escrime n'a obtenu aucune réponse à ces interrogations ; qu'elle faisait, par ailleurs, l'objet d'une enquête de la DGCCRF ; qu'enfin, dans les cas susvisés, il n'est pas établi qu'elle ait adopté une attitude discriminatoire envers certaines des entreprises qui lui ont adressé une demande de stand et qu'elle a, notamment, décidé de refuser l'installation de tout stand, y compris pour le fournisseur de l'assistance technique, lors des championnats de France, 5 armes, 1re division, des 18 et 19 décembre 1993 ;
Considérant, s'agissant du challenge Monal-BNP des 12 et 13 mars 1994, que les conditions financières proposées par la Fédération française d'escrime à l'entreprise ECL, en réponse à sa demande de stand, n'ont pas concerné cette seule entreprise, mais ont été adressées à tous les fournisseurs de matériel et d'équipement d'escrime ; qu'en conséquence il ne saurait être soutenu que la Fédération française d'escrime aurait, pour cette compétition, traité de façon discriminatoire l'entreprise ECL par rapport aux autres fournisseurs de produits d'escrime ayant demandé un stand ;
Considérant, en revanche, en ce qui concerne les championnats de France des minimes lors de la Fête des jeunes des 29, 30 et 31 mai 1993, que, par une lettre du 12 mai 1993, la Fédération française d'escrime a formulé une réponse d'attente à la demande de stand de l'entreprise ECL qui souhaitait promouvoir ses produits lors de cette compétition, à laquelle elle n'a pu finalement être présente ; qu'il est constant qu'à l'exception de l'entreprise ECL tous les fournisseurs de matériel et d'équipement d'escrime ont été présents lors de cette compétition ; qu'ainsi la Fédération française d'escrime a mis en œuvre une pratique discriminatoire qui a privé l'entreprise ECL de la possibilité d'exposer et de vendre ses produits ;
Considérant que ce refus discriminatoire de stand commercial à l'occasion d'une compétition a eu pour objet et pu avoir pour effet d'entraver l'accès au marché de la chaussure d'escrime, sur lequel l'entreprise ECL, qui ne disposait pas, à l'époque, d'un magasin de vente au public, développait son activité ; qu'une telle pratique, mise en œuvre par un organisme en position dominante, constitue une exploitation abusive de cette position contraire aux dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
En ce qui concerne le refus de la Fédération française d'escrime d'inscrire les coordonnées de l'entreprise ECL sur son serveur 36-15 Escrime :
Sur le marché de référence :
Considérant que, contrairement à ce que soutient la Fédération française d'escrime, l'inscription des coordonnées d'une entreprise sur le serveur Minitel de la Fédération, la publication d'encart publicitaire dans la revue de la Fédération, Escrime Magazine, dans la revue de la Fédération internationale d'escrime, dans la revue d'une ligue, ou encore dans la presse spécialisée en matière sportive ne répondent pas de façon équivalente au besoin des fournisseurs de matériel et d'équipement d'escrime de promouvoir leurs produits ; que le marché à prendre en considération est celui sur lequel se confrontent l'offre d'espace publicitaire par voie télématique et une demande d'espace publicitaire par voie télématique exprimée par les fournisseurs de matériel et d'équipement d'escrime; que les avantages tirés de l'inscription des coordonnées d'une entreprise sur le serveur Minitel mis en place par la Fédération française d'escrime ne sont pas comparables, en raison du statut de la fédération, organe officiel de la discipline, et de la notoriété qui lui est ainsi attachée, aux avantages tirés de la mise en place par une entreprise de son propre serveur; que le marché à prendre en considération est donc celui de l'espace publicitaire sur le serveur de la Fédération française d'escrime;
Considérant que, sur le marché ainsi défini, la Fédération française d'escrime est le seul offreur ; qu'elle détient donc une position dominante sur ce marché ;
Sur les pratiques relevées :
Considérant que, contrairement à ce qu'elle soutient, la Fédération française d'escrime a reçu le 26 novembre 1993 à 13 h 33, en télécopie, une demande d'inscription des coordonnées de l'entreprise ECL sur son serveur Minitel ; qu'il est établi que, saisie de cette demande, elle n'y avait pas répondu, ni le 17 décembre 1993 ni le 15 février 1994 ; que si elle y fait droit courant 1994, ainsi qu'il résulte de la lettre en date du 17 mai 1996 adressée au rapporteur par l'entreprise ECL qui écrit : "(...) Il est important de souligner qu'à nouveau nous ne sommes plus du tout cités sur 36-15 Escrime (...)", il ressort de ces mêmes termes qu'à partir de 1995 elle n'a plus fait figurer l'entreprise ECL sur son serveur 36-15 Escrime parmi les fournisseurs de produits d'escrime ; que ce défaut d'inscription a persisté en tout cas jusqu'au 20 mars 1997, date de l'audition par le rapporteur de l'entreprise ECL, qui déclarait alors ne pas comprendre : "pourquoi la Fédération française d'escrime persiste (...) à ne pas reconnaître la qualité de fournisseur de l'escrime (...) en particulier sur 36-15 Escrime" ; qu'il est ainsi établi qu'à partir du 26 novembre 1993, et pendant plusieurs mois, puis durant les années 1995, 1996 et en tout cas jusqu'au 20 mars 1997, la Fédération française d'escrime a refusé d'inscrire les coordonnées de l'entreprise ECL sur son serveur Minitel : 36-15 Escrime ;
Considérant que la Fédération française d'escrime ne peut valablement soutenir qu'elle a procédé à l'inscription de l'entreprise ECL dès lors qu'en invoquant, à titre principal pour sa défense, qu'elle n'a pas reçu de demande de l'entreprise ECL de figurer sur son serveur, elle reconnaît, par là implicitement, qu'elle n'a pas satisfait à cette demande ;
Considérant que la F.F.E. ne peut non plus valablement soutenir que, à supposer son refus établi, celui-ci serait justifié par le comportement d'attente qu'elle manifestait dans le même temps face aux demandes de stands qu'elle estimait de mauvaise foi de l'entreprise ECL, celle-ci sachant parfaitement qu'étant incapable de fournir une prestation d'assistance technique elle ne pouvait prétendre à l'attribution d'un stand commercial à l'occasion d'une compétition ;
Considérant que le refus de la Fédération française d'escrime de faire figurer les coordonnées de l'entreprise ECL sur son serveur 36-15 Escrime a eu pour objet et pu avoir pour effet d'entraver l'accès au marché de la chaussure d'escrime sur lequel l'entreprise ECL développait son activité ; qu'une telle pratique, mise en œuvre par un organisme en position dominante, constitue une exploitation abusive de cette position contraire aux dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Sur l'application des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance :
En ce qui concerne les refus de stand commercial de la ligue de Paris à l'occasion de compétitions d'escrime :
Considérant que l'entreprise ECL s'est vu, dans un premier temps, refuser la tenue d'un stand par la ligue de Paris à l'occasion des Internationaux de Paris du 31 octobre 1993, puis, dans un deuxième temps, une fin de non-recevoir pour l'ensemble des compétitions à venir ;
Considérant que, par lettre du 11 octobre 1993, la ligue de Paris a justifié son refus de stand à l'entreprise ECL à l'occasion des Internationaux de Paris du 31 octobre 1993, par sa décision de n'autoriser, lors de cette compétition, que le stand de l'entreprise Prieur Sports "en contrepartie des prestations techniques qu'elle nous fournit pour l'organisation de la compétition" ; qu'il n'est pas établi que la ligue de Paris ait admis d'autres fournisseurs de produits d'escrime que l'entreprise Prieur Sports à présenter et vendre leurs produits lors de cette compétition ; que le refus opposé à l'entreprise ECL n'a donc pas présenté un caractère discriminatoire ; que l'instruction n'a pas permis d'établir que la décision de n'autoriser que le stand de l'entreprise Prieur Sports, prestataire de l'assistance technique, aurait été le résultat d'une action concertée entre la ligue de Paris et cette entreprise ayant eu pour objet de lui réserver l'exclusivité des abords de la compétition et d'en exclure tous les autres fournisseurs de produits d'escrime ;
Considérant, en outre, que le président de la ligue de Paris a, dans la même lettre du 11 octobre 1993, invité l'entreprise ECL à faire des offres d'assistance technique pour les compétitions futures ; qu'il est ainsi établi que ni le refus de stand pour cette compétition ni la fin de non-recevoir pour l'ensemble des compétitions à venir n'ont pu être motivés par un accord d'exclusivité entre la ligue de Paris et l'entreprise Prieur Sports conférant à cette entreprise l'assistance technique de toutes les compétitions organisées par la ligue de Paris ; qu'il n'est donc pas établi qu'une action concertée soit intervenue à cette fin entre la ligue de Paris et l'entreprise Prieur Sports ;
En ce qui concerne les refus de stand commercial de la FNSU à l'occasion de compétitions d'escrime :
Considérant que le refus de la FNSU d'autoriser l'entreprise ECL à tenir un stand commercial à l'occasion des championnats de France universitaires des 26 et 27 mars 1993 était fondé sur la décision prise en accord avec le comité d'organisation de cette compétition de n'autoriser la tenue que d'un seul stand commercial, celui du prestataire de l'assistance technique de la compétition, l'entreprise Prieur Sports ; qu'il ne ressort pas du dossier que cette décision ait été le résultat d'une action concertée entre la FNSU et l'entreprise Prieur Sports ; qu'il ne ressort pas non plus du dossier qu'un accord d'exclusivité soit intervenu entre la FNSU et l'entreprise Prieur Sports conférant à cette entreprise l'assistance technique de toutes les compétitions organisées par la FNSU ;
Mais considérant, en revanche, s'agissant du trophée ESIEE des 26 et 27 novembre 1993, que la FNSU a, dans un premier temps, accordé à l'entreprise ECL la possibilité de tenir un stand commercial à cette occasion et lui a indiqué par télécopie du 22 octobre 1993 comment se rendre sur les lieux de la compétition ; que, dans un second temps, elle l'a informée par télécopie du 6 novembre 1993 que : "suite à un long et difficile entretien téléphonique, hier, avec la société Prieur" elle avait dû revenir sur sa position initiale et prendre la décision, pour bénéficier de l'installation technique et de la maintenance de vingt-quatre pistes, de ne pas autoriser l'entreprise ECL à être présente pendant les trois journées de la compétition ; qu'il est ainsi établi que la FNSU et l'entreprise Prieur Sports se sont concertées pour empêcher l'entreprise ECL de tenir un stand commercial à l'occasion des championnats de France universitaires des 26 et 27 mars 1993 ; que cette action concertée avait pour objet et a pu avoir pour effet d'entraver l'accès au marché de la chaussure d'escrime sur lequel l'entreprise ECL, qui ne disposait pas, à l'époque, d'un magasin de vente au public, développait son activité ; qu'une telle pratique est prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
En ce qui concerne les accords d'exclusivité conclus entre la Fédération française d'escrime et les entreprises Prieur Sports et Cero Soudet :
Considérant qu'il est constant que, depuis 1993, la Fédération française d'escrime a confié l'assistance technique de toutes les compétitions qu'elle organise à l'entreprise Prieur Sports, fabricant et distributeur de matériel et d'équipement d'escrime ; que cet accord d'exclusivité a été formalisé par écrit dans la convention de partenariat signée le 6 janvier 1994 par la Fédération française d'escrime, d'une part, les entreprises Prieur Sports et Cero Soudet, d'autre part, l'entreprise Prieur Sports ayant acquis le mois précédent la moitié du capital de l'entreprise Cero Soudet ; qu'aux termes de l'article 1er de cette convention, dernier alinéa : "Les compétitions concernées par cette aide matérielle sont toutes celles organisées par la Fédération française d'escrime ou sous son égide, et plus particulièrement : championnats de France 1re division, tournois de Coupe du monde, Fête des jeunes" ; qu'il est ainsi établi que, contrairement à ce que soutiennent les parties signataires, la convention dont l'objet est de définir les prestations techniques fournies par les entreprises à la Fédération française d'escrime et les contreparties accordées par celle-ci constituent un accord d'exclusivité, dès lors que les entreprises signataires fournissent l'assistance technique de toutes les compétitions organisées par la Fédération française d'escrime ;
Considérant que le fait pour la Fédération française d'escrime de conclure un accord exclusif avec un, puis deux fournisseurs de produits d'escrime pour l'organisation de l'assistance technique de ses compétitions n'est pas en soi contraire aux dispositions du titre III de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que, de même, le fait pour la Fédération française d'escrime de permettre à deux fournisseurs de produits d'escrime de bénéficier, dans le cadre d'un tel accord, de l'image de la Fédération française d'escrime en contrepartie de la fourniture de leurs prestations techniques et de remises sur le matériel individuel n'est pas, en soi, contraire aux dispositions de ce texte ; que, toutefois, un tel accord peut être visé par ces dispositions si les conditions dans lesquelles il a été négocié ou les clauses qu'il contient ont pour objet ou peuvent avoir pour effet de limiter, directement ou indirectement, l'accès à un marché ;
Considérant que l'accord d'exclusivité qui existait entre la Fédération française d'escrime et l'entreprise Prieur Sports avant sa matérialisation écrite dans la convention de partenariat a été précédé d'appels à la concurrence de la part de la Fédération française d'escrime pour l'assistance technique de ses compétitions ; que ces consultations ont échoué en raison de l'incapacité des entreprises concernées, concurrentes de l'entreprise Prieur Sports, à fournir les prestations techniques requises pour l'organisation de telles compétitions ; que, dès lors, en l'absence d'entreprises capables de fournir ces prestations, les conditions dans lesquelles cette convention a été conclue ne peuvent être regardées comme contraires aux dispositions du titre III de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant, en ce qui concerne la durée de la convention de partenariat, que celle-ci doit être appréciée au regard de la nécessité de préserver la possibilité pour d'autres opérateurs d'entrer sur le marché de l'assistance technique des compétitions organisées par la Fédération française d'escrime ; qu'au regard de cette exigence, la durée de quatre ans prévue dans la convention est une durée anormalement longue ; que si, comme le soutiennent les parties signataires de la convention, l'assistance technique des compétitions de prestige organisées par la Fédération française d'escrime requiert un matériel important, en quantité et en qualité, aucun élément du dossier n'établit la durée de l'amortissement de ce matériel et en particulier que cette durée soit égale ou supérieure à quatre ans ;
Considérant, en ce qui concerne la clause de tacite reconduction de la convention, qu'en permettant le renouvellement automatique du contrat à son échéance au profit des entreprises signataires, sans appel à la concurrence, cette clause soustrait le marché à la concurrence en méconnaissant l'exigence ci-dessus rappelée de préserver la possibilité pour de nouveaux opérateurs d'entrer sur le marché de l'assistance technique des compétitions organisées par la Fédération française d'escrime ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que ces deux clauses de la convention de partenariat ont un objet anticoncurrentiel et peuvent avoir pour effet de limiter le jeu de la concurrence sur le marché du matériel et de l'équipement d'escrime ; qu'elles se trouvent par suite prohibées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant que la Fédération française d'escrime invoque le bénéfice des dispositions du 2 de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 aux termes desquelles : "Ne sont pas soumises aux dispositions des articles 7 et 8 les pratiques (...) dont les auteurs peuvent justifier qu'elles ont pour effet d'assurer un progrès économique et qu'elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause" ; elle soutient que la convention de partenariat a pour effet l'amélioration des conditions techniques d'organisation des compétitions, grâce notamment à l'introduction de nouvelles technologies, dans le domaine du matériel et de l'équipement des escrimeurs et dans celui des appareils de comptabilisation des résultats ; que ces améliorations techniques ne seraient rendues possibles que parce que les entreprises concernées sont assurées, par la convention de partenariat, de rentabiliser les investissements très importants qu'elles requièrent ; que ces améliorations techniques dans l'organisation des compétitions bénéficient aux escrimeurs et aux spectateurs, ainsi qu'à l'image de l'escrime auprès du public et que la convention de partenariat n'aboutit pas à une élimination de la concurrence sur un marché ;
Mais considérant que, si l'amélioration des conditions techniques d'organisation des compétitions organisées par la Fédération française d'escrime et plus généralement l'amélioration de la fiabilité du matériel et de l'équipement des escrimeurs, ainsi que des performances du matériel de comptabilisation des résultats peuvent être regardées comme des éléments de progrès économique au sens des dispositions précitées de l'article 10 de l'ordonnance, la Fédération française d'escrime n'établit pas que les deux clauses fixant la durée de la convention d'exclusivité passée avec la société Prieur à quatre ans et prévoyant sa tacite reconduction aient été indispensables pour atteindre le progrès économique invoqué ; que, par ailleurs, la clause de tacite reconduction est susceptible d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause ; que,par suite, la Fédération française d'escrime ne peut utilement invoquer les dispositions du 2 de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 pour justifier les dispositions de la convention de partenariat dans sa rédaction du 6 janvier 1994;
Sur les suites à donner :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction" ;
Considérant que la Fédération française d'escrime et la Fédération nationale du sport universitaire ont refusé de mettre à disposition de la société ECL un stand commercial lors de compétitions sportives qu'elles ont organisées ; qu'en outre, la Fédération française d'escrime a refusé l'inscription de la société ECL sur le serveur télématique de la fédération ; qu'enfin, la convention conclue entre cette dernière et les sociétés Prieur Sports et Cero Soudet comporte deux clauses relatives à sa durée et sa reconduction tacite qui présentent un objet et une potentialité d'effet anticoncurrentiel ;
Considérant, en premier lieu, que les pratiques en cause ont été mises en œuvre alors que la Fédération française d'escrime et la Fédération nationale du sport universitaire n'avaient pu obtenir de réponse de la part de l'administration aux questions, nouvelles pour elles, que posaient les demandes d'entreprises souhaitant disposer d'un stand commercial dans l'enceinte des compétitions qu'elles organisent, alors que jusqu'alors elles n'avaient eu à répondre qu'à la demande de l'entreprise assurant l'assistance technique de ces compétitions ; qu'en outre un seul refus de stand a été établi à l'encontre de chacune de ces organisations sportives ; qu'il est constant, par ailleurs, que l'entreprise Prieur Sports s'est trouvée confrontée, dans les compétitions dont elle assurait l'assistance technique, à la présence d'autres fabricants d'articles d'escrime concurrents ; qu'enfin le refus d'inscription sur le serveur télématique de la Fédération française d'escrime a cessé ; qu'en conséquence il n'y a pas lieu au prononcé de sanction en raison de ces pratiques ;
Considérant, en second lieu, que la convention de partenariat conclue entre la Fédération française d'escrime et les sociétés Prieur Sports et Cero Soudet prévoit une durée d'exclusivité non justifiée et son renouvellement automatique à son terme sans appel à la concurrence ; que, pour faire cesser ces pratiques de nature anticoncurrentielle et prévenir leur renouvellement, il y a lieu d'enjoindre à la Fédération française d'escrime de limiter la durée de cette convention à deux ans, de supprimer la clause de tacite reconduction et de procéder, lors de son prochain renouvellement éventuel, à une mise en concurrence des entreprises susceptibles de lui fournir l'assistance technique des compétitions sportives ; qu'il y a lieu également d'enjoindre à la Fédération nationale du sport universitaire de ne pas traiter de façon discriminatoire les entreprises qui s'adresseraient à elle pour disposer d'un stand commercial dans l'enceinte des compétitions qu'elle organise,
Décide :
Art. 1er. - Il est établi que la Fédération française d'escrime a enfreint les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance.
Art. 2. - Il est établi que la Fédération française d'escrime, la Fédération nationale du sport universitaire et les entreprises Prieur Sports et Cero Soudet ont enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance.
Art. 3. - Il est enjoint à la Fédération française d'escrime de supprimer la clause de tacite reconduction de la convention de partenariat la liant aux entreprises Prieur Sports et Cero Soudet, de limiter à deux ans la durée de cette convention et de procéder, à son issue, à une mise en concurrence entre les fournisseurs de produits d'escrime.
Art. 4. - Il est enjoint à la Fédération nationale du sport universitaire de traiter de manière non discriminatoire les entreprises souhaitant disposer d'un stand commercial dans l'enceinte des compétitions qu'elle organise.