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Décisions

Conseil Conc., 26 mai 1999, n° 99-D-33

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques relevées à l'occasion de marchés de fourniture d'enrobés à la ville de Rennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport de M. d'Ayrenx, par M. Cortesse, vice-président, présidanr la séance, , MM. Piot, Rocca, membres.

Conseil Conc. n° 99-D-33

26 mai 1999

Le Conseil de la concurrence (section I),

Vu la lettre enregistrée le 9 mars 1994 sous le numéro F 663, par laquelle le ministre de l'Economie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques relevées à l'occasion de marchés publics de fourniture d'enrobés à la ville de Rennes ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu la décision n° 95-D-37 du 24 mai 1995 par laquelle le Conseil de la concurrence a sursis à statuer en vue d'un complément d'instruction ; Vu les observations présentées par les sociétés Rol Lister, Entreprise Jean Lefebvre, Viafrance, Société chimique routière, Enrobés Rennes Nord et Enrobés 35 et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Rol Lister, Entreprise Jean Lefebvre, Viafrance, Société chimique routière, Enrobés Rennes Nord, Enrobés 35, Entreprise Barthélémy et Pigeon entendus ; Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du rapporteur général ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (II) ci-après exposés,

I. - Constatations

1.1- Les produits, les entreprises et les marchés

Les enrobés sont produits dans des centrales représentant un investissement important (entre 12 et 15 millions de francs), dont la capacité de production peut aller de 80 tonnes/heure, pour une petite centrale, à 400 tonnes/heure pour une centrale autoroutière à fonctionnement continu. Les centrales peuvent être employées selon un mode autarcique (une entreprise installe sa propre centrale mobile à proximité d'un chantier routier dont elle est titulaire et se réserve la totalité de la production), un mode protégé (une centrale fixe est exploitée dans le cadre d'une société commune constituée entre entreprises de travaux publics dont les relations font l'objet d'une convention d'exploitation prévoyant un tarif préférentiel pour les associés et des prix spéciaux à l'occasion de certaines affaires) ou un mode de fourniture à des utilisateurs extérieurs (entreprises de petite taille n'ayant pas les moyens de posséder leur propre centrale, et qui se fournissent ponctuellement à l'occasion de leurs chantiers, services techniques des collectivités locales qui assurent eux-mêmes la mise en œuvre des enrobés, etc...).

La composition des enrobés variant selon le type de voirie à construire ou à entretenir, les prescriptions techniques des maîtres d'ouvrages rendent les enrobés non susbtituables entre eux. De plus, le coût du transport, représente une part importante du prix des enrobés rendus chantier. A l'époque des faits dont il s'agit, il était compris entre 40 et 50 francs la tonne hors taxe pour un parcours de 40 kilomètres. Enfin, la nature même des enrobés nécessite leur mise en œuvre rapide (d'où l'installation de centrales mobiles à proximité des chantiers autoroutiers).

Le marché pertinent des fournitures d'enrobés à la ville de Rennes est géographiquement limité et s'étend sur une zone de 50 kilomètres environ de rayon autour de Rennes. Six centrales fixes sont situées dans un rayon de 40 à 60 kilomètres :

- quatre centrales indépendantes : Sauvager SARL (44, Châteaubriant : 25 000 tonnes/an), Henri (35, La Chapelle-Saint-Aubert, Vieux-Vy-sur-Couesnon), SRTP (35, La Gravelle) et SA Keravis-Beaufils à l'Hermitage, à moins de 10 kilomètres de Rennes. Cette dernière est devenue, à compter du 20 novembre 1992, une société holding, ses activités économiques ayant été reprises par la SA ERTP Keravis, immatriculée le 16 février 1993 ;

- et deux centrales exploitées à 10 kilomètres de Rennes par deux sociétés communes : SARL Enrobés 35 (siège social et centrale fixe de 100 000 tonnes/an à Domloup, siège administratif à Chantepie, dans les locaux de la SA Colas Centre Ouest) et SARL Enrobés Rennes Nord (la SERN), créée en 1988 et entrée en fonctionnement en octobre 1990 (siège social et siège administratif à Chantepie dans les locaux de la SA Colas Centre Ouest, centrale fixe de 150 000 tonnes/an à La Mézières). Ces deux SARL ont les mêmes associés, à savoir l'Entreprise Jean Lefebvre (filiale de GTM Entrepose, du groupe Lyonnaise des eaux-Dumez), SACER (filiale à 99,4 % de la société Colas, appartenant au groupe Bouygues, devenue une société holding en 1992, année où elle a filialisé ses activités économiques ; la SA SACER Atlantique, immatriculée le 31 décembre 1992, est une de ses filiales (à 99,99 %) qui exerce dans l'Ouest de la France métropolitaine), Colas Centre Ouest (Filiale ) 99,99 % de la société Colas, du groupe Bouygues), Rol Lister (filiale à 99,99 % de la société Cochery-Bourdin & Chausse, du groupe Générale des Eaux), Screg Bretagne (associée d'Enrobés 35, elle a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 8 juillet 1986, après avoir fait apport de son fonds à la SA Screg Ouest, signataire de la convention d'exploitation de la SERN et filiale à 99,99 % de la société Screg, elle-même filiale à 99,99 % de la société Colas, du groupe Bouygues ; la société Creg Ouest, d'abord société anonyme, est devenue société en nom collectif le 31 décembre 1989, puis redevenue société anonyme le 1er janvier 1997), Viafrance (filiale de la Société générale d'entreprise (SGE), du groupe Générale des Eaux), Barthélémy (devenue filiale de la SA Pigeon TP, elle-même filiale de la SA Pigeon Entreprises) et Entreprise Pigeon (la SA Pigeon Entreprise est devenue holding et possède des participations dans une dizaine d'entreprises, parmi lesquelles Pigeon TP, Pigeon Chaux, Pigeon & Cie, etc). La SARL Enrobés Rennes Nord a un neuvième associé : la SCR, filiale à 99,10 % de la société Eiffage.

Une chaussée est réalisée en presque totalité avec des granulats : les granulats entrant dans la fabrication des enrobés doivent répondre à certaines spécificité de granulométrie, de dureté et de qualité. A ces spécificités techniques s'ajoutent les contraintes de coût : nécessité éventuelle de broyages successifs pour arriver à la granulométrie exigée pour le type d'enrobé à fabriquer, taux de fillers (ou de dureté) constant qui rend plus difficile le mélange de granulats de différentes carrières, coûts de transport élevés qui imposent que la distance qui sépare la carrière de la centrale soit la plus faible possible (les centrales d'enrobés sont parfois installées dans la carrière).

Selon l'UNICEM, la consommation de granulats serait de 7,8 tonnes/habitant pour le Grand Ouest à raison de 79 % au titre de la voirie et 21 % au titre du bâtiment (béton), soit une demande potentielle de 6 240 000 tonnes pour l'Ille-et-Vilaine. Les carrières d'Ille-et-Vilaine ont produits tous types de roche confondus (granulats, sables et granit), 7 323 000 tonnes en 1992, 7 324 000 tonnes en 1993 et 7 833 000 tonnes en 1994, soit une moyenne de 7 493 000 tonnes par an. La production de granulats concassés s'est élevée à 6 400 000 tonnes en 1992, 6 100 000 tonnes en 1993 et 6 500 000 tonnes en 1994, soit une moyenne de 6 330 000 tonnes par an, dont 79 %, soit environ 5 200 000 tonnes, étaient destinés à la viabilité (couches de forme et enrobés).

Il existe en Ille-et-Vilaine dix neuf carrières de granulats en activité, dont six exploitées par le groupe Pigeon [SA Pigeon Carrières à Louvigné-de-Bais (1), Saint-M'Hervé (2) et Martigné-Ferchaud (3) ; SA Sogetrap à Saint-Médard-sur-Ille (4) ; SA Montserrat à Saint-Malo-de-Phily (5) ; SA Pensa à Baguer-Pican (6)], sept par des exploitants indépendants [Henri TP à la Chappelle-Saint-Aubert (7) ; Carrières du Guimorin (Filiale Henry) à Vieux-Vy-sur-Couesnon (8) ; Renaudin à Janzé (9) ; Baglione TP à Saint-M'Hervé (10) et La Bouexière (11) ; Beauce à Fleurigné (12) ; Moulet à La Bouexière (13)] et six par des filiales de groupes nationaux [Redland à Fougères (14) ; Viafrance à Vignoc (15) ; Even à Saint-Guinoux (rachat par Gagneraud) (16), Gagneraud à Saint-Père-Marc-en-Poulet (17), Iffendic (18) et Saint-Broladre (19)].

La production des entreprises du groupe Pigeon a été la suivante, en milliers de tonnes, au cours des exercices 1992/1993, 1993/1994 et 1994/1995 (pour ce dernier exercice, les données sur neuf mois sont extrapolées sur douze mois) :

EMPLACEMENT TABLEAU

Afin d'atténuer les effets des variations de stocks, la comparaison des quantités vendues à la production doit être effectuée à partir de moyennes annuelles. La production totale des carrières du département, y compris les sablières, s'est élevée à 7 493 000 tonnes par an (moyenne sur les années 1992 à 1994). Le groupe Pigeon a donc extrait 4 580 000 x 100/7 493 000 = 61 % de la production totale annuelle. La production moyenne annuelle des autres carrières est de 270 000 tonnes pour Redland, 330 000 tonnes pour Viafrance (La Garenne), 180 000 tonnes pour Even (Saint-Guinoux) et 380 000 tonnes pour Gagneraud (Iifendic et Saint Broladre), soit un total de 1 160 000 tonnes pour les filiales de groupes nationaux, et 350 000 tonnes pour Henry, 450 000 tonnes pour Baglione, 380 000 tonnes pour Renaudin et 250 000 tonnes pour Beauce.

Par ailleurs, 700 000 tonnes d'enrobés sont produits chaque années en Ille-et-Vilaine par les centrales fixes implantées dans le département ou à sa périphérie (SEG, Corseul Enrobés, Rance Enrobés et Sauvager). Toutefois, 112 000 tonnes sont produites à partir de granulats provenant de l'extérieur du département : 39 000 tonnes pour Corseul Enrobés, 10 000 tonnes pour Sauvager, 43 000 tonnes pour Keravis à l'Hermitage (moitié de l'approvisionnement), 15 000 tonnes pour Keravis à La Brohinière (carrière des Côtes-d'Armor) et 5 000 tonnes pour Rance Enrobés. Ainsi, 700 000 tonnes - 112 000 tonnes = 588 000 tonnes sont produites à partir de granulats provenant d'Ille-et-Vilaine.

Une tonne d'enrobés contient 95 % de granulats. Les carrières du groupe Pigeon ont fourni en moyenne, sur la période 1992-1994, 103 000 tonnes de granulats à Enrobés 35, 113 000 tonnes à la SERN, 46 000 tonnes à la SEG, 41 000 tonnes à Keravis et 20 000 tonnes à la SCREG, soit un total de 323 000 tonnes représentant 323 000 x 100/588 000 x 0,95 = 58 % de la production départementale des granulats entrant dans la fabrication des enrobés. Les autres sources d'approvisionnement en granulats pour la fabrication d'enrobés sont les suivantes :

EMPLACEMENT TABLEAU

1.2. Les pratiques constatées

En premier lieu, les offres présentées pour le marché de fourniture pour 1990 par Enrobés 35 et Keravis-beaufils étaient identiques, comme l'étaient deux des prix des offres présentées par les sociétés Henry et SRTP. Pour le marché de fourniture pour 1991, ce sont les offres présentées par Keravis-Beaufils et la SERN qui étaient identiques, alors que celle d'Enrobés 35 était inférieure de 1 franc aux deux précédentes, poste par poste. Pour le marché de fourniture pour 1992, les prix proposés par Enrobés 35 et la SERN sont supérieurs, par rapport à l'année précédente, d'un même montant poste par poste, alors que l'offre initiale de la société Keravis-Beaufils comportait des prix identiques à ceux proposés par la SERN et qu'ils sont inférieurs, dans l'offre finalement déposée, de 5 francs pour chaque poste. Pour le marché de fourniture pour 1993, les prix d'Enrobés 35 et de la SERN conservaient le même écart de 1 franc.

En deuxième lieu, les conventions d'exploitation des entreprises SERN et Enrobés 35 comportaient des clauses relatives à l'approvisionnement exclusif des associés subordonnant l'implantation de nouvelles centrales à une décision prise par le conseil de gérance. La convention relative à la centrale Enrobés 35 a été conclue le 30 mai 1985 et modifiée par avenant du 23 juillet 1990 ; celle relative à Enrobés Rennes Nord a été conclue ce même 23 juillet 1990, soit postérieurement à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 4 juillet 1990 confirmant l'injonction faite par le Conseil de la concurrence à des entreprises locales et nationales, parmi lesquelles la société Jean Lefebvre, de " supprimer les clauses d'exclusivité d'approvisionnement et celles restreignant la liberté de créer une centrale fixe ou de prendre une participation dans une centrale fixe ou d'installer une centrale mobile ".

En troisième lieu, l'article 6 de la convention d'exploitation de la société Enrobés 35 imposait l'exclusivité d'achat des granulats aux carrières du groupe Pigeon, cet article conférait une garantie de débouchés à l'entreprise Pigeon, associée d'Enrobés 35 et holding exploitant de nombreuses carrières dans le département par l'intermédiaire de ses filiales (Pigeon Carrière, Pigeon SA, Carrières de Montserrat, Sogetrap, Pensa).

Sur la base de ces constatations, trois griefs ont été notifiés : le premier grief, relatif à une concertation et un échange d'informations, notamment sur les prix de soumission aux appels d'offres de la ville de Rennes, a été retenu à l'encontre des sociétés ERTP Keravis-Beaufils, SERN et Enrobés 35 ; le deuxième grief, qui concernait les pratiques d'exclusivité d'approvisionnement d'associés auprès de leurs centrales commune d'enrobés et de limitation de la création de nouvelles centrales d'enrobés a été notifié aux sociétés Jean Lefebvre, Sacer, Colas Centre-Ouest, Rol-Lister, SCREG-Ouest, Viafrance, Barthélémy, SCR, SERB, Enrobés 35 et Pigeon Entreprises ; le dernier grief, concernant une pratique résultant d'une convention d'exclusivité d'approvisionnement d'une centrale commune d'enrobés auprès d'une entreprise de production de granulats, a été notifié à la société Enrobés 35 et à la société Pigeon Entreprises.

II. - Sur la base des constatations qui précèdent, le Conseil,

Sur la procédure :

Considérant que les sociétés Viafrance, Entreprise Jean Lefebvre et SERN soutiennent que l'ensemble des procès-verbaux établis entre janvier et mai 1993, sur la base desquels a été établi le rapport administratif d'enquête du 9 juillet 1993, seraient irréguliers et devraient donc, conformément à la jurisprudence du Conseil de la concurrence et de la Cour d'appel de Paris, être déclarés nuls et écartés du dossier, dès lors que ces huit procès-verbaux de déclaration et de communication de documents ne comporteraient ni l'indication du lieu des constatations, ni la mention de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ni à l'exception de l'un d'entre eux, la mention de l'objet de l'enquête ni que cet objet aurait été indiqué à la personne entendue ; qu'il est également soutenu que l'examen des autres énonciations de ces actes et des éléments qui leur sont extrinsèques ne peut permettre de conclure que les personnes concernées auraient été informées de cet objet et auraient fait leurs déclarations en pleine connaissance de cause ; que les procès-verbaux établis lors de l'enquête complémentaire, entre septembre et novembre 1995 seraient également irréguliers ;

Considérant qu'il est constant que ne comportent ni le visa de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ni la mention de l'objet de l'enquête, ni même de ce que cet objet aurait été indiqué à la personne entendue, les sept procès-verbaux de déclaration et de communication de documents du 20 janvier 1993 (M. Emmanuel Keravis, président-directeur général de la SA Keravis-Beaufils), du 10 février 1993 à 15 heures (M. Alain Decourchelle, directeur d'agence de la société Colas Centre Ouest), du 27 mai 1993 (M. Decourchelle), du 24 novembre 1992 (M. Yves Kerlau, attaché de direction à la SA Sauvager), du 18 mai 1993 (MM. Claude Henry et Daniel Henry, cogérants de la SARL henry Frères), du 25 mai 1993 (M. Francis Merrien, directeur technique de la SA SRTP) et du 13 mai 1993 (M. Rémy Roux, ingénieur subdivisionnaire chef du service Geva-1 des services techniques de la ville de Rennes) ;

Considérant que le procès-verbal de déclaration et de communication de documents du 10 février 1993 à 15 heures de M. Alain Decourchelle, directeur d'agence de la société Colas Centre Ouest, comporte la mention : " Poursuivant nos vérifications sur les conditions de passation des marchés de fourniture d'enrobés à la ville de Rennes " ; mais qu'en l'absence de visa de l'ordonnance du 1er décembre 1986, cette seule mention ne permet pas d'établir que M. Alain Decourchelle aurait été informé de ce que ses déclarations pourraient lui être opposées dans le cadre de l'application de l'ordonnance précitée ; que le procès-verbal de déclaration précédent de M. Alain Decourchelle, établi quelques heures auparavant, ne comporte ni le visa de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ni l'objet de l'enquête, ni mention de ce que cet objet aurait été indiqué à M. Alain Decourchelle ;

Considérant que les déclarations et documents permettant d'établir la participation d'une personne auditionnée à une entente prohibée ne peuvent être considérés comme régulièrement recueillis que si cette personne n'a pu se méprendre ni sur la portée de ses déclarations et des communications de documents auxquelles elle procède, ni sur le fait qu'elles pouvaient ensuite être utilisées contre elle ; qu'en l'espèce, à défaut de visa de l'ordonnance du 1er décembre 1986, de la mention que les agents de contrôle ont fait connaître cet objet aux intéressés ou, à tout le moins, que celui-ci a été porté à leur connaissance, MM. Keravis, Decourchelle, Kerlau, Henry, Merrien et Roux ont pu se méprendre sur la portée de leurs déclarations ; que le respect de l'obligation de loyauté qui doit présider à la recherche des preuves ne peut se déduire simplement de la clarté et de la précision des déclarations qu'ils ont faites, dès lors qu'il n'est pas établi que celles-ci ont été faites en pleine connaissance de leur portée ; que, dans ces conditions les huit procès-verbaux, cités ci-avant, établis lors de l'enquête initiale, ont été établis de façon irrégulière et doivent être écartés de la procédure, ainsi que l'ensemble des documents communiqués à l'occasion de ces auditions ;

Considérant que les procès-verbaux d'audition du 14 septembre 1995 à 14 heures (M. Jean-Yves Fourmy, chef de centre de la SA Colas Centre Ouest), 15 septembre 1995 à 9 H 15 (M. Alain Pigeon, président du conseil d'administration de la SA Pigeon Carrières), 19 septembre 1995 (M. Alain Pigeon), 20 septembre 1995 à 10 heures (M. Jean-Pierre Allanic, chef d'agence de la SA Sacer Atlantique), 21 septembre 19995 à 9 heures (M. Claude Boyer, chef d'agence de la SNC SCREG Ouest), 16 octobre 1995 à 14 heures (M. Christophe Cade, chef de centre de la SA Entreprise Jean Lefebvre), 10 octobre 1995 à 15 heures (M. Pierre-Jean Le Calvez, directeur opérationnel ouest du groupe Copchery-Bourdin & Chausse et gérant de la SNC Rol-Lister), 24 octobre 1995 à 17 h 15 (M. Christian Benoist, conseiller municipal délégué à l'eau et à l'assainissement à la voirie et aux transports et membres de la Commission d'appels d'offres) et 7 novembre 1995 à 15 h 15 (M. Alain Decourchelle), établis au cours de l'enquête complémentaire, ne visent pas l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'au surplus, les éléments recueillis au cours de cette enquête complémentaire et figurant dans ces procès-verbaux et dans les quatre documents qui y sont annexés ne peuvent être disjoints de ceux qui ont été irrégulièrement obtenus lors de l'enquête initiale ; que, dans ces conditions, ces procès-verbaux doivent également être écartés de la procédure ainsi que l'ensemble des documents communiqués à l'occasion de ces auditions ;

Considérant en conséquence, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que les constatations régulières qui demeurent au dossier après qu'en ont été écartés les éléments recueillis dans des conditions irrégulières, ne permettent d'établir aucun des griefs qui avaient été notifiés,

Décide :

Article unique. - Il n'est pas établi que les sociétés ERTP, Keravis-Beaufils, SERN et Enrobés 35 (grief n° 1), les sociétés Entreprise Jean Lefebvre, Sacer, Colas Centre Ouest, Rol-Lister, SCREG-Ouest, Viafrance, Barthélémy, SCR, SERN, Enrobés 35 et Pigeon Entreprises (grief n° 2) ou les sociétés Enrobés 35 et Pigeon Entreprises (grief n° 3) ont enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.