Conseil Conc., 4 juillet 1989, n° 89-D-24
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques de la SDRM en matière de fixation du taux de la redevance phonographique
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré en section sur le rapport de M. Christian Pers dans sa séance du 4 juillet 1989, où siégeaient : M. Béteille, vice-président, présidant : MM. Azema, Cabut, Cortesse, Gaillard, membres.
Le Conseil de la concurrence,
Vu la lettre du 11 février 1987, enregistrée sous le numéro F 55, par laquelle la société France-Loisirs a saisi le Conseil de la concurrence de certaines pratiques de la société pour l'administration du droit de reproduction mécanique des auteurs, compositeurs et éditeurs (SDRM) en matière de fixation du taux de la redevance due par disque ou par cassette ; Vu les ordonnances n° 45-1483 et 45-1484 du 30 juin 1945, modifiées relatives respectivement aux prix et à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu les observations présentées par la société France-Loisirs, la SDRM, le SNEP et le Club Dial; Vu les autres pièces du dossier; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, la société France-Loisirs, le SNEP, le Club Dial et la SDRM entendus; Retient les constatations (I) et adopte la décision (II) ci-après exposées;
I. - CONSTATATIONS
Caractéristiques du marché
Jusqu'en 1978, le marché des phonogrammes (45 tours, 33 tours, cassettes et disques compacts confondus) a connu une croissance importante, de l'ordre de 5 p. 100 par an. Depuis les ventes de phonogrammes sont en diminution malgré un essor considérable du disque compact (2,5 millions vendus en 1985 et 25,8 millions en 1988). Le chiffre d'affaires, toutes taxes comprises, de l'édition phonographique représentait environ 5 milliards de francs en 1984 ; il était de 3,8 milliards de francs en 1988, en hausse de 35,3 p. 100 par rapport à l'année 1987.
La production est largement constatée, cinq groupes représentant 80 p. 100 de celle-ci.
La concentration de la distribution s'accroît : six ou sept grossistes réalisent 25 p. 100 du chiffre d'affaires, la Compagnie générale européenne de distribution et d'édition phonographique (Cogedep) 14 p. 100 et les producteurs directement 61 p. 100.
En 1984, la distribution des phonogrammes s'est répartie comme suit :
31 p. 100 par les disquaires ;
19 p. 100 par les magasins FNAC ;
17 p. 100 par les grands magasins et petites chaînes ;
29 p. 100 par les grandes surfaces ;
4 p. 100 par les clubs.
Le rôle des disquaires décroît d'année en année. En 1986, ils ne sont plus que 300 points de vente et ne représentent que 15 p. 100 du marché.
Les intervenants
La Société pour l'administration du droit de reproduction mécanique des auteurs, compositeurs et éditeurs (SDRM) a été créée en 1935 et a pour objet essentiel d'exploiter le droit de reproduction mécanique tel que défini par l'article 28 de la loi du 11 mars 1957 qui atteint les œuvres musicales mises en circulation sur le marché français.
Elle seule peut donner une autorisation de reproduction et percevoir la redevance qui en est la contrepartie et ce tant pour le répertoire qui lui est commun avec la Sacem que pour celui qu'elle exploite pour le compte des sociétés d'auteurs étrangères avec lesquelles elle est liée.
Les droits encaissés par la SDRM au titre des phonogrammes pour l'année 1988 se sont élevés à la somme de 288 millions de francs.
Elle a pour interlocuteur le Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP) qui, créé en 1922 sous une autre appellation, a pour objet de grouper et représenter les fabricants, les producteurs et les éditeurs de phonogrammes destinés à la distribution ou à la communication au public.
Le SNEP a adhéré à la Fédération internationale des producteurs de phonogrammes (IFPI) qui est l'interlocutrice du Bureau international des sociétés gérant les droits d'enregistrement et de reproduction mécanique (BIEM) auquel adhère la SDRM.
Le BIEM et l'IFPI ont établi des contrats types qui règlent les relations entre sociétés d'auteurs et producteurs. Les modalités d'application de ces contrats types font en France, l'objet de protocoles d'accords passés entre le SNEP et la SDRM.
A la suite des contrats types BIEM/IFPI 1975 (bandes et disques) signés entre la SDRM et le SNEP auxquels ont été substitués le 15 novembre 1982 deux protocoles, deux taux de redevance sont appliqués, selon qu'est maîtrisé ou non par les producteurs le prix de vente au détail des phonogrammes.
Dans le premier cas, le taux de la redevance est de 8 p. 100 calculé sur le prix de détail. Le taux subit un abattement de 7,5 p. 100 pour tenir compte de la TVA, des frais de pochette et d'emballage. Le taux net est de 7,40 p. 100.
Dans le second cas, hypothèse dans laquelle le producteur ne maîtrise pas le prix de détail, ce qui représente la grande majorité des cas, le taux de la redevance est de 11 p. 100 du prix de gros publié (prix catalogue). Le taux subit un premier abattement de 10 p. 100 pour frais de pochette. D'où un taux de 9,9 p. 100 qui subit un second abattement de 4 p. 100 au titre des différents rabais et remises que le producteur peut consentir à son client. Le taux réel est par conséquent de 9,50 p. 100 sur le prix de gros publié.
Suite aux contrats types BIEM/IFPI 1975 a été signé entre la SDRM et le SNEPA, (devenu SNEP), le 20 décembre 1975 un protocole destiné à régler de façon particulière le sort des clubs ou guildes de disques réunis sous la dénomination de " clubs phonographiques ". La justification de ce protocole réside notamment dans le fait que " l'exploitation des clubs concerne pour une large part des enregistrements anciens, qu'ils appartiennent encore aux catalogues des producteurs phonographiques ou en soient retirés, et a ainsi pour résultat d'assurer une seconde carrière à ces enregistrements auprès d'une clientèle différente de celle du circuit traditionnel de vente ".
Pour pouvoir bénéficier des dispositions du protocole, les clubs phonographiques doivent agir " en qualité de personne morale disposant d'une personnalité juridique propre " et doivent avoir " pour objet principal la vente par correspondance directement auprès du public de phonogrammes du commerce ". Il faut que pour la réalisation de cet objet, " il s'instaure un véritable contrat entre le club et ses adhérents mettant des obligations réciproques à la charge de chaque partie ".
Ledit protocole précise en outre que " dans les rapports entre le SNEPA et la SDRM n'est reconnue la dénomination de " clubs phonographiques " qu'aux seules sociétés productrices dont l'activité justifie la signature du contrat type BIEM/IFPI pour l'industrie phonographique 1975 - disques ".
A la date du 20 décembre 1976 trois clubs étaient concernés : la Guilde du Disques, le Club français, filiale de CBS, et le Club Dial, filiale du groupe Polygram, important producteur phonographique.
Les deux premiers clubs ont cessé leurs activités, ce qui fait que depuis 1984 seul le Club Dial bénéficie des dispositions du protocole en cause.
Le Club Dial a pour activité la vente par correspondance de disques, cassettes et disques compacts. Il ne dispose d'aucune boutique ou point de distribution. Au mois de décembre 1986, il comptait 420 000 adhérents recrutés par encarts de presse ou par parrainage sur la base d'un système complexe qui comprend :
- une offre de bienvenue comportant cinq disques 33 tours pour 69 F contre un engagement d'achat de trois disques au " prix club " en deux ans ;
- l'envoi de quinze magazines par an (magazine " variété " ou magazine " classique ", selon la catégorie de l'adhérent), avec une sélection qui est automatiquement adressée si l'adhérent n'a pas expressément signalé son refus ou un autre choix (système d'option négative) ;
- une possibilité de réduction de 50 p. 100 sur le " prix club " sur le disque suivant pour tout achat d'un enregistrement à " prix club ".
- une possibilité d'obtenir un enregistrement gratuit pour tout achat de deux enregistrements au " prix club " après l'achat de six disques au " prix club ".
Le chiffre d'affaires hors taxes du Club Dial s'est élevé pour l'année 1986 à la somme de 153 481 000 F. Cette même année, le Club Dial a distribué 3 682 168 phonogrammes.
Le montant des redevances pour l'année 1986 s'est élevé à la somme de 9 107 608 F, étant précisé qu'aucune redevance n'est due pour les œuvres tombées dans le domaine public.
En application du protocole du 20 décembre 1976, lorsque le Club Dial achète des phonogrammes, il le fait hors redevance et acquitte directement cette dernière à la SDRM au taux net de 7,40 p. 100.
La détermination du prix de vente des disques, qui varie selon la part relative des réductions et des chèques gratuits, étant difficile, les droits sont calculés sur le prix moyen effectif qui résulte de la division du montant du chiffre d'affaires semestriel par le nombre de disques vendus.
Ainsi, au cours du second semestre 1985 et du premier semestre 1986 la redevance a été de 2,744 6 F par disque.
La société France-Loisirs, filiale du groupe allemand Bertelsmann, a développé en France une activité de vente en club. Ses adhérents sont recrutés par démarchage, par annonces publicitaires et par parrainage. Ils peuvent commander par correspondance ou se rendre dans l'une des 185 boutiques à l'enseigne France-Loisirs. Ils s'engagent à acheter pendant au moins deux ans un livre par trimestre et n'ont aucune obligation d'achat en ce qui concerne les phonogrammes.
France-Loisirs, qui ne bénéficie pas des dispositions du protocole du 20 décembre 1976, achète à des producteurs des phonogrammes redevance incluse et supporte indirectement, via ces producteurs, une redevance au taux de 9,50 p. 100 sur le prix catalogue de ces producteurs (prix de gros à usage du détail).
Le chiffre d'affaires hors taxes disques et cassettes de la société France-Loisirs s'est élevé pour l'année 1986 à la somme de 172 710 000 F. Cette société a distribué, pendant l'année 1986, 3 160 900 phonogrammes.
La société France-Loisirs a sollicité auprès de la SDRM l'application à son profit du protocole du 20 décembre 1976.
La SDRM après avoir envisagé par courrier du 28 février 1979 adressé au SNEPA, devenu SNEP, d'accorder à la société France-Loisirs le bénéfice des conditions réservées aux clubs, s'y est refusé à la suite de l'opposition du SNEP exprimée par courrier du 16 juillet 1980. Elle considérait cependant dans son courrier du 28 février 1979 que les pratiques commerciales de la société France-Loisirs étaient " très sensiblement les mêmes " que celles du Club Dial et du Club français du disque bénéficiaires du protocole du 20 décembre 1976.
Après avoir suggéré au SNEP, par courrier du 18 janvier 1982, le non-renouvellement du " protocole club " de 1976 et évoqué la création d'une licence club qui serait décomptée non pas aux clubs qui ne sont que de simples distributeurs, mais aux producteurs signataires du contrat type qui les approvisionnent, proposition qu'elle a renouvelée le 8 juillet 1982, la SDRM n'a pas poursuivi en raison de l'opposition du SNEP.
La société France-Loisirs estimant exercer ses activités dans des conditions identiques à celles du Club Dial a saisi le Conseil de la concurrence par courrier du 11 février 1987.
La SDRM soutient tout d'abord qu'elle n'exerce aucune activité de production et de distribution et ne saurait être assimilée à un prestataire de services car lorsqu'elle autorise la reproduction des œuvres relevant de son répertoire et lorsqu'elle perçoit en contrepartie la redevance de droit d'auteur afférentes, elle ne fournit aucun travail au bénéfice de son cocontractant mais ne fait qu'exercer les prérogatives afférentes aux œuvres que ses membres lui ont apportées et ce dans le seul intérêt de ces derniers. Qu'ainsi, selon elle, les dispositions de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ne lui sont pas applicables.
Elle a émis également des réserves sur la possibilité qu'il y aurait de continuer la procédure pour des faits relevant de l'ordonnance du 30 juin 1945 que l'ordonnance du 1er décembre 1986 a expressément abrogée.
De plus, elle fait valoir que " les taux respectivement pratiqués sur des assiettes différentes débouchent, en réalité sur une redevance des droit d'auteur identiques " et que " compte tenu des rabais pratiqués par les producteurs vis-à-vis de France-Loisirs ", la comparaison de la charge à laquelle correspond le droit d'auteur supporté " respectivement par les sociétés Dial et France-Loisirs montrent que la situation des deux sociétés est, à cet égard, globalement la même.
La SDRM et le SNEP, rejoignant du Club Dial, soutiennent que France-Loisirs n'est pas un club phonographique au sens du protocole d'accord du 20 décembre 1976 puisque les obligations de l'adhérent portent sur les livres et non sur les phonogrammes, la société France-Loisirs disposant en outre d'un réseau de boutiques et n'étant pas producteur.
II. - A LA LUMIÈRE DES CONSTATATIONS QUI PRÉCÈDENT, LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Sur l'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986.
Considérant que s'il est exact que les dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 visaient tous les biens, produits ou services et que celles de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 visent toutes les activités de production, de distribution et de services, ce dernier texte se situe dans la ligne du régime antérieur de quasi-universalité de la législation sur la concurrence, puisque l'ordonnance du 30 juin 1945 énumérait limitativement les rares secteurs qui étaient soustraits au régime qu'elle fixait, et que la jurisprudence avait donné de ces exceptions une interprétation stricte ;
Considérant que si l'on peut suivre la SDRM lorsqu'elle affirme que les autorisations qu'elle donne constituent une prérogative essentielle de l'auteur que celui-ci délègue et qui, du fait de leur nature et de leur spécificité, ne constituent pas des prestations de service, il y a lieu de noter que la mission de la SDRM ne se limite pas à donner des autorisations, la SDRM regroupant les œuvres des auteurs et veillant à la protection de leurs droits " artistiques " les plus divers proposant les œuvres aux producteurs et contrôlant sur place l'utilisation des œuvres, à passer des contrats de représentations réciproques avec les principales sociétés d'auteurs étrangères ; que la SDRM, comme la SACEM est un organisme professionnel de gestion géré comme une entreprise, qui ne peut être confondu avec les auteurs eux-mêmes des œuvres de l'esprit auxquels la loi française accorde certaines prérogatives ; qu'ainsi la SDRM se livre à une activité de service ; qu'en conséquence, les dispositions de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 lui sont applicables ;
Considérant que, dans le cas où les faits constatés sont antérieurs à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 1er décembre 1986, l'absence de vide juridique résulte de l'application des règles de fond contenues dans l'ordonnance du 30 juin 1945 dans la mesure où les qualifications énoncées par celle-ci sont reprises par le nouveau texte ; que l'ordonnance du 1er décembre 1986 dispose que les pouvoirs de qualification des pratiques anticoncurrentielles et de décision, antérieurement dévolus au ministre chargé de l'Economie, sont exercées par le Conseil de la concurrence ; qu'en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article 59 de cette ordonnance, demeurent valables les actes de constatation et de procédure établis conformément aux dispositions de l'ordonnance du 30 juin 1945 ; qu'enfin, les pratiques qui étaient visées par les dispositions du premier alinéa de l'article 50 de cette dernière ordonnance et auxquelles les dispositions de son article n'étaient pas applicables, sont identiques à celles qui sont prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Sur les pratiques relevées :
Considérant qu'à la suite de la signature du protocole d'accord entre la SDRM et le SNEPA (SNEP) en date du 20 décembre 1976 dont le bénéfice a été refusé à la société France-Loisirs, cette dernière supporte, indirectement via les producteurs, un taux de redevance de 9,5 p. 100 qui tient compte d'un rabais forfaitaire négocié dans le cadre des accords BIEM/IFPI alors que tout autre rabais consenti par le producteur est inopposable à la SDRM ; que le Club Dial supporte directement un taux de redevance de 7,40 p. 100 ; que l'assiette est également différente et correspond pour la société France-Loisirs, au prix catalogue de ses producteurs (prix de gros à usage du détail) quel que soit le rabais qu'ils accordent à France-Loisirs et pour le Club Dial, au prix moyen résultant de la division du montant du chiffre d'affaires par le nombre de phonogrammes sortis des stocks ;
Considérant que la SDRM ne peut soutenir que la situation de France-Loisirs est globalement identique à celle du Club Dial ; que la SDRM a reconnu que la redevance actuellement acquittée par les producteurs qui fournissent la société France-Loisirs se situe en moyenne aux alentours de 4,03 F par phonogramme alors que la redevance acquittée directement par le Club Dial est de 2,74 F (premier semestre 1986) ; qu'en outre il résulte des chiffres fournis par la SDRM elle-même à l'enquêteur que l'écart de redevance payée se situe entre 0,60 et 1,60 F par disque 33 tours sur un choix de six disques ;
Considérant que la société France-Loisirs et le Club Dial contribuent tous les deux à prolonger la vie des phonogrammes en " assurant une seconde carrière à des enregistrements " qu'ils ne vendent qu'à leur adhérents qui sont ainsi fidélisés ; qu'ils atteignent tous deux une clientèle distincte de celle des disquaires en proposant des phonogrammes par la voie de la vente par correspondance ; que les nombres de phonogrammes qu'ils distribuent ainsi sont comparables (supérieur à 3 000 000 pour chacun) ; que tout en étant en concurrence l'un avec l'autre, ils recourent à des techniques de commercialisation légèrement différentes, France-Loisirs n'imposant pas d'obligation d'achat de disques mais touchant par ses catalogues un plus grand nombre de clients potentiels ; que cette différence n'est pas en soi de nature à justifier une différence de traitement entre eux pour ce qui concerne le montant de la redevance, alors même qu'ils opèrent sur le même marché ;
Considérant que si France-Loisirs, dispose de 188 boutiques, la vente dans ces boutiques est réservée aux adhérents qui reçoivent trimestriellement un catalogue sur lequel ils opèrent leur choix avant de la concrétiser dans une boutique France-Loisirs et que dans le passé la SDRM a accordé le bénéficie du protocole du 20 décembre 1976 à des clubs qui disposaient soit d'une boutique (le Club français du disque) ou plusieurs dizaines de boutiques (la Guilde du disque) ;
Considérant que la qualité de producteur à laquelle fait référence le protocole précité n'apparaît ni fondamentale ni déterminante comme l'ont reconnu le SNEP et le Club Dial dans leur observations respectives du 11 mai 1988 ; que d'ailleurs les courriers susvisés du 28 février 1979 et du 18 janvier 1982 adressés par la SDRM au SNEPA, établissent que la société d'auteurs ne considérait pas les clubs comme des producteurs mais comme de simples distributeurs ;
Considérant que la SDRM a tenté en plusieurs circonstances d'obtenir du SNEP la modification du protocole ou son application à la société France-Loisirs mais que le SNEP s'est à chaque fois opposé aux propositions de la SDRM ;
Considérant que les parties ne sont pas fondées à justifier la différence entre le Club Dial et la société France-Loisirs par le fait que le club Dial consacrerait aux phonogrammes un budget de publicité plus important que France-Loisirs ; qu'en effet si le protocole du 20 décembre 1976 a pour objet la promotion des disques, aucune clause de ce protocole n'implique que cette promotion soit faite par le recours à la publicité plutôt que par un autre moyen ou qu'un club consacre une somme minimum à cette publicité ; qu'au surplus la SDRM a reconnu lors des débats devant le Conseil qu'elle ignorait le montant des budgets publicitaires consacrés aux phonogrammes par le Club français du disque et par la Guilde du disque qui avaient été admis à bénéficier du protocole ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il existe une différence de traitement en ce qui concerne le montant de la redevance perçue par la SDRM selon que les phonogrammes sont commercialisés par le Club Dial ou par la société France-Loisirs ; qu'ainsi l'entente réalisée par la SDRM et le SNEP, lors de la conclusion et de l'application du protocole du 20 décembre 1976, crée une discrimination de traitement entre la société France-Loisirs et le Club Dial qui limite la capacité concurrentielle de la société France-Loisirs en renchérissant de façon artificielle le coût de la redevance payée pour les disques identiques à ceux qui sont distribués sur le même marché par le Club Dial;
Considérant que les pratiques susdécrites de la SDRM et du SNEP qui tombent sous le coup des dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945, sont également visées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
Considérant que si, comme le fait valoir la société France-Loisirs, la SDRM dispose d'une position dominante sur le marché de l'exploitation du droit de reproduction mécanique, cette position dominante ne constitue au cas d'espèce qu'un moyen utilisé par les parties pour mettre en œuvre l'entente résultant de leur protocole d'accord.
Décide :
Art. 1er. - Il est infligé à la Société pour l'administration du droit de reproduction mécanique des auteurs, compositeurs et éditeurs (SDRM) une sanction pécuniaire de 200 000 F.
Art. 2. - Il est infligé au Syndicat phonographique une sanction pécuniaire de 1 000 000 F.
Art. 3. - Il est enjoint à la Société pour l'administration du droit de reproduction mécanique des auteurs, compositeurs et éditeurs (SDRM) et au SNEP de supprimer, dans un délai de six mois, toute discrimination de traitement entre la société France-Loisirs et le Club Dial.
Art. 4. - Dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente décision le texte intégral de celle-ci sera publié dans la revue Diapason. Le coût de cette publication sera supporté par les deux organismes, à proportion des amendes qui leur sont infligées.