Conseil Conc., 9 décembre 1997, n° 97-D-90
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques relevées dans le secteur de la distribution des boules lyonnaises
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport de M. Joël d'Angio, par MM. Barbeau, président, Cortesse, vice-président, , Rocca, membre, désigné en remplacement de M. Jenny, vice-président, empêché.
Le Conseil de la concurrence (commission permanente),
Vu la lettre enregistrée le 27 mai 1994 sous le numéro F 683, par laquelle le ministre de l'économie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre, dans le secteur de la distribution des boules lyonnaises, par la Fédération Française du Sport Boules et la SA La Boule Intégrale ; Vu l'ordonnance n° 861243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 861309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu la loi n° 84610 du 16 juillet 1984 modifiée, relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives ; Vu les observations présentées par la Fédération Française du Sport Boules, par la société La Boule Intégrale et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants de la Fédération Française du Sport Boules et de la société La Boule Intégrale entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (II) ciaprès exposés :
I- CONSTATATIONS
A-Le secteur du sportboules
Le sportboules, qui a ses propres règles, ne se pratique, à la différence de la pétanque, que sur des aires spécialement aménagées à cet effet, c'estàdire sablées et rigoureusement délimitées. Il requiert en outre l'utilisation de boules spécifiques dites "lyonnaises". Fabriquées après un agrément préalable de la Fédération Internationale de Boules, cellesci diffèrent des autres boules notamment des boules de pétanque et des boules de "fort", par leur conception, leur diamètre, leur poids et par l'alliage dans lequel elles sont fabriquées.
Le sportboules compte, en France, plus de 120 000 licenciés, affiliés à la Fédération Française de SportBoules (FFSB), répartis dans 74 comités départementaux et 24 régions sportives constituée conformément aux dispositions de la loi n° 84610 du 16 juillet 1984 modifiée. S'il est particulièrement pratiqué dans la région lyonnaise (notamment Rhône et Isère), il l'est également dans les régions Auvergne, Bourgogne, FrancheComté, MidiPyrénées et IledeFrance. Avec vingttrois autres nations, dont les principales sont l'Italie (40 000 licenciés), la Slovénie, la Croatie, le Canada (Québec), les ÉtatsUnis d'Amérique (Louisiane), l'Australie, la Suède, la Bulgarie et les pays du Maghreb, la France est affiliée à la Fédération Internationale de Boules (FIB).
L'article 7 de ses statuts définit comme suit les compétences de la FFSB :
" organisation des championnats de France et de toutes autres compétitions, sélections, etc. ;
"- organisation de stages, cours, examens, permettant le contrôle de la qualité de la formation sportive ;
"- édition de bulletins et de publications ;
"- attribution de prix, récompenses, diplômes, aides, subventions éventuelles, etc., aux groupements sportifs affiliés."
La FFSB édite et diffuse une revue qui paraît neuf mois par an, Sport Boules Magazine tirée à 27 500 exemplaires.
Des deux fabricants de boules implantés en France jusqu'en 1992, les Etablissements Vedette à PontdeCheruy (Isère) et la SA La Boule Intégrale à Lyon, seule subsiste cette dernière société. En 1992, pour un chiffre d'affaires total de 9 119 579 F, la part de son chiffre d'affaires résultant de la vente des boules lyonnaises s'est élevé à 2 872 667 F (31,5 %) pour 9 200 paires de boules vendues, à savoir 19 % dans le magasin de l'entreprise, 54,5 % par le canal de détaillants traditionnels, 23 % par correspondance aux clubs et aux particuliers, 1,5 % à l'exportation et 2 % sur les lieux de compétition. Durant le même exercice, la part de la vente des accessoires, coupes et trophées s'est élevée à 31,1 % du chiffre d'affaires total.
Les autres fabricants, agréés par la FIB, sont les sociétés Caudera, La Boule d'or et La Boule du Jour, Cast, Futura, FIB et Unibloc. Elles proposent leurs produits sur le marché français par l'intermédiaire de revendeurs dépositaires : pour la société Caudera, ce sont la SARL Fantaisies Distribution à Tournus et les Etablissements Drevet à SaintEtienne ; pour la société La Boule d'or, c'est la SARL Alchriss à Lyon ; pour la société La Boule du Jour, il s'agit du distributeur Fanny Coupes à La Mulatière.
La distribution des boules lyonnaises et des accessoires est également assurée sur des stands installés sur les lieux de compétition, par la vente directe pratiquée par le magasin de vente au détail de la SA La Boule Intégrale, et par la revente à leurs membres des clubs ou des associations de boulistes. Le volume d'affaires traité par ces derniers serait en progression.
Compte tenu de la spécificité du sportboules, sa promotion et la promotion des articles et accessoires que requiert sa pratique sont essentiellement assurées d'une manière permanente par l'intermédiaire de la revue SportBoules Magazine et, sur les lieux d'entraînement ou de compétitions officielles, sous forme de mise à disposition de stands ou de "banderoling".
Le total des paires de boules vendues annuellement peut être estimé à environ 25 000 par an, à partir du nombre des licenciés, puisque, du fait des conditions de jeu sur des aires spécialement aménagées, la quasitotalité des joueurs appartiennent à un club, et en retenant un taux de renouvellement des boules en fonction de la qualification de ces joueurs.
B-Les pratiques constatées
1. La convention de partenariat entre la FFSB et la Boule Intégrale
Depuis de nombreuses années, il existe entre la FFSB et la société La Boule Intégrale un accord de collaboration, formalisé pour la première fois par écrit le 14 mai 1991, puis reconduit annuellement, dans une convention de partenariat accordant à la société commerciale diverses exclusivités. Cette convention, selon les déclarations réitérées du président et du trésorier général de la FFSB, résulterait d'une demande de la société La Boule Intégrale. À l'époque des faits, était en vigueur une convention signée le 10 mars 1993, qui prévoyait que la société La Boule Intégrale bénéficierait d'une "exclusivité de publicité et de promotion sur toutes les compétitions nationales officielles organisées en France dans le secteur d'activité de La Boule Intégrale : boules lyonnaises et accessoires. En ce qui concerne l'exposition des récompenses sportives (coupes, médailles) et les boules de pétanque, La Boule Intégrale doit être consultée.
"- Mise à disposition d'un emplacement pour un stand d'exposition et de vente sur toutes les autres compétitions nationales officielles ;
"- Banderoling sur les mêmes événements à hauteur de 20 % du banderoling total, dont un emplacement réservé dans le carré d'honneur ;
Réservation de la quatrième de couverture en quadrichromie dans tous les numéros de Sport Boules Magazine, exclusivité de publicité en ce qui concerne les boules lyonnaises et accessoires, deux pages rédactionnelles gratuites".
L'article 3 de la convention fixe la contrepartie financière de cette exclusivité : versement par la société La Boule Intégrale de 90 000 F HT à la FFSB, dont 45 000 F pour la publicité réalisée dans la revue fédérale et d'une dotation en accessoires et récompenses d'une valeur de 10 000 F HT aux organisateurs des compétitions nationales (Championnats de France).
La convention visait notamment à préserver la part du marché des boules lyonnaises et des accessoires (estimée à 40 % environ) de la société La Boule Intégrale. Ainsi, le président de la FFSB a déclaré le 14 octobre 1993 : "Nous rappelons que cet accord de partenariat a été mis en place à la demande de La Boule Intégrale, seul fabricant français, qui subissait la concurrence de boules en provenance de l'étranger, afin de l'aider à poursuivre son exploitation. Il est normal que nous privilégions un fabricant français à une époque où se développe un marché parallèle de vente de boules étrangères, qui nuit au bon fonctionnement du réseau de distribution traditionnel".
L'exclusivité réservée aux produits de la société La Boule Intégrale sur les terrains à l'occasion des compétitions nationales a, dans les faits, été étendue aux autres compétitions. Si les représentants de la FFSB ont déclaré que "la Fédération participe à l'organisation des compétitions nationales et délègue aux comités départementaux l'organisation des autres compétitions officielles (...) la vente de boules lyonnaises d'autres marques n'est pas interdite. Il s'agit là de l'initiative et de la décision des organisateurs (comités départementaux, sociétés boulistes, etc.) uniquement lorsque ces compétitions ne sont pas directement organisées par la Fédération", plusieurs distributeurs de fabricants concurrents de la société La Boule Intégrale ont déclaré au contraire n'avoir pu présenter leurs produits sur les terrains à l'occasion de compétitions, que les épreuves soient nationales, régionales ou départementales. Ainsi, le gérant de la SARL Fantaisies Distribution qui distribue les boules de marque Caudera a déclaré : "Nous ne travaillons pas lors des concours officiels des comités départementaux (Loire, Ain) ainsi que lors des compétitions nationales", et le gérant de la SARL Alchriss, qui distribue les boules de marque La Boule d'or, a déclaré : "Je n'ai plus la possibilité d'installer un stand de vente sur les lieux de compétitions nationales, régionales et départementales, à l'exception du Tournoi de Pentecôte".
Enfin, l'exclusivité de publier des messages publicitaires dans la revue officielle de la Fédération accordée à La Boule Intégrale a été rigoureusement respectée. Ainsi, alors même que les recettes publicitaires de la revue (qui est la seule revue française vouée à ce sport) ne représentaient que 4,67 % de ses recettes totales en 1993, et que le responsable de la communication au sein de la FFSB écrivait dans le n° 47, d'avril 1993, de cette revue que l'un des objectifs poursuivis était de "leur fournir un support publicitaire complet et attrayant pour diffuser une image positive de notre discipline" et que la "promotion, c'est la seconde mission du magazine ... Plus le tirage augmentera, plus notre capacité d'intéresser des annonceurs sera grande", une demande d'insertion publicitaire du distributeur de la marque Caudera a été refusée dans les termes suivants : "En réponse à votre courrier requérant la possibilité d'insérer des publicités au sein de Sport Boules Magazine, nous sommes au regret de vous faire savoir qu'une clause d'exclusivité contractuelle nous lie à la société La Boule Intégrale en la matière, laquelle nous interdit toutes insertions concurrentes pour 1993".
2. La politique tarifaire de la SA La Boule Intégrale
La Boule Intégrale SA effectue la distribution de ses produits, d'une part, par l'intermédiaire d'un réseau de revendeurs spécialisés traditionnels et, d'autre part, directement dans son magasin au siège de l'entreprise et sur des stands de vente installés sur les lieux de compétition.
Elle établit un tarif de prix de vente au détail TTC (tarif au 1er mars 1993 à l'époque des faits) qu'elle adresse systématiquement à chacun de ses dépositaires. Ce tarif mentionne le prix de vente au détail de chaque article ainsi que des taux de remises quantitatives qui peuvent être consentis aux acheteurs, que le directeur de la société définit comme étant " maximales ". L'instruction a montré que les distributeurs pratiquent des prix de vente publics voisins des prix du tarif. Ainsi, un distributeur de Tarare a déclaré : "Nous pratiquons le tarif qui nous a été remis par La Boule Intégrale. En saison (printemps), nous appliquons sur ce tarif une remise d'environ 10 %. Pour les autres accessoires, nous appliquons le tarif remis par La Boule Intégrale". De même, un distributeur de La Mulatière a déclaré : "Pour la vente des produits de La Boule Intégrale je ne pratique jamais de remise."
De même, une "offre spéciale" a été lancée par la société La Boule Intégrale pour la période 20 avril 28 mai 1993, et a fait l'objet d'une annonce publicitaire parue en avril 1993 dans Sport Boules Magazine. Cette annonce publicitaire comportait la liste des 41 distributeurs de la société La Boule Intégrale et proposait la fourniture gratuite d'un parapluie "pour tout achat de 4 boules TRACE" à un prix identique ("1 250 F TTC Port gratuit"). Ce prix était celui qui figurait sur le tarif TTC établi par l'entreprise le 1er mars 1993.
II- SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,
Sur les pratiques constatées :
En ce qui concerne les exclusivités accordées à la société La Boule Intégrale,
Considérant que la FFSB et la société La Boule Intégrale ont conclu une convention de partenariat, formalisée pour la première fois par écrit le 14 mai 1991, puis reconduite annuellement, accordant à la société commerciale, contre le versement par celleci de 90 000 F à la FFSB, l'"exclusivité de publicité et de promotion sur toutes les compétitions nationales officielles organisées en France dans le secteur d'activité de La Boule Intégrale : boules lyonnaises et accessoires (...)", la "mise à disposition d'un emplacement pour un stand d'exposition et de vente sur toutes les autres compétitions nationales officielles", le "banderoling sur les mêmes événements à hauteur de 20 % du banderoling total, dont un emplacement réservé dans le carré d'honneur" et la "réservation de la quatrième de couverture en quadrichromie dans tous les numéros de Sport Boules Magazine exclusivité de publicité en ce qui concerne les boules lyonnaises et accessoires deux pages rédactionnelles gratuites" ; que l'instruction a permis d'établir que l'exclusivité d'accès aux lieux de compétition nationale accordée à la société La Boule Intégrale était, dans les faits, étendue aux autres compétitions, et que l'exclusivité de publier des messages publicitaires dans la revue officielle de la Fédération accordée à La Boule Intégrale était rigoureusement respectée ;
Considérant que la FFSB avance que "l'exclusivité accordée ne concerne qu'une infime partie de l'activité sportive déployée au sein de la FFSB", à savoir "trois des six événements sportifs majeurs de la saison", et que "cette exclusivité n'a pas été toujours exigée de la société La Boule intégrale. Par exemple lors des championnats de France doublettes adultes de Besançon en 1994", dont le programme officiel mentionnait la société Caudera ; que le maillot de l'équipe de Vichy, ainsi que des calendriers officiels sportifs régionaux et départementaux, comporteraient le nom de cette dernière entreprise "depuis de nombreuses années" ; que les exclusivités accordées à la société La Boule Intégrale résulteraient du fait que celleci est le seul fabricant de Lyon, berceau du sport qui porte son nom, et du partenariat ancien et technique entre cette dernière et la FFSB ; qu'elle reconnaît, s'agissant du banderoling, que l'exclusivité accordée à la société La Boule Intégrale porte dans les faits sur l'ensemble des compétitions officielles nationales et, s'agissant d'insertions publicitaires dans la revue Sport Boules Magazine, qu'elle a refusé d'insérer les publicités émanant des distributeurs français de boules fabriquées à l'étranger ;
Considérant que la société La Boule Intégrale avance également que ses liens avec la FFSB seraient anciens et essentiellement techniques et que l'exclusivité relative aux manifestations sportives ne concerne que trois championnats, alors que "l'ensemble des ventes réalisées au cours de toutes les manifestations sportives (les 3 championnats précités compris) ne représente que 2 % du chiffre d'affaires", qu'elle ajoute qu'elle n'a "jamais donné d'instructions à la Fédération française du sport Boules" pour s'opposer à ce que "d'autres distributeurs de boules concurrentes fassent de la publicité dans la revue Sport Boules Magazine", que le quatrième alinéa de l'article 2 du contrat, relatif à cette publicité dans le magazine, aurait été supprimé depuis 1995 et que l'ensemble du contrat n'aurait pas permis d'inverser l'évolution de son chiffre d'affaires, en baisse constante ;
Considérant que la société La Boule Intégrale a joint à ses observations la copie des contrats conclus avec la FFSB pour les années 1995 et 1996 ; que l'exclusivité de publicité accordée à la société La Boule Intégrale dans la revue Sport Boules Magazine y est maintenue et que les seules modifications de l'article 2. 1 se limitent au remplacement de "Exclusivité de publicité et de promotion" par "Le meilleur espace de publicité et de promotion" et de "En ce qui concerne l'exposition des récompenses sportives (coupes, médailles) et les boules de pétanque, La Boule Intégrale doit être consultée" par "En ce qui concerne l'exposition des produits "concurrents" (boules, coupes médailles, chaussures, vêtements...), La Boule Intégrale devra être impérativement consultée", et à l'ajout selon lequel, en l'absence d'accord entre "La Boule Intégrale et le Comité d'organisation de la compétition, La Boule Intégrale restera partenaire fédéral avec les droits en promotion et publicité, tels que définis dans ce document, et, à ce titre, aura le choix de l'emplacement d'exposition qui lui convient pour la manifestation" ;
Considérant que si la conclusion d'un accord exclusif entre la FFSB et un fournisseur de boules et accessoires n'est pas en soi contraire aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, non plus que le fait pour la FFSB de permettre à ce producteur de bénéficier, dans le cadre d'un tel accord, de facilités d'accès aux lieux de compétition et de publicités dans la revue officielle de la Fédération, en contrepartie d'une aide technique et du versement d'une dotation financière, un tel accord se trouve visé par ces dispositions lorsque les conditions dans lesquelles il a été négocié ou les clauses qu'il contient ont pour objet ou peuvent avoir pour effet de fausser ou de restreindre, directement ou indirectement, le jeu de la concurrence sur le marché des boules et accessoires destinés à la pratique du sportboules;
Considérant que, dans l'espèce, la convention de partenariat formalisée pour la première fois par écrit le 14 mai 1991 a été conclue entre la FFSB et la société La Boule Intégrale sans qu'il ait été procédé à un appel à la concurrence, et donc sans qu'il ait été permis à d'autres fournisseurs de faire des offres de partenariat à la FFSB ; que cette convention a depuis été reconduite annuellement sans que les concurrents de la société La Boule Intégrale aient la possibilité de négocier une convention de partenariat avec la FFSB ; que si les termes de la convention n'accordaient à la société La Boule Intégrale l'exclusivité d'accès qu'aux lieux de compétition nationale, cette exclusivité était étendue, dans les faits, à de nombreuses autres compétitions ; que l'exclusivité de publicités dans la revue officielle de la Fédération était rigoureusement respectée ; que, dans ces conditions, la convention de partenariat était de nature à faire apparaître la société La Boule Intégrale comme le seul fournisseur agréé par la FFSB ; qu'au surplus, la société La Boule Intégrale détenait en 1992 près de 40 % du marché des boules et accessoires destinés à la pratique du sportboules ; que dès lors les exclusivités d'une part quant à l'accès aux lieux de compétition et, d'autre part, quant à la publication de messages publicitaires dans la revue officielle de la Fédération, ont eu pour objet et pouvaient avoir pour effet de restreindre le jeu de la concurrence entre la société La Boule Intégrale et les autres offreurs; que ces clauses d'exclusivité, comme l'ont déclaré plusieurs distributeurs qui se sont vu interdire l'accès à la plupart des lieux de compétition et à l'insertion de toute publicité dans la revue SportBoules Magazine, ont eu cet effet; que la nouvelle rédaction du contrat, intervenue postérieurement à l'enquête administrative et à la saisine du Conseil de la concurrence, n'a pas supprimé la situation privilégiée conférée à La Boule Intégrale par rapport à ses concurrents ; que cette nouvelle rédaction est, en tout état de cause, sans effet sur la qualification des pratiques qui lui sont antérieures ; que ces pratiques sont prohibées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
En ce qui concerne la politique tarifaire de la société La Boule Intégrale,
Considérant que la société La Boule Intégrale, fabrique des boules lyonnaises et des accessoires et en assure la distribution soit par l'intermédiaire d'un réseau de revendeurs spécialisés traditionnels, soit directement au détail dans son magasin au siège de l'entreprise et sur des stands de vente installés sur les lieux de compétition ; qu'elle établit un tarif de prix de vente au détail TTC adressé à chacun de ses dépositaires et mentionnant le prix de vente au détail de chaque article ainsi que des taux de remises quantitatives définies comme "maximales" ; qu'à l'occasion de l'"offre spéciale" pour la période 20 avril 28 mai 1993, la société La Boule Intégrale a fait paraître une annonce publicitaire dans le numéro d'avril 1993 de Sport Boules Magazine qui comportait la liste des 41 distributeurs de cette société et qui proposait la fourniture gratuite d'un parapluie "pour tout achat de 4 boules TRACE" à un prix identique ("1 250 F TTC Port gratuit") ; que ce prix est celui qui figurait sur le tarif TTC établi par l'entreprise le 1er mars 1993 ;
Considérant que la société La Boule Intégrale avance que son tarif de vente public, qu'elle établit pour les besoins de la commercialisation des boules de sa fabrication dans le magasin de vente au détail attenant à son usine, ne serait adressé qu'à certains de ses distributeurs, et "uniquement à ceux qui en font la demande" ; que l'ensemble de ses distributeurs seraient "libres de fixer leurs prix de vente à leur guise" ; que l'offre promotionnelle du 20 avril au 28 mai 1993 a été faite en accord avec les 41 dépositaires concernés ;
Mais considérant qu'un responsable de la société La Boule Intégrale a déclaré, lors de l'enquête administrative : "Je vous remets à votre demande un exemplaire des tarifs hors taxes et TTC actuellement en vigueur. Ces tarifs sont remis à nos distributeurs. Le tarif TTC comporte également les remises maximales que ceuxci peuvent appliquer lors de la vente de nos produits" ; que l'établissement et la diffusion par la société La Boule Intégrale, et l'application par ses revendeurs, d'une part, d'un barème de remises maximales et, d'autre part, lors de l'opération publicitaire d'avrilmai 1993, d'un prix uniforme à pratiquer par les 41 distributeurs associés à cette opération, constituent une pratique concertée visant à faire obstacle à la fixation des prix de vente au détail des boules lyonnaises et des accessoires nécessaires à la pratique du sportboules par le libre jeu du marché, les revendeurs étant ainsi conduits à ne plus établir euxmêmes leurs prix sur la base des caractéristiques propres à leur entreprise, alors que certains étaient en concurrence entre eux ; que cette pratique était d'autant plus susceptible d'entraîner des effets anticoncurrentiels sur le marché concerné que la société La Boule Intégrale y occupe une place prééminente ; qu'elle est donc prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Sur les sanctions,
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. 100 du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de dix millions de francs. Le Conseil de la concurrence peut ordonner la publication de sa décision dans les journaux ou publications qu'il désigne (...) Les frais sont supportés par la personne intéressée" ; qu'en application de l'article 22 de la même ordonnance la commission permanente peut prononcer les mesures prévues à l'article 13, les sanctions infligées ne pouvant, toutefois, excéder 500 000 F pour chacun des auteurs des pratiques prohibées ;
Considérant que pour apprécier la gravité des pratiques constatées il convient de considérer qu'elles avaient pour objet et pouvaient avoir pour effet de limiter l'accès au marché d'autres compétiteurs et de limiter la concurrence par les prix que pouvaient se faire les distributeurs ; qu'elles ont été mises en œuvre par l'entreprise qui occupe une position prééminente sur ce marché et par la fédération sportive concernée qui jouit, par ailleurs, de prérogatives de puissance publique notamment dans l'organisation des compétitions nationales ; que l'importance du dommage causé à l'économie par ces pratiques résulte de ce qu'elles se sont poursuivies jusqu'à l'été 1997, à la fin de la saison sportive ayant précédé la séance du Conseil de la concurrence ; que, toutefois, l'importance de ce dommage est limitée par le fait que le chiffre d'affaires annuel réalisé sur le marché des boules lyonnaises et accessoires, concentré essentiellement dans la région lyonnaise, s'élève à moins de 15 millions de francs, dont un tiers environ seulement concerne les boules lyonnaises proprement dites ;
Considérant que la société La Boule Intégrale a conclu une convention contenant des clauses anticoncurrentielles avec la FFSB et qu'elle s'est concertée avec ses distributeurs en vue de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché ; qu'elle a réalisé au cours de l'exercice 1996, dernier exercice clos disponible, un chiffre d'affaires en France de 6 955 885 F, et un bénéfice de 91 581 F ; que toutefois ce chiffre d'affaires est inférieur à celui réalisé au cours de l'exercice précédent et que les ventes réalisées à l'occasion des trois manifestations prévues à la convention conclue avec la FFSB représenteraient 2 % de son chiffre d'affaires global ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés cidessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 50 000 F ;
Considérant que la Fédération Française du SportBoules a conclu une convention contenant des clauses anticoncurrentielles avec la société La Boule Intégrale ; que l'ensemble de ses recettes au cours de l'exercice de neuf mois clos le 30 septembre 1996, dernier exercice clos disponible, s'est élevé à 9 238 149 F, dont 6 976 588 F de cotisations et 1 149 160 F de subventions ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés cidessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 30 000 F ;
Considérant que les extraits du contrat de partenariat valable pour les années 1995 et 1996 joints aux observations de la société La Boule Intégrale montrent que ce contrat modifié comporte encore des clauses qui continuent de conférer à cette société des exclusivités qui se sont poursuivies après l'enquête administrative et la saisine du conseil ; qu'il convient de prévenir la poursuite de pratiques anticoncurrentielles en enjoignant aux deux signataires de ce contrat d'en supprimer toutes les clauses contraires aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et de publier le texte de la présente décision dans la revue SportBoules Magazine éditée par la FFSB,
Décide :
Article 1er : Il est établi que la société La Boule Intégrale et la Fédération Française du SportBoules ont enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
Article 2 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :
- 50 000 F à la société La Boule Intégrale ;
- 30 000 F à la Fédération Française du SportBoules.
Article 3 : Il est enjoint à la société La Boule Intégrale et à la Fédération Française du SportBoules de mettre fin aux clauses des conventions conclues entre elles qui accordent à la première une exclusivité, un droit de préemption ou un droit de regard s'agissant des publicités sur les lieux de compétition et dans la revue SportBoules Magazine.
Article 4 : Il est enjoint à la société La Boule Intégrale et à la Fédération Française du SportBoules de publier à frais communs et à proportion des sanctions pécuniaires qui leur sont infligées, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, le texte de celleci dans la revue SportBoules Magazine.