Livv
Décisions

Conseil Conc., 14 avril 1999, n° 99-D-52

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à trois saisines de la société Saviex France

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président : M. Cortesse ; Vice-présidente : Mme Pasturel ; Membre : M. Rocca.

Conseil Conc. n° 99-D-52

14 avril 1999

Le Conseil de la conurrence (section III),

Vu la lettre enregistrée le 24 février 1993 sous le numéro F 579, par laquelle la société Saviex France a saisi Le Conseil de la conurrence de pratiques de la société Allied Signal Aftermarket Europe SA ; Vu les lettres enregistrées les 25 avril et 11 juillet 1996 sous le numéro F 870 par lesquelles la société Saviex France SA a saisi Le Conseil de la conurrence de pratiques de la société de reconditionnement industriel de moteurs et de la société Sagem ; Vu le traité du 25 mars 1957 modifié instituant la Communauté européenne, et notamment ses articles 85 et 86 ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et M. Samaha, représentant la société Saviex, entendus ; Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du rapporteur général suppléant, Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :

I. - CONSTATATIONS :

Les principaux exportateurs de pièces détachées pour automobiles dans les pays à risques délaissés par les équipementiers sont les sociétés Soeximex, Automotor, Autorex, ainsi que la société Saviex. En 1996, ils ont réalisé leurs plus forts pourcentages de vente au Nigeria et en Algérie. Ils ont plusieurs fournisseurs, français et étrangers, l'objectif étant de disposer d'une gamme couvrant toutes les familles de produits. Les pièces détachées sont majoritairement destinées à des modèles anciens, particulièrement de marque Peugeot. Comme les sociétés Soeximex et Autorex, la société Saviex réalise 98 % environ de ses ventes à l'exportation.

Les principaux fournisseurs de pièces détachées sont Valeo distribution pour les pièces d'embrayage, Sagempour les bougies Eyquem, Perfect Circle distribution Europe pour les pièces de moteur et Allied Signal Aftermarket Europe SA pour les équipements de freinage de marque Bendix. Leurs produits destinés à l'exportation sont commercialisés par l'intermédiaire d'exportateurs qui bénéficiaient de conditions générales de ventes particulières comportant des remises importantes en fonction des volumes et des pays de destination, notamment les pays à risques, où les équipementiers n'entendaient pas exporter directement. La réorganisation du secteur a conduit ces derniers à confier l'exclusivité de la vente de leurs produits à une société par pays sur la base de contrat particuliers ou de conditions spécifiques.

La société de reconditionnement industriel de moteurs (Srim), du groupe Dana, regroupe les deux sociétés Dana distribution France et Perfect Circle distribution Europe (PCDE). Cette dernière gère les exportations du groupe, notamment vers les pays d'accès difficile, tels le Nigeria et l'Algérie, pour lesquels sont établis, parallèlement au tarif général " export ", des tarifs et conditions commerciales particuliers. Le tarif Nigeria ne comporte que des références de pièces de marque Peugeot.

De 1995 au début de 1996, la société PCDE accordait à ses clients exportateurs une remise, fixée unilatéralement dans le cadre d'"un tarif promotionnel par point" qui n'était pas communiqué aux exportateurs.

Consultée au début de l'année 1996 par la société Saviex, la société PCDE lui a indiqué qu'elle ne pouvait bénéficier des conditions particulières au Nigeria que si elle disposait d'un établissement dans ce pays. Cette condition, qui n'était pas remplie par la société Saviex, ne figurait pas dans les conditions de vente et n'était pas exigée des autres exportateurs.

En avril 1996, la société PCDE a conclu un contrat de distributeur exclusif pour l'Algérie avec la société Pam et pour le Nigeria avec la société Soeximex. Les exportateurs s'interdisaient, en application du contrat, de revendre les produits à tout distributeur hors du territoire concédé, et d'y commercialiser des produits concurrents de ceux de la société PCDE.

De son côté, la Sagem, lors du rachat en 1995, de la société Eyquem, a engagé une refonte de la politique commerciale à l'égard des exportateurs, en vue de stimuler les ventes dans les pays où, compte tenu des risques physiques et financiers, elle ne souhaitait pas commercialiser elle-même ses produits (Algérie, Libye, Nigeria).

Pour ces pays, elle a mis en place des contrats de concession, conclus avec des exportateurs, répondant à divers critères et leur donnant droit, en contrepartie d'engagements, à un tarif " concessionnaire " beaucoup plus favorable que le tarif général " export " accessible à tous les exportateurs. Les critères de sélection des concessionnaires portent sur la maîtrise de la distribution de pièces détachées pour automobiles et sur l'existence de moyens adaptés au pays concerné. Les concessionnaires doivent s'engager à justifier de la destination de leurs ventes.

Dans les pays où un concessionnaire particulier a été sélectionné, les autres exportateurs peuvent vendre également les produits Eyquem, mais sans bénéficier du tarif réservé au concessionnaire, c'est-à-dire à des prix supérieurs de 50 % à ceux de ce dernier.

Selon le directeur des exportations de la société Allied Signal Aftermarket Europe SA, des tarifs spécifiques ont été appliqués à tous les exportateurs vers le Nigeria jusqu'en 1997. En 1994, 1995, 1996 et 1997, des tarifs ont été diffusés, mais les prix réels ont été négociés cas par cas.

En mai 1996, la société Allied Signal Aftermarket Europe SA a annoncé la désignation, pour le Nigeria, d'un distributeur exclusif. Cette organisation, dont la mise en place était prévue pour le 1er septembre 1996, n'était toujours pas effective en juin 1997. Les exportateurs ont donc continué à être livrés sur la base des conditions commerciales antérieures, qui reposent sur des listes de prix nets Nigeria.

Pour le liquide de frein, deux prix nets sont fixés et attribués en fonction des volumes achetés, sans toutefois qu'il existe de grille écrite définissant ces volumes, qui peuvent être appréciés dans le cadre d'une programmation de commandes sur une certaine durée.

En outre pour ce produit, la société Allied Signal Aftermarket Europe a, en janvier 1997, communiqué à la société Saviex un seul de ses deux tarifs à l'exportation, supérieur de 50 % au prix le plus bas. La société Saviex a renoncé à sa commande.

II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL :

Considérant que la société Saviex soutient avoir fait l'objet de pratiques discriminatoires de la part des sociétés Sagem, Allied Signal Aftermarket Europe SA, qui auraient favorisé les sociétés Autorex et Soeximex, et de la part de la Srim, qui aurait abusé de sa position dominante ;

Considérant que l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 s'applique dès lors que les pratiques visées par ce texte ont un objet ou peuvent avoir un effet sur le territoire national, peu important le lieu de leur conclusion, le lieu d'établissement de leurs auteurs ou encore leur nationalité ;

Mais considérant qu'en l'espèce les pratiques alléguées concernent exclusivement l'exportation de produits dont rien au dossier ne permet d'établir qu'ils pourraient faire l'objet de réimportation en France ; que l'activité de la société Saviex est exclusivement exportatrice ;

Considérant, ainsi, que si ces pratiques ont pu avoir pour objet ou pour effet de fausser le jeu de la concurrence entre les exportateurs concernés, ce qui explique qu'elles avaient fait l'objet de décisions de justice rendues en application du titre IV de l'ordonnance du 1er décembre 1986, elles n'étaient pas en tout état de cause susceptibles d'affecter le marché français, sur lequel n'intervenaient ni la société Saviex ni ses concurrents ; que, dès lors, les pratiques dénoncées par la partie saisissante ne peuvent être sanctionnées sur le fondement du titre III de cette ordonnance ;

Considérant qu'aucun élément du dossier ne permet de présumer que les produits exportés par la société Saviex et ses concurrents pourraient être réimportés dans un pays de l'Union européenne ; que, dès lors, les pratiques dénoncées n'entrent pas davantage dans les prévisions des articles 85 et 86 du Traité de Rome ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de faire application de l'article 20 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,

Décide :

Article unique. - Il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure.