CA Paris, 1re ch. H, 6 mai 1997, n° FCEC9710197X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Bouygues (SA), DTP Terrassement (SNC), Pertuy (SNC), Entreprise Deschiron (SNC), Muller Travaux Publics (SA), Campenon Bernard SGE (SNC), Sogea (SA), Spie Batignolles (SA), Valérian (SA), Guintoli (SA), Entreprise Jean Spada (SA), Quillery et Compagnie (SNC), Société d'exploitation des entreprises Gagneraud et Fils (SA), L'Entreprise industrielle (SA), Fougerolle (SA), Nord France Entreprise (SA), Bec Frères (SA), SPIE CITRA (SA), Auxiliaire d'entreprises (Sté), Yves Prigent (SA), Chantiers Modernes (SA), Entreprise Chagnaud (SA), Demathieu et Bard (SA), Quille (SNC)
Défendeur :
Fougerolle Ballot (Sté), Borie SAE (Sté), Dumez (SA), GTM-Entrepose (Sté), GTM-CI (Sté), Levaux (SA), Razel (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidents :
M. Bargue, Mme Favre
Avocat général :
M. Woirhaye
Conseillers :
Mmes Brongniard, Guirimand, M. Carre-Pierrat
Avocats :
Mes Bousquet, Lebon, Drubigny, Brunois, Maître-Devallon, Montalembert, Tchekhoff, Meyung-Marchand, Bazex, Foirien, Vatier, de La Laurencie, Coppinger, Lucas de Leyssac, Rivalland, Lapp, Montalescot, Becker, Griffiths.
Par décision n° 95-D-76 du 29 novembre 1995 relative à des pratiques d'entente relevées à l'occasion de marchés de grands travaux relatifs à des infrastructures routières ou ferroviaires, d'une part, lors des procédures de mise en concurrence pour la construction du pont de Normandie et d'autres ouvrages d'art, d'autre part, lors des procédures de mise en concurrence des lignes du TGV Nord, de son interconnexion et du TGV Rhône-Alpes, le Conseil de la concurrence (ci-après, le conseil) a infligé à 31 entreprises des sanctions pécuniaires d'un montant compris entre 5 200 F et 148 700 000 F.
Il est fait référence, pour l'exposé des éléments de la cause, à cette décision et rappelé seulement que le conseil a été saisi des pratiques qui viennent d'être rappelées par deux lettres du ministre de l'économie, des finances et du budget en date des 23 novembre 1990 et 26 juillet 1991. La première saisine concernait les procédures de mise en concurrence pour la construction du pont de Normandie et les ponts de Rochefort, de Gennevilliers et de Plougastel. La seconde saisine visait les procédures relatives à la construction de la section 44 et le lot 43-C de l'interconnexion du TGV Nord, les sections 39-21, 19-07 et 29-04 du TGV Nord, ainsi que les sections 15 et 21 du TGV Rhône-Alpes.
Vingt-quatre des entreprises sanctionnées, énumérées en tête du présent arrêt, ont introduit un recours contre cette décision dont elles poursuivent l'annulation ou la réformation en soutenant ensemble, pour partie d'entre elles, ou individuellement, un certain nombre de moyens critiquant tant la procédure suivie devant le conseil, que le fond de sa décision.
A l'appui de leur demande en annulation de la décision déférée, elles font valoir les moyens suivants :
Certaines des entreprises requérantes demandent d'abord à la cour de surseoir à statuer sur les présents recours jusqu'à ce que la Cour de cassation ait statué sur les pourvois formés par certaines sociétés à l'encontre de la décision du président du tribunal de grande instance de Nanterre rejetant leur demande tendant à la contestation de l'irrégularité des opérations de visite et de saisie effectuées en exécution de ses ordonnances des 28 novembre 1989 et 18 septembre 1990.
Elles soutiennent encore que le conseil et la cour étant, eux-mêmes, compétents pour statuer sur le contenu de l'enquête faite en exécution des ordonnances d'autorisation précitées, ainsi que sur la régularité de l'utilisation et de l'exploitation des pièces saisies lors de cette enquête, il leur appartient. en tout état de cause, de déclarer nulles, tant les opérations de visite et de saisie en raison des irrégularités et nullités formelles qui les entacheraient, que l'utilisation illicite des pièces provenant de ces opérations. Elles sollicitent en conséquence de la cour le retrait des débats de toutes les pièces provenant des saisies litigieuses.
Les entreprises mises en cause à la suite des opérations de saisie, mais n'ayant pas été parties à celles-ci, font observer que le ministre de l'économie ne démontre pas en quoi leur contestation serait irrecevable comme tardive au motif qu'elle serait soulevée pour la première fois devant la cour d'appel et soutiennent qu'elles sont d'autant plus fondées à solliciter l'annulation de la procédure, qu'elles n'avaient pas la possibilité de former un pourvoi en cassation à l'encontre de l'ordonnance rendue le 18 septembre 1990 dont elles n' avaient pas été destinataires.
Il est encore fait grief au conseil :
- d'avoir méconnu les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de l'article 14-5 du pacte relatif aux droits civils et politiques et notamment les principes du délai raisonnable, de la présomption d'innocence, de l'exigence d'impartialité, du double degré de juridiction et des obligations de tenir une audience publique et de prononcer la décision publiquement ;
- d'avoir violé le principe de la contradiction et des droits de la défense en ce que :
- il n'a permis aux entreprises l'accès, ni aux dossiers présentés par la DGCCRF à l'appui de ses demandes d'autorisation de visite et de saisie, ni à la requête aux fins de saisie dont la production est demandée à la cour ;
- la décision n'a pu faire l'objet d'un véritable délibéré compte tenu du temps très bref écoulé entre la date de l'audience et celle de la décision.
L'Entreprise Industrielle, pour ce qui la concerne, reproche au conseil d'avoir considéré valable le procès-verbal du 17 décembre 1990, alors qu'une mention pré-imprimée du procès-verbal ne peut établir qu'il a été satisfait à l'obligation pour les enquêteurs de faire connaître l'objet de leur enquête.
L'entreprise Les Chantiers Modernes fait valoir qu'il ne saurait être retenu à son encontre deux griefs qui ne lui avaient pas été notifiés.
Sur le fond, les entreprises requérantes soutiennent les moyens d'annulation ou de réformation suivants :
- le conseil n'a pas procédé à une identification précise du marché pertinent, se bornant à superposer plusieurs marchés correspondants aux appels d'offres particuliers ;
- le conseil n'a pu, sans renverser la charge de la preuve, estimer que les concertations reprochées aux entreprises étaient illicites, alors qu'elles ont été faites en vue de constituer des groupements dont la licéité ne peut être contestée et qui ont été encouragés par les maîtres d'ouvrage dont l'attitude n'a pas été prise en considération par le conseil ;
- les procédures d'appel d'offres ne sont pas adaptées à la passation de marchés tels que ceux en cause ;
- compte tenu de la spécificité des ouvrages d'art concernés, les écarts entre les estimations faites par les maîtres d'ouvrage et le montant des offres remises par les entreprises ne peuvent être considérés comme un indice de concertation entre elles.
Chacune des entreprises requérantes, se fondant sur les éléments de fait relatifs à sa situation particulière, développe individuellement les moyens qui lui sont propres pour contester l'existence ou l'illicité des pratiques qui lui sont reprochées. Certaines d'entre elles, notamment la société Bouygues, soutiennent qu'à tout le moins, les pratiques incriminées sont justifiées par les dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, compte tenu du progrès économique que représente la réalisation du Pont de Normandie.
En ce oui concerne les sanctions pécuniaires qui leur ont été infligées, les requérantes font valoir que :
- elles ont été fixées en l'absence de tout débat contradictoire sur leur montant, le conseil ne leur ayant pas fait connaître, préalablement à la séance, les éléments qu'il entendait prendre en compte ;
- en n'individualisant pas la motivation relative aux sanctions infligées, le conseil a violé les exigences de la légalité des délits et des peines ;
- le conseil ne pouvait, pour aggraver certaines sanctions, retenir la circonstance de la récidive qui n'entre pas dans les prévisions de l'article 13 de l'ordonnance ;
- les pratiques concertées n'ont eu aucune incidence réelle sur le marché et le prix des soumissions et n'ont entraîné aucun dommage à l'économie ;
- seul le chiffre d'affaires de l'activité des travaux publics des entreprises pouvait être retenu comme assiette de la sanction.
Le ministre de l'économie conclut au rejet des recours des entreprises ayant joué un rôle déterminant dans le partage des marchés et les échanges d'information mais invite la cour à examiner la situation particulière des PME dont le rôle a été moins déterminant. Il fait essentiellement valoir que :
- il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente des décisions de la Cour de cassation ;
- le conseil et la cour d'appel de Paris ne sont compétents pour connaître, ni de la validité des ordonnances délivrées par le président du tribunal de grande instance en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ni des opérations de visite et de saisie faites en exécution desdites ordonnances ;
- les entreprises non citées, à quelque titre que ce soit, dans l'ordonnance d'autorisation, ne justifient pas d'un intérêt à en contester la validité ;
- la cour d'appel est compétente pour examiner la contestation par une entreprise, d'opérations de visite et de saisie réalisées dans les locaux d'une entreprise tierce, mais le droit à contester les opérations de visite et de saisie devant être exercé dans un délai raisonnable, les contestations soulevées pour la première fois devant la cour doivent être déclarées irrecevables comme formées hors de ce délai ;
- les entreprises visitées n'ont pas elles-mêmes considéré que les documents saisis auraient été hors du champ d'application de l'autorisation donnée par le président du tribunal de grande instance ;
- la demande de communication des requêtes adressées au président du tribunal de grande instance et les pièces annexes doit être rejetée dès lors que les entreprises impliquées disposaient du droit de se pourvoir en cassation et que, soit elles n'ont pas formé de pourvoi dans le délai prévu à l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, soit leur pourvoi a été rejeté ;
- le juge compétent a autorisé la recherche de toute manifestation d'une entente présumée entre plusieurs entreprises et relative à la construction du pont de Normandie et à l'infrastructure des voies du TGV Nord et l'usage des pièces saisies n'excède pas le champ de la saisine ;
- au demeurant la jonction des procédures par le conseil n'est pas critiquable ;
- les griefs faits au conseil d'avoir méconnu les dispositions des conventions internationales ne sont pas fondés ;
- aucun des griefs tirés de la régularité du procès-verbal du 17 décembre 1989 et de l'absence de notification de certains griefs à la société Chantiers Modernes n'est fondé.
Sur le fond, estimant que le conseil a pertinemment délimité le marché, il fait valoir que :
- les groupements d'entreprises ne sont licites que dans la mesure où ils ne sont pas constitués de la quasi-totalité des entreprises susceptibles de soumissionner ;
- la preuve de l'accord des volontés propre à caractériser l'existence des ententes et des accords de répartition résulte des divers documents saisis, tant en ce qui concerne la construction des ponts, qu'en ce qui concerne celle des infrastructures TGV ;
- en revanche, les éléments rapportés par l'enquête ne permettent pas d'établir que huit entreprises de taille modeste (Chagnaud, Deschiron, Demathieu et Bard, DTP Terrassement, Gagneraud, Muller, Spada et Valerian) aient participé directement et activement à l'entente de participation généralisée ;
- les pratiques d'ententes à l'occasion de la passation des marchés particuliers relatifs à chacun des ponts et à chacune des tranches de travaux du TGV résultent elles-mêmes de façon incontestable des éléments du dossier.
En ce qui concerne les sanctions, le ministre de l'économie fait observer que :
- le conseil les a individualisées entreprise par entreprise et marché par marché ;
- leur montant n'est pas disproportionné par rapport au montant des travaux pour des ouvrages d'art dont l'importance et la qualité sont exceptionnelles ;
- le conseil a retenu, non une récidive, mais un élément aggravant au comportement de certaines entreprises ayant déjà été sanctionnées ;
- l'atteinte à l'économie est incontestable, s'agissant en particulier de fonds publics ;
- le conseil a exactement retenu le chiffre d'affaires global de chaque société comme assiette de la sanction.
Le Conseil de la concurrence, usant de la faculté de présenter des observations écrites, réfute chacun des moyens critiquant le déroulement de la procédure, tant devant lui que lors des enquêtes. Sur le fond il souligne que :
- il appartient aux entreprises invoquant l'existence d'accords de fournitures, de sous-traitance ou de constitution de groupements momentanés d'entreprises d'apporter les éléments de nature à établir la justification de ce qu'elles ont organisé une collaboration industrielle effective ;
- il s'est appuyé sur un ensemble d'indices précis, graves et concordants pour caractériser chaque grief ;
- les sanctions ont été fixées dans le respect du principe de la contradiction, et il n'a jamais été fait mention de la notion récidive.
Le ministère public, dans ses observations orales, a conclu à la recevabilité des recours, au mal fondé des moyens tant de procédure que de fond et, en conséquence, au rejet desdits recours. Subsidiairement il estime que la décision peut faire l'objet d'une réformation partielle quant au montant des sanctions infligées aux entreprises n'ayant pas eu une participation active aux ententes.
Sur ce, LA COUR :
1. - Sur la régularité de la procédure :
A. - Sur le moyen tiré des irrégularités et nullités des enquêtes :
Considérant, d'abord, que certaines des entreprises requérantes demandent à la cour de surseoir à statuer sur le présent recours, jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation sur le pourvoi formé contre la décision du président du tribunal de grande instance de Nanterre ayant rejeté, le 1er décembre 1994, leur requête tendant à la constatation de l'irrégularité des opérations de visite et de saisie effectuées en exécution de ses ordonnances rendues les 28 novembre 1989 et 18 septembre 1990 à la requête du ministre de l'économie sur le fondement de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant, ensuite, qu'elles soutiennent que :
- le conseil ne s'est pas prononcé, comme il était invité à le faire, sur la régularité, au regard de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, des procédures d'enquêtes effectuées en exécution des ordonnances précitées dans le cadre desquelles ont été saisis les documents ;
- si la Cour de cassation dispose seule du pouvoir d'annuler l'ordonnance autorisant des visites et des saisies sur le fondement de l'article 48, le conseil de la concurrence et la cour d'appel de Paris sont compétents pour apprécier la régularité tant des saisies de certaines pièces que de leur utilisation ultérieure ;
Mais considérant que, selon l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, l'ordonnance du président du tribunal de grande instance autorisant les visites et saisies, lesquelles s'effectuent sous l'autorité et le contrôle de ce magistrat, n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation et que ce pourvoi n'est pas suspensif ;
Que, dès lors, d'une part, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de cassation se soit prononcée sur le pourvoi dont elle est saisie ;
Que, d'autre part, la cour d'appel, statuant sur le recours d'une décision du Conseil de la concurrence, n'a pas compétence pour se prononcer sur la validité de l'autorisation donnée par le président du tribunal de grande instance, ni pour apprécier, tant la régularité des visites et saisies qui en sont l'exécution que l'utilisation ultérieure des pièces saisies, ni, partant, pour écarter les pièces qui auraient été irrégulièrement appréhendées; que les entreprises requérantes visées par les ordonnances critiquées ne sont donc pas recevables à demander devant la cour l'annulation de tout ou partie de la procédure subséquente aux ordonnances, en se fondant, tant sur des vices relatifs à la formule exécutoire qui affecteraient celles-ci que sur un prétendu détournement de procédure qui résulterait du non-respect, par les enquêteurs, du champ de l'autorisation à eux accordée ;
Considérant que les sociétés mises en cause à la suite des opérations de visite et de saisie, non parties à celles-ci (entreprises DTP Terrassement, Valerian et Nord France), font observer, pour ce qui les concerne, qu'elles sont fondées à soutenir l'annulation de la procédure, dès lors que, n'ayant pas été destinataires de l'ordonnance du 18 septembre 1990, elles n'avaient pas la possibilité de former un pourvoi en cassation à son encontre et, d'autre part, que le ministre ne justifie pas, dans ses observations, en quoi leur contestation devrait être considérée comme tardive lorsqu'elle est soulevée pour la première fois devant la cour ;
Mais considérant que les entreprises non visées dans les ordonnances du président du tribunal de grande instance autorisant les opérations de visite et de saisie ne sauraient disposer de plus de droits que celles concernées par ces décisions ;
B. - Sur les moyens pris de la violation des garanties fondamentales instaurées par les conventions internationales ratifiées par la France :
Considérant que la procédure suivie devant le conseil est critiquée au regard des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (la Convention) et l'article 14-5 du Pacte relatif aux droits civils et politiques, au motif qu'il aurait méconnu :
- le principe du délai raisonnable en notifiant les griefs aux entreprises cinq à six ans après les faits ;
- le principe de la présomption d'innocence en ne retenant qu'à charge les documents donnant lieu à interprétation ;
- l'exigence d'impartialité, en raison, d'une part, du cumul des fonctions d'instruction et de jugement et, d'autre part, de la présence du rapporteur général et du rapporteur au délibéré ;
- le principe du double degré de juridiction, au motif qu'il est, non une juridiction, mais une autorité administrative indépendante et qu'ainsi la cour d'appel constitue le premier degré de juridiction ;
- l'obligation de tenir une audience publique alors que, en l'espèce, l'accès de la salle était réservé aux personnes convoquées et que le public en était exclu ;
- l'obligation de rendre publiquement sa décision après en avoir délibéré ;
Considérant que les prescriptions de l'article 6 de la Convention s'appliquent aux sanctions pécuniaires prévues par l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui bien que de nature administrative, visent comme en matière pénale, par leur montant élevé (5 % du chiffre d' affaires pour une entreprise et 10 millions de francs lorsque le contrevenant n'est pas une entreprise) et la publicité qui leur est donnée, à punir les auteurs des faits contraires aux dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance précitée et à dissuader les agents économiques de se livrer à de telles pratiques ;
Que toutefois, ainsi que l'a jugé la Cour européenne des droits de l'homme,des impératifs de souplesse et d'efficacité peuvent justifier l'intervention préalable dans la procédure suivie par une autorité administrative qui, comme le Conseil de la concurrence, ne satisfait pas, sur tous leurs aspects, aux prescriptions de forme du paragraphe 1er de l'article 6 de la Convention, dès lors que les décisions prises par celle-ci subissent a posteriori, sur les points de fait, les questions de droit ainsi que sur la proportionnalité de la sanction prononcée avec la gravité de la faute commise, le contrôle effectif d'un organe judiciaire offrant toutes les garanties d'un tribunal au sens du texte susvisé ;
Que, sous cette réserve, il convient d'examiner les moyens de nullité invoqués par les entreprises requérantes tant au regard de la Convention et du Pacte relatif aux droits civils et politiques, que sur le fondement des droits et libertés constitutionnellement garantis ;
Considérant, en premier lieu, que le délai raisonnable prescrit par la Convention précitée doit s'apprécier au regard de l'ampleur et de la complexité de la procédure ;
Considérant que, certes, en l'espèce, s'est écoulé un délai, d'une part, de cinq années entre la date des faits remontant aux années 1988 et 1989 et celle de la notification des griefs au mois de juin 1994, d'autre part, d'un an et demi entre cette dernière date et la date de la notification de la décision au mois de février 1996 ;
Mais considérant que les pratiques incriminées concernaient une partie importante de l'activité de génie civil pour des ouvrages d'art tels que le pont de Normandie, dont le caractère exceptionnel est souligné par la société Bouygues elle-même, et ceux réalisés pour le TGV Nord, son interconnexion et le TGV Rhône-Alpes; que cinquante-trois entreprises de travaux publics ont finalement été retenues dans la notification de griefs ; que compte tenu de l'ampleur et de la complexité de l'enquête, le délai écoulé doit être considéré comme répondant aux exigences de la Convention précitée;
Considérant, en deuxième lieu, que la présence au délibéré du Conseil de la concurrence sans voix délibérative, du rapporteur général et du rapporteur, prévue par l'article 24, alinéa 4, de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ne saurait entacher de nullité la décision fondée sur les seuls éléments du rapport discuté contradictoirement, alors qu'est ouvert à l'encontre de cette décision un recours de pleine juridiction devant la cour de ce siège, soumise aux protections édictées par la Convention précitée, spécialement en ce qui concerne les principes de l'égalité des armes et de la participation à son délibéré des seuls magistrats du siège la composant;
Considérant, en troisième lieu, qu'est tout aussi inopérant le grief tiré du caractère non public, tant des séances du conseil que du prononcé de sa décision, caractère qui résulte des dispositions de l'article 25 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et de l'article 22-2 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, prévoyant la notification de la décision, dès lors qu'est ouvert un recours de pleine juridiction devant un tribunal soumis, notamment quant à la publicité des débats, aux protections édictées par la Convention ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne saurait être soutenu que le rapporteur n'a instruit qu'à charge et qu'il aurait été porté atteinte à la présomption d'innocence, dès lors, en droit, d'une part, qu'à compter de la notification des griefs, l'entreprise acquiert la qualité de partie et peut faire valoir ses moyens de défense sur les griefs retenus à son encontreet, d'autre part, que les fonctions d'enquête et d'instruction confiées aux seuls rapporteurs sont séparées de celles de jugement relevant du conseil; qu'en l'espèce, la circonstance que le rapporteur a retiré certains des griefs originairement retenus, notamment ceux relatifs à la section 15 du TGV Rhône-Alpes et que, pour sa part, le conseil a mis hors de cause un certain nombre d'entreprises notamment pour ce qui concerne les marchés des sections 39-21, 19-07 et 29-04 du TGV Nord, prive, en réalité, de pertinence les critiques formulées par les requérantes ;
Considérant, en cinquième lieu, quel'appréciation, tant par une autorité administrative indépendante, que par une juridiction, de la valeur des preuves qui lui sont soumises, relève de son pouvoir souverain, sous réserve de l'exercice des voies de recours ouvertes contre sa décision; que le grief fait au Conseil d'avoir dénaturé des documents et déclarations est dépourvu de portée dès lors que les requérantes soutiennent en même temps qu'ils sont sujets à interprétation et qu'en tout état de cause, la cour est en mesure de réexaminer l'ensemble desdits éléments de preuve ;
Considérant, en sixième lieu, que si l'application des principes relatifs à la protection des libertés fondamentales est garantie par la cour d'appel, alors même qu'elle aurait pu ne pas l'être devant le conseil, il ne peut, pour autant, être soutenu que, au motif que le conseil est une autorité administrative indépendante et non une juridiction, la cour d'appel ne pourrait être considérée comme un second degré de juridiction; qu'en effet, la cour, investie d'un pouvoir de réformation, examine à nouveau, ainsi qu'il vient d'être dit, l'ensemble des faits instruits par le rapporteur et jugés dans une décision dont elle contrôle la motivation ; qu'usant de ce pouvoir de réformation, la cour peut requalifier lesdits faits et en faire une nouvelle appréciation, tant en ce qui concerne la culpabilité, que la proportionnalité de la condamnation ;
Que le grief pris de la violation du principe du double degré de juridiction tel qu'il résulte de l'article 14-5 du Pacte international relatif au droits civils et politiques, selon lequel toute personne déclarée coupable d'une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et de la condamnation, n'est, en conséquence, pas fondé ;
Considérant, enfin, qu'il n'est, sur l'ensemble de ces points, rapporté aucune preuve de manœuvres ou de procédés déloyaux, contraires à l'équité du procès, auxquels se seraient prêtés les enquêteurs ou le rapporteur du conseil, dans le dessein de faire échec à ces garanties procédurales essentielles ;
C. - Sur les moyens pris de la violation du principe de la contradiction et des droits de la défense :
Considérant qu'il est d'abord reproché au Conseil de la concurrence d'avoir méconnu le principe de la contradiction en ne donnant pas accès aux entreprises mises en cause, tant aux deux dossiers présentés par la DGCCRF à l'appui de ses demandes d'autorisation de visite et de saisie qu'aux requêtes aux fins de saisie, adressées au président du tribunal ;
Mais considérant, d'une part, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration de justifier des motifs pour lesquels elle a décidé de procéder à une enquête en application des dispositions de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et que les documents internes à l'administration n'avaient donc pas à être annexés aux saisines du conseil par le ministre de l'économie, ni à être communiqués aux entreprises par le conseil;
Que, d'une part, la contestation relative à l'accès à la requête aux fins de visite et de saisie, présentée au président du tribunal de grande instance, ainsi qu'à la totalité des pièces produites à l'appui de cette requête, en ce qu'elle touche à la régularité de l'autorisation et de l'enquête qui en est la suite, relève du contentieux réservé, par l'article précité, au président du tribunal de grande instance ;
Que, le moyen n'étant pas fondé, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de communication formée par les entreprises Bouygues et DTP Terrassement;
Considérant, ensuite, que les entreprises requérantes prétendent qu'il est exclu que la décision, comportant 133 pages, ait pu faire l'objet d'un véritable délibéré et d'une rédaction le 29 novembre 1995, alors que les séances du conseil se sont déroulées les 28 et 29 novembre 1995 ;
Mais considérant que la mention finale de la décision indique que le délibéré a eu lieu à l'occasion de cette séance, sans qu'il puisse être déduit de la formule employée qu'il a commencé avant la clôture des débats; qu'en conséquence le moyen ne peut qu'être rejeté ;
D. - Sur le moyen pris de l'irrégularité du procès-verbal du 17 décembre 1989 :
Considérant que l'Entreprise Industrielle reproche au conseil d'avoir estimé que le procès-verbal d'audition de M. Petitcolas en date du 17 décembre 1990 était valable au motif que les procès-verbaux font foi jusqu'à preuve du contraire, qu'ils ont été signés par les enquêteurs et par les personnes entendues, lesquelles n'ont exprimé aucune réserve, et qu'ils comportent la mention que l'objet de l'enquête leur a été indiqué, alors, d'une part, que les enquêteurs sont tenus de faire connaître clairement et précisément l'objet de leur enquête et qu'une mention préimprimée ne peut suffire par elle-même à prouver qu'il a été satisfait à cette formalité et alors, d'autre part, que son accomplissement ne résulte pas de l'analyse intrinsèque du procès-verbal critiqué ;
Mais considérant que le procès-verbal contesté (page 1076 du tome IV du rapport) qui fait expressément référence à l'ordonnance du 1er décembre 1986, porte la mention: " Nous avons justifié de notre qualité et indiqué à M. Petitcolas l'objet de notre enquête " ;
Qu'il résulte donc de cette mention que les agents de contrôle ont donné connaissance de l'objet de leur enquête à l'intéressé, dont le nom a été manuscrit, qui n'a pu se méprendre sur son objet et a signé le procès-verbal; que celui-ci fait foi jusqu'à preuve contraire, le fait que la mention critiquée soit pré-imprimée n'étant pas suffisant à constituer cette preuve ;
Que le contenu du procès-verbal établit en revanche que M. Petitcolas s'est bien expliqué, au vu des scellés qui lui ont été présentés par les enquêteurs et dont il précise chaque numéro de référence et la provenance, sur l'objet de cette enquête, savoir les marchés des TGV Nord, de son interconnexion et de la section 21 du TGV Rhône-Alpes ;
E. - Sur le moyen pris de l'absence de notification de certains griefs à la société Chantiers Modernes :
Considérant que la société Chantiers Modernes reproche au conseil de ne pas avoir écarté, ainsi qu'elle lui avait demandé dans ses écritures, les deux griefs relatifs au marché du pont de Normandie formulés à son encontre alors qu'ils ne lui avaient pas été notifiés dans la mesure où le nom de l'entreprise n'apparaît ni dans les conclusions de ladite notification, ni dans la notification de griefs complémentaire du 22 novembre 1994 ;
Mais considérant que la conclusion de la notification de griefs (page 173) indique que " les faits révélés par l'instruction établissent la mise en œuvre, par les entreprises énumérées au tableau 2 ci-après, des pratiques résumées au tableau 1 suivant. Sous réserve de l'application de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ces pratiques sont en effet prohibées par l'article 7 de ladite ordonnance et doivent donc être retenus à grief " ;
Que, dans le tableau numéroté 1, intitulé " liste des griefs retenus ", la société Chantiers Modernes est visée au grief n° 9 " Entente pont de Normandie (art. 85 du traité de Rome) " et au grief n° 10 " Entente pont de Normandie (art. 7 de l'ordonnance) " ;
Que, dans le tableau n° 2 " griefs retenus par entreprises ", la société Chantiers Modernes, dont le nom figure dans la colonne des entreprises concernées, est retenue pour les mêmes griefs nos 9 et 10 concernant le marché du pont de Normandie ;
Qu'enfin la société Chantiers Modernes est à nouveau expressément visée pour les mêmes griefs concernant le marché du pont de Normandie tant dans le tableau n° 1 " liste des griefs finalement retenus " (page 274), que dans le tableau n° 2 " griefs finalement retenus par entreprises " (page 278), figurant en conclusion du rapport ;
Qu'aucun des moyens critiquant la régularité de la procédure n'étant fondé, il y a lieu de les rejeter ;
II. - Sur le fond :
A. - Sur la définition du marché pertinent et la jonction de procédures faisant suite à une utilisation prétendue irrégulière de documents saisis relatifs à d'autres marchés que ceux pour lesquels l'autorisation a été donnée :
Considérant, d'abord, qu'un certain nombre d'entreprises et, notamment, les sociétés Nord France, Campenon Bernard, Sogea et Bec Frères, soutenant qu'il ne peut être défini de marché du bâtiment et des travaux publics, ni même des ouvrages d'art, font observer qu'en l'espèce, l'identification précise du marché pertinent par le conseil, fait défaut, en ce que :
- sa décision retient, en définitive, que les pratiques relatives aux appels d'offres particuliers doivent, chacune, être considérées comme affectant le marché constituant cet appel d'offres ;
- pour les autres pratiques, cette décision indique qu'elles peuvent également relever des prohibitions des articles 7 et 85-1 lorsqu'elles tendent à répartir les marchés ;
- ainsi il n'est plus question d'un ou plusieurs marchés globaux, mais de la succession de plusieurs marchés particuliers et le conseil ne définit donc pas " un " marché économique de référence, tel qu'exigé par l'article 7-l, mais seulement une superposition de marchés correspondants aux appels d'offres particuliers ;
Que selon l'entreprise Guintoli, le conseil n'a pu valablement définir le marché pertinent, tantôt comme l'ensemble indéfini constitué par tous les marchés du secteur du bâtiment et des travaux publics, tantôt comme l'ensemble des marchés de construction des ponts et des lignes de TGV, tantôt comme l'ensemble des marchés à venir de construction des lignes de TGV, distingués des marchés de construction des ponts, tantôt, enfin, comme chaque marché particulier passé pour la construction des lignes de TGV ;
Que l'entreprise Muller fait valoir, pour sa part, que le conseil a méconnu la définition du marché pertinent, au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, en incluant dans une même notification de griefs des marchés totalement différents dans la mesure où ils ne mettent pas en œuvre les mêmes techniques, matériels et qualifications et qu'il lui a gravement préjudicié en l'entraînant dans un secteur d'activités auquel elle n'a jamais concouru ;
Mais considérant que le conseil a été saisi de deux types de pratiques à l'encontre des entreprises ayant fait l'objet de la décision critiquée ;
Que les unes sont relatives à des présomptions d'accords généraux de réparation, intervenus antérieurement au lancement des appels d'offres, sur le marché de la construction des ponts et sur celui des travaux d'infrastructures des lignes de TGV, où se confrontent la demande potentielle des maîtres d'ouvrages et l'offre potentielle des entreprises spécialisées dans les travaux en cause ;
Que les autres sont relatives à des présomptions d'accords intervenus entre les entreprises susceptibles de répondre aux différents appels d'offres après lancement de ceux-ci ; que chaque marché public passé selon la procédure de l'appel d'offres, constitue un marché de référence, résultant de la confrontation concrète, à l'occasion de l'appel d'offres, d'une demande du maître d'ouvrage et de l'offre faite par les candidats qui répondent à l'appel;
Qu'en conséquence et alors que les critiques formulées par les entreprises requérantes à l'encontre de la définition du marché par le conseil sont dépourvues de portée pratique sur l'éventuel effet anticoncurrentiel des pratiques en cause, la décision attaquée qui retient que les accords généraux concernant les appels d'offres prévisibles pour la construction des ponts, d'une part, d'infrastructures de lignes TGV, d'autre part, ainsi que les conventions bilatérales concernant la totalité de l'activité de deux entreprises, sont susceptibles de relever des prohibitions des articles 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 85-1 du traité de Rome, a procédé à une exacte analyse des marchés pertinents et n'encourt pas les griefs allégués ;
Considérant, ensuite, que certaines des entreprises requérantes soutiennent que l'administration a commis un détournement de procédure en exploitant les documents saisis en vertu de l'ordonnance initiale du 28 novembre 1989 qui a autorisé des saisies relativement au seul pont de Normandie, pour :
- ouvrir une enquête relative à d'autres ouvrages d'art ;
- ouvrir une enquête relative au TGV Nord et son interconnexion alors qu'elle ne disposait de présomptions ou d'indices que relativement à l'interconnexion section 44, à la suite de la plainte de Condotte d'Acqua ;
- solliciter ensuite une autorisation de visite et de saisie relative au TGV Nord et à son interconnexion sans indiquer l'origine des pièces, autres que celles relatives à la section 44 de l'interconnexion ;
- saisir, enfin, des pièces relatives au TGV Rhône-Alpes ;
Que ces entreprises prétendent que, dès lors, seules les saisines du conseil relatives au pont de Normandie et à la section 44 de l'interconnexion du TGV Nord étant régulières, la cour ne peut qu'écarter des débats l'ensemble des pièces ayant un autre objet que ces deux marchés et prononcer en conséquence l'annulation de la décision en ce qu'elle porte sur les griefs relatifs à un accord général sur les ponts, aux ponts de Plougastel, Gennevilliers et Rochefort, ainsi qu'à un accord général sur les TGV, sur le lot 43 C de l'interconnexion du TGV Nord et sur la section 21 du TGV Rhône-Alpes ;
Qu'elles font valoir que la jonction en une seule instruction aboutissant à une décision unique, de deux saisines distinctes est, dès lors, illicite dans la mesure où elle aboutit à la mise en cause de l'ensemble d'un secteur professionnel alors qu'il s'agit de comportements individuels d'entreprises, à l'occasion de marchés de travaux publics indépendants les uns des autres ;
Mais considérant, d'abord, en droit, que ni l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui prohibe les pratiques anticoncurrentielles sur un marché, ni l'article 48, qui définit les pouvoirs nécessaires à l'application de l'ordonnance, n'imposent à l'autorité prescrivant une enquête de délimiter préalablement le marché sur lequel les investigations pourront porter, la qualification du marché relevant des pouvoirs du conseil et, en cas de recours, de la cour ; qu'ainsi qu'il l'a été dit ci-avant, tel a été le cas en l'espèce, le conseil ayant défini les marchés concernés ;
Considérant, ensuite, en l'espèce, que le juge compétent a autorisé la recherche de la manifestation d'une entente présumée entre plusieurs entreprises, en délivrant les 28 novembre 1989 et 18 septembre 1990, deux ordonnances visant, tant le marché des ponts, que celui de travaux d'infrastructure du TGV ; que tous les documents saisis, sur le fondement desquels des griefs ont été notifiés, concernent des pratiques d'entreprises à l'occasion de la passation de ces marchés ;
Que le conseil a pu, sans encourir le grief du moyen, utiliser des mentions figurant sur certains documents saisis en vertu de la première ordonnance susceptibles de constituer des indices de pratiques utilisées à l'occasion de la passation des marchés concernant les infrastructures du TGV, en raison du fait que la seconde ordonnance du même juge, autorisait la saisie de documents relatifs aux mêmes entreprises ;
Que la circonstance que ces documents concernent à la fois les travaux relatifs aux ponts et aux infrastructures des TGV est de nature à établir la connexité des deux enquêtes et à justifier la jonction des deux procédures ;
B. - Sur les groupements d'entreprises et les accords généraux relatifs à la construction des ponts et des infrastructures des lignes de TGV :
Considérant, en premier lieu, qu'il appartient au Conseil de la concurrence de déterminer précisément les entreprises auxquelles peuvent être imputées des pratiques anticoncurrentielles constatées sur un marché;
Considérant, en l'espèce, que pour sanctionner la SAE d'avoir participé aux ententes générales sur les ponts et les travaux du TGV, ainsi que sur le marché du pont de Normandie, le conseil s'est fondé sur un certain nombre de documents faisant apparaître le nom de cette entreprise ;
Qu'en se déterminant ainsi sans indiquer en quoi les indices retenus permettaient d'imputer les pratiques incriminées à la SAE holding et non à d'autres sociétés du groupe, alors que celle-ci avait fait valoir dans ses conclusions l'existence d'une confusion généralisée dans l'utilisation du sigle " SAE " qui désigne aussi bien la SAE (holding), dont c'est la dénomination sociale, que le groupe lui-même et mêmes certaines de ses filiales spécialisées, le conseil n'a pas donné de motivation à sa décision, laquelle doit, en conséquence, être annulée ;
Considérant qu'il appartient à la cour d'évoquer et d'examiner en conséquence, la question de l'implication de la société SAE holding dans les pratiques en cause ;
Considérant, certes, qu'il résulte du compte-rendu de la " réunion travaux publics " du 27 janvier 1989 que si " le principe d'indépendance totale entre Quillery et Borie " était affirmé " pour les affaires de tous les jours ", M. Jammes, président-directeur général de la SAE, indiquait bien la détermination de sa société et la sienne propre à appuyer la coordination des affaires " au niveau national " ;
Considérant cependant que la preuve de la participation de la SAE holding aux concertations et échanges d'informations relatifs aux accords généraux sur les ponts et les travaux d'infrastructures du TGV, ne saurait résulter de ce document non corroboré par les autres pièces de l'enquête ;
Qu'en effet les notes manuscrites de M. Dehan (société Dumez-TP) à la date du 11 mai 1988, ne font nullement apparaître le nom de la SAE pour ce qui concerne les accords sur les ponts, la mention du nom de la société Quillery ne permettant pas d'étendre à sa société holding, l'indice la concernant ;
Qu'en ce qui concerne les marchés de travaux de TGV, la mention du nom de " SAE ", société holding, sur les documents figurant aux pages 749 et 753 du rapport, relève d'une confusion manifeste avec la société Borie-SAE, société de travaux publics appartenant au groupe SAE et figurant sur les notes manuscrites de M. Gautherie (rapport, T IV, page 1150) ; que d'ailleurs M. Bec dont est relevée la présence à une réunion appartient, non à la société SAE, mais à la société Borie-SAE ; que la participation de la société SAE à l'accord général sur le marché des travaux du TGV, n'est donc pas établie ;
Considérant que l'intervention de la SAE Holding pour garantir l'engagement de sa filiale Quillery qui se ralliait au groupement constitué par la société Bouygues et lui permettre d'accéder au marché du pont de Normandie excédant sa surface financière ne saurait suffire, au seul motif qu'une entente illicite serait établie à l'encontre de ladite filiale, à créer une présomption de participation de la société holding ;
Considérant, en conséquence, que sa participation personnelle à une entente ne résultant d'aucun des documents de l'enquête, il y a lieu de mettre la société SAE hors de cause tant en ce qui concerne les accords généraux sur les marchés des ponts et des travaux d'infrastructures des TGV qu'en ce qui concerne le marché du pont de Normandie ;
Considérant, en second lieu, que certaines entreprises requérantes, qui ne contestent pas avoir procédé, entre elles, à des échanges d'informations, font grief à la décision attaquée d'avoir retenu à leur encontre des ententes illicites alors, selon elles :
- que face à l'importance des appels d'offres et des ouvrages concernés, à la spécificité de ce domaine d'activité, à leur situation propre et souvent à la volonté même du maître d'ouvrage, elles se sont trouvées dans la nécessité de se regrouper pour répondre à un appel d'offres ;
- que, la licéité de ces groupements étant incontestable, il est ni anormal ni illicite qu'elles soient au courant et informées à l'avance de grands projets de réalisation d'ouvrages d'art :
- qu'en maintenant ce grief à leur encontre au motif qu'elles ne rapportent pas la preuve de ce que leurs échanges d'informations et la recherche de partenaires économiques, qui, au demeurant, n'ont pas tous nécessairement abouti, ne concernaient pas une entente anti-concurrentielle, le conseil a renversé la charge de la preuve et violé la présomption d'innocence ;
- que l'inadaptation des procédures d'appel d'offres pour des marchés de construction importants et complexes, tant techniquement que financièrement comme en l'espèce, est reconnue même par les autorités chargées d'appliquer le droit de la concurrence ;
- que le conseil n'a pas tenu compte de l'attitude des maîtres de l'ouvrage, notamment pour ce qui concerne le pont de Normandie, intervenant quant au nombre et à la constitution des groupements, incitant ou couvrant les comportements ensuite reprochés aux entreprises ;
- que la notion de prix de marché doit être totalement distinguée de celles des estimations faites car les maîtres d'ouvrage qui ne sont ni significatives ni pertinentes dans la mesure où elles ne peuvent refléter un tel prix en raison de l'insuffisance des études techniques ou économiques faites par ces maîtres d'ouvrage et de l'absence, par ailleurs, de références utilisables s'agissant, en l'espèce, de la construction d'ouvrages d'art importants, complexes et spécifiques ;
- qu'en conséquence les écarts entre ces estimations et le montant des offres remises par les entreprises ne peuvent être considérés comme un indice de concertation entre elles, ni comme un élément de nature à établir le prétendu caractère excessif des prix et, par conséquent, le dommage à l'économie ;
Mais considérant qu'en matière de travaux publics les entreprises, qui participent habituellement à des marchés sur appel d'offres, procèdent de façon informelle lorsqu'elles cherchent à coordonner leurs offres et à échanger des informations sur les prix envisagés; que la preuve ne peut résulter que d'indices variés dans la mesure où, après recoupement, ils constituent un ensemble de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes ;
Qu'il convient de rechercher si des accords généraux ont été illicitement conclus en vue de la répartition, d'abord, des marchés des ponts, puis, de ceux des travaux d'infrastructures des lignes de TGV ;
B.1. Accords généraux sur les ponts :
Considérant, en l'espèce, que, en ce qui concerne la construction des ponts, il résulte des notes des 11 et 17 mai 1988 de M. Dehan que la société Dumez, dont il était directeur général adjoint, était convenue, alors que les dates limites de dépôt des offres étaient toutes postérieures, de se répartir les marchés des ponts de Normandie, de Rochefort et de Gennevilliers, avec les entreprises Bouygues et Quillery et que des discussions étaient en cours avec les entreprises GTM-BTP et Spie Batignolles ;
Que sont encore révélées, par les notes saisies aux sièges des sociétés Ballot et Quille, la " formation d'un club de spécialistes de bureaux d'études et aussi d'entreprises qui prennent les affaires en main en amont des appels d'offres ", ainsi que " la mise en œuvre, au sein de Bouygues TP, d'une stratégie globale sur l'ensemble du territoire qui privilégie les études en commun avec les autres " majors " du BTP en France au détriment de la compétition plus classique dite " sauvage " ;
Qu'une note de la société Dumez (rapport, T. IV, pages 810 et 811) indique que " B. (Bouygues) doit se refaire du pont de l'Ile-de-Ré et prétend à un surbénéfice " ;
Que cette stratégie d'entente est confirmée par d'autres documents des 7 juillet et 10 octobre 1989, émanant du directeur général de la société Bouygues et du président de la société Penny, qui en est la filiale, aux termes desquels il apparaît que " les négociations avec la profession sur les grands ouvrages ", conduites par Bouygues au nom du groupe, se faisaient avec l'accord des DG des filiales ", l'objectif du groupe Bouygues étant " de mettre en avant la pluralité des sociétés et filiales "... " pour augmenter (leurs) participations et (leurs) prétentions aux parts du marché correspondantes " ;
Que le rapprochement de la note du 7 juillet 1989, rédigée par le directeur général de Bouygues, intitulée " Relations filiales - Bouygues TP ", et du document daté du 14 février 1989, saisi dans les locaux de l'entreprise Quille et rédigé par le directeur général de la société Pertuy, établit, tant la volonté du groupe Bouygues de maîtriser avec l'aide de ses filiales, et notamment Quille et Pertuy, le niveau de concurrence dans le secteur de la construction des ponts, que celle des entreprises de groupes concurrents de réaliser des études en commun ;
Qu'en conséquenceles sociétés appartenant aux groupes Bouygues SAE, Schneider et Lyonnaise des Eaux-Dumez, autonomes, ont choisi de présenter des offres distinctes et apparemment concurrentes, éventuellement dans des groupements différents, et ont procédé à des concertations et échanges d'informations, qui, en figeant les positions respectives de chaque membre de l'entente et en impliquant une organisation chronologique de contreparties à l'occasion de chacun des marchés concernés, ont pu avoir pour effet et ont eu, en toute hypothèse, pour objet de fausser le jeu de la concurrence, peu important, dès lors, que certains marchés aient été emportés par des entreprises extérieures à l'accord ;
Que le conseil, qui, pour clarifier l'exposé des motifs venant au soutien de sa décision, a pu, sans encourir un quelconque grief de défaut de motivation, faire renvoi à l'aide de numéros identifiant chaque pièce ou pratique, à l'analyse complète et circonstanciée des documents faite en première partie de ladite décision; qu'il a ainsi, caractérisant l'accord de volontés entre les entreprises Bouygues, Pertuy, Quillery et Quille, requérantes, et Ballot, Borie-SAE, Dumez-TP qui n'ont pas exercé de recours, imputé à bon droit, à celles-ci, la mise en œuvre d'une entente illicite au regard des dispositions des articles 7 de l'ordonnance de 1986 ; que la cour a mis hors de cause la société SAE retenue par le conseil ;
B.2. Accord généraux sur les travaux d'infrastructures des lignes de TGV :
Considérant que, s'agissant des accords relatifs à la construction des infrastructures des lignes de TGV, il convient de relever que le principe des travaux ayant été adopté par un comité interministériel du 9 octobre 1987, des concertations et échanges d'informations entre des entreprises ont eu lieu dès le mois de mai 1988 alors que la consultation n'a été engagée par la SNCF qu'au cours des années 1989 et 1990 ;
Considérant qu'il résulte, en effet, notamment, de notes internes, d'un compte rendu de direction et d'un " tableau d'espérance d'activité en 1989, 1990, 1991 ", échelonnés de mai à septembre 1988, émanant des sociétés Dumez-TP, Campenon-Bernard (M. Petitcolas), Razel et GTM-BTP, que des concertations et échanges d'informations ont été organisés par les dirigeants des sept entreprises pilotes, Dumez, GTM, Bouygues, Spie Batignolles, Sogea, Campenon-Bernard et Fougerolle sur la totalité des lignes de TGV envisagées ;
Que ces documents établissent que ces concertations ont eu pour objet de constituer quatre groupes d'entreprises, devant soumissionner concurremment, " réunies dans un GIE occulte " comprenant, le premier, les société Dumez-TP, Razel, Campenon-Bernard, Demathieu et Bard, Spada, l'Entreprise Industrielle, SATP et RCFC, le deuxième, les sociétés Spie-Batignolles, SAE-Borie, Nord France Entreprise, Chantiers Modernes, Ballot et Valerian, le troisième, les sociétés Bouygues, Fougerolle, Levaux, Oagneraud, Chagnaud, Norpac, Muller, DTP Terrassement et Pertuy, le dernier, les sociétés GTM-BTP, Sogea, Genest, Guintoli et SGTN ;
Que la participation à ces groupements résulte, pour les entreprises Demathieu et Bard, Gagneraud et l'Entreprise Industrielle, du rapprochement des notes manuscrites de M. Petitcolas (Campenon Bernard) du 29 juillet 1989 et de M. Schoonheere (Razel) et, pour les entreprises BEC, DTP Terrassement et Deschiron, du rapprochement des mêmes notes de M. Petitcolas et de notes (8 novembre 1989 et 15 septembre 1990) saisies dans les locaux de l'entreprise BEC, ainsi que d'un cahier de notes manuscrites (23 mai 1989) saisi dans les locaux de l'entreprise Guintoli ;
Que la participation aux accords généraux sur les marchés de travaux de TGV des entreprises Chagnaud et Muller ressort, pour la première, des notes, déjà citées, de M. Petitcolas, ainsi que d'une note de M. Gautherie (rapport T. IV, page 1148) faisant état des configurations de groupements et, pour la seconde, d'une note de M. Gautherie (rapport, T. IV, page 1150) et du cahier de notes de M. Razel (rapport T. IV, page 1187) ;
Que des échanges d'informations, qui se sont poursuivis entre des entreprises, intégrant, le cas échéant, ultérieurement des groupements différents supposés concurrents (note du 10 mai 1988 de la société Razel, cote B. 3898), ont, en outre, conduit à fixer des parts entre les entreprises, au sein des groupes préconstitués, en fonction, soit de leur spécialisation (telles que les sociétés Dumez et Campenon Bernard), soit de leur implantation géographique (telles que les sociétés Bec Frères, DTP Terrassement, Chantiers Modernes et Spie Batignolles) ;
Que l'ensemble de ces concertations a eu lieu en 1988 et 1989 alors qu'à l'exception d'un seul marché passé en 1989, tous les marchés de construction des infrastructures du TGV ont eu lieu en 1990 ;
Considérant que les sociétés Spada et Valerian soutiennent plus spécialement que le conseil n'a pas répondu à leurs conclusions faisant valoir que les éléments qui leur étaient opposés ne faisaient que traduire l'existence ou la recherche d'une collaboration industrielle effective entre elles-mêmes, spécialisées dans le terrassement, et une entreprise générale ;
Mais considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la décision attaquée est suffisamment motivée dès lors que le conseil, après avoir examiné dans le détail chacune des pratiques litigieuses, au regard des documents saisis, en l'espèce les notes manuscrites de M. Schoonheere (entreprise Razel) et de M. Petitcolas (entreprise Campenon Bernard), des auditions recueillies et des observations faites par les parties et procédé à la discussion des éléments de preuve contestés, en a tiré les conséquences quant à l'existence et à la qualification de faits sanctionnables et de leur imputation aux deux entreprises en cause ;
Considérant, en conséquence, que le conseil qui a retenu que les entreprises appartenant aux groupes Bouygues, Schneider, Lyonnaise des Eaux-Dumez, Générale des Eaux, Dumez-TP et Razel, autonomes et apparemment concurrentes, éventuellement dans les groupements différents, ont procédé à des concertations et échanges d'informations pour se répartir les futurs marchés relatifs à la construction des infrastructures de TGV, caractérisant l'accord des volontés entre les entreprises Bec Frères, Bouygues, Campenon-Bernard, Chagnaud, Chantiers Modernes, Demathieu et Bard, Deschiron, DTP Terrassement, Entreprise Industrielle, Fougerolle, Gagneraud, Guintoli, Muller TP, Nord-France Entreprise, Quillery, Sogea, Spada, Spie-Batignolles, Valerian (requérantes) ainsi que Ballot, Beugnet, Borie-SAE, Dumez-TP, Genest, Levaux, Razel, RCFC, SATP, SGTN (n'ayant pas exercé de recours), leur a exactement imputé la mise en œuvre d'une entente de répartition, prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que la cour a mis hors de cause la société SAE retenue par le conseil ;
Considérant, certes, que les groupements momentanés d'entreprises destinés à mettre en commun certains de leurs moyens, peuvent être rendus nécessaires par la nature et l'importance de grands ouvrages d'art et que, autorisés par le Code des marchés, ils ne sauraient, en eux-mêmes, être incriminés au titre des articles 7 de l'ordonnance du la décembre 1986 ;
Mais considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être rappelé pour la répartition, tant des travaux de ligne du TGV, que de ceux des ponts, que la transparence des prix et l'équilibre des relations contractuelles, qui doivent résulter de la comparaison par le maître d'ouvrage des prix proposés par chacune des entreprises consultées à la condition d'être fixés de manière autonome en fonction des coûts de production de chacune d'elles, ont été, en l'espèce, totalement faussés par le rassemblement, dans ces groupements d'entreprises, autour des principales d'entre elles, de la quasi-totalité des entreprises susceptibles de concourir et par des échanges d'informations, prétendument nécessaires à la négociation de l'accord de groupement, aboutissant en réalité à un partage du marché;
Que tous les documents saisis montrent l'antériorité des informations et contacts par rapport au dépôt des soumissions ;
Que la prérépartition systématique des travaux au sein des groupements, qui n'a laissé aux entreprises indépendantes d'autre possibilité que d'y adhérer, sous peine d'être exclues des marchés, alors même, notamment sur les tronçons de ligne de TGV, qu'elles auraient pu soumissionner de manière autonome, a détourné ces groupements de leur objet ;
Que la justification d'échanges d'informations par la recherche de partenaires en vue d'accords de co-traitance ou de sous-traitance, ne peut être retenue lorsque de tels échanges portent sur une répartition générale des marchés avant même le lancement des appels d'offres et alors que ces échanges se sont poursuivis, comme en l'espèce, à l'insu du maître d'ouvrage, après constitution des groupements, entre des entreprises présentant des offres séparées ou adhérant à des groupements différents;
Que, dans ce contexte, il ne saurait être soutenu que les pratiques incriminées devraient être tenues pour licites au motif que les maîtres d'ouvrage auraient favorisé la constitution de groupements, alors qu'elles ont eu pour objet et, à tout le moins pour effet, d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché ;
Que le conseil, à qui n'appartient pas plus qu'à la cour de se prononcer sur l'adaptation de la procédure d'appel d'offres aux marchés importants et complexes, n'a, ni renversé la charge de la preuve, ni violé le principe du respect de la présomption d'innocence, en estimant que les entreprises n'établissaient pas, en l'absence d'éléments de nature à démontrer qu'elles avaient engagé de réelles négociations en vue d'organiser une collaboration industrielle effective et que la constitution de groupements momentanés d'entreprises justifiaient légalement les concertations et échanges d'informations qui leur sont imputées comme constitutives d'ententes prohibées ;
C. - Sur les marchés de construction des ponts :
C.1. Pont de Normandie :
Considérant que, suite à l'appel d'offres déclaré infructueux en raison des écarts infimes constatés entre les offres faites par les groupements emmenés par Campenon-Bernard et Bouygues et de leur niveau supérieur de 55 % à l'estimation, la société Fougerolle ayant fait une offre, sans variante, supérieure de 68 % à ladite estimation, la mission du pont de Normandie a négocié le marché avec le GIE pont de Normandie, co-administré par les sociétés Bouygues et Campenon-Bernard et associant les sociétés Sogea, Quillery, GTM-BTP, Dumez-TP et Spie-Batignolles ;
Considérant que, sur ce marché, le conseil a retenu des griefs d'ententes entre les entreprises requérantes Bouygues, Campenon-Bernard, Chantiers Modernes, Fougerolle, Nord-France Entreprise, Quillery, SAS, Sogea, Spie-Batignolles, Spie-Citra (entreprises requérantes), Ballot, Dumez-TP et GTM-BTP (entreprises n'ayant pas exercé de recours); que la cour a mis hors de cause la société SAE retenue par le conseil ;
Considérant que les sociétés Bouygues, Campenon-Bernard et Sogea soulignent le caractère exceptionnel du pont de Normandie et les difficultés posées par les études techniques impliquant leur rapprochement et estiment que la concertation intervenue sur ce marché doit bénéficier de l'exonération prévue à l'article 10-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais considérant, en droit, que pour exonérer l'auteur des pratiques de toute incrimination sur le fondement des articles 7 et 8 de l'ordonnance précitée, le progrès économique invoqué doit, notamment, être la conséquence directe desdites pratiques et n'avoir pu être obtenu par d'autres voies;
Considérant, en l'espèce, qu'il est établi, que les deux groupements menés par Bouygues et Campenon-Bernard ont manifesté, dès l'appel des candidatures, leur volonté de se regrouper (notes et compte-rendus de réunions de direction Dumez cote A, 1966) et que, le maître d'ouvrage ayant rejeté la proposition au mois de mai 1988, les entreprises ont, néanmoins, poursuivi leurs concertations jusqu'au dépôt des offres fixé au 8 août 1988 ; qu'un tableau saisi chez Bouygues et daté du 19 juillet 1988 (rapport, T. IV, page 698) reprend, en effet, les résultats des études des deux groupements et compare les écarts poste par poste ; que les deux tableaux saisis chez Campenon-Bernard (rapport, T. V, page 745), mettent en comparaison les propositions, faites par Bouygues et GTM, et indiquent les répartitions possibles des " parts " entre les dives groupements ou entreprises, parmi lesquelles figure Sogea, co-traitant au sein du groupement Campenon-Bernard ;
Que l'écart de 0,04 % entre les deux offres concurrentes de Bouygues et de Campenon-Bernard, sur un montant de près de 700 millions de francs pour le lot béton, démontre l'échange coordonné et systématique des informations entre les mandataires des deux groupements ; qu'il convient de relever que c'est l'augmentation des prix, et notamment de celui du béton, de l'ordre de 40 %, qui a été à l'origine de la plainte déposée sur les conditions de fonctionnement du marché ;
Qu'en conséquence, etbien que les qualités techniques et innovatrices de l'ouvrage soient unanimement reconnues, il ne saurait être soutenu que les pratiques incriminées, étrangères à la constitution et aux objectifs licites d'un groupement d'entreprises, ont réservé aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résultait; que le moyen ne peut qu'être rejeté ;
Considérant que la société Fougerolle fait valoir que, n'ayant pu constituer que tardivement un groupement avec les sociétés Chantiers Modernes, Ballot, Nord France et SBBM, elle n'a, eu égard au bref délai lui restant, décidé de limiter le nombre de plans et de ne pas présenter de variante sur le projet; qu'elle indique avoir eu la volonté de ne prendre aucune responsabilité technique et, partant, d'assurer un risque financier d'autant plus important que le projet relevait du prototype ; que, selon elle, il ne peut être tiré aucune déduction particulière de la comparaison de l'offre faite par son groupement dès lors qu'il ressort de l'étude menée par la direction départementale de l'équipement de Seine-Maritime que l'évaluation initiale des coûts par le maître d'ouvrage était trop basse ;
Mais considérant qu'il ressort, tant de la note collée dans l'agenda de M. de la Chaise (de la société Bouygues), que des notes manuscrites de M. Gautherie (de la société Campenon-Bernard), que la société Fougerolle s'est entendue avec ces deux groupes pour être le " loser " (perdant) ;
Qu'ainsi l'offre faite par ce partenaire, soutenant devant la cour n'avoir aucune intention d'obtenir ce marché, alors, au surplus, que le représentant de la société Ballot-TP, faisant partie du même groupement, a déclaré estimer que celui-ci avait la capacité de construire le pont, constituait bien une offre de couverture dont la réservation du marché du pont de Gennevilliers apparaît comme la contrepartie ;
Considérant qu'il résulte des notes manuscrites de M. de la Chaise (Bouygues) et de M. Gautherie (Campenon-Bernard), ainsi que des déclarations des représentants des sociétés Dumez-TP, Quillery et GTM-BTP, que les échanges d'informations et les concertations visant à désigner à l'avance les entreprises qui réaliseraient les travaux et le groupement qui apparaîtrait le moins-disant ont associé, avant le dépôt des offres, non seulement les mandataires des trois groupements Bouygues, Campenon-Bernard et Fougerolle, mais encore les entreprises participant à ces groupements ;
Qu'en conséquence les moyens invoqués par les sociétés Quillery (groupement Bouygues), Chantiers Modernes, Nord-France (groupement Fougerolle) ainsi que par les sociétés Spie-Citra et Spie-Batignolles (groupement Campenon-Bernard) contestant que soit rapportée la preuve de leur participation à l'entente anticoncurrentielle retenue à leur encontre par le conseil à l'occasion du marché des travaux du pont de Normandie ne sont pas fondés ;
C.2. Pont de Rochefort :
Considérant qu'un premier appel d'offres ayant été déclaré infructueux, la commission a lancé un nouvel appel d'offres restreint aux sept entreprises précédemment sélectionnées et que le marché a été conclu le 12 octobre 1988 avec le groupement Bouygues et Quillery, les sociétés GTM-BTP et Campenon-Bernard ayant, pour leur part, déposé chacune une offre ;
Considérant que les sociétés Bouygues, Quillery et Campenon-Bernard contestent que la preuve soit rapportée de l'existence d'une entente de leur part sur ce marché ;
Mais considérant qu'il résulte, tant des déclarations que de notes manuscrites de responsables des sociétés Bouygues et Dumez TP et de la société Campenon-Bernard (rapport, T. IV, pages 765, 767, 697 et 736), que la société Dumez-TP qui n'a pas fait acte de candidature a participé, sans que le maître d'œuvre en ait connaissance avant l'enquête administrative, aux travaux dévolus au groupement Bouygues-Quillery en contrepartie d'un " service rendu " à Bouygues sur un marché au Val d'Orly (rapport, T. IV, pages 585 et 586) ; que la société Quillery, partenaire principal de Bouygues, ne saurait soutenir qu'elle a ignoré la part occulte du marché laissée à Dumez-TP sur le chantier auquel elle participait ;
Qu'ainsi qu'il résulte de la note de M. Dehan (Dumez) du 2 mai 1988 (rapport, T. IV, page 765) et de celle du 26 juillet 1988 de M. Gautherie de la société Campenon-Bernard (ibid. page 736), postérieure au premier appel d'offres infructueux, cette entreprise a été informée entre les deux consultations de l'accord entre Dumez et Bouygues-Quillery et a soumissionné en connaissance desdits accords ;
C.3. Pont de Gennevilliers :
Considérant qu'après un premier appel d'offres déclaré infructueux en raison de l'écart entre l'offre la plus basse et l'estimation faite par le maître d'ouvrage, ce marché a été attribué au groupement Spie-Batignolles + Fougerolle + GTM-BTP pour une offre de 266,2 millions de francs; la société Bouygues et le groupement Campenon-Bernard + Quillery ayant, chacun, déposé une offre ;
Considérant qu'il résulte du " post it " collé dans l'agenda de M. de la Chaise responsable de l'entreprise Bouygues et du tableau saisi au siège de cette société (rapport T. IV, pages 665 et 691) que la société Fougerolle, qui serait le " loser " du pont de Normandie, bénéficierait en contrepartie du pont de Gennevilliers; que la société Spie-Batignolles, moins-disante lors du premier appel d'offres en groupement avec la société Sogea, a été à nouveau moins-disante lors du second appel d'offres, mais cette fois, en groupement avec les sociétés Fougerolles et GTM-BTP, dans le " respect des protocoles "; que les notes du 11 mai 1988 de M. Petitcolas et du 17 mai 1988 de M. Dehan établissent les concertations intervenues avant les offres entre Spie-Batignolles et Campenon-Bernard ; que, contrairement à la procédure habituelle pour ce type d'ouvrage, la société Quillery s'est associée avec la société Campenon quelques jours seulement après la remise des plis ;
Considérant que le conseil a, en conséquence, fait une exacte appréciation des éléments qui lui étaient soumis pour retenir la participation de ces entreprises à une entente sur le marché de la construction du pont de Gennevilliers ;
C.4. Pont de Plougastel :
Considérant que le 30 avril 1990, la commission spécialisée des marchés de bâtiment et de génie civil déclarait infructueux l'appel d'offres concernant les travaux du pont de Plougastel en raison d'une surestimation importante de la part des entreprises, le responsable du marché ayant, en outre, fait part de ses soupçons d'entente entre les entreprises ayant répondu à cet appel d'offres " ;
Que le conseil procédant à une analyse des notes manuscrites de responsables des sociétés Campenon-Bernard et Dumez-TP a exactement caractérisé des pratiques de concertations et échanges d'informations, antérieures au dépôt de l'offre, entre les sociétés Quillery, GTM-BTP, Bouygues, qui ne " souhaitait pas courir après Plougastel ", et Campenon-Bernard, qui, au contraire, lui avait " demandé de la laisser passer sur Plougastel " ; qu'il a retenu à bon droit l'existence de concertations et d'échanges d'informations entre les entreprises Bouygues, Campenon-Bernard, Quillery (requérantes), Dumez-TP et GTM-BTP (qui n'ont pas formé de recours) ;
D. - Sur les marchés de travaux du TGV :
D. 1. Section 44 du TGV Nord et son interconnexion :
Considérant que les entreprises Campenon-Bernard, Chantiers Modernes et Prigent contestent avoir participé ou avoir même seulement eu connaissance d'une quelconque concertation sur ce marché de travaux comportant des terrassements, des drainages, des protections acoustiques, des ouvrages d'art et le rétablissement de chaussées routières ;
Mais considérant que le groupement dont faisait partie la société Chantiers Modernes et la société Prigent, emmené par la société Ballot (non requérante) a soumissionné le 27 juillet 1990 après avoir pris plusieurs contacts avec l'entreprise italienne Condotte d'Acqua pour la dissuader de soumissionner ;
Que celle-ci a, par son représentant en France, la société GFA, déposé une plainte auprès de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, indiquant que leurs interlocuteurs de la société Ballot avaient expliqué que " GFA et Condotte d'Acqua perdaient leur temps à vouloir concourir " et qu'il leur avait été finalement proposé une sous-traitance, en échange de l'engagement de ne soumissionner sur aucun des lots à venir de l'interconnexion du TGV ;
Que le directeur adjoint de la société Campenon-Bernard, M. Batigello, a accompagné le responsable de l'entreprise Ballot à Rome afin de faire fonction d'interprète entre celui-ci et les responsables de la société Condotte d'Acqua ; que M. Gautherie, responsable de la société Campenon-Bernard a, le 26 juillet 1990, remis au siège de la société GFA une enveloppe comportant, selon le témoignage particulièrement circonstancié de M. Carmona (rapport, T. IV, page 926) " quelques lignes manuscrites avec, en bas un chiffre de 875 millions et des poussières " en déclarant " Voilà, messieurs l'offre qui vous classe troisième. Vous voyez bien le prix : 875 millions "; que la société GFA, qui s'est refusée à déposer une offre de couverture, a soumissionné au prix inférieur de 737 millions de francs, la société Campenon-Bernard cherchant, dans le même temps, à obtenir confirmation de ce que " l'offre déposée par les Italiens serait celle calculée à leur intention "; qu'alors même que la société Campenon-Bernard n'a pas soumissionné au marché concerné, sa participation active aux concertations ou interventions, a effectivement eu pour objet de fausser le jeu de la concurrence sur celui-ci ;
Qu'une note manuscrite de M. Gahon de la société Prigent, en date du 6 août 1990 et donc antérieure de 15 jours à la date de dépôt des offres (rapport, T. IV, page 1212), mentionne les travaux du tunnel de Limeil-Brévannes avec les groupes Pellet-Fougerolle, Montcocol Urbaine et Dufour-Dumaine alors que ces entreprises n'étaient pas concurrentes sur ce lot ; qu'il résulte encore des déclarations du président-directeur général de la société Ballot que sa société intéressée " au plus haut point " par le marché de la section 44 du TGV Nord, avait été mise en relation avec la société italienne par le responsable de la société Prigent qui ne peut, donc, soutenir avoir été étranger à la pratique d'entente tendant à évincer la concurrence de la société italienne ;
Que le conseil a déduit exactement des indices multiples et convergents fournis par l'enquête, l'existence entre les sociétés Campenon-Bernard, Chantiers Modernes et Prigent (requérantes), Ballot, Dumez-TP et Razel (qui n'ont pas exercé de recours), de concertations et d'échanges d'informations, antérieurs au dépôt effectif des offres, qui avaient pour objet ou pouvaient avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur ce marché ;
D.2. Section 43 C du TGV et son interconnexion :
Considérant que le marché portant sur le lot 43 C du TGV Nord et son interconnexion, consistant dans le franchissement du parc d'attraction d'Eurodisneyland, a été attribué au groupement, auquel appartenait la société Campenon-Bernard, emmené par la société Bouygues, la société Nord-France Entreprise, qui avait déposé une offre concurrente n'ayant pas été retenue ;
Qu'il résulte des notes manuscrites concordantes de M. Tarbes de l'entreprise GTM-BTP (rapport T. IV, page 1170) et de M. Petitcolas de l'entreprise Campenon-Bernard (rapport T. IV, pages 724 et 1147), un " accord de coopération commercial " entre Bouygues et la société Nord-France concurrente représentée dans ces négociations par M. Zucker; que ces concertations, antérieures au dépôt effectif des plis, désignaient les entreprises qui auraient à réaliser les travaux, ainsi que leur part dans ceux-ci, la société Nord-France qui se présentait au maître d'ouvrage comme concurrente du groupement Bouygues, se voyant réservée une part de travaux pour un montant de 30 MF ;
Que, conformément à cet accord, la société Nord-France a effectivement rejoint ce groupement le 18 septembre 1989, et a reçu sa part de travaux pour le montant convenu ;
Qu'ainsi la décision attaquée a justement retenu que ces concertations et échanges d'informations avaient eu pour objet et avaient pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur le marché du lot 43 C du TGV Nord ;
D.3. Section 21 du TGV Rhône-Alpes :
Considérant que, pour ce marché divisé en cinq lots principaux de tunnels ou de terrassements et ouvrages d'art courants et cinq lots d'ouvrages spéciaux, la SNCF a procédé, entre les mois de mars 1989 et juin 1990, à une consultation à la fois technique et financière, en envisageant de retenir soit la meilleure offre globale (financière et technique), soit la meilleure offre technique, et en excluant, en toute hypothèse, la possibilité de combiner une offre financière et une offre technique qui n'auraient pas été présentées conjointement ;
Considérant que trois groupements, comportant chacun des banques, ont été retenus, le premier (groupe B) emmené par la société Dumez-BTP, comprenant les sociétés Bouygues, Spie-Batignolles, Bec, Razel et Muller, le deuxième (groupe A), emmené par Campenon-Bernard et composé de Borie-SAE, Quillery, Demathieu et Bard, Guintoli, Chantiers Modernes et Valerian et le troisième (groupe C), piloté par GTM-BTP auquel s'était joint la société Sogea ;
Considérant que le groupe B ayant été le moins-disant avec une offre de 2 375 millions de francs, la SNCF a engagé avec lui des négociations avant de lui attribuer le marché ;
Que la preuve d'une entente illicite sur ce marché est contestée par les sociétés requérantes ;
Mais considérant que les tableaux saisis à l'entreprise Quillery (rapport, T. IV, pages 1254, 1255 et 1257) confrontent les offres faites parles trois groupements A, B et C en faisant figurer les prix des différents lots; que ces prix sont voisins mais différents de ceux qui ont été effectivement remis, ce qui établit l'antériorité du document par rapport à la date de dépôt des offres et, partant, l'échange d'informations ;
Que cet indice est corroboré par les notes des 2 et 9 mai 1988 de M. Dehan de l'entreprise Dumez-TP (rapport, T. IV, pages 765 et 766), ainsi que par celles portées à la date du 9 mai 1988, sur l'agenda de M. Petitcolas de la société Campenon-Bernard, mandataire du groupement A (rapport, T. IV, page 724) indiquant " Gendreau Pottier - TGV - Lyon -Part de chacun dans A, B, C/o) " ;
Que le compte rendu du comité de direction du Dumez-TP du lundi 29 mai 1989 (rapport, T. IV, page 796) indique: " TGV Rhône-Alpes. Le problème Campenon-Bernard est toujours en suspens. Ses exigences (rôle apparent et comandataire) sont trop élevées. Les banques de son groupement sont le Crédit du Nord, la Barclays et le Crédit agricole. " ;
Considérant que l'agenda de M. Petitcolas révèle encore l'existence de deux réunions chez " Sogea 21e étage ", dont l'objet était le " TGV Lyon " et que le " fax " manuscrit de M. Dumazer de l'entreprise Guintoli, du groupement Campenon-Bernard (rapport, T. IV, page 1180), apporte la preuve de l'échange d'informations avec la société Muller à laquelle était destiné ce fax et qui appartenait au groupement concurrent emmené par la société Dumez-TP ;
Qu'il résulte des comptes rendus d'information d'avril et juillet 1990 de la société Guintoli, de la note manuscrite et des déclarations de son responsable, qu'après que le marché a été attribué au groupe B moins-disant, les entreprises Guintoli, Campenon-Bernard et Quillery, pour ce qui concerne les sociétés ayant formé un recours contre la décision du conseil, ont réalisé une partie des travaux en sous-traitance alors qu'elles avaient participé aux concertations et échanges d'informations antérieurs à la remise des plis et qu'elles avaient soumissionné dans des groupements plus-disants ;
Que les concertations et échanges d'informations sur le marché de la section 21 du TGV Rhône-Alpes, reprochées aux entreprises Bouygues, Spie-Batignolles, Campenon-Bernard, Quillery, Sogea et Guintoli (requérantes), sont, en conséquence, caractérisées et ont eu pour objet ou ont pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur le marché concerné ;
Considérant que le conseil, contrairement au grief qui lui est fait par certaines sociétés requérantes, d'avoir violé le principe de l'individualisation des poursuites résultant des dispositions de la déclaration des droits de l'homme, n'a nullement examiné et qualifié de manière globale chacune des pratiques, ni procédé par amalgame sans indiquer les raisons pour lesquelles telle entreprise avait, ou non, participé à une entente ;
Qu'en conséquence, les pratiques qui viennent d'être examinées consistent, d'une part, en des accords organisés entre les principales entreprises françaises du secteur des travaux publics avant les appels à la concurrence et tendant à une répartition des marchés de construction des ponts et du TGV et, d'autre part, en des concertations entre différentes sociétés pour se répartir les travaux concernés par des appels d'offres, préalablement au dépôt desdites offres ;
Que les concertations et répartitions faites des marchés sur les ponts et les travaux du TGV entre des entreprises indépendantes les unes des autres, qui visent à tromper les maîtres d'ouvrage en organisant un simulacre de concurrence, constituent des pratiques prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Quetombent sous la même prohibition les échanges d'informations généralisés à l'ensemble des entreprises susceptibles de répondre aux appels d'offres à venir qui font obstacle au bon fonctionnement du marché, d'une part, en limitant de façon artificielle par la pré-constitution de groupements, le nombre des offres portent atteinte à la concurrence et, d'autre part, en faisant intervenir des échanges entre groupements ou entre entreprises adhérant à des groupements différents, rompent l'incertitude liée au jeu de la concurrence ;
Considérant, ainsi que le relève pertinemment le conseil, que les accords et pratiques constatées à l'occasion des marchés des ponts et des travaux du TGV ont eu, à la fois, pour objet et pour effet de fermer l'accès du marché français aux entreprises étrangères qui auraient pu se montrer compétitives, fermeture dont la réalité est établie par, notamment, les pressions exercées sur l'entreprise italienne Condotte d'Acqua, à l'occasion du marché du lot 44 du TGV Nord et qu'ils ont ainsi constitué une entrave au commerce intra-communautaire ; que ces accords et pratiques, dans la mesure où ils n'ont pas été notifiés à la Commission des Communautés européennes et qu'ils ne relèvent pas d'un secteur bénéficiant d'un règlement d'exemption, sont contraires aux dispositions de l'article 85 du traité de Rome;
III. - Sur les sanctions :
A. - Sur les moyens relatifs à la détermination du montant des sanctions prononcées :
Considérant que certaines des sociétés requérantes, estimant que la décision attaquée a violé, d'une manière générale, les exigences légales quant à l'individualisation et à la motivation des sanctions, soutiennent que :
- le conseil aurait fixé le montant des sanctions en l'absence de tout débat contradictoire, dès lors que ni le rapport, ni aucun autre document n'a évoqué les éléments qui seraient pris en compte pour leur détermination et que, au surplus, les sanctions prononcées ont été très largement supérieures aux propositions faites par le commissaire du Gouvernement ;
- les sanctions n'ont pas été individualisées entreprise par entreprise, le rappel des griefs retenus à l'égard de chacune d'elles et l'indication de son chiffre d'affaires ne pouvant constituer une motivation suffisante de la sanction prononcée ;
- les sanctions prononcées sont disproportionnées par rapport au montant des travaux concernés ;
- le conseil n'a pu légalement, pour la fixation des sanctions infligées à certaines entreprises, prendre en considération l'existence d'une récidive des pratiques en se fondant sur des sanctions qui auraient déjà été infligées à la même entreprise par le conseil à l'occasion d'une décision antérieure ;
- les écarts enregistrés sur un certain nombre de marchés, entre les estimations des maîtres d'ouvrage et le montant des offres remises par les entreprises ne peuvent en aucun cas être considérés comme un élément de nature à établir le prétendu caractère excessif des prix remis par les entreprises et par conséquent le dommage à l'économie dont la gravité n'est pas, au demeurant, démontrée ;
- le conseil ne pouvait procéder à une détermination arithmétique de la sanction par simple application d'un pourcentage du chiffre d'affaires ;
Considérant, en droit, qu'il résulte de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que le montant de la sanction, qui ne saurait excéder 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos, doit être motivé et déterminé en fonction des critères tirés de la gravité des faits reprochés, de l'importance du dommage causé à l'économie et de la situation de l'entreprise ;
Considérant, d'abord, que les sanctions administratives prononcées par le Conseil de la concurrence ne revêtent certes pas de caractère pénal et qu'aucune disposition légale ne prévoit qu'il soit fait application des règles pénales de la récidive;
Mais considérant que, pour apprécier la gravité du comportement des entreprises et sans qu'il puisse, pour autant, être soutenu qu'il ferait ainsi application des règles de la récidive, le conseil peut prendre en considération la réitération, par elles, de pratiques anticoncurrentielles sur un même marché, en relevant, comme en l'espèce, qu'elles avaient déjà été sanctionnées pour avoir recouru à de telles pratiques à l'occasion de précédents marchés publics et qu'ainsi elles n'en ignoraient ni le caractère prohibé, ni le risque de sanction qu'elles encouraient néanmoins si elles les mettaient en œuvre;
Considérant toutefois que le principe de la contradiction devant être pleinement observé au cours de la procédure instruite devant le conseil, il appartient à celui-ci de porter à la connaissance des parties, au plus tard lors de la notification du rapport afin de leur permettre de répondre utilement, l'ensemble des éléments pouvant être retenus pour déterminer le montant de la sanction susceptible de leur être infligée;
Considérant, dès lors, qu'en retenant dans la décision attaquée ses propres décisions antérieures ayant sanctionné les sociétés Bec, Chagnaud, Chantiers Modernes, Entreprise Industrielle, Guintoli, Sogea, Spada et Spie-Batignolles, sans les avoir mises préalablement en mesure de faire valoir leurs observations, tant sur le caractère définitif ou non desdites décisions que de leur gravité au regard de la réitération reprochée, le conseil a méconnu le principe rappelé; que les sanctions prononcées à l'encontre des huit sociétés précitées doivent, en conséquence, être annulées ;
Considérant que la cour, évoquant, constate que les éléments du dossier qui lui est soumis ne lui permettent pas de vérifier si les décisions invoquées par le conseil comme terme de référence pour qualifier une réitération du comportement anticoncurrentiel, ont pu faire l'objet d'une annulation ou d'une réformation totale ou partielle ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'écarter ces décisions, pour apprécier la gravité des faits reprochés aux huit entreprises concernées ;
Considérant, ensuite, et sous réserve de l'examen ci-après par la cour du cas de chaque entreprise et compte tenu de l'annulation des sanctions ayant tenu compte de la réitération de leur comportement anticoncurrentiel par huit entreprises, que le conseil a, pour chacune de celles ayant fait l'objet de griefs, rappelé dans sa décision les pratiques auxquelles elle s'était livrée, son importance par rapport au secteur d'activité, son rôle plus ou moins actif dans l'élaboration des concertations et échanges d'informations, et si elle a été bénéficiaire des marchés en cause ;
Considérant, en premier lieu, que le montant global des sanctions prononcées par le conseil ayant atteint près de 380 millions de francs n'est pas disproportionné par rapport au coût de l'ensemble des marchés concernés; que notamment, celui des travaux des lignes de TGV était estimé à 11 milliards de francs, les marchés de la section 44 du TGV Nord et celui de la section 21 du TGV Rhône-Alpes ont été conclus respectivement pour 732 millions de francs et 2,4 milliards de francs, et que le coût final du seul tablier en béton du pont de Normandie s'est établi à un coût de 700 millions de francs ; qu'en terme de pourcentage des chiffres d'affaires des entreprises, les sanctions ont été fixées par le conseil dans une fourchette comprise entre 0,31 % et 2,50 %, soit dans les limites imposées en toute hypothèse, par l'article 13 de l'ordonnance précitée ;
Considérant, en deuxième lieu, que la gravité des pratiques résulte du nombre d'entreprises s'étant concertées en même temps (vingt-neuf pour ce qui concerne l'accord général sur les travaux du TGV), ainsi que de la participation d'opérateurs habitués aux marchés publics à des pratiques qui enfreignent les règles élémentaires de la concurrence par des concertations sur le prix des offres portant sur des marchés de travaux de montants particulièrement élevés et concernant des infrastructures d'une importance majeure pour l'aménagement du territoire, tant au plan national que de l'Union européenne ;
Que cette gravité résulte également du caractère systématique desdites pratiques étendues dans le temps et dans l'espace et de leur mise en œuvre à l'occasion de marchés publics en violation des règles dont le respect seul garantit à l'acheteur public la loyauté des transactions et le préserve de toute spoliation des deniers publics ;
Que les pratiques incriminées ont également porté préjudice aux autres soumissionnaires qui, n'ayant pas pris part aux ententes, subissent, pour leur part, un handicap dans la mesure ou les pratiques mises en œuvre tendaient à les évincer du marché ;
Que parmi les sociétés sanctionnées figurent les entreprises françaises parmi les plus importantes de la profession, dites " major ", lesquelles ont joué un rôle moteur dans les échanges d'information ;
Que la mise en œuvre de pratiques par ces sociétés " major " appartenant à des grands groupes est susceptible d'avoir pour effet d'accréditer l'idée, auprès des entreprises appartenant aux mêmes groupes ainsi qu'aux entreprises indépendantes et de petite taille de ce secteur d'activité, que ce type de comportement est général et d'inciter les unes à adopter des comportements similaires et les autres à renoncer à faire des offres sur les marchés qu'elles seraient cependant aptes à réaliser ;
Qu'à cet égard si le comportement des entreprises " major " n'est pas de nature à exonérer les PME de toute responsabilité dans les pratiques poursuivies, il doit cependant être spécialement et individuellement pris en compte dans la mesure où il les a conduites à se rapprocher d'elles pour réaliser une part de travaux ;
Considérant, en troisième lieu, que le dommage à l'économie par les concertations, échanges d'informations et par les accords de répartition de marchés qui viennent d'être rappelés, résulte notamment de ce qu'ils ont entraîné l'organisation de compensation à l'occasion de marchés particuliers, de sorte que, ainsi que le relève pertinemment le conseil, toutes les parties à ces accords et ententes, assurées d'obtenir leur " part " en tant qu'attributaires, co-traitants ou sous-traitants, déclarées ou occultes, pouvaient s'affranchir en partie de la pression concurrentielle qui les eût contraintes à adopter les comportements commerciaux, financiers et industriels propres à améliorer la qualité de leurs prestations, de leur productivité et de leurs coûts;
Qu'il convient de rappeler que, pour ce qui concerne les marchés particuliers, le montant de ceux-ci, pour quatre ponts et trois marchés de travaux d'infrastructures de TGV, se sont élevés globalement à plus de 5,5 milliards de francs, le pont de Normandie représentant à lui seul un marché de 1,2 milliard de francs ;
Qu'il ne saurait être soutenu que les prix des marchés fixés par les maîtres de l'ouvrage étaient sous-évalués et ne peuvent établir la preuve de l'existence d'un dommage à l'économie, alors que ce dommage s'apprécie également par l'incidence économique des pratiques susceptibles de dépasser les simples enjeux financièrement chiffrés du marché concerné et alors, en tout état de cause, qu'il est notamment établi, en l'espèce, que des concertations avaient pour objectif de dégager un " sur-bénéfice " de 6 % (pont de Rochefort) et que d'autres ont eu pour effet d'augmenter de plus de 40 % le prix du béton (pont de Normandie) ;
Considérant, en quatrième lieu, que la référence au chiffre d'affaires permet, outre de déterminer le plafond de la sanction, de prendre en considération, pour la fixation de celle-ci, la dimension et la situation de l'entreprise concernée;
Que, dès lors, le conseil, qui, pour fixer le montant des sanctions, s'est fondé sur l'ensemble des critères retenus par l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ne s'est nullement déterminé en recourant, ainsi que le soutiennent certaines sociétés requérantes, à une simple application arithmétique d'un pourcentage du chiffre d'affaires ;
Considérant, enfin, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne s'oppose à ce que le conseil, qui ne se trouve limité que par le plafond de 5 % du chiffre d'affaires fixé par l'article 13 de l'ordonnance, prononce des sanctions d'un montant supérieur à celui des sanctions proposées par le commissaire du Gouvernement ;
Considérant, en conséquence, qu'à l'exception des sociétés Bec, Chagnaud, Chantiers Modernes, Entreprise Industrielle, Guintoli, Sogea, Spada et Spie-Batignolles pour lesquelles les sanctions se trouvent annulées ainsi qu'il a été dit précédemment, les moyens soulevés par les autres entreprises à l'appui de leur demande tendant à l'annulation de leurs propres sanctions, ne peuvent qu'être rejetées ;
B. - Sur les sanctions pécuniaires :
1° Concernant la société SAE :
Considérant que la société SAE Holding ayant été mise hors de cause pour l'ensemble des griefs retenus à son encontre par le conseil, il n'y a pas lieu de prononcer de sanction à son encontre ;
2° Concernant la société Bec Frères :
Considérant qu'il est établi que la société Bec Frères a participé, avant le dépôt des offres, à un accord général de répartition des marchés de travaux d'infrastructures des lignes du TGV constaté entre des groupements différents auxquels participaient vingt-neuf entreprises et qui étaient pilotés par les grandes sociétés de la profession ; qu'il n'est toutefois retenu à son encontre que ce seul grief ;
Considérant que, faute d'éléments ayant pu être débattus contradictoirement devant la cour tant en ce qui concerne le caractère définitif ou non de la sanction antérieurement prononcée par le conseil, qu'en ce qui concerne son incidence sur l'appréciation du comportement général de l'entreprise sur le marché, une éventuelle réitération des pratiques illicites ne peut être retenue en l'espèce à l'encontre de la société concernée ;
Que cette société n'apporte aucun élément établissant que sa direction des grands travaux constituait une entreprise autonome disposant de moyens financiers et matériels propres, habilitée à passer des marchés sans limitation de montant ; qu'elle ne justifie à cet égard, ni d'une comptabilité analytique propre à cette direction, ni d'un pouvoir du responsable de cette direction qui l'affranchirait des directives et contrôle de la société ;
Considérant que le chiffre d'affaires étant pour l'année 1994, dernier exercice disponible, de 834 162 000 F, le montant de la sanction pécuniaire doit, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, être fixé à la somme de 1 000 000 F ;
3° Concernant la société Bouygues :
Considérant que la société Bouygues, société faisant partie des sept entreprises " major " de la profession restant en cause, a usé de pratiques anticoncurrentielles prohibées en participant à des concertations et échanges d'informations dans les circonstances suivantes :
1° Entre vingt-neuf entreprises en vue de répartir entre elles l'ensemble des travaux d'infrastructures des lignes du TGV Nord, de son interconnexion et des TGV Est et Sud-Est ;
2° entre huit entreprises en vue de se répartir les travaux de construction des ponts ;
3° Entre huit entreprises en vue de l'attribution du marché de la section 21 du TGV Rhône-Alpes (environ 2,4 milliards de francs) ;
4° Entre trois entreprises en vue de l'attribution du lot 43 C du TGV Nord et de son interconnexion (environ 440 millions de francs) ;
5° Entre douze entreprises en vue de l'attribution du marché du pont de Normandie (environ 1,2 milliard de francs) ;
6° Entre cinq entreprises en vue de l'attribution du marché du pont de Rochefort (environ 200 millions de francs) ;
7° Entre six entreprises en vue de l'attribution du marché du pont de Gennevilliers (environ 270 millions de francs) ;
8° Entre cinq entreprises en vue de l'attribution du marché du pont de Plougastel (environ 270 millions de francs) ;
Considérant que l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'opère aucune distinction en ce qui concerne les secteurs d'activité de l'entreprise et que ni ce texte, ni le principe de la proportionnalité de la sanction, ne conduisent à limiter le chiffre d'affaires de référence pour la détermination du maximum de la sanction aux prestations dédiées à une catégorie de clientèle ;
Que le secteur d'activité doit s'entendre des travaux mettant en œuvre des techniques et des matériels identiques, voisins ou complémentaires, par des personnels de même qualification eu égard aux prestations spécifiquement fournies par l'entreprise à l'occasion du marché concerné ; qu'il ne peut en aucun cas être réduit aux seuls travaux publics qui ne déterminent pas en eux-mêmes une nature spécifique de prestations ; qu'il n'y a pas lieu, en conséquence, de restreindre au seul chiffre d'affaires des travaux publics, au demeurant non filialisé, l'assiette de la sanction encourue par la société Bouygues ;
Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Bouygues étant pour l'année 1994, dernier exercice clos, de 5 946 941 246 F, le montant de la sanction pécuniaire doit, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, être fixé à la somme de 148 700 000 F ;
4° Concernant la société Campenon-Bernard :
Considérant qu'appréciant la gravité des faits et l'importance du dommage causé à l'économie, le conseil a exactement relevé que la société Campenon-Bernard a participé avec les autres sociétés " majors ", étant rappelé que la société SAE est mise hors de cause par la cour, aux concertations et échanges d'informations constatées en vue de se répartir, tant l'ensemble des travaux d'infrastructures des lignes du TGV, que ceux de la section 21 du TGV Rhône-Alpes (environ 2,4 milliards de francs), du lot 43 C du TGV Nord et de son interconnexion (environ 440 millions de francs), de la section 44 du TGV Nord et de son interconnexion (environ 730 millions), du pont de Normandie (environ 1,2 milliard de francs), du pont de Rochefort (environ 200 millions de francs), du pont de Plougastel (environ 270 millions de francs) et du pont de Gennevilliers (environ 270 millions de francs) ;
Considérant que le conseil a retenu, pour déterminer la limite maximum de la sanction pouvant être prononcée, le chiffre d'affaires réalisé en France au cours du dernier exercice clos, soit celui de l'année 1994, qui s'élève à 1 584 770 616 F ; que la production par la société Campenon-Bernard d'une photocopie d'une attestation établie par le commissaire aux comptes n'est pas de nature à établir l'inexactitude de ce chiffre ;
Considérant qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne permet de soustraire de l'assiette de la sanction le chiffre d'affaires réalisé dans le cadre de sociétés en participation, ainsi que le sollicite la requérante ;
Considérant que le montant de la sanction pécuniaire doit, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, être fixé à la somme de 31 700 000 F ;
5° Concernant la société Chagnaud :
Considérant qu'il est retenu à l'encontre de la société Chagnaud sa participation aux concertations et échanges d'informations constatées entre vingt-neuf entreprises en vue de se répartir l'ensemble des travaux d'infrastructures des lignes de TGV ;
Considérant que la société Chagnaud, qui ne conteste pas que son activité de génie civil n'est pas filialisée, ne justifie pas, en toute hypothèse, que ladite activité mette en œuvre, par des personnels dont les qualifications ne seraient pas comparables, des techniques et des matériels qui ne seraient pas identiques, voisins ou complémentaires de ses autres activités ;
Considérant que, faute d'éléments ayant pu être débattus contradictoirement devant la cour tant en ce qui concerne le caractère définitif ou non de la sanction antérieurement prononcée par le conseil, qu'en ce qui concerne son incidence sur l'appréciation du comportement général de l'entreprise sur le marché la réitération des pratiques illicites ne peut être retenue en l'espèce à l'encontre de la société concernée ;
Considérant qu'il convient encore de prendre en considération, pour apprécier sa situation propre et la gravité des faits qui lui sont reprochés, le fait que la société Chagnaud est une PME, entreprise de dimension et d'influence modestes au regard des entreprises " major " ayant piloté les opérations et qu'elle n'a pas été initiatrice des pratiques auxquelles elle a adhéré pour intégrer un groupement; que son compte de résultats au 30 juin 1996 fait apparaître une perte de 6 576 950 F ;
Considérant que, le chiffre d'affaires étant pour l'année 1994 de 562 935 362 F, le montant de la sanction pécuniaire doit, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, être fixé à la somme de 500 000 F ;
6° Concernant la société Chantiers Modernes :
Considérant qu'il est retenu à l'encontre de la société Chantiers Modernes d'avoir participé, d'une part, à l'accord général sur la répartition des travaux d'infrastructure des lignes de TGV et, d'autre part, aux pratiques anticoncurrentielles relevées à l'occasion du marché de la section 44 du TGV Nord et de son interconnexion (environ 730 millions de francs) et du pont de Normandie (environ 1,2 milliard de francs) ; que cette entreprise de taille moyenne n'appartient pas à la catégorie des entreprises " major " ayant piloté les opérations litigieuses ;
Considérant que, faute d'éléments ayant pu être débattus contradictoirement devant la cour tant en ce qui concerne le caractère définitif ou non de la sanction antérieurement prononcée par le conseil, qu'en ce qui concerne son incidence sur l'appréciation du comportement général de l'entreprise sur le marché, la réitération des pratiques illicites ne peut être retenue en l'espèce à l'encontre de la société concernée ;
Considérant que, le chiffre d'affaires étant pour l'année 1994 de 1 281 148 955 F, le montant de la sanction pécuniaire doit, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, être fixé à la somme de 6 400 000 F ;
7° Concernant la société Demathieu et Bard :
Considérant que la société Demathieu et Bard a participé aux concertations et échanges d'informations constatés pour la répartition de l'ensemble des travaux d'infrastructures des lignes de TGV ;
Considérant qu'il convient toutefois de prendre en considération, pour apprécier sa situation propre et la gravité des faits qui lui sont reprochés, le fait que cette société est une PME régionale, entreprise de dimension et d'influence modestes au regard des entreprises " major" ayant piloté les opérations et qu'elle n'a pas été initiatrice des pratiques auxquelles elle a adhéré pour intégrer un groupement ;
Considérant que, le chiffre d'affaire étant pour l'année 1994 de 557 679 791 F, le montant de la sanction pécuniaire doit, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, être fixé à la somme de 500 000 F ;
8° Concernant la société Deschiron :
Considérant que la société Deschiron a participé aux concertations et échanges d'informations qui ont eu lieu entre vingt-neuf entreprises en vue de la répartition de l'ensemble des travaux d'infrastructures des lignes de TGV ;
Considérant qu'il convient toutefois de prendre en considération, pour apprécier sa situation propre et la gravité des faits qui lui sont reprochés, le fait que la société Deschiron est une PME régionale, entreprise de dimension et d'influence modestes au regard des entreprises " major "ayant piloté les opérations et qu'elle n'a pas été initiatrice des pratiques auxquelles elle a adhéré pour intégrer un groupement ;
Considérant que, le chiffre d'affaires étant pour l'année 1994, dernier exercice clos disponible, de 344 164 909 F, le montant de la sanction pécuniaire doit, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, être fixé à la somme de 400 000 F.
9° Concernant la société DTP Terrassement :
Considérant que la société DTP Terrassement a participé aux accords généraux entre vingt-neuf entreprises destinés à opérer une répartition de l'ensemble des travaux d'infrastructures des lignes de TGV ;
Considérant qu'il convient toutefois de prendre en considération, pour apprécier sa situation propre et la gravité des faits qui lui sont reprochés, le fait que la société DTP Terrassement est une PME régionale, entreprise de dimension et d'influence modestes au regard des entreprises " major "ayant piloté les opérations et qu'elle n'a pas été initiatrice des pratiques auxquelles elle a adhéré pour intégrer un groupement ;
Considérant que, le chiffre d'affaires étant pour l'année 1994, dernier exercice clos disponible, de 629 174 126 F, le montant de la sanction pécuniaire doit, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, être fixé à la somme de 600 000 F.
10° Concernant la société Entreprise Industrielle :
Considérant qu'il est établi que l'Entreprise Industrielle a participé à l'accord général de répartition entre vingt-neuf entreprises des travaux d'infrastructures des lignes de TGV ;
Considérant que l'Entreprise Industrielle ne conteste pas avoir déjà fait l'objet de sanctions de la part du conseil ;
Mais considérant qu'il est établi quedepuis les faits qui lui sont reprochés, avant même que soit prononcée la décision attaquée, la nouvelle équipe dirigeante de la société requérante a effectivement pris des mesures tendant à faire cesser les pratiques prohibées; qu'une note a été diffusée aux différents responsables le 19 octobre 1995, qui a pour objet les " mesures internes destinées à prévenir les infractions dans le domaine de la concurrence "; qu'y sont rappelées les règles applicables, décrites les pratiques prohibées et précisées les mesures de prévention interne qui doivent être mises en œuvre ; qu'il y est encore indiqué que toute pratique irrégulière constatée par une juridiction serait dorénavant considérée comme une faute dans le cadre du contrat de travail, les sanctions pécuniaires devant être imputées au bilan du service de la direction régionale responsable ;
Que le résultat courant avant impôt, qui, en tout état de cause, ne prend en compte ni changement de méthode comptable ni provision pour restructuration, était négatif de 16 552 000 F pour 1994 ;
Considérant que, le chiffre d'affaires étant pour l'année 1994, dernier exercice clos, de 5 114 119 788 F, le montant de la sanction pécuniaire doit, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, être fixé à la somme de 2 000 000 F.
11° Concernant la société Fougerolle :
Considérant que la société Fougerolle, faisant partie des entreprises " major " de la profession, a participé, d'une part, aux accords généraux entre vingt-neuf entreprises sur la répartition des travaux d'infrastructures des lignes de TGV et, d'autre part, aux pratiques anticoncurrentielles constatées à l'occasion de la passation du marché du pont de Normandie et de celui du pont de Gennevilliers ;
Considérant qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne permet de soustraire de l'assiette de la sanction le chiffre d'affaires réalisé dans le cadre de sociétés en participation, ainsi que le sollicite la requérante ;
Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France étant pour l'année 1994, dernier exercice clos, de 1 857 187 968 F, le montant de la sanction pécuniaire doit, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, être fixé à la somme de 16 700 000 F ;
12° Concernant la société Gagneraud Père et Fils :
Considérant qu'il est établi que la société Gagneraud a participé à la concertation et aux échanges d'informations entre vingt-neuf entreprises en vue de se répartir l'ensemble des travaux d'infrastructures des lignes du TGV ;
Considérant qu'il convient toutefois de prendre en considération, pour apprécier sa situation propre et la gravité des faits qui lui sont reprochés, le fait que la société Gagneraud est une PME, entreprise régionale de dimension et d'influence modestes au regard des entreprises " major "ayant piloté les opérations et qu'elle n'a pas été initiatrice des pratiques auxquelles elle à adhéré pour intégrer un groupement ;
Considérant que le chiffre d'affaires étant pour l'année 1994 de 771 647 954 F, le montant de la sanction pécuniaire doit, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, être fixé à la somme de 750 000 F ;
13° Concernant la société Guintoli :
Considérant que la société Guintoli a participé, d'une part, aux accords généraux entre vingt-neuf entreprises pour se répartir les travaux d'infrastructures des lignes de TGV, et d'autre part, aux concertations et échanges d'informations organisées en vue de l'attribution du marché de la section 21 du TGV Rhône-Alpes ;
Considérant que, faute d'éléments ayant pu être débattus contradictoirement devant la cour tant en ce qui concerne le caractère définitif ou non de la sanction antérieurement prononcée par le conseil qu'en ce qui concerne son incidence sur l'appréciation du comportement général de l'entreprise sur le marché, la réitération des pratiques illicites ne peut être retenue en l'espèce à l'encontre de la société Guintoli ;
Considérant, qu'il y a lieu de prendre en considération la situation de l'entreprise dont les pertes se sont élevées, en 1993, à la somme de 34 millions de francs ;
Considérant que le chiffre d'affaires étant pour l'année 1993, dernier exercice clos avant l'absorption de cette société par la société générale routière, de 1 026 509 028 F, le montant de la sanction pécuniaire doit, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, être fixé à la somme de 100 000 F ;
14° Concernant la société Muller TP :
Considérant que la société Muller a participé aux concertations et échanges d'informations entre vingt-neuf entreprises en vue de se répartir les travaux d'infrastructures des lignes de TGV ;
Considérant que, prenant en considération la situation de l'entreprise, il y a lieu de constater que le résultat négatif courant d'exploitation pour l'exercice de 1994 est arrêté à la somme de 10,8 millions de francs ;
Considérant qu'il convient également de relever, pour apprécier la gravité des faits qui lui sont reprochés, le fait que la société Muller est une PME, entreprise régionale de dimension et d'influence modestes au regard des entreprises " major " ayant piloté les opérations et qu'elle n'a pas été initiatrice des pratiques auxquelles elle a adhéré pour intégrer un groupement ;
Considérant que le chiffre d'affaires étant pour l'année 1994, dernier exercice clos, de 594 347 422 F, le montant de la sanction pécuniaire doit, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, être fixé à la somme de 400 000 F ;
15° Concernant la société Nord-France Entreprise :
Considérant qu'il est retenu à l'encontre de la société Nord-France des concertations et échanges d'informations, d'une part, sur la répartition entre vingt-neuf entreprises des travaux d'infrastructures des lignes de TGV et, d'autre part, sur l'attribution des marchés du pont de Normandie (environ 1,2 milliard de francs) et du lot 43 du TGV Nord et de son interconnexion (environ 440 millions de francs) ;
Considérant que, examinée à la date où le conseil statue au vu du dernier exercice clos, la situation de l'entreprise révélait au 31 décembre 1994 un actif réalisable et disponible de 745 166 000 F et un passif exigible de 563 990 000 F ; que la société requérante ne justifie pas des pertes qu'elle allègue pour les années 1992 à 1994 ;
Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France étant pour l'année 1994 de 387 331 246 F, le montant de la sanction pécuniaire doit, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, être fixé à la somme de 3 100 000 F ;
16° Concernant la société Pertuy :
Considérant que la société Pertuy a participé aux concertations et échanges d'informations qui ont eu lieu entre huit entreprises en vue de se répartir globalement les travaux de construction des ponts ;
Mais considérant qu'il convient de prendre en considération, pour apprécier sa situation propre et la gravité des faits qui lui sont reprochés, le fait que la société Pertuy est une PME, entreprise régionale de dimension et d'influence modestes au regard des entreprises " major " ayant piloté les opérations et qu'elle n'a pas été initiatrice des pratiques auxquelles elle a adhéré pour intégrer un groupement ;
Considérant que le chiffre d'affaires étant pour l'année 1994 de 681 966 743 F, le montant de la sanction pécuniaire doit, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, être fixé à la somme de 750 000 F ;
17° Concernant la société Prigent :
Considérant que la société Prigent a participé aux concertations et aux échanges d'informations intervenus entre six entreprises, à l'occasion de la passation du marché de la section 44 du TGV Nord et de son interconnexion (environ 730 millions de francs) ;
Mais considérant qu'il convient de prendre en considération, pour apprécier sa situation propre et la gravité des faits qui lui sont reprochés, le fait que la société Pertuy est une PME, entreprise régionale de dimension et d'influence modestes au regard des entreprises " major " ayant piloté les opérations et que si elle a apporté son soutien à l'élimination d'une société concurrente italienne par le groupement des entreprises françaises, elle n'a cependant pas été initiatrice des pratiques auxquelles elle a adhéré pour intégrer au groupement ;
Considérant que le chiffre d'affaires étant pour l'année 1994, dernier exercice clos, de 146 120 825 F, le montant de la sanction pécuniaire doit, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, être fixé à la somme de 200 000 F ;
18° Concernant la société Quille :
Considérant que la société Quille a participé aux concertations et échanges d'informations constatés entre huit entreprises en vue de se répartir les travaux de construction des ponts ;
Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France étant pour l'année 1994, dernier exercice clos, de 2 250 292 368 F, le montant de la sanction pécuniaire doit, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, être fixé à la somme de 9 000 000 de francs ;
19° Concernant la société Quillery et Cie :
Considérant que la société Quillery a participé aux concertations et échanges d'informations, d'une part, entre vingt-neuf entreprises en vue de la répartition des travaux d'infrastructures des lignes de TGV et entre sept entreprises en vue de la répartition des travaux de construction des ponts et, d'autre part, à l'occasion de la passation des marchés de la section 21 du TGV Rhône-Alpes (environ 2,4 milliards de francs), du pont de Normandie (environ 1,2 milliard de francs), du pont de Rochefort (environ 200 millions de francs), du pont de Plougastel (environ 270 millions de francs) et du pont de Gennevilliers (environ 270 millions de francs) ;
Considérant que le secteur d'activité doit s'entendre des travaux mettant en œuvre des techniques et des matériels identiques, voisins ou complémentaires, par des personnels de même qualification eu égard aux prestations spécifiquement fournies par l'entreprise à l'occasion du marché concerné; qu'il ne peut en aucun cas être réduit aux seuls travaux publics qui ne déterminent pas en eux-mêmes une nature spécifique de prestations ; qu'il n'y a pas lieu, en conséquence, de restreindre au seul chiffre d'affaires des travaux publics l'assiette de la sanction ;
Considérant que le chiffre d'affaires étant pour l'année 1994 de 1 230 420 052 F, le montant de la sanction pécuniaire doit, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, être fixé à la somme de 23 400 000 F ;
20° Concernant la société SOGEA :
Considérant que la société SOGEA, appartenant aux sept entreprises " major " de la profession, a participé aux concertations et échanges d'informations, d'une part, entre vingt-neuf entreprises en vue de la répartition de l'ensemble des marchés des infrastructures des lignes des TGV, d'autre part, en vue de l'attribution des marchés de la section 21 du TGV Rhône-Alpes (environ 2,4 milliards de francs) et du pont de Normandie (environ 1,2 milliard de francs) ;
Considérant que, faute d'éléments ayant pu être débattus contradictoirement devant la cour, tant en ce qui concerne le caractère définitif ou non des sanctions antérieurement prononcées par le conseil qu'en ce qui concerne leur incidence sur l'appréciation du comportement général de l'entreprise sur le marché, la réitération des pratiques illicites ne peut être retenue en l'espèce à l'encontre de la société SOGEA ;
Considérant que, le chiffre d'affaires en France étant pour l'année 1994, dernier exercice clos, de 547 368 000 F, le montant de la sanction pécuniaire doit, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, être fixé à la somme de 4 800 000 F ;
21° Concernant la société Entreprise Jean Spada :
Considérant que la société Jean Spada a participé aux concertations et échanges d'informations entre vingt-neuf entreprises en vue de la répartition de l'ensemble des travaux d'infrastructures des lignes de TGV ;
Mais considérant qu'il convient de prendre en considération, pour apprécier sa situation propre et la gravité des faits qui lui sont reprochés, le fait que la société Spada est une PME, entreprise régionale de dimension et d'influence modestes au regard des entreprises " major " ayant piloté les opérations et qu'elle n'a pas été initiatrice des pratiques auxquelles elle a adhéré pour intégrer un groupement ;
Considérant encore que, faute d'éléments ayant pu être débattus contradictoirement devant la cour tant en ce qui concerne le caractère définitif ou non de la sanction antérieurement prononcée par le conseil, qu'en ce qui concerne son incidence sur l'appréciation du comportement général de l'entreprise sur le marché, la réitération des pratiques illicites ne peut être retenue en l'espèce à l'encontre de la société concernée ;
Considérant que, le chiffre d'affaires étant pour l'année 1994 de 376 060 911 F, le montant de la sanction pécuniaire doit, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, être fixé à la somme de 400 000 F ;
22° Concernant la société Spie-Batignolles :
Considérant que la société Spie-Batignolles, appartenant à la catégorie des " major " de la profession, a participé aux concertations et échanges d'informations concernant :
1° L'accord général sur la répartition, entre vingt-neuf sociétés, des travaux d'infrastructures des lignes de TGV ;
2° Le marché de la section 21 du TGV Rhône-Alpes ;
3° Le marché du pont de Gennevilliers ;
Considérant que le secteur d'activité doit s'entendre des travaux mettant en œuvre des techniques et des matériels identiques, voisins ou complémentaires, par des personnels de même qualification, eu égard aux prestations spécifiquement fournies par l'entreprise à l'occasion du marché concerné; qu'il ne peut en aucun cas être réduit aux seuls travaux publics qui ne déterminent pas en eux-mêmes une nature spécifique de prestations ; quel'attestation des commissaires aux apports et à la filialisation par Spie-Batignolles de ses activités à la société Spie-Batignolles TP ne permet pas d'établir que l'activité de génie civil de Spie-Batignolles constituerait un établissement distinct et autonome ;
Considérant que, faute d'éléments ayant pu être débattus contradictoirement devant la cour tant en ce qui concerne le caractère définitif ou non de la sanction antérieurement prononcée par le conseil, qu'en ce qui concerne son incidence sur l'appréciation du comportement général de l'entreprise sur le marché, la réitération des pratiques illicites ne peut être retenue en l'espèce à l'encontre de la société concernée ;
Considérant que, le chiffre d'affaires étant en France pour l'année 1994, dernier exercice clos, de 1 259 199 536 F, le montant de la sanction pécuniaire doit, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, être fixé à la somme de 17 120 000 F ;
23° Concernant la société Spie-Citra :
Considérant que la société Spie-Citra a participé aux concertations et échanges d'informations entre douze entreprises en vue de l'attribution du marché du pont de Normandie ;
Considérant que, le chiffre d'affaires en France étant pour l'année 1994, dernier exercice clos, de 97 084 036 F, le montant de la sanction pécuniaire doit, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, être fixé à la somme de 300 000 F ;
24° Concernant la société Valerian :
Considérant que la société Valerian a participé aux concertations et échanges d'informations tendant à la répartition, entre vingt-neuf entreprises, des travaux d'infrastructures des lignes de TGV ;
Mais considérant qu'il convient de prendre en considération, pour apprécier sa situation propre et la gravité des faits qui lui sont reprochés, le fait que la société Valerian était, à l'époque, une PME, entreprise régionale de dimension et d'influence modestes au regard des entreprises "major " ayant piloté les opérations et qu'elle n'a pas été initiatrice des pratiques auxquelles elle a adhéré pour intégrer un groupement, ne disposant, au demeurant, que de peu d'autonomie par rapport à sa société mère, les Chantiers Modernes, dont elle était complémentaire sur le marché du terrassement ;
Considérant que le chiffre d'affaires en France étant pour l'année 1994, dernier exercice clos, de 254231 809 F, le montant de la sanction pécuniaire doit, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, être fixé à la somme de 300 000 F ;
Par ces motifs : Décide qu'il n'y a lieu de surseoir à statuer ; Rejette les recours formés par les sociétés Bouygues, Campenon-Bernard, Fougerolle, Nord-France-Entreprise, Quille, Quillery et Spie-Citra ; Décide qu'en conséquence sont maintenues les sanctions prononcées à leur encontre par le conseil : - la société Bouygues, 148 700 000 F ; - la société Campenon-Bernard, 31 700 000 F ; - la société Fougerolle, 16 700 000 F ; - la société Nord-France-Entreprise, 3 100 000 F ; - la société Quille, 9 000 000 F ; - la société Quillery, 23 400 000 F ; - la société Spie-Citra, 300 000 F ; Annule les sanctions prononcées à l'encontre des sociétés Bec, Chagnaud, Chantiers Modernes, Entreprise Industrielle, Guintoli, Sogea, Spada et Spie-Batignolles ; Statuant à nouveau, prononce à leur encontre les sanctions suivantes : - la société Bec Frères, 1 000 000 F ; - la société Chagnaud, 500 000 F ; - la société Chantiers Modernes, 8 000 000 F ; - la société Entreprise Industrielle, 2 000 000 F ; - la société Guintoli, 100 000 F ; - la société Sogea, 6 000 000 F ; - la société Entreprise Jean Spada, 400 000 F ; - la société Spie-Batignolles, 17 120 000 F ; Annule la décision attaquée en ce qu'elle a prononcé une sanction pécuniaire à l'encontre de la Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) ; Décide qu'il n'y a lieu à sanction à son encontre ; Réformant pour le surplus la décision attaquée, fixe aux montants suivants les sanctions pécuniaires infligées à : - la société Demathieu et Bard, 500 000 F ; -la société Deschiron, 500 000 F ; - la société DTP Terrassement, 600 000 F ; - la société Gagneraud Père et Fils, 750 000 F ; - la société Muller TP, 400 000 F ; - la société Pertuy, 750 000 F ; - la société Prigent, 200 000 F ; - la société Valerian, 300 000 F ; Rejette tous autres moyens et demandes ; Met les dépens à la charge des requérants à l'exception de la société SAE mise hors de cause.