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Décisions

Conseil Conc., 7 octobre 1997, n° 97-D-72

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Saisine présentée par la société Reebok France à l'encontre des sociétés Adidas Sarragan France et Uhlsport

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport de M. Jean-René Bourhis, par M. Jenny, vice-président ; présidant la séance, Mme Boutard-Labarde ; MM. Gicquel, Pichon, Robin, Sargos, Urbain, membres.

Conseil Conc. n° 97-D-72

7 octobre 1997

Le Conseil de la concurrence (section II),

Vu la lettre enregistrée le 23 juillet 1996 sous le numéro F 886 par laquelle Me Voillemot a saisi le Conseil de la concurrence au nom de la société Reebok France de pratiques qui auraient été mises en œuvre par la société Adidas Sarragan France et par la société Uhlsport ; Vu l'ordonnance n° 86­1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86­1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu la loi n° 84­610 du 16 juillet 1984 modifiée ; Vu la décision n° 97­D­71 du Conseil de la concurrence en date du 7 octobre 1997 relative à une saisine présentée par les sociétés Asics France, Uhlsport France, LJO International, Le Roc Sport, VIP France, Puma France, Mizuno France, ABM Sport France, W. Pabisch, Lotto France, Nike France et Noël France, d'une part, et par la société Reebok France, d'autre part à l'encontre de la Ligue Nationale de Football et de la société Adidas Sarragan France ; Vu les observations présentées par les sociétés Reebok France, Adidas, Uhlsport et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, le représentant des sociétés Reebok France Adidas et Uhlsport entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci­après exposés :

I­ CONSTATATIONS

1­ L'organisation du football professionnel

Le sport de football professionnel ou amateur se pratique, dans sa forme organisée, au sein de clubs qui sont regroupés en associations nationales appelées fédérations. Les fédérations nationales sont membres de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA), association de droit suisse ayant son siège à Zurich. La FIFA, qui organise la coupe du monde de football, est divisée en confédérations continentales. L'Union Européenne de Football Association (UEFA), qui a également son siège en Suisse, est l'organisation compétente pour l'Europe.

Les fédérations organisent les championnats nationaux en fonction du niveau des clubs qui sont répartis au sein de plusieurs divisions hiérarchiques.

A. L'organisation du sport en France

En France, ce sont les fédérations sportives qui sont, en application des dispositions de l'article 16 de la loi n° 84­610 du 16 juillet 1984, modifiée par la loi n° 92­652 du 13 juillet 1992, chargées de "promouvoir l'éducation par les activités physiques et sportives, de développer et d'organiser la pratique des activités physiques et sportives". La loi précitée dispose qu'à condition d'avoir adopté des statuts conformes à des statuts types définis par décret en Conseil d'Etat, les fédérations sportives agréées par le ministre chargé des sports participent à l'"exécution d'une mission de service public". A ce titre, elles ont un pouvoir disciplinaire "dans le respect des principes généraux du droit" et font respecter les règles techniques et déontologiques de leurs disciplines. Les fédérations sportives sont placées sous la tutelle du ministre chargé des sports à l'exception de la Confédération du sport scolaire et universitaire.

Conformément à l'article 17 de la loi du 16 juillet 1984, une seule fédération reçoit, dans chaque discipline sportive et pour une période déterminée, délégation du ministre chargé des sports pour organiser les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux et procéder aux sélections correspondantes. La loi précise que la fédération désignée "définit, dans le respect des règlements internationaux, les règles techniques propres à sa discipline" et qu'un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'attribution et de retrait de la délégation. Un arrêté du ministre chargé des sports fixe la liste des fédérations délégataires de la mission d'organiser les compétitions officielles.

Un décret en Conseil d'Etat (n° 90­347 du 13 avril 1990) prévoit les conditions d'attribution de la délégation prévue à l'article 17 de la loi susmentionnée, "lorsqu'il est institué au sein de la fédération un organisme chargé de diriger les activités de caractère professionnel". Le décret prévoit notamment la mise au point d'une convention, approuvée par le ministre chargé des sports, définissant les relations de l'organisme concerné avec la fédération sportive.

B. Le football

C'est la Fédération Française de Football (FFF), association régie par la loi du 1er juillet 1901, fondée en 1906, qui a reçu la délégation prévue à l'article 17 de la loi n° 84­610 du 16 juillet 1984 (arrêtés ministériels du 2 août 1989 et du 2 juillet 1991).

Au nombre des ressources de la Fédération figurent notamment (article 32 des statuts) celles provenant de la "publicité et des retransmissions télévisées". L'article 18­1 de la loi du 16 juillet 1984 modifiée par la loi du 13 juillet 1992 dispose en effet que "le droit d'exploitation d'une manifestation sportive appartient à l'organisateur de cet événement, tel qu'il est défini aux articles 17 et 18".

La convention qui lie la Ligue Nationale de Football (LNF), association régie par la loi du 1er juillet 1901, à la FFF dispose en son article 1er que "La gestion du football professionnel, reconnu par la FFF, dans le cadre de ses règlements et suivant les décisions de l'assemblée fédérale, est déléguée à la Ligue Nationale de Football". L'article 4 de ladite convention précise que "la publicité sur les équipements sportifs est réglementée par la FFF ; celle figurant dans les stades est permise dans les limites habituelles". L'article 5 des statuts de la LNF précise que cet organisme assure "la gestion des activités du football professionnel en application et en conformité avec les règlements de la Fédération Française de Football, les dispositions de la convention conclue entre cette dernière et celle­là".

La LNF est composée (article 7 des statuts) :

- des groupements sportifs participant aux championnats de France de première ou deuxième divisions professionnelles. Ces groupements sont, conformément à l'article 11 de la loi du 16 juillet 1984 susvisée, constitués sous forme d'associations à statuts particuliers, de sociétés d'économie mixte (SEM) ou de sociétés à objet sportif ;

- de membres individuels parrainés par les présidents de clubs ;

- de membres d'honneurs désignés par l'assemblée générale.

La LNF est administrée par un conseil d'administration de vingt­six membres élus au scrutin secret comprenant huit représentants des clubs professionnels de première division, trois représentants des clubs professionnels de deuxième division, cinq membres indépendants n'appartenant pas à un club affilié à la LNF, deux représentants de joueurs, deux représentants des éducateurs et cadres techniques, un représentant des arbitres et un représentant des personnels administratifs.

Parmi les attributions du conseil d'administration (article 24 des statuts), figurent les décisions relatives aux "ventes, échanges, achats, baux, quittances, mainlevées, marchés, transferts de valeurs". Le président est élu par l'assemblée générale au scrutin secret, dès l'élection du conseil d'administration. Un bureau, élu au sein du conseil d'administration à l'exclusion du président, membre de droit, prépare les travaux du conseil d'administration et assure la "mise en œuvre de la politique de la ligue".

Un "règlement des championnats de France professionnels de première et deuxième divisions" définit les conditions dans lesquelles se déroulent les épreuves du championnat professionnel. Les articles 315 et 316 dudit règlement sont consacrés aux règles relatives aux équipements des joueurs.

2­ Le secteur du parrainage, des équipements destinés à la pratique du football et des répliques

La commission de terminologie définit le parrainage comme le "soutien matériel apporté à une manifestation, à une personne, à un produit ou à une organisation en vue d'en retirer un bénéfice direct". Le parrainage se distingue donc du "mécénat", défini comme le "soutien matériel apporté sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire à une œuvre ou à une personne pour l'exercice d'activités présentant un intérêt général", et du "patronage", défini comme le "soutien moral explicite apporté à une personne, une organisation ou une manifestation".

Les clubs de football professionnels font généralement appel à deux types de "sponsors" :

- d'une part, les fabricants de produits de marque non utilisés par les sportifs dans leur activité sportive ;

- d'autre part, les fabricants d'articles de sport utilisés par les sportifs dans leur discipline sportive, comme les fabricants de chaussures de football. Pour désigner ce type de parrainage on utilise généralement le terme "parrainage sportif".

La fourniture d'équipements de sport par un fabricant d'articles de marque à une équipe professionnelle, assortie ou non du versement supplémentaire de "royalties", en contrepartie du droit d'utiliser l'image de cette équipe relève donc du "parrainage sportif" en ce qu'il vise à la promotion commerciale d'articles de sport de marque par l'intermédiaire de sportifs professionnels.

Il est de pratique courante que les clubs de football professionnels engagés dans le championnat de France, en particulier les plus notoires, bénéficient d'une dotation d'équipements sportifs (vêtements, chaussures) de la part d'un fabricant d'articles de sport dans le cadre de contrats de parrainage signés entre les fabricants concernés et les clubs. Ces contrats définissent généralement les conditions dans lesquelles les parrains peuvent utiliser les images et le nom du club et des joueurs (en tant que membres du club), notamment sur ses catalogues et documents publicitaires ainsi que sur des panneaux disposés sur le stade. En contrepartie, les fabricants s'engagent à fournir gratuitement au club des équipements sportifs et, parfois, à lui verser une rémunération annuelle fixe. Le contrat peut également prévoir le versement au club de royalties sur les ventes au grand public d'équipements, notamment les répliques, et de gadgets publicitaires utilisant les logos du club.

Tous les fabricants d'articles de football les plus notoires consacrent une part importante de leur budget au parrainage de clubs ou d'équipes nationales de renom.

Toutes les entreprises spécialisées dans la fabrication ou la commercialisation d'articles de sport ayant saisi le Conseil de la concurrence en juin 1995 (Cf. décision n° 97­D­71 du 7 octobre 1997 susvisée) exerçaient, avant les faits dénoncés dans cette saisine, une activité de parrainage dans le secteur du football. Selon les éléments recueillis auprès des entreprises la part des dépenses de parrainage dans les dépenses totales de promotion (publicité, parrainage) est la suivante :

EMPLACEMENT TABLEAU

La société Adidas Sarragan France a évalué à 126,585 millions de francs les dépenses "publicitaires et promotionnelles" de l'année 1994 dont 41,3 millions de francs au titre de la "contribution internationale" de la société. Les dépenses de parrainage ont représenté 40 % des dépenses "publicitaires et promotionnelles" de la société Adidas.

Le secteur des articles destinés à la pratique du football :

La pratique du football en plein air, dans le cadre des épreuves officielles, impose aux joueurs le port de chaussures à crampons, de maillots, de chaussettes et d'un short aux couleurs du club d'appartenance. Les gardiens de but sont tenus de porter des équipements (gants, maillot, short) distincts de ceux des joueurs de champ, à l'exception des chaussures, notamment pour des raisons de sécurité et d'identification.

Les fabricants d'articles de football fournissent généralement l'ensemble des équipements requis. Selon les études disponibles, les parts des fabricants de chaussures de football de marque étaient les suivantes à la fin de l'année 1995 :

EMPLACEMENT TABLEAU

(source : Panel Nielsen)

Selon des chiffres cités par les sociétés Asics et autres dans leur saisine F 767 et non contestés, environ 1 500 000 paires de chaussures de football ont été distribuées en 1994 pour une valeur (prix consommateurs) de 428 millions de francs, soit un prix moyen de vente d'environ 285 F.

La société Adidas Sarragan France (ci­après Adidas), filiale de la holding Adidas International dont le siège se trouve en Bavière, occupait une part importante dans toutes les tranches de prix, hormis celle inférieure à 200 F, qui concerne essentiellement les chaussures de marque de distributeurs ou de "premier prix". Cette part était supérieure à 68 % dans la tranche de prix supérieure à 500 F.

Il n'existe en revanche pas de panels dans le domaine des articles de textile (maillots, chaussettes) permettant de connaître la part des différents producteurs.

La marque Adidas et le logo aux trois bandes jouissent, de longue date, d'une réputation mondiale. Cette notoriété est reconnue par la société Adidas elle­même puisqu'elle rappelle, dans le projet de contrat de parrainage versé au dossier (préambule) : "Adidas (...) s'est intéressée au football faisant preuve d'un investissement conséquent et permanent au travers de son histoire. C'est ainsi que dès 1925, M. Adi Dassler, fondateur de la société Adidas, concevait les premiers crampons de football. Au fil des années, les technologies se sont diversifiées allant toujours vers plus de recherche, de technicité, et de performance. (...) En France, en particulier, Adidas n'a cessé de promouvoir ce sport en accord avec la Fédération Française de Football avec qui elle entretient des liens étroits de puis 1972. (...) De plus par son envergure internationale, elle a développé une expérience non pas uniquement française mais mondiale, dont elle a fait bénéficier la Fédération Française de Football".

A l'instar d'Adidas, tous les autres fabricants de chaussures de marque de football utilisent le parrainage comme mode de promotion des ventes, associant leur marque à la notoriété de certains clubs ou de certaines équipes nationales. Le directeur de la société Lotto France a ainsi souligné l'importance que représente pour un fabricant d'articles de football de pouvoir parrainer un club français et déclaré : "L'approche de la coupe du Monde (...) ouvre des perspectives commerciales importantes et il est donc nécessaire de pouvoir assurer la promotion de la marque par l'intermédiaire d'un club".

Le parrainage d'une équipe de football professionnelle permet à un fabricant de :

- promouvoir ses produits, soit directement auprès du public sur les stades, soit indirectement par l'intermédiaire de la télévision ou des médias. Les rencontres du championnat de France de football font notamment l'objet de diffusions régulières par Canal + donnant aux parrains des clubs concernés l'assurance de voir leur marque et leur logo mis en évidence, que ce soit sur les équipements des joueurs ou sur les panneaux publicitaires généralement situés dans l'axe des caméras, à proximité des buts ;

- ouvrir des possibilités supplémentaires de vente auprès des différentes équipes de joueurs amateurs du club, les contrats de parrainage prévoyant généralement que les équipements complémentaires à ceux faisant l'objet de la dotation d'équipements seront achetés, soit directement auprès du "sponsor", soit auprès du représentant local dudit "sponsor".

Avec près de 2 millions de licenciés, le football, qui est un des sports les plus pratiqués en France, représente un potentiel important pour les fabricants d'articles de cette discipline et notamment les chaussures. Selon BVA L'Equipe (1994), 67,1 % des Français ont classé le football en première position parmi leurs quatre sports préférés devant le tennis (39,2 %), le rugby (36,5 %) et le cyclisme. Cela se traduit en matière d'audience télévisée et également en ce qui concerne les articles consacrés à ce sport par les médias spécialisés. En 1994, 27 % de la pagination rédactionnelle du quotidien L'Equipe étaient consacrés au football contre seulement 7,7 % au cyclisme, qui était classé en deuxième position devant l'automobile (7,4 %).

La société Uhlsport est une filiale de la société de droit allemand Sportart Ikelfabrik Karl Uhl GmbH, sise à Balingen en Allemagne. Son chiffre d'affaires 1995 s'est élevé à 61 millions de francs (pour 48,7 millions au cours de l'exercice précédent) dont 100 % en équipements de football et environ 70 % en équipements de gardiens de but (gants, protège­tibias, textile...). Le directeur général de la société a déclaré : "Actuellement (saison 96/97) environ 75 à 80 % des gardiens titulaires des équipes professionnelles de D1 portent des équipements de marque Uhlsport, soit parce que les joueurs ont signé des contrats individuels, soit parce que les clubs ont signé des contrats avec notre société, soit (la majorité des cas) parce qu'ils souhaitent porter ces équipements et que nous le leur fournissons à titre gracieux. En revanche, s'agissant de la totalité du marché des équipements de gardiens (équipes professionnelles et amateurs) la société représente environ 40 %, les suivants étant les sociétés Reusch et Adidas qui doivent peser environ 15 % de part chacune. Ce marché est extrêmement restreint. Il représente environ 100 millions de francs en valeur.

"Il existe un autre fabricant de marque spécialisé dans les équipements de gardiens de but qui se dénomme Reusch. Hormis ce fabricant, tous les autres fabricants d'équipements commercialisent ce type de produits.

"Généralement nous fabriquons du sur mesure pour les gardiens professionnels, ce qui fait la différence par rapport à la concurrence".

Le tableau ci­après fait apparaître les clubs et/ou gardiens de but titulaires de la première division sous contrat avec la société Uhlsport au cours des saisons 93/94, 94/95 et 95/96 (les astérisques indiquent les clubs et joueurs sous contrat) :

EMPLACEMENT TABLEAU

(source : société Uhlsport)

Le directeur général de la société Uhlsport a fourni les explications suivantes, lors de son audition :

"Dans certains cas il existe des contrats entre Uhlsport et le club, dans d'autres cas, un contrat est signé entre Uhlsport et le gardien. Il arrive également que Uhlsport signe un contrat avec le club et le gardien (exemple d'Olmeta à Lyon). La raison de ces différents contrats est la suivante : lorsque le club est déjà sous contrat avec un équipementier­sponsor et que le contrat l'autorise, Uhlsport peut signer un contrat spécifique avec le club pour ce qui concerne les gardiens. Même lorsque le club est déjà sous contrat avec un équipementier, si le gardien l'exige, l'équipementier tolère alors qu'un contrat spécifique soit signé entre le gardien et un équipementier spécialisé. Ceci fait partie des us et coutumes dans le monde du football. Cela s'explique par la technicité du produit. Même dans le cas où Uhlsport est sous contrat avec un club et que le gardien s'oppose au port de nos équipements, nous acceptons cette situation bon gré mal gré en sachant que la situation peut évoluer en cas de changement de gardien. Ainsi, dans l'équipe de Marseille (OM), le gardien titulaire (Köpke) porte un équipement de marque Reusch en dépit du fait que l'OM a signé un contrat important avec Adidas pour l'équipement de l'ensemble des joueurs y compris le gardien. A l'inverse, dans l'équipe de Nantes où le gardien Cassagrande est sous contrat avec Uhlsport, nous rencontrons des difficultés avec le club en raison du contrat général signé avec la société Adidas. Au club de Bastia, la société Reebok, sponsor principal, semble tolérer le port des équipements de marque Uhlsport par le gardien. Dans le cas où Uhlsport ne signe pas de contrat, ni avec le gardien, ni avec le club, Uhlsport ne sollicite pas d'autorisation de la part du club pour doter le gardien, celui­ci faisant son affaire du port des équipements avec son club. En France, il n'existe pas de contrats entre équipementiers et joueurs de champ, à la différence d'autres pays européens. Ceci, à mon avis résulte de l'application d'une charte applicable aux joueurs professionnels".

Ledit responsable a par ailleurs versé au dossier la liste des clubs sous contrat avec la société Uhlsport (saison 96/97) ainsi que les joueurs sous contrat et la liste des gardiens destinataires d'un équipement de marque Uhlsport bien que n'ayant pas contracté avec cette entreprise :

Sept clubs de division 1 étaient signataires d'un contrat avec la société Uhlsport. S'agissant des gardiens de but, onze gardiens titulaires étaient signataires d'un contrat avec la société Uhlsport. Par ailleurs, les gardiens de Montpellier et Nancy, qui n'étaient théoriquement pas liés avec la société Uhslport (soit directement, soit indirectement), recevaient également une dotation d'équipement.

En division 1, seuls les gardiens titulaires de Paris­Saint­Germain (club sous contrat avec la marque Nike), de Nantes et de Strasbourg (clubs sous contrat avec Adidas) ne portaient donc pas d'équipement de marque Uhslport. En revanche, le gardien titulaire du club de Bastia (M. Piveteau), club sous contrat avec la marque Reebok France, portait un équipement de marque Uhslport dans la mesure où l'intéressé a signé un contrat de parrainage individuel avec ce fabricant, qui a versé une copie du contrat au dossier.

La société Reebok France avait déclaré au sujet du club de Bastia : "La société Reebok France vient en effet d'être informée, il y a quelques jours, que le gardien de but de ce club était désormais équipé par la société Uhlsport sans que la société Reebok France n'en ait été informée et n'ait donné son accord". Le gérant de la société Adidas avait également déclaré, le 9 juillet 1996 : "Dans la quasi totalité des cas, on ne force pas l'application stricte des contrats de parrainage en ce qui concerne les gardiens de but. Il existe des spécialistes d'équipements de gardiens de but comme Uhlsport ou Reusch : c'est vrai pour des clubs sous contrat avec Adidas ou des clubs sous contrat avec d'autres équipementiers comme par exemple le PSG ou Bordeaux, Bastia et Marseille, clubs dans lesquels les gardiens ne portent pas l'équipement fourni par le parrain du club mais portent l'équipement de leur choix".

3­ Les faits

L'Association de la Jeunesse Auxerroise (AJ Auxerre) est un des clubs professionnels les plus notoires du football français, grâce notamment aux succès obtenus à l'issue de la saison 1995/1996 en remportant le titre de champion de France et de vainqueur de la coupe de France. Ce club dispute le championnat de France de première division. Au moment des faits, l'entraîneur de l'AJ Auxerre, M. Guy Roux, était membre du conseil d'administration de la Ligue Nationale de Football.

Le 12 octobre 1994, la société Uhlsport, qui fournissait déjà les équipements textiles du club, était devenu "fournisseur officiel et exclusif de l'AJ Auxerre" dans le domaine des équipements textiles ainsi que des chaussures et des sacs sportifs pour les saisons 1995/1996, 1996/1997 et 1997/1998.

Le 12 janvier 1996, le gérant d'Adidas s'adresse en ces termes au club de l'AJ Auxerre : "(...) désireux de contracter un partenariat avec vous le plus rapidement possible, nous sommes prêts à vous accorder une prime d'entrée additionnelle de 900 000 F au cas où ce contrat pourrait entrer en vigueur dès la saison 96/97, à condition que nous signions un accord de principe avant le 31 janvier 1996".

Le 6 mai 1996, le gérant d'Adidas félicite le président du club d'Auxerre pour la victoire de son club en coupe de France, le 4 mai, et lui transmet un projet de contrat "correspondant à nos (leurs) accords et à mon (son) courrier du 25 avril 1996". L'AJ Auxerre avait remporté le championnat de France le 26 avril 1996.

Le 13 mai 1996, la société Uhlsport et le club de l'AJ Auxerre décident de mettre un terme à leur "collaboration" telle que définie dans le contrat du 12 octobre 1994, la société Uhlsport renonçant à être le "fournisseur exclusif" de l'AJ Auxerre en équipements sportifs pour devenir "fournisseur officiel et exclusif" pour les ballons, les équipements complets de gardiens de but et les équipements complets des entraîneurs ainsi que de l'ensemble du "staff technique et médical". Dans la lettre du 13 mai 1996 transmettant à l'AJ Auxerre l'avenant au contrat d'octobre 1994, le directeur général de la société Uhlsport déclare au vice­président du club : "Comme vous l'avez bien compris, nous ne pouvons pas suivre l'extraordinaire inflation que connaît actuellement le marché du sponsoring du football français. C'est en ce sens où, tout en étant très heureux de poursuivre notre collaboration sur de nouvelles bases, nous vous souhaitons de trouver le meilleur sponsor que possible convenant aux légitimes ambitions sportives de l'AJA".

Une correspondance en date du 23 mai 1996 de la société Reebok fait état d'obstacles que rencontrerait cette société auprès du club d'Auxerre en raison du contrat de parrainage en cours avec la société Uhlsport. Dans cette lettre, le responsable concerné précise que "si ces obstacles tenaient au souhait de la marque Uhsport de demeurer l'équipementier des seuls gardiens de but de votre club, comme elle peut l'être pour de nombreux autres clubs, nous y serions tout à fait disposés" et demande au vice­président du club d'entrer en contact avec lui afin d'"utilement poursuivre nos (les) discussions". Cette lettre est demeurée sans réponse.

Par un contrat daté du 25 mai 1996, Adidas obtient le droit de parrainer le club de l'AJ Auxerre jusqu'au 30 juin 2000. Par ailleurs, le 29 mai 1996, un accord est signé entre Adidas, d'une part, et la société Uhlsport, d'autre part. Cet accord, qui se réfère à l'accord signé le 13 mai 1996 entre l'AJ Auxerre et la société Uhlsport, précise que "les parties profitent de la présente convention pour rappeler que la société Uhlsport équipe depuis plusieurs années la plupart des gardiens de but de D1 et D2" et que "la société Adidas qui connaît cette situation accepte cet état de fait, et s'engage à ne pas le remettre en cause".

Le 5 juin 1996, le président de l'AJ Auxerre déclare : "Nous avons fini par nous mettre d'accord avec Adidas, non pas vraiment pour des conditions meilleures, mais en raison de l'accord qui a été établi entre Uhlsport ­ Adidas sur les gardiens".

Lors de son audition au Conseil de la concurrence, le 9 juillet 1996, le gérant de la société Adidas Sarragan France avait en effet déclaré : "La société Adidas était intéressée par le club d'Auxerre compte tenu de la régularité de ses performances. Croyant que le club était sous contrat jusqu'au 30 juin 1997, j'ai pris contact avec ses responsables à la fin de l'année 1995 et j'ai fait une première offre formalisée le 12 janvier 1996. Cette offre était faite à l'échéance du contrat avec Uhlsport mais prévoyait une prime en cas de mise en œuvre plus rapide. Les responsables de l'AJ Auxerre m'ont déclaré être intéressés par l'offre de la société Adidas en raison de la dotation financière mais pas uniquement pour cela. Les joueurs sont généralement demandeurs d'équipements Adidas. Je confirme que certains joueurs appartenant à des clubs sous contrat avec un autre équipementier qu'Adidas utilisent régulièrement des chaussures de marque Adidas en raison des qualités techniques qu'ils leurs attribuent. Par la suite l'AJ Auxerre a fait jouer la concurrence, ce qui explique l'augmentation de notre offre initiale".

Un projet de contrat de parrainage a par ailleurs été adressé au club de l'AJ Auxerre par la société Reebok au cours du mois d'avril 1996. Le 13 mai 1996, le responsable de la promotion sports au sein de la société Reebok déclarait au président de l'AJ Auxerre qu'il était prêt à "renégocier" la proposition faite "compte tenu de vos résultats exceptionnels".

Le vice­président de l'AJ Auxerre a, quant à lui, déclaré, par procès­verbal d'audition en date du 5 juillet 1996 : "La société Uhlsport ne pouvant faire face à nos exigences de sponsoring nous a autorisé à chercher un autre sponsor. L'AJ Auxerre est donc entrée en contact avec les sociétés Reebok France et Adidas".

Le contrat signé entre Adidas et le club de l'AJ d'Auxerre contient une clause aux termes de laquelle le club "accordera un droit de préférence à la société (Adidas) si à l'échéance de la période contractuelle, celle­ci accepte de traiter sur la même base que la proposition écrite définitive de la concurrence. Le club notifiera la proposition définitive de la concurrence au plus tard 90 (quatre­vingt­dix) jours avant la fin de la période contractuelle par un courrier recommandé avec avis de réception. La décision de la société (Adidas) sera notifiée au club par courrier recommandé avec accusé de réception".

Le 13 septembre 1996, Adidas a adressé une lettre à l'AJ Auxerre dans laquelle le "sponsor" informe le club qu'il ne mettra pas en œuvre la clause de préférence à l'échéance du contrat.

II­ SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,

Sur la procédure :

En ce qui concerne la "confusion" qui aurait été effectuée entre plusieurs procédures :

Considérant qu'Adidas soutient que les procédures ouvertes à la suite des saisines F 767 - F 769, d'une part, et F 886, d'autre part, étant distinctes, aucune référence à la première saisine ne pouvait être effectuée dans la notification de griefs relative à la deuxième saisine au sujet de la définition du marché pertinent ; qu'ainsi, selon Adidas, le rapporteur ne pouvait se référer pour la définition du marché à l'analyse à laquelle il avait procédé lors de l'instruction des saisines F 767 - F 769 ; que cette entreprise déclare que "si en vertu de la connexité entre les deux dossiers il était indispensable de se référer à l'autre procédure", il appartenait alors au rapporteur, "dans le cadre d'une bonne administration de la justice", d'opérer la jonction juridique entre les deux procédures ;

Mais considérant que les marchés pertinents retenus par le rapporteur étaient clairement identifiés tant dans la notification de griefs que dans le rapport ; qu'Adidas a d'ailleurs fait valoir son point de vue sur le marché pertinent dans ses observations en réponse à la notification de griefs et au rapport relatifs à la présente saisine ; que le principe du contradictoire ayant été respecté, conformément aux dispositions de l'article 18 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée, Adidas invoque à tort la nullité de la procédure ;

En ce qui concerne le champ de la saisine :

Considérant qu'Adidas soutient que le conseil ayant estimé, dans sa décision du 23 juillet 1996, que l'instruction devait porter sur "l'accord passé entre les sociétés Adidas et Uhlsport", aucun grief ne saurait lui être imputé au titre des abus de position dominante réprimés par l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais considérant, ainsi que le reconnaît Adidas, que le Conseil de la concurrence est saisi "in rem" de pratiques sur un marché ; qu'il n'est pas tenu par les qualifications juridiques de l'administration ou des parties saisissantes ; que le conseil, lorsqu'il examine la recevabilité d'une saisine assortie d'une demande de mesures conservatoires, se borne à vérifier si la saisine entre dans son champ de compétence et si elle est assortie d'éléments suffisamment probants pour procéder à une instruction sur le fond; qu'il ne saurait donc, dans le cadre de l'instruction au fond, être lié par les termes employés dans sa décision de mesures conservatoires; que l'argument d'Adidas est donc inopérant ;

En ce qui concerne le marché des équipements sportifs destinés à la pratique du football en plein air :

Considérant que les activités sportives organisées nécessitent le port d'équipements spécifiques par les joueurs ; que d'ailleurs, dans un but de sécurité, les fédérations sportives adoptent dans chaque sport concerné des normes applicables figurant dans les règlements internes aux fédérations ; qu'ainsi, la pratique du football nécessite le port de différents équipements vestimentaires spécifiques tels que maillots, chaussures, non substituables les uns aux autres ; que chaque type d'équipement utilisé dans le football appartient à un marché distinct, étant précisé que des contraintes réglementaires spécifiques peuvent peser sur les gardiens de but et rendre certains de leurs équipements non substituables à ceux utilisés par d'autres catégories de joueurs ; que les chaussures destinées à la pratique du football sont distinctes des chaussures destinées à la pratique d'autres sports y compris les chaussures destinées à la pratique du rugby ; que, sur le marché de la chaussure de football sur lequel sont présentes différentes marques, il y a lieu de distinguer, d'une part, les chaussures de marque "haut de gamme", dont les prix excèdent 500 F la paire, qui représentent environ 14 % des ventes et qui s'adressent en priorité aux joueurs de haut niveau, ainsi que les chaussures de marque "moyenne gamme" dont les prix oscillent entre 200 et 500 F, qui représentent plus de 70 % des ventes, et, d'autre part les chaussures "bas de gamme", pour lesquelles la marque ne joue qu'un rôle secondaire aux yeux des consommateurs et dont les prix n'excèdent pas 200 F la paire ; qu'afin d'accroître ou de maintenir la notoriété de leurs marques, il est d'usage que les fabricants de chaussures de football de marque concluent des contrats de parrainage avec des clubs de football professionnels, lesquels acceptent que soit fait usage de leur image en contrepartie de la fourniture, par le fabricant concerné, de chaussures et d'accessoires ainsi que, le cas échéant, du versement d'une "dotation financière" variable selon la notoriété du club ; que, compte tenu de ces différents éléments, il y a lieu de retenir l'existence d'un marché de la chaussure de football de marque ;

Sur la position occupée par Adidas sur le marché concerné :

Considérant qu'Adidas possédait, en 1995, une part supérieure à 43 % sur l'ensemble du secteur de la chaussure de football alors que la part de ses concurrents n'excédait pas 2 à 10 % ; que, sur le seul segment "haut de gamme" du marché de la chaussure de marque, la part d'Adidas s'élevait à 68 %, alors qu'en ce qui concerne les chaussures "bas de gamme" se situant à un niveau de prix inférieur à 200 F la paire, la part d'Adidas se limitait à 1,5 % ; que, par ailleurs, la marque Adidas jouit, notamment dans le secteur du football, d'un prestige lié aux caractéristiques techniques des chaussures mises sur le marché, caractéristiques reconnues par de nombreux professionnels comme en attestent les contrats d'exclusivité signés avec la Fédération Française de Football (FFF) pour ce qui concerne le parrainage des équipes de France de football et des équipes participant à la coupe de France de football ainsi que le contrat d'exclusivité signé avec la Ligue Nationale de Football pour ce qui concerne le parrainage des équipes participant à la coupe de la Ligue ; qu'Adidas a également obtenu le parrainage de la coupe du monde de football qui doit se tenir en France en 1998 ; qu'Adidas appartient à un groupe commercialisant une marque célèbre et un logo de notoriété mondiale; que, si Adidas a connu des difficultés financières au cours de l'exercice 1992, les derniers résultats témoignent d'un "redressement spectaculaire" de la société ; que si, sur d'autres marchés géographiques, notamment ceux situés sur le continent américain, et sur d'autres marchés d'équipements sportifs, comme les équipements de "jogging", les sociétés Nike et Reebok disposent de parts de marché substantielles, il ressort de ce qui précède que la société Adidas Sarragan France dispose d'une position dominante sur le marché national de la chaussure de football de marque ;

Sur les pratiques en cause :

En ce qui concerne l'accord conclu entre la société Adidas et le club de l'AJ Auxerre :

Considérant qu'un contrat de parrainage a été signé, le 12 octobre 1994, entre l'AJ Auxerre et la société Uhlsport ; qu'aux termes de ce contrat, qui concernait l'ensemble du club et qui devait venir à expiration le 30 juin 1998, le "sponsor" s'engageait à verser au club une dotation financière d'un montant de 1 200 000 F à compter de la saison 1995/1996, assortie de primes en cas de victoires dans le championnat ou dans les coupes nationales ou européennes ; qu'en contrepartie, le club autorisait la société Uhlsport à se prévaloir du titre de "fournisseur officiel du club de l'AJ Auxerre", à utiliser les photographies des joueurs en équipe ou en action de jeu portant les équipements de la marque de la société et à "citer le nom du club en toute occasion et en particulier dans les annonces publicitaires" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la fin de l'année 1995, soit vers le milieu du championnat 1995/1996, le gérant d'Adidas prend l'initiative de contacter le club de l'AJ Auxerre au sujet d'un contrat de parrainage sportif ; que, le 12 janvier 1996, le même responsable "confirme la proposition d'Adidas pour signer, dès maintenant, avec l'AJ Auxerre un contrat de fournisseur d'équipement débutant à l'échéance de votre (du) contrat avec la société Uhlsport" ; qu'à la suite de l'offre déposée par la société Reebok, au début du mois d'avril 1996, une nouvelle offre a été adressée au club de l'AJ Auxerre, le 25 avril 1996, par Adidas ; que dans cette offre, qui se situe à la veille de la fin du championnat de France de football de première division, Adidas aligne le montant de sa proposition financière de 3 millions de francs sur celle faite peu de temps auparavant par la société Reebok ; qu'outre la dotation financière, l'offre d'Adidas est assortie de primes en cas de victoire dans le championnat ou (et) dans les coupes nationales et européennes ainsi que d'une dotation d'équipement d'une valeur de 500 000 F portée à 800 000 F en cas de participation à une coupe d'Europe ; que, dans son offre, Adidas précise : "Enfin, nous vous laisserions l'équipement fourni en début de la saison 95/96 d'une valeur totale de 700 000 F" ; que, selon la société saisissante, Adidas aurait abusé de sa position dominante en exerçant des "pressions" sur la société Uhlsport et sur l'AJ Auxerre pour obtenir le parrainage de ce club ;

Mais considérant qu'en présentant une offre de parrainage au club de l'AJ Auxerre en début d'année 1996, Adidas n'a fait qu'user de la liberté commerciale dont elle dispose de tenter de contracter avec un nouveau club, même si ledit club était déjà sous contrat avec un "sponsor" ; qu'il n'est pas établi que cette société se soit livrée à des pressions, tant auprès du club que de son "sponsor" pour obtenir le droit de parrainer l'AJ Auxerre ; qu'au cas particulier, il n'est pas établi qu'Adidas ou l'AJ Auxerre aient entendu mettre en œuvre l'accord conclu en 1995 entre Adidas et la LNF et relative au parrainage de l'ensemble des clubs de football de première et deuxième divisions ; que, d'ailleurs, les responsables du club ont décidé de faire jouer la concurrence en permettant à la société saisissante de présenter une offre en concurrence avec celle d'Adidas ; qu'il revenait au seul club d'Auxerre de décider quelle offre présentait les meilleures garanties pour lui, tant sur le plan financier que sur le plan technique ; qu'il n'est donc pas établi qu'Adidas aurait abusé de sa position dominante en exerçant des pressions sur l'AJ Auxerre pour obtenir le parrainage de ce club et aurait, de ce fait, contrevenu aux dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'il n'est pas non plus établi que la conclusion d'un accord de parrainage exclusif entre Adidas et l'AJ Auxerre contreviendrait par nature aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance susmentionnée ;

En ce qui concerne la clause conférant un droit de préférence à la société Adidas, par rapport à ses concurrents à l'échéance du contrat de parrainage signé avec l'AJ Auxerre :

Considérant que le contrat signé par Adidas avec l'AJ Auxerre contient une clause aux termes de laquelle le club "accordera un droit de préférence à la société (Adidas) si à l'échéance de la période contractuelle, celle­ci accepte de traiter sur la même base que la proposition écrite définitive de la concurrence. Le club notifiera la proposition définitive de la concurrence au plus tard 90 (quatre­vingt­dix) jours avant la fin de la période contractuelle par un courrier recommandé avec avis de réception. La décision de la société (Adidas) sera notifiée au club par courrier recommandé avec accusé de réception" ;

Considérant que la clause de priorité dont bénéficiait Adidas à l'issue de la période contractuelle organisait une asymétrie dans la négociation d'un nouveau contrat de parrainage de ce club en permettant à Adidas de limiter artificiellement son risque de perdre le parrainage de ce club;qu'en effet, par le jeu de cette clause, Adidas pouvait connaître l'identité et le montant des offres de ses concurrentset avait l'assurance de conserver le parrainage de l'AJ Auxerre à l'issue de son contrat de parrainage sans avoir à surenchérir sur l'offre concurrente ;que le fait qu'Adidas ait inséré cette clause, conforme à son contrat type, dans le contrat la liant à l'AJ Auxerre, alors qu'elle détient une position dominante sur le marché de la chaussure de football de marque et qu'elle est liée par des contrats exclusifs de parrainage sportifs avec un grand nombre de clubs de première et deuxième divisions constitue, un abus de sa position dominante sur le marché de la chaussure de football de marque;

Considérant qu'Adidas fait valoir qu'elle a renoncé à la mise en œuvre de ladite clause en adressant une lettre à l'AJ Auxerre en septembre 1996 ; que dans sa correspondance, le directeur du marketing d'Adidas déclare : "Bien que nous n'estimions pas qu'elle soit en violation des dispositions légales, nous ne voyons aucune raison de maintenir cette clause qui n'a, à notre avis, aucune portée juridique. C'est pourquoi nous vous informons que nous ne mettrons pas en œuvre la clause susvisée. Cette renonciation de notre part n'a évidemment aucun impact sur nos rapports actuels ni sur l'éventualité d'une reconduction de notre contrat" ; qu'Adidas soutient, d'une part, que n'ayant jamais été appliquée, cette clause n'a pu avoir d'effet anticoncurrentiel et, d'autre part, que l'objet anticoncurrentiel d'une clause ne saurait conduire à des sanctions pécuniaires dans la mesure où il n'est pas démontré que la clause a eu des effets ;

Mais considérant que l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 prohibe les ententes et actions concertées "lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet" d'empêcher, de restreindre, de fausser le jeu de la concurrence sur un marché ; que le 1 de l'article 8 de la même ordonnance prohibe l'exploitation abusive d'une position dominante "dans les mêmes conditions" ; que, si Adidas a informé le club de sa décision de ne pas mettre en œuvre la clause de priorité et s'il n'est pas établi que cette clause a eu des effets, circonstances qu'il appartient au conseil de prendre en compte pour apprécier les suites qu'il convient de donner, il demeure que cette clause avait pour objet de restreindre et de fausser le jeu de la concurrence;qu'ainsi, Adidas a contrevenu aux dispositions du 1 de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

En ce qui concerne l'accord conclu entre les sociétés Adidas Sarragan France et Uhlsport :

Considérant qu'une "convention" a été signée, le 29 mai 1996, entre la société Uhlsport, d'une part, et la société Adidas, d'autre part ; que ladite convention, après avoir rappelé le contenu de l'accord en date du 13 mai 1996 signé entre la société Uhlsport et l'AJ Auxerre, énonce : "Les parties profitent de la présente convention pour rappeler que la société Uhlsport équipe depuis plusieurs années la plupart des gardiens de but des clubs de D1 et D2. La société Adidas qui connaît cette situation accepte cet état de fait, et s'engage à ne pas le remettre en cause" ;

Considérant qu'Adidas soutient que la chronologie des événements suffit à établir l'absence de contrepartie à la renonciation de la société Uhlsport à faire valoir son droit à parrainer le club de l'AJ Auxerre, dans la mesure où la seule condition imposée par l'accord du 29 mai 1996 entre Uhlsport et l'AJ Auxerre était que la société Uhlsport demeure le fournisseur du club pour les équipements des gardiens de but et des entraîneurs, excepté les chaussures, ainsi que pour les ballons ; que la société Uhlsport qui déclare, dans ses observations écrites : "il n'y a (...) pas eu de connivence entre Adidas et Uhslport", soutient que l'accord conclu entre elle­même et Adidas est "la conséquence des nouveaux accords Adidas/AJ Auxerre et ne fait que constater cet état de fait" ;

Mais considérant qu'Adidas a déclaré en cours d'instruction, au sujet de la convention signée avec la société Uhlsport : "Adidas prend acte de ce que Uhlsport équipe les gardiens de but de nombreux clubs français dont certains ont pourtant signé un contrat de parrainage avec Adidas. Adidas s'engage à ne pas contester cette pratique ancienne et habituelle qui résulte de la situation et de la réputation tout à fait particulière de Uhlsport en matière d'équipements de gardiens de but" ; que la société Uhlsport a déclaré quant à elle qu'elle ne cherchait "qu'à obtenir que la société Adidas respecte les accords qu'elle pouvait avoir avec de nombreux gardiens de but des équipes de D1 et D2, alors qu'en sa qualité d'équipementier du club, Adidas pouvait contester cet accord particulier avec les gardiens de but" ; que, contrairement à ce que soutient la société Uhlsport, loin de se limiter à un simple constat de la situation existante, l'accord conclu entre les sociétés Adidas Sarragan France et Uhlsport prend acte de l'engagement d'Adidas de ne pas remettre en cause à l'avenir la situation de la société Uhlsport pour l'ensemble des clubs dans lesquels cette société parraine les gardiens de but;que cet accord écrit, signé par les deux parties, constitue donc bien une convention prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ayant pour objet de se répartir les marchés des équipements sportifs destinés à la pratique du football;

Sur les sanctions :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. cent du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos (...)" ;

Considérant, en premier lieu, que l'introduction par Adidas d'une clause lui conférant un droit de préférence à l'échéance du contrat de parrainage signé avec l'AJ Auxerre n'a pas été mise en œuvre, ce contrat n'étant pas arrivé à échéance ; qu'en outre, Adidas a fait savoir à l'AJ Auxerre qu'elle renonçait à mettre en œuvre cette clause à l'expiration du contrat ; que dès lors, il n'y a pas lieu d'infliger une sanction pécuniaire à l'encontre d'Adidas de ce chef ; qu'en revanche, il y a lieu de lui enjoindre, prenant acte de cette renonciation, de supprimer cette clause du contrat ;

Considérant, en second lieu, que pour apprécier les suites à donner à l'accord conclu entre les sociétés Adidas Sarragan France et Uhlsport, lequel n'a pas été dénoncé par les parties, il y a lieu d'apprécier la gravité de la pratique et le dommage causé à l'économie ; qu'en ce qui concerne la gravité de la pratique, il convient de retenir le fait que cet accord a été conclu entre deux sociétés, dont l'une dispose d'une position dominante sur le marché de la chaussure de football de marque et l'autre d'une forte notoriété en matière d'équipements de gardiens de but ; que, par cet accord, Adidas renonçait à inclure les équipements de gardiens de but dans les accords de parrainage qu'elle avait signés avec des clubs ou qu'elle pourrait être conduite à signer dès lors que la société Uhlsport parrainait les gardiens de but des clubs concernés ; qu'en outre, la convention signée entre Adidas et Uhlsport n'était pas limitée dans le temps et était de nature à figer durablement la position de Uhslport ; que pour apprécier le dommage à l'économie, il y a lieu de prendre en compte, d'une part, le fait que le parrainage constitue une forme de promotion particulièrement importante pour les équipements sportifs et, d'autre part, le fait qu'Uhlsport parrainait quinze des vingt gardiens de but des clubs participant au championnat de France de première division ; qu'ainsi, dans les faits, cette clause était de nature à s'appliquer à la très grande majorité des clubs participant au championnat et à limiter fortement la concurrence entre Adidas et Uhslport sur le marché des équipements des gardiens de but ;

Considérant que la société Adidas Sarragan France a réalisé en France un chiffre d'affaires de 1 539 729 528 F au cours de l'exercice 1996, dernier exercice clos ; que la société Uhlsport a réalisé un chiffre d'affaires de 56 950 281 F au cours de l'exercice 1996, dernier exercice clos ; qu'en vertu des éléments généraux et individuels ainsi appréciés, il y a lieu d'infliger une sanction pécuniaire de 500 000 F à la société Adidas Sarragan France et de 50 000 F à la société Uhlsport.

Décide :

Article 1er : Il est établi que la société Adidas Sarragan France et la société Uhlsport ont enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Article 2 : Il est établi que la société Adidas Sarragan France a enfreint les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Article 3 : Il est infligé une sanction pécuniaire de 500 000 F à la société Adidas Sarragan France.

Article 4 : Il est infligé une sanction pécuniaire de 50 000 F à la société Uhlsport.

Article 5 : Il est enjoint à la société Adidas Sarragan France de supprimer la clause lui conférant un droit de préférence à l'échéance du contrat de parrainage conclu avec l'AJ Auxerre.