Livv
Décisions

Conseil Conc., 2 février 1999, n° 99-D-10

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Situation de la concurrence dans le secteur des tubes en polychlorure de vinyle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport de M. Lavergne, par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Pasturel, vice-présidente, MM. Cortesse, Jenny, vice-présidents.

Conseil Conc. n° 99-D-10

2 février 1999

Le Conseil de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre enregistrée le 29 novembre 1993 sous le numéro F 635, par laquelle le ministre de l'économie et des finances a saisi le Conseil de la concurrence de la situation de la concurrence dans le secteur des tubes en polychlorure de vinyle ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu la décision n° 96-D-30 du 14 mai 1996 concernant la situation de la concurrence sur le marché des tubes en polychlorure de vinyle par laquelle le Conseil de la concurrence a décidé de surseoir à statuer en vue de procéder à un complément d'instruction ; Vu la décision n° 94-DSA-10 du 2 décembre 1994 du président du Conseil de la concurrence ; Vu les observations présentées par les sociétés Alphacan, Wavin, Sotra Industries et Seperef, et par le commissaire du Gouvernement ; (...) ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Alphacan, Wavin, Sotra Industries et Seperef entendus, la société Sabla ayant été régulièrement convoquée, Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés. Dans sa décision n° 96-D-30 du 14 mai 1996, le Conseil de la concurrence a décidé de surseoir à statuer en vue de procéder à un complément d'instruction. A la suite de cette décision, le rapporteur a établi une demande d'enquête complémentaire afin de vérifier les arguments des parties et de définir le rôle des négociants de tubes en PVC dans le secteur. Cette demande a été transmise par le président du Conseil de la concurrence au directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Le conseil se prononce à la suite de l'instruction menée sur la base des éléments recueillis lors de l'enquête initiale et de cette enquête complémentaire.

I. - CONSTATATIONS

A. - Le secteur

1. Les produits

La résine de polychlorure de vinyle constitue la matière première nécessaire à la production des tubes, dont la fabrication a connu, depuis son origine au début des années 50, plusieurs innovations : fabrication de tubes en PVC allégés (1969), amélioration de la réaction au feu (1977), mise au point de tubes cellulaires et à paroi alvéolée (1980) et de tubes surchlorés pour la distribution d'eau chaude et, plus récemment, programmes de mise en œuvre de produits recyclables.

Les tubes en PVC se distinguent par leur diamètre extérieur exprimé en millimètres, leur épaisseur, la pression nominale supportée, exprimée en bars, et leur longueur, exprimée en mètres linéaires. Les normes françaises définissent les spécifications minimales dimensionnelles et fonctionnelles applicables aux canalisations en PVC : ce sont respectivement la marque NF, déposée auprès de l'AFNOR, la certification ATEC (avis technique) délivrée par le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) et l'agrément SP (service public) délivré par l'administration. En outre, des documents techniques unifiés (DTU) et des cahiers des clauses techniques (CCT) s'appliquent à la mise en œuvre des différentes sortes de canalisations.

Ces produits sont principalement utilisés dans le bâtiment, l'assainissement, l'adduction d'eau potable, l'irrigation et la protection de câbles. Les utilisateurs choisissent un produit en fonction de ces caractéristiques techniques : sa résistance à l'écrasement, aux chocs et au feu, son diamètre extérieur, son épaisseur, sa pression nominale et sa longueur, ainsi que sa correspondance à certaines normes, certifications ou agréments. Ces différents produits ne sont pas substituables entre eux car ils présentent des caractéristiques propres qui rendent chacun d'eux plus particulièrement adapté à certaines contraintes d'utilisation.

2. Les intervenants du secteur

Il existe des évolutions contrastées entre les divers segments du secteur des canalisations en PVC : de 1989 à 1992, la baisse de la demande en provenance du bâtiment et de l'agriculture a été compensée dans une certaine mesure par les utilisations nouvelles des tubes en PVC pour l'assainissement.

a) La demande :

La demande de canalisations en PVC est le fait des distributeurs et des utilisateurs finaux. La profession distingue parmi les distributeurs : les grands négociants spécialisés, les négociants en matériaux de construction, les "négociants en travaux publics", les négociants du secteur plomberie-sanitaire et les grandes surfaces de bricolage. L'ensemble des négociants représenterait, selon le Syndicat des tubes et raccords en PVC (STR-PVC), la totalité des ventes en tubes pour le bâtiment, l'adduction d'eau potable et l'irrigation, ainsi que les deux tiers des ventes en tubes pour l'assainissement.

Les négociants spécialisés les plus importants, parmi lesquels figurent les sociétés Frans Bonhomme, Pum Plastiques, le groupe Descours & Cabaud et la société Brossette BTI, sont au nombre de cinq et disposent d'une puissance d'achat importante auprès des fabricants. Les tubes en PVC ne représentent qu'un très faible montant de leur chiffre d'affaires. Ils réalisent 35 % des ventes de tubes pour le bâtiment, l'adduction d'eau potable et l'irrigation, ainsi que 35 % des ventes de tubes pour l'assainissement.

Les négociants en matériaux de construction relèvent de grands groupes généralistes, qui négocient leurs conditions de base au niveau national, mais laissent leurs succursales régionales traiter des conditions particulières. Ils réalisent 50 % des ventes de tubes pour le bâtiment, l'adduction d'eau potable et l'irrigation, ainsi que, globalement, 30 % des ventes de tubes pour l'assainissement, associés aux négociants en plomberie sanitaire.

Les négociants en plomberie sanitaire sont soit des sociétés commerciales de taille nationale, soit des groupements d'achat réunissant des négociants de moindre importance. Ils réalisent 15 % des ventes de tubes pour le bâtiment, l'adduction d'eau potable et l'irriguation.

Enfin, les négociants en "travaux publics" sont souvent liés aux entreprises de pose ou aux maîtres d'œuvre.

Les utilisateurs finaux se divisent en deux grandes catégories : les entreprises du BTP qui posent des canalisations en PVC et se fournissent généralement auprès des négociants, plus rarement auprès des fabricants (les ventes directes représentent 35 % des ventes en tubes pour l'assainissement), et les entreprises publiques, la SNCF, EDF-GDF et surtout France Télécom.

b) L'offre :

La structure de l'offre est relativement concentrée. Six fabricants, Alphacan, Pipelife France et sa filiale France Tube, Seperef, Sotra Industries, Wavin et Réhau Tubes produisent plus de 75 % en volume des tubes en PVC vendus en France. De plus, dix à quinze entreprises présentes dans d'autres secteurs industriels produiraient des tubes en PVC à titre accessoire.

Les ventes totales de tubes en PVC sont de l'ordre de 160 000 à 180 000 tonnes par an en France, dont 43 % pour le bâtiment, 24 % pour l'assainissement, 18 % pour l'adduction d'eau potable et l'irrigation ("pression"), et 8 % pour la protection des câbles. Ces chiffres sont exprimés en "tonnes équivalent compact" (TEC), car les canalisations produites présentent des densités différentes. Il existe une incertitude sur l'estimation de la production des fabricants n'appartenant pas au syndicat professionnel, le Syndicat des tubes et raccords en PVC (STR-PVC), qui peut être estimée entre 7 % et 13 % du total. Les importations représentent approximativement 20 % de la totalité des ventes.

Ces incertitudes sont liées d'abord au nombre d'intervenants et, également, à la qualité des informations recensées. En effet, en raison de la facilité d'accès aux techniques de fabrication de ces tubes, il existe de nombreux fabricants de tuyaux qui exercent cette activité à titre accessoire et dont la production n'est pas recensée avec précision. De plus, les rubriques des statistiques douanières (codes 39172310 et 39172399) sont très générales et ne distinguent pas selon les applications et l'utilisation des canalisations.

Les importations sont en hausse constante depuis quelques années. En provenance principalement d'Allemagne, d'Italie et du Benelux, ces importations se répartissent comme suit : 49 % pour le bâtiment, 24 % pour l'assainissement, 19 % pour l'adduction d'eau potable et l'irrigation et 5 % pour la protection de câbles. Elles sont le fait des négociants eux-mêmes (Frans Bonhomme) ou d'agents d'import-export, comme Interplast, entreprise située à Monaco qui revend aux négociants. Les négociants considèrent que les produits d'importation qui auraient représenté, selon le STR-PVC, 37 millions de tonnes en 1996 contre 18 à 20 millions de tonnes entre 1990 et 1992, sont, en général, de qualité inférieure et ne correspondent pas aux normes françaises.

Cinq des six fabricants principaux (Alphacan, Wavin, Pipelife France avec sa filiale France Tube, Sotra Industries et, plus récemment, la société Seperef) sont intégrés en amont de la filière PVC dans de grands groupes pétrochimiques européens. La société Alphacan, filiale de second rang d'Elf Aquitaine et "leader historique", est issue de la fusion de trois fabricants de tubes plastiques, Armosig, Sogean et Euromat. La société Wavin est une filiale de la Royal Dutch-Shell. Les sociétés Seperef et Sotra Industries sont intégrées au groupe Tessenderlo Chemie. Le groupe Pipelife, constitué par France Tube et par l'ancienne société Oltmanns, est une filiale des sociétés Solvay et Winnerberger. Enfin, la société Réhau Tubes, filiale d'une entreprise familiale allemande, est indépendante à l'égard des producteurs de résine de PVC.

Neuf entreprises sont regroupées au sein du Syndicat des tubes et raccords en PVC (STR-PVC), qui a pour objet la défense et la promotion des produits fabriqués par ses adhérents. Ce sont les entreprises Alphacan, Pipelife France et sa filiale France Tube, Seperef, Sotra industries et Wavin, ainsi que trois fabricants de raccords, Nicoll, Girpi et George Fisher. La société Réhau Tubes n'a jamais compté parmi les membres de cette organisation professionnelle qui adhère aux autres organisations professionnelles de l'industrie des matières plastiques.

B. - Les pratiques constatées

Les sociétés Alphacan, Wavin et Téri, Sotra industries et Seperef réalisent à elles seules 89 % des ventes (respectivement 38 %, 30 %, 11 % et 10 %) des tubes en PVC, produits peu différenciés.

A l'exception de France Tube, tous les fabricants de tubes en PVC ont diffusé un tarif général, très éloigné des prix effectivement pratiqués, qui a constitué la base publique de leur tarification, mise à jour annuellement. Les prix réellement pratiqués ont été nettement inférieurs à ces tarifs car des remises d'un taux élevé (jusqu'à 77 %) ont été systématiquement accordées aux clients, à l'issue de négociations bilatérales.

La structure similaire des tarifs des producteurs de tubes en PVC membres du STR-PVC (anciennement SNFTRPVCR) a permis aux fabricants, malgré la diversification des gammes de tubes composites, de calculer facilement les prix réellement pratiqués par leurs concurrents à partir des tarifs et des taux de remise. Ainsi, les tableaux intitulés "Comparaison des tarifs Sotra et Alphacan" en provenance de la société Alphacan comportent des colonnes "Remises équivalent Sotra" et "Remises équivalent Alphacan" permettant d'établir des concordances de tarifs.

Les sociétés Alphacan, Wavin, Sotra industries et Seperef ont procédé à six hausses de tarifs sur la période de septembre 1990 à janvier 1993. Ces hausses présentent une identité de taux, une proximité des dates d'annonce et d'entrée en vigueur, une similitude de modalités d'application et de justifications.

EMPLACEMENT TABLEAU

Les hausses de 7 % décidées en septembre 1990 ont été appliquées, en ce qui concerne les sociétés Alphacan, Téri, Wavin et Sotra Industries, sous la forme d'une hausse des tarifs et, pour la société Seperef, sous la forme d'une baisse des remises accordées. Celles qui ont suivi ont été uniquement effectuées au moyen de hausses linéaires de tarifs. A l'exception de la hausse de février 1992, la société Alphacan a toujours été la première à annoncer les augmentations de tarif et elle a toujours été suivie, d'abord par Wavin, puis par Sotra Industries ou Seperef.

Ces hausses parallèles de tarifs ne s'expliquent pas exclusivement par l'évolution du prix de la résine de PVC, qui présente des variations dans chacune des entreprises considérées du fait de la diversité des sources d'approvisionnement des fabricants, même si les prix tendent à évoluer de manière parallèle. Les prix moyens d'achats de résine ont baissé, de 1990 à 1992, de 5,10 à 3,87 F/kg pour Alphacan, de 4,96 à 3,76 F/kg pour Wavin et Téri, de 4,85 à 3,92 F/kg pour Sotra Industries et de 5,02 à 3,65 F/kg pour Seperef. Les producteurs de résine sont souvent les mêmes pour tous les fabricants, mais ils les approvisionnent en proportion différente. Elf Atochem a fourni 84 % et Shell 5 % des besoins d'Alphacan. Elf Atochem a fourni 8 % et Shell 75 % des besoins de Wavin. Enfin, Sotra industries a eu pour principal fournisseur LVM, et Seperef s'est procuré 72 % de ses matières premières chez Solvay et 5 % chez Shell.

Aucune diminution de tarif n'a été appliquée par les fabricants lors de la baisse continue du prix de la résine du premier semestre 1991, bien que cette baisse ait été d'ampleur plus importante que les mouvements de hausse ultérieurs, dans une période, comme l'indique la société Wavin, de stabilité relative des coûts de main-d'œuvre et d'énergie.

Les fabricants de tubes en PVC ont des coûts de revient différents. La part de la résine dans les structures de coût des fabricants a évolué de 1990 à 1992, dans une proportion de 62,88 à 53,51 % pour Alphacan, de respectivement 76,10 % à 71,50 % et de 78,70 % à 76,70 % pour Wavin et Téri (tubes d'assainissement), de 75,90 % à 71,10 % pour Sotra Industries et de 66,68 % à 58,74 % pour Seperef. Dès lors, la répercussion automatique des augmentations de prix de la résine aurait dû conduire ces entreprises à pratiquer des taux de hausse différents.

Les parts de marché, en volume et en chiffre d'affaires, sont restées constantes entre fabricants de 1990 à 1992, à l'exception de celle d'Alphacan : la part de marché d'Alphacan passe de 41,09 à 37,64 %, en volume, et de 41,4 à 37,71 %, en chifre d'affaires, celle de Wavin et Téri de 28,5 à 30,1 %, en volume, et de 28,2 à 29,6 %, en chiffre d'affaires, celle de Sotra Industries, de 11,1 % à 11,28 %, en volume, et de 10,97 % à 11,22 %, et enfin celle de Seperef, de 10,06 à 10,6 %, en volume, et de 9,99 à 10,31 %, en chiffre d'affaires.

Le "Flash activité" de la direction régionale Sud-Est de la société Alphacan a signalé, le 5 janvier 1993, au lendemain de l'application d'une hausse parallèle de 10 % par Alphacan et Wavin : "Hormis Réhau et Pipelife, toute la profession annonce la hausse des prix."

Par ailleurs, à la suite d'une sollicitation de la société Réhau tubes, souhaitant commercialiser des tubes coextrudés pour l'assainissement qu'elle ne fabriquait pas encore, le directeur général de la société Téri, a engagé un projet de relations commerciales avec cette société. Le rapport de visite au siège de la société Wavin, établi le 3 septembre 1992 par l'envoyé de Réhau, fait état d'éléments communiqués par Wavin et relatifs aux thèmes suivants : "- organisation commerciale de Wavin (nombre et activités des vendeurs, évolution des ventes) : - remises particulières accordées à des clients, raccords ; - prix de vente moyen au kilogramme à une période donnée, (...)". Une télécopie de la société Téri au responsable du groupe Wavin a émis, en novembre 1992, l'opinion suivante : "Rehau est d'accord avec ces conditions, y compris un droit de regard Wavin sur la politique de vente. Inconvénient : Nous mettons le pied à un concurrent. Avantages : (...) Contrôle relatif d'un concurrent. Contribue à amener Rehau à adhérer au Syndicat Tubes et Raccord PVC".

La société Sotra Industries, troisième fabricant français, a annoncé la première une hausse de 10 % le 14 février 1992 (avec application au 2 mars), avant celle d'Alphacan (20 février 1992 avec effet au 1er mars 1992), leur initiateur habituel, et moins d'un mois après une précédente hausse générale de prix. Un compte rendu, daté du 22 février 1992, d'une réunion commerciale de Sotra Industries, qui s'est tenue le 20 février 1992, mentionne que, bien que la part de marché prévisionnelle de cette société ne soit pas atteinte, celle-ci attendait de cette hausse un regain de commandes.

Enfin, les saisies de documents qui ont eu lieu dans le cadre de l'instruction ont révélé une circulation rapide et intense des circulaires d'annonces des hausses entre les quatre principaux fabricants Alphacan, Wavin, Téri, Sotra Industries et Seperef. Ainsi, il a été trouvé, parmi les pièces saisies auprès de la société Sotra Industries, qui exerce subsidiairement une activité de négoce de tubes en polyéthylène en provenance exclusivement d'Alphacan, le tarif des tubes et gaines PVC Alphacan de février 1992, ainsi que des originaux de hausses de prix de Wavin. De même, ont été saisis auprès de la société Wavin des documents originaux relatifs à la hausse du prix des tubes en PVC et en polyéthylène (PE) de la société Alphacan. Enfin, ont été saisis auprès de la société Alphacan des copies du tarif général PVC de la société Téri et du tarif tubes PVC bâtiment de la société Wavin.

D'une façon générale, les négociants fixent leurs tarifs sur la base de tarifs édités par leurs fournisseurs en les affectant d'un coefficient multiplicateur élevé pour ensuite consentir eux-mêmes de fortes remises à leur clientèle.

Il résulte des différentes éditions de tarifs de 1990 à 1995 communiquées par la société Descours & Cabaud, négociant spécialisé, que les prix pratiqués par cette entreprise sont déterminés à partir de ceux de ses fournisseurs, notamment Alphacan, prix affectés d'un coefficient multiplicateur constant, au sein de chaque famille de produits. Toutefois, au cours de la période considérée, ces coefficients ont connu une évolution contrastée qui est à mettre en parallèle avec l'évolution des remises accordées par la société Alphacan. Ainsi, l'augmentation de 17 % en valeur du coefficient sur les tubes "pression" (de 1,895 à 2,23) de la société Descours & Cabaud en 1992 correspond exactement au taux cumulé des augmentations de prix par reprise de points auxquelles ont procédé les fournisseurs depuis l'édition du précédent tarif (7 % en septembre 1990, 5 % en octobre 1990 et 5 % en juin 1991). Il en est de même pour 1993, cependant que des évolutions très contrastées apparaissent à partir de 1994. Quant à la marge commerciale globale, elle a, compte tenu des remises importantes accordées à la clientèle, connu une baisse tendancielle continue depuis 1991. Cette même logique est suivie par le groupe Brossette pour la détermination de ses tarifs.

Le responsable de l'activité "plastiques" du groupe Pum a indiqué que la détermination des prix de revente, sur la base du prix-tarif fournisseur, tenait compte de plusieurs paramètres, notamment les niveaux de prix pratiqués par les autres fabricants et ses propres critères de gestion, comme le taux de rotation des stocks de chaque article. En outre, il résulte des tableaux communiqués par la société Pum Plastiques que, si l'indice d'évolution du tarif fournisseur progresse lors des hausses de prix effectuées par les fabricants de tubes, dans des proportions qui correspondent généralement aux taux de hausse, en revanche, l'indice d'évolution du prix d'achat moyen pondéré des tubes par la société Pum Plastiques ne reflète que très rarement une évolution parallèle des prix d'achat effectifs, qui restent dans de nombreux cas sur une tendance baissière.

Le compte-rendu de la réunion du 18 mai 1995 de la commission chargée des relations avec les producteurs au sein de la Fédération française du négoce des matériaux de construction indique : "Répercussion des hausses consécutives aux prix des matières premières (produits PVC). Le négoce rencontre des difficultés pour répercuter sur ses clients les augmentations importantes et brutales des produits. La question sera abordée avec les industriels." De plus, un rapport de la direction des canalisations à usages généraux de la société Alphacan du 9 juin 1992 mentionne : "Opposition du grand négoce à la mise en place de hausses" et une instruction du directeur commercial de cette société à ses agences régionales précise, à la suite de l'augmentation tarifaire du 4 janvier 1993 : "Montrez-vous fermes dans l'application de cette hausse, nous n'avons pas le choix (...). Vous allez sûrement avoir à faire face, dans certains cas, à un refus du négoce. N'acceptez pas cette prise de position."

Tous les négociants entendus ont indiqué suivre eux-mêmes l'évolution des cours de la résine en PVC, ainsi que l'évolution du prix des tubes qu'ils ont estimée conforme aux variations des cours de celle-ci, et déclaré qu'ils représentaient chacun une part trop faible des ventes des fabricants pour exercer une influence notable sur les conditions et les modalités choisies par ces derniers pour effectuer des hausses de prix.

II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRÉCÈDENT, LE CONSEIL,

Considérant qu'il convient, au vu des éléments recueillis dans le cadre du complément d'instruction auquel il a été procédé à la suite de la décision de sursis à statuer n° 96-D-30 du 14 mai 1996 prise par le conseil, ainsi que de l'ensemble du dossier, d'analyser les pratiques relevées à la charge des sociétés Alphacan, Wavin, Téri, Sotra Industries et Seperef, afin de déterminer si ces pratiques tombent sous le coup des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant que les sociétés Alphacan, Wavin, Téri, Sotra Industries et Seperef ont procédé à six hausses de tarifs sur la période de septembre 1990 à janvier 1993, présentant une identité de taux, une proximité des dates d'annonce et de mise en vigueur et une similitude des modalités d'application - par le choix d'une hausse des tarifs de base, et non pas une baisse des remises accordées - ainsi qu'une similitude des justifications données, les fabricants attribuant ces hausses, d'une part, à la variation du prix de la résine et, d'autre part, à la reconstitution de leurs marges ;

Considérant que la constatation d'un parallélisme de comportements ne suffit pas à elle seule à démontrer l'existence d'une entente anticoncurrentielle, ce parallélisme pouvant résulter de décisions prises par des entreprises qui s'adaptent de façon autonome au contexte du marché; qu'il est nécessaire, pour établir l'existence d'une telle entente, que des éléments autres que la constatation du seul parallélisme de comportements se joignent à ce dernier pour constituer avec lui un faisceau d'indices graves, précis et concordants ;

Considérant que les justifications des hausses de tarifs formulées par les fabricants de tubes en PVC, liées à l'évolution du prix de la résine, se révèlent partiellement inexactes ; qu'en effet, si la comparaison des prix d'achat de la résine montre que ceux-ci ont évolué globalement de manière parallèle, même si leur niveau respectif est sensiblement inégal en raison de la diversité d'approvisionnement des fabricants de tubes en PVC, toutefois, la part du coût de revient de la résine dans le coût de revient total des fabricants diffère selon les entreprises et ne saurait entraîner une similitude de hausses tarifaires ; que ces écarts de coût ne peuvent être imputés aux seules méthodes comptables utilisées ; qu'au surplus, il a été constaté que, lorsque le prix de la résine a baissé au cours du premier semestre 1991, aucune de ces entreprises n'a répercuté cette baisse dans ses tarifs ; que, toutefois, l'existence d'une entente tacite ou d'un échange d'informations anticoncurrentiel n'est pas pour autant démontrée par ce seul élément ;

Considérant que l'évolution parallèle des tarifs des sociétés Alphacan, Wavin, Téri, Sotra industries et Seperef peut s'expliquer par le mécanisme de hausse des tarifs par les fabricants, qui comporte deux étapes : une date d'annonce et une date de mise en vigueur des tarifs ; que ce mécanisme permet en effet à chacun d'eux d'être informé des annonces faites par les autres ; que les dates d'annonce des six hausses tarifaires successives n'étaient d'ailleurs pas identiques ; que, si la société Sotra Industries, qui est le troisième fabricant national, a, après une augmentation de 7 % annoncée le 27 décembre 1991, pris l'initiative d'annoncer, le 14 février 1992, une hausse tarifaire de 10 %, avant l'annonce de la société Alphacan, le 20 février 1992, celles des sociétés Wavin et Téri, le 25 février 1992 et, enfin, celle de la société Seperef, le 27 février 1992, la date d'application de cette hausse de tarif a été fixée par la société Sotra industries au 2 mars 1992, alors que celles des hausses prévues par les sociétés Alphacan, Wavin et Téri a été fixée au 1er mars 1992 ; qu'ainsi ces augmentations peuvent résulter d'une simple anticipation permise par la transparence du marché et d'un comportement d'alignement, conduisant de manière systématique, mais non prohibée, à une hausse des tarifs concurrents; qu'en outre l'information des fabricants sur les annonces de hausses tarifaires de leurs concurrents a pu être renforcée par la transparence introduite par les négociants spécialisés, dont les prix sont déterminés en grande partie à partir de ceux de leurs fournisseurs; que, de plus, la manière dont ont évolué les tarifs des fabricants ne reflète que très rarement une évolution parallèle des prix d'achat effectifs des négociants, ces prix restant orientés dans de nombreux cas à la baisse, comme le montrent les tableaux communiqués par la société Pum Plastiques, en raison des négociations permanentes entre les négociants et leurs fournisseurs, alors que les ventes globales en volume étaient elles-mêmes en forte régression (- 17,9 %) ;

Considérant que, si la présence de documents de concurrents dans les entreprises Alphacan, Wavin, Téri et Sotra Industries montre que ces dernières ont communiqué des informations sur leurs tarifs publics, aucun élément ne permet d'établir que ces informations auraient été échangées préalablement à la date d'entrée en vigueur de ces tarifs ou même à la date où a été prise la décision de les modifier ; que, du reste, l'instruction a révélé que certains fabricants disposent et diffusent des références de fabricants concurrents, pour lesquels ils interviennent comme négociants ; que, dès lors, la présence de ces tarifs peut s'expliquer par la recherche, de la part des services commerciaux de ces entreprises, d'informations relatives à la politique de prix de leurs concurrents, qu'ils peuvent obtenir du marché et notamment de leurs clients négociants, destinataires des tarifs de l'ensemble des fabricants ;

Considérant qu'il résulte d'un compte rendu de visite de la société Réhau tubes que la société Wavin a communiqué à cette dernière des éléments sur son organisation commerciale et sur les remises particulières accordées à ses clients ; que cette communication faisait suite à une demande de la société Réhau tubes qui souhaitait commercialiser des tubes coextrudés pour l'assainissement qu'elle ne fabriquait pas encore, alors qu'elle était, par ailleurs, distributeur de raccords en assainissement produits par la société Wavin ; que, si une télécopie en provenance de la société Téri, filiale de la société Wavin, mentionne que cette nouvelle collaboration permettrait d'exercer le "contrôle relatif d'un concurrent", la tentative de rapprochement n'a pas eu de suite, comme l'a indiqué la société Wavin ; qu'en l'absence d'autres indices graves, précis et concordants, la seule communication par la société Wavin à la société Réhau tubes des informations susvisées ne permet pas d'établir l'existence d'une entente tacite ou d'un échange d'informations anticoncurrentiel;

Considérant qu'il n'est, dès lors, pas démontré que les six hausses de tarifs auxquelles ont procédé les sociétés Alphacan, Wavin et Téri, Sotra Industries et Seperef sur la période de septembre 1990 à janvier 1993 ne résultent pas d'un simple parallélisme de comportements insuffisant à établir l'existence d'une entente anticoncurrentielle, fût-elle tacite, prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,

Décide :

Article unique. - Il n'est pas établi que les sociétés Alphacan, Wavin, Sotra industries et Seperef aient enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.