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Décisions

CA Paris, 1re ch. C, 2 mars 1999, n° 1996-82828

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

3R (SA)

Défendeur :

Phénix Richelieu (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collomp

Conseillers :

Mme Garban, M. Hascher

Avoués :

Me Baufume, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Mes Jouanneaux, Doise.

T. arb., du 29 mai 1996

29 mai 1996

La société Eris Restauration aux droits de laquelle se trouve à ce jour la société Phénix Richelieu, a conclu avec la société anonyme Rogelet, aux droits de laquelle se trouve la société 3 R (3R), plusieurs contrats relatifs à l'exploitation de cafétérias dans l'est de la France :

- les uns dits " d'affiliation et d'enseigne ", d'une durée déterminée de 5 ans tacitement renouvelables par périodes de 5 ans faute de dénonciation 18 mois avant les échéances, aux termes desquels Eris Restauration autorisait la société Rogelet à utiliser son enseigne, mettait à sa disposition des informations générales concernant l'implantation, la construction et l'exploitation des cafétérias et s'engageait à réaliser une certaine publicité en contrepartie du versement par la société Rogelet d'une redevance égale à 1 % du chiffre d'affaires du restaurant ;

- les autres dits " de commission à l'achat " jumelés à chacun des précédents, prévoyant la mise à disposition par Eris Restauration des services d'une centrale d'achats pour l'approvisionnement des établissements exploités par la société Rogelet, moyennant le paiement par celle-ci d'une commission de 2,10 % de son chiffre d'affaires TTC ;

- le dernier signé le 27 février 1990, mettant notamment à la charge de la société Rogelet une obligation " de secret ", consistant essentiellement à ne pas utiliser le savoir-faire communiqué par Eris Restauration pour une autre cafétéria que celles faisant l'objet des précédentes conventions ainsi qu'à ne pas exploiter un établissement concurrent de ceux de la chaîne ERIS ;

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 juin 1993, la société 3 R venue entre-temps aux droits de la société Rogelet, a résilié le contrat de commission à l'achat et dans des conditions qui ont été contestées, un ou tous les contrats d'affiliation et d'enseigne en invoquant d'une part la nullité du contrat de commission pour absence ou indétermination du prix, d'autre part des manquements de Eris Restauration à ses obligations contractuelles ;

Eris Restauration ayant contesté par lettre recommandée en réponse du 24 juin suivant, la régularité de ces résiliations, demandé le paiement de ses commissions, fait interdiction à 3 R d'user à l'avenir de son enseigne et de son sigle et rappelé les termes de la clause de non-concurrence, et aucun accord n'ayant pu intervenir entre les parties sur la portée et les conséquences de la rupture intervenue, une procédure d'arbitrage a été mise en œuvre par application de la clause compromissoire figurant aux conventions et une sentence a été rendue le 29 mai 1996 qui a notamment :

- dit valable l'ensemble des contrats d'affiliation, d'enseigne et de commission à l'achat conclu entre 3 R et Eris ;

- constaté leur résiliation par 3 R à compter du 14 juin 1993 ;

- condamné 3 R à payer à Eris les sommes hors taxes de :

* 878 000 F au titre des arriérés de commissions,

* 2 318 658 F au titre des redevances non perçues,

* 249 158 F au titre de l'exploitation de l'enseigne postérieurement à la résiliation des contrats,

* 822 040 F par application de la clause de non-concurrence ;

- condamné Eris à payer à 3 R la somme hors taxes de 1 238 276 F au titre des RFA pour les exercices 1991, 1992 et 1993 ;

- rejeté toute autre demande des parties.

La société 3 R a formé un recours en annulation contre cette sentence ;

Par arrêt du 20 novembre 1997, la Cour a fait droit à ce recours et statuant au visa des dispositions de l'article 1485 du Nouveau Code de Procédure Civile, a renvoyé l'affaire à la mise en état pour conclusions des parties sur le fond du litige ;

En l'état des écritures ainsi échangées, la procédure se présente comme suit :

Après avoir relevé liminairement que " les contrats de la Cafétéria de Beaune devaient être tenus en dehors du litige " pour n'avoir pas été conclu par Eris Restauration avec la société Rogelet mais avec l'Union des Coopérateurs de Lorraine, la société 3 R fait valoir au principal que les contrats d'affiliation et d'enseigne, jumelés à des contrats de commission à l'achat s'analysent en réalité comme des contrats de franchise et qu'ils sont nuls d'abord parce que la quantité et la qualité des choses vendues dépendaient de la seule volonté de Eris, ensuite pour défaut de cause, alors que l'adhésion à la centrale d'achat et les contrats d'affiliation, ne présentait aucun avantage réel pour le franchisé compte tenu des stipulations contractuelles et que le franchiseur ne s'obligeait à aucune des prestations caractéristiques de ce type de contrat ;

A titre subsidiaire, elle soutient que la résiliation des conventions est imputable à Eris Restauration et qui aurait commis des abus dans la fixation du prix des marchandises en réalisant un profit illégitime ainsi qu'en raison des relations contractuelles qui s'étaient développées entre les parties du fait de Eris Restauration et qui rendaient la poursuite de leur collaboration totalement impossible ; elle demande en conséquence de rejeter toutes les prétentions de la société Phénix Richelieu et de la condamner à lui payer la somme de 1 238 000 F correspondant aux ristournes de fin d'année lui restant dues au titre des années 1991 à 1993 ;

A titre encore plus subsidiaire, elle conteste la quantum du préjudice dont la société Phénix Richelieu demande réparation en observant :

- que la participation publicitaire de 0,90 % n'est pas justifiée,

- que le montant des commissions évalué par Eris est erroné, en particulier quant au calcul des mois restant à courir, alors qu'à l'exception du contrat relatif à la cafétéria de Longwy, tous les autres ont été résiliés au plus tard le 14 juin 1993, dans le respect du préavis de 18 mois convenue par les parties et qu'elle ne peut devoir en conséquence, de ce chef, plus de 2 002 273 F HT ;

- qu'ayant déposé les enseignes dans les 2 mois de résiliation, ce qui correspond à un délai raisonnable alors surtout que les contrats lui en accordaient 3, elle ne peut être redevable d'aucune indemnité à cet égard ;

- que les préjudices résultant prétendument de la rupture unilatérale des conventions, de la perte de notoriété, de la politique de dénigrement dont Eris aurait été victime, de la remise en cause de sa politique de développement, de la nécessité de modifier ses documents publicitaires ou du défaut de respect de la clause de non concurrence, ne sont aucunement justifiés ;

En définitive et s'il était jugé que les contrats ne sont ni nuls ni résiliés à bon droit, elle soutient qu'elle ne devrait que la seule somme de 2 002 273 F HT précitée sous déduction des ristournes de fins d'années dues au titre des années 1991 à 1993 (1 238 276 F HT) et évalue en conséquence le solde dont elle pourrait alors être redevable à la somme de 762 000 F ;

Répliquant aux moyens développés par 3 R, la société Phénix Richelieu fait valoir d'abord pour ce qui concerne la nullité invoquée, que les contrats d'affiliation, d'enseigne et de commission à l'achat sont bien valides alors d'une part que le défaut de prix dans une convention cadre n'est plus sanctionné par la nullité de celle-ci et que les abus éventuels n'ouvrent droit qu'à une créance de dommages et intérêts, alors d'autre part qu'elle se bornait à conseiller à ses affiliés la quantité de marchandises à commander sans obligation de les acquérir auprès de la centrale d'achats mais en fixant des minima de commandes unitaires en deçà desquels les intéressés ne bénéficiaient pas des avantages négociés par cette centrale ainsi qu'à définir des prix maximaux de vente, alors enfin qu'elle justifie avoir scrupuleusement rempli ses obligations notamment quant à la transmission de son savoir-faire, à l'assistance qu'elle devait à ses affiliés et qu'une franchise peut parfaitement se concevoir sans exclusivité territoriale ;

S'agissant des conditions de la résiliation dont elle relève qu'elle est bien intervenue à l'initiative de 3 R et non à la sienne, ainsi que cela avait pu être suggéré pendant la procédure d'arbitrage, elle estime avoir déjà suffisamment démontré l'inanité des griefs invoqués contre elle et en déduit que cette résiliation doit être déclarée abusive ;

Pour ce qui concerne enfin les conséquences de cette résiliation, elle fait valoir qu'à l'exception des contrats relatifs aux cafétérias d'Epinal, de Longwy et de Verdun dont elle admet qu'ayant été dénoncés antérieurement au 14 juin 1993 afin de "renégociation", ils sont arrivés respectivement à leurs termes les 20 janvier 1993, 1er décembre 1993 et 1er mars 1994 et pour lesquels elle limite ses réclamations, 3 R qui n'a pas résilié dans les délais contractuels lui doit commissions et redevances jusqu'à l'expiration des reconductions qui sont intervenues ; elle ajoute que 3 R n'a pas, en dépit de ses mises en demeure, déposé les enseignes immédiatement après la résiliation mais seulement le 1er novembre 1993, soutient que 3 R qui a continué d'exploiter ses cafétérias selon le modèle Eris, a manqué à son obligation de non concurrence et soutient avoir subi divers préjudices commerciaux qu'elle énumère ; elle demande, sur la base de calculs qu'elle détaille, de condamner 3 R à lui payer :

- au titre des commissions et participations publicitaires du mois de mars au mois de juillet 1993, la somme en principal de 1 116 860 F HT ;

- au titre des redevances dues jusqu'à l'échéance des contrats, la somme de 6 999 559 F HT ;

- la somme de 700 000 F à titre de dommages et intérêts pour utilisation abusive des enseignes ;

- la somme de 3 500 000 F à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive des contrats, soit 750 000 F pour la perte de marge, 1 000 000 F pour la perte de notoriété, 500 000 F en réparation de la politique de dénigrement menée contre elle, 1 000 000 F pour la remise en cause de son développement, 250 000 F au titre des dépenses publicitaires et promotionnelles et les modifications rendues nécessaires par la fermeture des 8 cafétérias exploitées par 3 R ;

- la somme de 1 800 000 F pour non-respect de l'obligation de non concurrence ;

Elle admet par ailleurs devoir à 3 R une somme de 632 698,51 F au titre des ristournes payées par les fournisseurs pour 1992 et 1993 et demande d'ordonner la compensation judiciaire de ces diverses sommes, de dire qu'elles porteront intérêts de droit à compter de la date de résiliation et jusqu'à parfait paiement et que ces intérêts seront eux-mêmes capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code Civil et réclame enfin une somme de 150 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Sur ce, LA COUR:

Considérant que lorsqu'elle est saisie du fond du litige par application de l'article 1485 du Nouveau Code de Procédure Civile, la Cour statue dans les mêmes limites et avec les mêmes pouvoirs que les arbitres ;

Considérant que dans le cas considéré, la mission du tribunal arbitral était de juger avec les pouvoirs d'amiable composition, de la validité des contrats, de l'imputabilité de la rupture et de ses conséquences financières ;

Considérant qu'il convient en conséquence d'aborder successivement chacun de ces points litigieux après avoir déterminé quels contrats sont exactement concernés par le litige ;

Sur les contrats concernés ;

Considérant que huit groupes de contrats ont été souscrits entre 1986 et 1989, chacun pour un durée de 5 ans renouvelable par tacite reconduction pour des périodes de même durée sauf dénonciation dans les termes contractuels, savoir :

- le 1er octobre 1986 par la cafétéria de Beaune,

- le 23 mars 1987 pour la cafétéria de Bar-le-Duc,

- le 1er juillet 1987 pour la cafétéria de Besançon,

- le 1er janvier 1988 pour la cafétéria de Charleville-Mézières,

- le 20 janvier 1988 pour la cafétéria de Epinal,

- le 1er mai 1988 pour la cafétéria de Longwy,

- le 1er mars 1989 pour la cafétéria de Verdun.

Considérant que tous ces contrats ont été conclu entre Eris Restauration et la société Rogelet à l'exception du premier intervenu non pas avec la société Rogelet mais avec l'Union des Coopérateurs de Lorraine qui était la société mère de la précédente ;

Que 3 R en déduit qu'il n'est pas concerné par le litige ;

Mais considérant d'abord qu'il résulte des énonciations mêmes du dit contrat qu'il a été signé par Eris Restauration d'une part et par " Marc Cailleux agissant pour toute personne pouvant se substituer à lui " ainsi que par " la société Union des Coopérateurs de Lorraine substituée éventuellement par la société Rogelet " d'autre part ;

Et considérant ensuite que dans la convention de non concurrence conclue le 27 février 1990, la société Rogelet fait bien figurer la cafétéria de Beaune dans la liste des établissements qu'elle reconnaissait exploiter à l'époque sous l'enseigne Eris Restauration en énumérant, parmi ceux qu'elle indiquait avoir souscrits, les contrats de 10 juin 1986 relatifs à ce restaurant ;

Que ce moyen liminaire n'est donc à l'évidence pas fondé ;

Sur la validité des contrats :

Considérant que les contrats litigieux sont selon leur libellé, des contrats d'affiliation et d'enseigne et qu'il est constant que cette dénomination ne correspond pas à une qualification juridique déterminée laquelle doit être définie au cas par cas, en fonction du type de stipulations adoptées par les parties ;

Considérant qu'en l'espèce, les parties admettent l'une et l'autre que leurs conventions s'analysent en réalité comme des contrats de franchisage aux termes desquels Eris Restauration a concédé à la société Rogelet moyennant rémunération, le droit, assorti de certaines contraintes qui y étaient précisées, d'utiliser son enseigne et de s'approvisionner par l'intermédiaire de sa centrale d'achats (en vertu du contrat de commission à l'achat jumelé au contrat d'affiliation), elle-même s'obligeant en contrepartie à assister son affiliée ainsi qu'à lui transmettre son savoir-faire ;

Considérant que 3 R qui ne reprend pas devant la Cour son moyen de nullité tiré de l'indétermination du prix, conteste la validité des contrats en faisant valoir d'une part que les contrats de commission à l'achat lui imposaient la quantité et la qualité des marchandises qu'elle devait acheter et qui dépendaient ainsi de la seule volonté du franchiseur, d'autre part qu'ils auraient été dépourvus de cause en raison de l'absence de contrepartie réelle pour le franchisé, la centrale d'achats qui constituait dans les faits un passage obligé ne présentant pour ce dernier aucun intérêt et Eris Restauration n'étant obligée à aucune des prestations caractéristiques du franchisage ;

Considérant qu'il est constant que la pratique des prix imposés, directement ou indirectement par le franchiseur, outre la violation de la réglementation de la concurrence qu'elle peut générer, méconnaît le statut d'indépendance du franchisé et peut entraîner l'annulation de la convention ;

Considérant que cette indépendance se manifeste particulièrement en ce que le franchisé doit pouvoir librement négocier sa marge bénéficiaire avec son franchiseur pour les produits distribués par celui-ci et fixer le prix des objets ou des services qu'il propose à la clientèle ; qu'il n'est pas interdit toutefois au franchiseur de conseiller un prix dans le contrat lui-même ;

Mais considérant que les contrats litigieux ne comportaient, en l'espèce, aucune clause d'approvisionnement exclusif - le franchisé restant libre de recourir à d'autres fournisseurs que ceux référencés par le franchiseur (article IV du contrat de commission à l'achat) et celui-ci se bornant à servir d'intermédiaire entre les uns et les autres pour négocier au mieux, les prix d'achat des articles nécessaires à l'exploitation des établissements de restauration - ni même aucune clause d'approvisionnement minimum sauf pour les franchisés, à respecter seulement des minima de commande unitaire pour pouvoir bénéficier des conditions négociées par la centrale d'achats ; qu'aucune clause de prix imposés n'y figure et que selon la société Phénix Richelieu qui n'a pas été contredite sur ce point, la mention contractuelle selon laquelle " Eris Restauration fixe le prix de vente public des plats " signifiait seulement que le franchiseur se réservait la possibilité, nécessaire à la cohésion du groupe, de fixer le prix maximum des plats, lequel devait rester accessible au plus grand nombre, le franchisé conservant en revanche toute latitude pour le fixer en deçà ;

Que rien ne démontre par ailleurs que les contraintes imposées par Eris Restauration quant à la nature des assortiments de plats qui devaient être présentés à la clientèle et qui étaient elles aussi nécessaires à la promotion de l'image de marque des cafétérias de la chaîne, aient été abusives ni qu'elles auraient limité excessivement l'indépendance de la société Rogelet au point de compromettre son autonomie ;

Considérant que le premier moyen de nullité est donc à tous égards mal fondé ;

Considérant en second lieu, sur l'absence de cause, que selon 3 R, les contrats de commission à l'achat et les contrats d'affiliation et d'enseigne auraient été dépourvus de contrepartie, d'une part parce que les avantages financiers offerts par la centrale d'achats étaient entièrement absorbés par les redevances, d'autre part parce que Eris Restauration ne s'était engagée à aucune des prestations dues habituellement par le franchiseur ; qu'elle en déduit qu'ils sont nuls ;

Mais considérant qu'il n'est pas contesté que la centrale d'achats a effectivement permis aux affiliés de bénéficier des tarifs avantageusement négociés, dans des conditions qui ne sont pas critiquées, par le franchiseur avec ses fournisseurs référencés ; que les contrats de commission à l'achat qui n'avaient pas d'autre objectif, ont donc bien eu une cause, l'existence ou non d'un bénéfice résiduel pour le franchisé étant à cet égard parfaitement indifférent ;

Considérant par ailleurs que l'exclusivité territoriale n'est pas de l'essence du franchisage, que rien ne permet de supposer que celle-ci ait même seulement été envisagée par les parties et qu'en tous cas rien ne démontre qu'elle aurait pu constituer pour l'une ou pour l'autre, une condition déterminante de son consentement ;

Considérant encore que si le franchisage implique bien l'élaboration et la transmission par le franchiseur, d'un concept franchisable, identifié, substantiel et réitérable c'est-à-dire comportant des signes de ralliement de la clientèle, un service défini et un savoir-faire ainsi qu'une assistance continue au franchisé, il est constant que la société Rogelet a bien eu en l'espèce, l'usage de l'enseigne Eris et qu'il résulte par ailleurs des pièces produites, notamment de nombreux procès-verbaux de réunions, que Eris Restauration n'a jamais cessé d'apporter à ses affiliés des informations et une assistance permanente tant dans le domaine social (conseils en matière de politique du personnel, de salaires, informations sur les accords collectifs du travail) que dans le domaine commercial (conseils sur les animations à proposer, sur la tenue des établissements, sur les actions promotionnelles, sur la présentation des assortiments de plats, sur l'accueil du public etc ...) ou encore en matière de communication et de publicité ;

Et considérant encore que 3 R qui ne verse aucune pièce sur ce point et qui ne justifie d'aucune protestation ni réserve avant la naissance du contentieux, est mal venu à contester la réalité du savoir-faire substantiel et original du franchiseur, alors qu'elle n'en a jamais contesté l'existence avant la rupture, pas même dans sa lettre de résiliation où elle invoquait seulement l'indétermination du prix, et qu'en outre la conclusion des 8 contrats litigieux s'est échelonnée sur plus de 2 ans ce qui à tout le moins lui a laissé le temps de la réflexion et lui a permis de s'engager en toute connaissance de cause ;

Qu'il ne peut donc être soutenu sérieusement que les conventions seraient dépourvues de cause ;

Que contrairement à ce que soutient 3 R, il n'existe donc aucun motif d'annuler les conventions souscrites entre les parties ;

Sur l'imputabilité de la rupture :

Considérant que devant la Cour, 3 R admet être à l'origine de la dénonciation de l'ensemble des contrats qui la liaient à Eris Restauration ;

Que 3 R fait valoir que la responsabilité des ruptures ainsi intervenues à son initiative sont néanmoins imputables à Eris Restauration à laquelle elle reproche " des abus dans la fixation du prix et la réalisation consécutive d'un profit illégitime " ;

Considérant qu'il est constant que si l'indétermination du prix dans les conventions-cadre ne remet pas en cause leur validité, le fournisseur doit fixer ce prix de bonne foi, les abus éventuels pouvant être sanctionnés par la résolution judiciaire et l'allocation de dommages et intérêts ;

Mais considérant :

- qu'ainsi que dit plus haut, les contrats de commission à l'achat ne comportaient aucune clause d'approvisionnement exclusif - le franchisé restant livre de recourir à d'autres fournisseurs que ceux référencés par le franchiseur (article IV du contrat) et celui-ci se bornant à servir d'intermédiaire entre les uns et les autres pour négocier au mieux, les prix d'achats des articles nécessaires à l'exploitation des cafétérias - ni même aucune clause d'approvisionnement minimum sauf pour les franchisés, à respecter seulement des minima de commande unitaire pour pouvoir bénéficier des conditions négociées par la centrale d'achats ;

- qu'aucune critique n'est adressée à Eris Restauration quant à la sélection des fournisseurs et aux conditions de vente qui étaient proposées aux franchisés ;

- que le contrat de franchisage, s'il suppose l'indépendance juridique des partenaires, reste néanmoins un contrat de dépendance économique ; que la société Phénix Richelieu relève exactement que la nécessité d'un prix maximum imposé, de même que celle d'un choix qualitatif par le franchiseur des articles destinés aux affiliés était nécessaire pour assurer l'identité et l'image de marque du réseau, notamment la mise en œuvre du concept du " free flow " qui consiste à proposer à la clientèle une grande variété de plats présentés sous forme de buffets ce qui oblige par suite les partenaires à une sélection rigoureuse des assortiments proposés ainsi qu'à diverses contraintes dans l'aménagement des restaurants et dans les prix proposés qui devaient rester accessibles ; qu'il n'est pas démontré qu'en pratique, la société Rogelet ait été soumise de la part de son franchiseur à des contrôles qui auraient limité son indépendance de manière excessive ;

Considérant enfin qu'il n'est rapporté aucune preuve du " contexte conflictuel " ayant rendu selon 3 R, la résiliation des conventions inéluctable ni de son imputabilité éventuelle à Eris Restauration ;

Considérant que 3 R ne démontre donc aucun des manquements qu'elle allègue à la charge de Eris Restauration ; que la responsabilité des ruptures dont elle a pris l'initiative et dont aucune n'a respecté le préavis contractuel de 18 mois, lui incombe donc exclusivement ; qu'elle doit en supporter les conséquences dans les conditions précisées ci-après ;

Sur les conséquences de la résiliation :

Considérant que la Phénix Richelieu est théoriquement en droit de prétendre d'une part au paiement des commissions et redevances qui lui auraient été dues jusqu'au terme des contrats s'ils n'avaient pas été résiliés, d'autre part à l'indemnisation de ses divers préjudices si elle en justifie ;

Qu'il convient d'envisager successivement ces divers postes ;

Sur les demandes en paiement des commissions et redevances :

Considérant qu'aux termes des contrats de commission à l'achat, d'affiliation et d'enseigne, le franchisé doit au franchiseur des commissions égales à 2,10 % + 1 % de son chiffre d'affaires TTC ;

Que par ailleurs les contrats d'affiliation et d'enseigne imposent au franchisé de " participer aux campagnes nationales de publicité organisées par Eris Restauration dans la limite de 0,90 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisés par le restaurant ... " cette limite ne pouvant en aucun cas être dépassée ;

Considérant encore que les contrats litigieux avaient une durée déterminée de 5 ans et se poursuivaient par tacite reconduction pour de nouvelles périodes de 5 ans sauf dénonciation notifiée 18 mois avant leur terme ;

Considérant qu'en application de ces dispositions, la société Phénix Richelieu réclame à 3 R le paiement d'une somme totale de 8 116 439 F HT représentant :

- pour 1 116 880 F HT le montant des commissions et frais de publicité dus jusqu'en juillet 1993 ;

- pour 6 999 559 F HT le solde de ces mêmes commissions calculées jusqu'au terme de chacun des contrats litigieux ;

Considérant que 3 R conteste en premier lieu devoir les sommes réclamées au titre des frais publicitaires en faisant valoir que le taux de 0,90 % n'est qu'un maximum justifiant pour être appliqué que des justifications soient fournies, ce qui ne serait pas le cas et discute en second lieu le calcul des mois restant à courir jusqu'à l'échéance normale des divers contrats ;

Mais considérant d'abord que si les dispositions contractuelles relatives aux frais publicitaires sont effectivement ambiguës, la société Phénix Richelieu affirme que le taux de 0,90 % aurait toujours été pratiqué entre les parties tandis que 3 R qui ne verse aucune pièce sur ce point, ne rapporte pas la preuve du contraire ; que la contestation n'apparaît donc pas justifiée ;

Considérant ensuite, sur le calcul des mois de redevances dues par 3 R :

- que bien qu'ils aient été dénoncés sans respect du préavis contractuel, la société Phénix Richelieu admet dans ses écritures que les contrats relatifs aux cafétérias d'Epinal, de Longwy et de Verdun sont arrivés à leur terme les 20 janvier 1993, 1er décembre 1993 et le 1er mars 1994, l'établissement d'Epinal ayant toutefois poursuivi de fait son exploitation jusqu'au 20 juillet 1993 ; que pour ce qui les concerne, la société Phénix Richelieu qui limite sa réclamation, est donc en principe fondée à obtenir paiement de 3 mois (Epinal) + 7 mois (Longwy) + 10 mois (Verdun) de redevances ;

- que les autres contrats qui n'ont fait l'objet d'aucune dénonciation anticipée avant la lettre du 14 juin 1993, s'étaient tacitement renouvelés pour 5 ans, les 1er octobre 1991 (Luxeuil) ; que la résiliation notifiée le 14 juin 1993 ne pouvait donc avoir effet qu'aux termes suivants, soit aux 1er octobre 1996, 23 mars 1997, le 1er juillet 1997, 1er janvier 1998 et 1er mai 1998 de sorte que la société Phénix Richelieu est en principe fondée là encore, à obtenir le paiement qu'elle réclame ;

Considérant toutefois qu'il apparaît excessif et inéquitable d'appliquer strictement les dispositions contractuelles en accordant à la société Phénix Richelieu le règlement intégral des commissions et redevances qui lui auraient été dues jusqu'aux termes des contrats ; que la Cour qui statue, comme les arbitres avec les pouvoirs d'amiable composition, trouve en ceux-ci le pouvoir de réduire à la somme globale et forfaitaire de 4 000 000 F, le montant de l'indemnité due par 3 R au titre des commissions et redevances non perçues ;

Sur l'indemnisation des préjudices :

Considérant qu'à ce titre, la société Phénix Richelieu demande une somme de 700 000 F pour utilisation abusive de l'enseigne Eris Restauration par 3 R après la rupture, une somme de 1 000 000 F pour la perte de notoriété, de 750 000 F pour la perte de marge, de 500 000 F en réparation du dommage dû à la politique de dénigrement dont elle aurait été victime de la part de sa CCO-contractante, de 1 000 000 F pour la remise en cause du développement de sa franchise, de 250 000 F au titre des frais nécessités par la modification des documents publicitaires ainsi qu'une somme de 1 800 000 F en dédommagement de la violation alléguée de l'obligation de non-concurrence ;

- Considérant sur l'utilisation abusive de l'enseigne, que l'article III du contrat d'affiliation et d'enseigne dispose :

" ... au terme du présent contrat ou de ses renouvellements successifs, l'affilié devra non seulement procéder à l'enlèvement de l'enseigne, mais aussi supprimer sur tous immeubles, matériaux et objets quels qu'ils soient toutes enseignes, toutes marques ou signes quelconques pouvant rappeler l'affiliation à Eris Restauration ...

" ... Si celui n'y procède pas, cet enlèvement pourra être ordonné à la demande de Eris Restauration par Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance ...

" ... Le Tribunal Arbitral pourra condamner l'Affilié à dédommager Eris Restauration du préjudice subi par elle du fait du maintien de l'enseigne " ;

Considérant que 3 R reconnaît dans ses écritures avoir continué d'utiliser l'enseigne de Eris Restauration malgré la résiliation dont elle avait pris l'initiative le 14 juin 1993 et la mise en demeure qui lui avait été adressé le 2 août 1993, jusqu'à la fin du mois d'octobre 1993, date de dépose de la dernière d'entre elles ;

Qu'elle se prévaut toutefois du 1er paragraphe de l'article III précité accordant à l'Affilié qui ne respecte pas ses obligations contractuelles un délai de 3 mois à partir de la mise en demeure de s'y conformer, pour prétendre ne rien devoir de ce chef ;

Mais considérant que cette disposition ne concerne pas l'hypothèse où le contrat arrive à son terme et où la dépose doit alors être immédiate ;

Que Eris Restauration est fondée à obtenir en conséquence, en réparation du préjudice lié à l'utilisation non autorisée de son enseigne, un dédommagement qu'il convient de fixer à la somme de 250 000 F ;

Considérant en revanche que la société Phénix Richelieu ne produit aucune pièce pour justifier des préjudices qu'elle réclame au titre de la perte de marge, de la perte de notoriété ou de la remise en cause de son plan de développement ;

Que pour établir par ailleurs la réalité du dénigrement dont elle dit avoir été victime, la seule pièce qu'elle produit est un courrier de Monsieur Guigneret, son propre cadre, lequel est à l'évidence dépourvu de force probante.

Considérant enfin que la société Phénix Richelieu ne démontre pas que les factures afférentes à des travaux d'impression ou de photogravure dont elle demande le remboursement soient bien la conséquence des résiliations intervenues ;

Qu'elle doit être par suite déboutée de ces diverses réclamations ;

- Considérant enfin sur la violation de l'obligation de non concurrence, qu'aux termes de la convention souscrite le 27 février 1990, 3 R s'est interdit " pendant toute la durée de ces contrats et ce, pendant une durée de cinq ans après leur expiration, si celle-ci vient de son fait ou de sa faute, d'exploiter directement ou indirectement un établissement de restauration concurrent de la chaîne Eris ".

Que la société Phénix Richelieu fait précisément valoir que 3 R aurait, postérieurement à la rupture de leurs relations, poursuivi son activité selon un modèle identique à celui qu'elle exploite ;

Mais considérant qu'elle ne verse sur ce point aucune pièce en dehors des constats d'huissier dressés à sa requête dans les semaines ayant suivi la résiliation des conventions, alors que sa cocontractante enfreignant son obligation de déposer immédiatement l'enseigne du franchiseur, continuait d'exploiter des cafétérias " Eris " ;

Qu'elle ne démontre pas ce faisant que 3 R, qui le conteste, aurait continué d'exploiter le concept caractéristique des cafétérias Eris Restauration, postérieurement à la dépose des enseignes, dans des établissements affichant une enseigne concurrente ;

Que la société Phénix Richelieu doit donc également être déboutée de ce chef de réclamation ;

Considérant qu'en définitive, 3 R doit être condamnée à payer à la société Phénix Richelieu la somme totale de 4.250.000 F avec les intérêts au taux légal sur la somme de 4.000.000 F qui correspond à une créance qui était née et déterminable dans son montant avant toute décision, à compter du 24 juin 1993, date de la première sommation de payer et à compter du présent arrêt sur la somme de 250.000 F, s'agissant de dommages et intérêts contractuels, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés dans les conditions précisées au dispositif du présent arrêt ;

Sur la demande reconventionnelle de 3 R en paiement des ristournes :

Considérant qu'il n'est pas discuté que les fournisseurs devaient régler au franchiseur une ristourne, intégralement reversée aux adhérents, au prorata de leurs achats ;

Que la société Phénix Richelieu, alléguant n'avoir pas été intégralement payée des sommes dues à ce titre par les fournisseurs, eux-mêmes n'ayant pas été réglés de toutes les commandes de la société Rogelet alors en état de cessation des paiements, prétend ne devoir de ce chef à 3 R qu'une somme de 632.698 ,51 F correspondant aux ristournes effectivement perçues par elle pour le compte de son affiliée pour les années 1992 et 1993 ;

Que 3 R réclame quant à elle une somme de 1.238.276 F au titre des années 1991, 1992 et 1993 ;

Mais considérant qu'il résulte des pièces produites par la société Phénix Richelieu, notamment de l'attestation de son commissaire aux comptes que le montant des ristournes encaissées pour le compte de la société Rogelet au titre des années 92 et 93 s'est élevé à la somme 388.149,86 Francs + 244.548,65 F soit un total de 632.698,51 F ;

Que la société Phénix Richelieu indique par ailleurs avoir déjà réglé une somme de 281.750 F pour l'année 1991 ;

Qu'eu égard à ces éléments, il convient de condamner la société Phénix Richelieu à payer à 3 R, en deniers ou quittances, la somme totale de 914.448,51 F, compensation étant ordonnée entre cette somme et les condamnations prononcées à son profit dans les termes du dispositif du présent arrêt ;

Considérant que 3 R qui supportera les dépens de la présente instance doit aussi être condamnée à payer à la société Phénix Richelieu une somme de 80.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Par ces motifs : Vu l'arrêt rendu par cette Cour le 20 novembre 1997, Statuant par application de l'article 1485 du Nouveau Code de Procédure Civile, dans les limites de la mission des arbitres et avec les pouvoirs d'amiable composition : - dit que les contrats relatifs à la cafétéria de Beaune sont bien concernés par le litige ; - dit que les conventions souscrites par la société Eris Restauration aux droits de laquelle se trouve la société 3 R sont valides ; - dit que la résiliation des contrats est intervenue à l'initiative et aux torts de la société 3 R ; - condamne la société 3 R à payer à la société Phénix Richelieu la somme de 4.000.000 F au titre des commissions et redevances non perçues avec intérêts au taux légal à compter du 24 juin 1993 et celle de 250.000 F en réparation du préjudice lié à l'utilisation abusive de l'enseigne Eris Restauration postérieurement à la résiliation des conventions, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; - dit qu'à compter du 29 avril 1998, date de signification des conclusions en ayant formé la demande, les intérêts seront eux-mêmes capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil ; - condamne la société Phénix Richelieu à payer à la société 3 R, en deniers ou quittances la somme de 914.448,51 F au titre des ristournes ; - ordonne la compensation de ces condamnations ; Condamne la société 3 R à payer à la société Phénix Richelieu une somme de 80 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Débouté les parties de leurs autres demandes ; Condamne la société 3 R aux dépens de la présente instance et accorde à la SCP Fisselier-Chiloux-Boulay le droit prévu à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.