Livv
Décisions

Cass. com., 12 juillet 1993, n° 91-20.668

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Sony France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

Mme Geerssen

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Me Ricard.

TGI Paris, prés., du 2 oct. 1991

2 octobre 1991

LA COUR : - Attendu que, par ordonnance du 2 octobre 1991, le président du tribunal de grande instance de Paris, a autorisé des agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 à effectuer une visite et une saisie de documents au siège social de la SA Sony France, 15, rue Floréal à Paris (17e), en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles d'imposition de prix minima, prohibées par les articles 7 et 34 de l'ordonnance précitée, sur le marché des produits d'électronique grand public et de gros électroménager ;

Sur le premier moyen pris en ses trois branches : - Attendu que la SA Sony fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuses, alors selon le pourvoi que, d'une part, il résulte des propres termes de la décision attaquée, que l'arrêté du 3 juin 1991 confère à M. Babusiaux une simple délégation de signature, de sorte qu'en décidant que la demande d'enquête établie par M. Babusiaux sous le timbre de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes émanerait du ministre et autoriserait dès lors, la procédure exceptionnelle de perquisition prévue par l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le président du tribunal de grande instance de Paris, qui a confondu délégation de pouvoir et délégation de signature, a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé ; alors, d'autre part, qu'il résulte des termes mêmes de l'article 48 de l'ordonnance que le législateur a accordé une importance particulière au fait que les mesures de perquisition ne soient ordonnées que dans le cadre d'enquêtes demandées par le ministre chargé de l'Economie et que la décision attaquée ne pouvait sans violer le texte susvisé admettre qu'un tel pouvoir ait, sans aucune habilitation législative, été subdélégué de façon permanente au directeur de la concurrence ; et alors, enfin, et subsidiairement, qu'il n'appartenait pas au président du tribunal de grande instance de Paris d'interpréter l'arrêté du 3 juin 1991 conférant individuellement des pouvoirs à M. Babusiaux, voire d'en apprécier la légalité, de sorte qu'avant d'affirmer qu'un tel acte autoriserait le directeur de la concurrence à se substituer au ministre pour la mise en œuvre de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, il devait surseoir à statuer dans le cadre d'une question préjudicielle ; qu'à défaut, la décision se trouve entachée d'une violation de la loi des 16-24 août 1790 et de l'article 92 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, si les visites et saisies prévues par ce texte ne peuvent être autorisées que dans le cadre des enquêtes demandées soit par le ministre chargé de l'économie soit par le conseil de la concurrence, il n'est pas interdit au ministre de déléguer ses pouvoirs conformément aux lois et règlements; que la délégation permanente de signature du ministre d'Etat, ministre de l'Economie, des Finances et du Budget donnée par l'arrêté du 3 publié au journal officiel du 4 juin 1991, au profit de M. Christian Babusiaux, directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, pour signer tous actes, arrêtés, décisions ou conventions à l'exclusion des décrets, permet au délégataire de prendre au nom du ministre les décisions qui, dans la limite de ses attributions, relèvent de la compétence de ce ministre, sans que cette délégation implique l'abandon par le ministre de la possibilité d'exercer personnellement ses pouvoirs; que le président du tribunal n'excède pas sa compétence en vérifiant si ces conditions sont remplies ; qu'ainsi le président du tribunal n'a pas méconnu les exigences de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;

Mais sur le second moyen : - Vu l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; - Attendu que les visites et saisies prévues par ce texte ne peuvent être autorisées que dans le cadre d'enquêtes demandées par le ministre chargé de l'Economie ou le conseil de la Concurrence ; que dans ce second cas, la décision ne peut émaner que du conseil délibérant collégialement ;

Attendu que l'ordonnance se réfère à une demande du ministre chargé de l'Economie qui se borne à prescrire des interventions dans le cadre des pouvoirs définis par l'article 48 de l'ordonnance susvisée dans certaines entreprises désignées ; que cet article n'institue pas une enquête autonome mais se borne à définir un mode d'investigation qui peut être autorisé au cours de l'enquête prévue à l'article 47 ; que l'ordonnance se réfère également à un "courrier" du conseil de la Concurrence signé par M. P. Laurent son président, adressé le 20 juillet 1990 à M. le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sans préciser l'objet de ce "courrier" ; que, dès lors, le président du tribunal n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de contrôler si la demande d'autorisation des visites et saisies litigieuses avait été présentée dans le cadre d'une enquête demandée soit par le ministre chargé de l'économie soit par le conseil de la Concurrence et n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé;

Par ces motifs, casse et annule, l'ordonnance rendue le 2 octobre 1991, entre les parties, par le président du tribunal de grande instance de Paris ; Dit n'y avoir pas lieu à renvoi.