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Décisions

Conseil Conc., 24 juin 1997, n° 97-D-49

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques mises en œuvre sur le marché de l'optique médicale par les entreprises du réseau Krys (Guilde des Lunetiers de France)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport de Mme Lise Leroy-Gissinger, par M. Cortesse, vice-président, présidant la séance ; Mme Hagelsteen, MM. Bon, Callu, Marleix, Rocca, Sloan, Thiolon, membres.

Conseil Conc. n° 97-D-49

24 juin 1997

Le Conseil de la concurrence (section I),

Vu la lettre en date du 10 novembre 1994, enregistrée sous le numéro F 710, par laquelle le ministre de l'économie a saisi le Conseil de la concurrence, sur le fondement de l'article 11 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, de pratiques mises en œuvre par les entreprises du réseau de distribution de produits d'optique médicale à l'enseigne Krys (Guilde des Lunetiers de France) ; Vu l'ordonnance n° 86­1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86­1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu les observations présentées par la société coopérative La Guilde des Lunetiers de France et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et le représentant de la Guilde des Lunetiers de France entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (II) ci­après exposés :

I.- CONSTATATIONS

A- Le secteur de l'optique médicale

1. Les produits d'optique médicale

Le secteur de l'optique médicale est celui de la vente aux particuliers d'articles destinés à corriger les défauts de la vision. Selon la note statistique annuelle du Groupement des Industries Françaises de l'Optique, 46 % de la population française portait des lunettes ou des lentilles de contact en 1992.

Les produits d'optique médicale sont les lunettes, qui comprennent les verres correcteurs et les montures, ainsi que les lentilles de contact qui n'équipaient, en 1992, que 3,3 % de la population concernée. Contrairement aux montures, les lentilles de contact ne sont délivrées que sur prescription médicale. Les verres, pour lesquels cette prescription n'est obligatoire que pour les enfants de moins de seize ans, font le plus souvent l'objet d'une telle prescription dans la mesure où celle­ci conditionne la prise en charge de la dépense par les organismes de sécurité sociale.

2. Les intervenants du secteur

a) Les fabricants

La fabrication des produits d'optique médicale nécessitant des matériaux et des méthodes de fabrication propres, les fabricants de ces divers produits sont rarement les mêmes. Alors qu'il n'existe qu'une vingtaine de fournisseurs de verres (fabricants et importateurs confondus), on dénombre une centaine de fournisseurs de montures, le premier d'entre eux ne détenant, selon une enquête de la SOFRES de 1992, que 8,1 % du marché. Les fournisseurs de lentilles sont au nombre d'une quinzaine et trois d'entre eux dominent le marché, les sociétés Allergan, Essilor et Johnson et Johnson, cette dernière réalisant 80 % des ventes de lentilles jetables, lesquelles représentent 20% du marché des lentilles. Les ventes de lentilles représentent 10 % du chiffre d'affaires de la vente en gros de produits d'optique médicale, alors qu'elles ne constituent qu'environ 4 % du chiffre d'affaires au stade de la distribution au détail.

b) Les distributeurs

Seules les personnes titulaires d'un brevet professionnel ou d'un brevet de technicien supérieur en optique­lunetterie peuvent exercer la profession d'opticien­lunetier et distribuer des produits d'optique médicale. Ce métier revêt trois aspects : un aspect commercial, pour ce qui est de la vente des produits, un aspect technique, qui consiste dans l'évaluation de la vision, l'analyse des prescriptions médicales... et un aspect manuel, les opticiens procédant au façonnage des verres qui sont livrés généralement sous forme de produits semi­finis et à leur adaptation aux montures.

Il existe environ 6 700 points de vente de produits d'optique médicale en France. Plus de la moitié de ces commerces font partie de réseaux : réseaux coopératifs, avec ou sans enseigne commune (La Guilde des Lunetiers de France, Atol, Optic 2000...), réseaux de franchise (Alain Afflelou, Les Frères Lissac...), réseaux succursalistes (Les Opticiens Associés, qui exploitent l'enseigne Grand Optical ...), groupements de centres mutualistes (Mutoptic, Cooptimut...). Par ailleurs, nombre d'opticiens indépendants adhèrent à une centrale de référencement locale ou nationale, la plus importante étant la Centrale des Opticiens (CDO) qui regroupait près de 1 000 points de vente en 1993.

B- La guilde des lunetiers de France

La Guilde des Lunetiers de France, société anonyme coopérative de commerçants détaillants, a été créée en 1966. Le réseau de la Guilde est constitué de trois enseignes : Krys, qui est l'enseigne la plus ancienne et la plus importante en nombre de points de vente (613 en 1993), Vision Plus, enseigne de création plus récente qui regroupait, en 1993, 44 magasins et se situe sur le même créneau de vente que les magasins Krys et, enfin, Primoptic, enseigne également récente, qui ne comprenait que 24 points de vente à l'époque des faits, et dont l'image de marque est fondée sur la compétitivité par les prix.

Le président­directeur général de la Guilde est un opticien du réseau, élu par ses pairs, mais sa gestion est confiée à des dirigeants salariés. Elle a réalisé un chiffre d'affaires de 236 millions de francs en 1992. La Guilde contrôle deux filiales : l'une, la CODIR, est une centrale d'achat réservée aux adhérents, l'autre, la société Krys expansion, est la société responsable de la gestion des quelques succursales à l'enseigne Krys détenues par la coopérative (environ vingt points de vente).

La Guilde assure, pour ses adhérents, trois fonctions principales :

- elle est, en premier lieu, une centrale de référencement de fournisseurs, avec lesquels elle négocie, au nom des associés, des conditions commerciales qui seront appliquées à chacun d'eux. Les adhérents n'ont toutefois pas l'obligation de se fournir auprès des fournisseurs référencés par la Guilde, même si, selon les déclarations de son directeur général, les achats auprès de fournisseurs non référencés représentent moins de 10 % de l'ensemble des achats des associés.

- en second lieu, elle exerce une fonction de centrale d'achat, par le biais de la société CODIR, qui achète des produits en nombre auprès des fabricants et les revend, en l'état ou après traitement, aux membres du réseau, ces produits portant soit la marque Krys Diffusion, soit la marque des fabricants. Les adhérents, qui n'ont pas l'obligation de se fournir auprès de cette société, réalisent auprès d'elle environ 25 % de leurs achats de verres et 35 % de leurs achats de montures. Les remises tarifaires accordées par cette société sont portées à leur connaissance sous la forme de "C" qui figurent l'importance de la remise octroyée, les adhérents sachant qu'un "C" représente 3 % de remise.

- elle est, en troisième lieu, une centrale de paiement qui règle les fournisseurs, pour le compte des adhérents, et se porte ducroire des sommes dues par ceux­ci. Les associés sont en contact direct avec les fabricants pour ce qui est des commandes et des livraisons, mais effectuent les paiements à la Guilde sous forme de versements périodiques, tous fournisseurs confondus.

La Guilde a connu une forte expansion ces dix dernières années, passant de 429 magasins en 1985 à 690 en 1993, soit une augmentation de 61% alors que, dans le même temps, le nombre des points de vente d'optique médicale ne progressait, en France, que de 24 %. En 1993, elle rassemblait un peu plus de 10 % des magasins d'optique médicale implantés en France, ce qui en faisait le réseau le plus important en nombre de points de vente après la CDO (14,2 %), et devant le réseau Afflelou (6,5 %). Bien qu'il existe peu d'enquêtes statistiques permettant de connaître avec précision l'activité du secteur, les données auxquelles ont pu accéder les enquêteurs, et qui n'ont pas été démenties par la Guilde, permettent de conclure qu'elle était, en termes de part de marché, en 1992, le premier acheteur de produits de prescription devant la CDO et le deuxième en ce qui concerne les montures de lunettes, après la CDO et devant le réseau Alain Afflelou et, qu'au stade du détail, elle aurait, la même année, occupé la seconde position, tant pour les verres que pour les montures, derrière le réseau Alain Afflelou.

C- Les pratiques

1. L'exclusivité territoriale accordée aux membres du réseau

Les articles X.1, X.2 et X.3 du règlement intérieur de la Guilde prévoyaient, en 1992, un ensemble de règles destinées à servir de cadre aux décisions du conseil d'administration pour toute demande d'implantation d'un nouveau point de vente à l'une des enseignes du réseau, que la demande émane d'un opticien déjà membre de la Guilde ou d'un nouvel adhérent. En application de ces articles, l'adhérent qui crée un nouveau point de vente obtient, pendant deux ans, une zone d'exclusivité, définie par le conseil d'administration. Dans les autres cas, les adhérents définissent eux­mêmes une aire géographique qui est destinée, sous réserve qu'ils parviennent à atteindre un certain pourcentage de la clientèle potentielle de ce territoire (pourcentage appelé taux de couverture), à devenir leur zone d'exclusivité. Le taux de couverture exigé varie selon les enseignes, l'exclusivité pouvant n'être acquise qu'au regard de certaines enseignes du réseau.

Ainsi, les articles X.1 et X.2 stipulent :

"X.1 ­ Magasin Krys par rapport à une implantation Krys :

La zone d'exclusivité déterminée par le guildien est constituée de cantons entiers. Elle comprend la ville ou le canton du magasin et éventuellement des cantons adjacents.

L'exclusivité est acquise si le taux de couverture est supérieur ou égal à 15 %.

Si le guildien demande l'exclusivité sur des cantons non contigus à celui du magasin (mais dans tous les cas formant une zone continue), il devra apporter la preuve d'une couverture supérieure ou égale à 10 % pour ces derniers..."

"X.2 ­ Magasin Krys par rapport à une implantation Vision Plus ou magasin Vision Plus par rapport à une implantation Krys :

La zone d'exclusivité déterminée par le guildien est constituée de cantons entiers. Elle comprend la ville ou le canton du magasin et éventuellement des cantons adjacents.

L'exclusivité est acquise si le taux de couverture est supérieur ou égal à 25 %.

Si le guildien demande l'exclusivité sur des cantons non contigus à celui du magasin (mais dans tous les cas formant une zone continue) il devra apporter la preuve d'une couverture supérieure ou égale à 15 % pour ces derniers."

S'agissant de l'implantation d'un magasin à l'enseigne Primoptic, le paragraphe X.3 stipule :

"X.3 ­ Magasin Krys ou Vision Plus par rapport à une implantation Primoptic :

L'accord formel des guildiens concernés doit être obtenu pour l'implantation d'un magasin Primoptic sur une zone d'exclusivité Krys ou vision Plus quel que soit le taux de couverture"

Le directeur général de la Guilde a indiqué lors de l'instruction : "Aux termes du règlement intérieur, la zone de chalandise est définie en fonction du chiffre d'affaires. Le conseil d'administration décide de l'admission d'un nouveau membre en fonction du taux de pénétration du magasin déjà implanté. Si celui­ci a un taux supérieur à celui fixé par le règlement, il pourra s'opposer à l'implantation. Sinon son avis sera demandé mais le conseil d'administration est totalement libre. Assez souvent, les opticiens déjà implantés émettent un avis défavorable, mais le conseil d'administration passe outre (...). S'agissant de l'article X.3 relatif à l'implantation des magasins Primoptic, le règlement intérieur de 1992 que vous me présentez a été modifié en mars 1994. Les règles pour ces magasins sont les mêmes que pour les autres enseignes de la Guilde".

2. La politique tarifaire du réseau

a) Le tarif de vente des lentilles de contact

La Guilde édite un tarif de vente au public des lentilles de contact, à l'intention des ophtalmologistes, qui est proposé aux adhérents titulaires de l'enseigne Krys qui, soit l'envoient eux­mêmes aux ophtalmologistes de leur secteur, soit demandent à la Guilde de le faire pour eux. L'utilisation de ce tarif n'est pas obligatoire pour les adhérents. En 1996, 680 adhérents ont été destinataires de ce tarif et 398 d'entre eux ont sollicité l'intervention de la Guilde, soit pour l'envoi direct du tarif aux ophtalmologistes, soit pour la fourniture d'exemplaires supplémentaires. L'instruction n'a pas permis d'établir le pourcentage de membres du réseau qui, à l'époque des faits, adressait effectivement ce tarif aux médecins de leur secteur. Parmi les adhérents entendus au cours de l'enquête, certains ont déclaré appliquer les prix figurant dans ce tarif (déclarations de M. et Mme Sibieude, adhérents implantés à Carpentras, par exemple) alors que d'autres ont déclaré ne pas le faire, ces prix n'étant pas adaptés à la clientèle locale (déclaration M. de Laet, opticien Krys installé à Montpellier, par exemple).

Le tarif édité pour l'année 1992 précise qu'il s'agit de "prix de vente conseillés" et celui pour l'année 1993 porte la mention "PVC". Cependant, ce dernier comporte, pour certaines lentilles à renouvellement fréquent, la mention "prix unique". Par ailleurs, figure au dossier un document, daté du 22 septembre 1992, adressé par la Guilde à ses adhérents, intitulé "nouveautés techniques ophtalmos" dans lequel il est indiqué que pour clarifier l'offre en lentilles jetables et à renouvellement fréquent aux yeux des prescripteurs, il est proposé, d'une part, une action "purement informative" par le biais de l'impression d'un tableau actualisé des différentes propositions du marché, d'autre part, une action "commerciale, par une proposition forte qui consiste à uniformiser notre proposition de prix de vente pour les lentilles à renouvellement mensuel : 175 F par mois pour le premier achat ; 140 F à partir du deuxième achat... Nous avons intégré à cette proposition la lentille Focus Toric qui est distribuée au prix de vente conseillé de 220 F pour le 1er achat et 175 F pour le 2e achat".

b) Les opérations promotionnelles nationales

L'instruction a permis d'établir que le réseau met en œuvre chaque année quatre opérations promotionnelles nationales, dont trois sont très largement suivies par les adhérents : les opérations "prix canon", "forfait solaire" et "rentrée enfants". Ces campagnes nationales comportent l'édition et la diffusion de dépliants publicitaires sur lesquels figurent des exemples de lunettes assortis d'un prix. Les dépliants figurant au dossier comportent un astérisque qui précise que le prix indiqué est le "prix généralement constaté". Les produits concernés par ces publicités sont peu nombreux et font partie de la collection Krys Diffusion, marque propre du réseau et diffusée par la société CODIR. Dans les tarifs de vente de cette société adressés aux adhérents, ces articles sont indiqués à un prix unique de vente au consommateur alors que, pour les autres produits, une fourchette de prix est mentionnée.

Les huit adhérents interrogés spécifiquement sur leur pratique de prix concernant les produits faisant l'objet de promotions nationales, au cours de l'enquête, ont déclaré appliquer les prix qui sont indiqués lors de ces opérations promotionnelles.

M. Morel, propriétaire du magasin Vision Plus d'Oyonnax, a déclaré :

"Pour les promotions de verres, je suis les indications de la Guilde (verres solaires, forfait rentrée enfant.). Si on sophistique un peu je réapplique mon tarif de base. Je respecte les indications de la Guilde pour les promotions, les offres d'appel (...).

Dans l'hypothèse de promotion de la Guilde je respecte les prix de la Guilde et alors je ne respecte plus toujours mon coefficient et tarif de base.".

Mme Lacache, adhérente exploitant un magasin à Brest, a déclaré :

"Sur le plan de la politique de prix suivie, je détermine librement mes tarifs de vente avec toujours deux critères :

­ objectif de l'entreprise (entre 2,5 et 3 pour les montures) ;

- prix pratiqués par la concurrence à l'exception, toutefois, des forfaits optique (425 F) et solaire (465 F) pratiqués toute l'année dans la mesure où ils font partie des compagnes publicitaires nationales de la Guilde et qu'il me serait difficile commercialement de ne pas les suivre".

M. Baron, adhérent propriétaire d'un magasin à Rezé, a déclaré :

"Par contre, je reprends les publicités nationales ; en matière de publicité chiffrée (en prix), je reprends donc, en mars les "prix canon", en mai­juin, le forfait solaire et à partir de septembre les prix "rentrée des classes" ­ je fais le "­25 % montures" en janvier (période de soldes), action conseillée par la Guilde, mais optionnelle ­ je ne reprends pas le "­25 % soleil" en juillet­août (...)".

"Je me considère comme totalement libre dans l'établissement de mes prix, sauf pour les actions promotionnelles nationales".

M. Fouché, adhérent ayant deux magasins (Krys et Primoptic) à Agen, a déclaré :

"Les prix mis en avant lors des campagnes publicitaires pour les montures de lunettes correspondent aux prix couramment pratiqués dans le magasin. Il s'agit de montures Krys Diffusion, marque propre, qui nous sont vendues par la centrale CODIR avec des marges réduites, en prix net, car les prix consentis ne permettent aucun rabais. Le prix de vente promotionnel est déterminé par le conseil d'administration. Je ne sais même pas quel taux de marque est appliqué sur les promotions. Pour les articles hors promotions, je détermine mes prix en fonction de mes charges et de la marge commerciale que j'estime devoir appliquer, soit 40 %".

Mme Goineau, gérante des magasins implantés à Nancy (Krys et Primoptic), a déclaré :

"La Guilde ne nous impose rien au niveau de nos prix de vente. Néanmoins, bien sûr, nous sommes tenus de suivre les prix de la publicité nationale".

M. Nicolini, opticien exploitant un point de vente à Lingolshein, a déclaré :

"Je ne suis pas les prix conseillés CODIR, j'applique mes coefficients habituels, sauf en cas de publicités nationales chiffrées. Les prix de ces promotions sont en général de 30 % à 40 % inférieurs à mes prix habituels".

M. Pina, adhérent de Toulon, a déclaré :

"C'est très rare qu'il y ait une publicité chiffrée mais, lorsque le cas se présente, j'applique le tarif conseillé".

M. et Mme Sibieude, adhérents installés à Carpentras, ont déclaré :

"Dans la colonne PVGC figure parfois un seul prix de vente. Il s'agit de prix qui nous sont imposés et qui correspondent à des produits sur lesquels la Guilde effectue des publicités nationales".

c) Le mécanisme de rétrocession des ristournes

L'article IX du règlement intérieur prévoyait, dans sa rédaction au moment des faits, la rétrocession intégrale aux adhérents des remises et ristournes négociées par la Guilde, les remises étant portées sur facture, alors que les ristournes de fin d'année étaient bloquées (pendant une durée de deux années) sur un compte, producteur d'intérêts, ouvert au nom de l'associé, afin de pourvoir aux frais de fonctionnement de la coopérative. Les sommes bloquées sont plafonnées, la partie dépassant le plafond donnant lieu à un versement annuel aux adhérents concernés. Elles assurent à la Guilde un fonds de roulement qui lui permet, en particulier, de payer les fournisseurs au comptant, et de consentir aux adhérents des délais de paiement, ainsi que de remplir ses obligations de ducroire en cas de défaillance d'un associé.

L'instruction a révélé que, si les remises sont bien mentionnées sur les factures, les ristournes accordées par les fournisseurs référencés ne le sont pas. Les adhérents ne sont informés du montant approximatif de celles­ci que par un système d'étoiles dont le nombre, porté en face du nom de chaque fournisseur sur les tableaux synoptiques adressés aux adhérents, indique le volume de ristourne sans en indiquer le montant exact. Aucun des adhérents interrogés au cours de l'enquête administrative ne connaissait le pourcentage de ristourne représenté par chaque étoile.

Ces derniers reçoivent chaque année des documents, intitulés tableaux synoptiques, sur lesquels figurent le nom de chaque fournisseur référencé assorti d'étoiles symbolisant le montant plus ou moins élevé de la remise accordée aux membres de la Guilde. La première étoile représente 10 % de remise et les étoiles suivantes 2,5 %.

Le directeur général de la Guilde a expliqué dans les termes suivants les raisons de l'absence d'information précise des adhérents sur le montant des ristournes accordées par les fournisseurs référencés :

"Contrairement à la majorité de ses confrères, la Guilde verse intégralement aux guildiens l'ensemble des remises et ristournes obtenues ; les indiquer en clair auprès de 700 points de vente serait informer l'ensemble de la profession de nos conditions de négociation qui tiennent compte également d'opérations de coopération commerciale. Nos partenaires fournisseurs, en règle générale, nous demandent la discrétion pour les mêmes motifs".

Chaque adhérent reçoit chaque année l'état de son compte­courant, sur lequel figure le montant global des ristournes qu'il a obtenues de l'ensemble des fournisseurs, sans distinction fournisseur par fournisseur. Le compte courant est établi pour chaque entité juridique, quel que soit le nombre de points de vente gérés par celle­ci et quelle que soit leur enseigne.

La négociation des remises et ristournes par la Guilde donne lieu à l'établissement, pour chaque fournisseur référencé, d'accords commerciaux annuels, distincts pour les verres et les montures, les méthodes de calcul des ristournes n'étant généralement pas les mêmes pour ces deux produits. Les accords comportent presque toujours une part de remise qui figure sur facture (généralement 8 %) et est déduite du montant de celle­ci et des ristournes dites "de fin d'année" qui donnent lieu à des paiements différés, qui prennent souvent la forme de versements mensuels ou trimestriels. Chez certains fournisseurs, la totalité ou une partie des ristournes non portées sur facture n'est, selon les termes mêmes des accords commerciaux, soumise à aucune condition et est acquise dès la conclusion de ceux­ci, bien que ces ristournes soient parfois qualifiées d'"aléatoires". C'est le cas des fournisseurs de verres RG Laboratoires et Bourgeois en 1993, Zeiss et Buchmann pour les années 1991 à 1993 et des fournisseurs de montures Luxottica, Jullien, L'Amy, Hermine Optique, Archives Optic, Marcolin, Néostyle, BK Optic pour les années 1991 à 1993, ODLM et Bourgeois en 1993, et Paget Diffusion, pour certaines marques, en 1992. Parmi les principaux fournisseurs de la Guilde en 1993, seuls BBGR, Essilor, Rodenstock, New Charmes et Carrera liaient l'octroi et le taux de ristourne de fin d'année à la réalisation d'un chiffre d'affaires déterminé.

Par ailleurs, les tableaux synoptiques des années 1991 à 1993 permettent de constater qu'au cours de ces années les taux de remise et ristourne accordés par les fournisseurs de verres et de montures n'ont pas baissé, sous réserve de deux exceptions en 1993, alors même que dans certains cas le chiffre d'affaires réalisé par le réseau avec ces fournisseurs était en baisse par rapport à l'année précédente (c'était le cas par exemple des fournisseurs de montures Rodenstock, Hermine Optique, Archives Optic et Néostyle).

La Guilde a transmis au cours de l'instruction trois exemples, concernant l'année 1995, de facturation et d'information des membres du réseau faisant apparaître que, pour ces trois fournisseurs, la Guilde mentionne, sur le guide d'achat destiné aux adhérents, la part de ristourne qui revêt un caractère acquis et qu'elle a sollicité et obtenu de ces fabricants que cette part soit portée, pour mémoire, sur les factures qu'ils adressent aux adhérents.

II- SUR LA BASE DE CES CONSTATATIONS, LE CONSEIL,

Sur les pratiques :

En ce qui concerne l'exclusivité territoriale accordée aux membres du réseau :

Considérant que, jusqu'en 1994, l'article X.3 du règlement intérieur de la Guilde soumettait l'implantation d'un magasin Primoptic sur la zone d'exclusivité d'un adhérent bénéficiant de l'enseigne Vision Plus ou Krys à l'accord formel de cet adhérent, quel que soit le taux de couverture du marché réalisé par celui­ci ;

Mais considérant que l'enseigne Primoptic constitue l'un des réseaux créés et gérés par la Guilde ; qu'il appartient à cette société de définir les conditions d'implantation des magasins à l'enseigne Primoptic de manière à permettre la plus grande efficacité des réseaux existants au sein de la coopérative ; que si, en raison de sa rédaction de l'époque, la clause aurait pu être interprétée comme conférant aux adhérents exploitant un magasin Krys ou Vision Plus une zone d'exclusivité sans condition, et interdisant, dès lors, toute concurrence entre les enseignes Krys et Vision Plus d'une part et Primoptic d'autre part, il est constant qu'elle n'a jamais été appliquée et qu'au surplus, elle a fait l'objet, en 1994, d'une modification rédactionnelle tendant à éviter toute équivoque et à harmoniser les règles applicables au réseau Primoptic avec celles régissant l'implantation de points de vente à d'autres enseignes de la Guilde ; qu'il n'est donc pas établi que la Guilde des Lunetiers de France ait, par cet article, contrevenu aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

En ce qui concerne la politique tarifaire du réseau :

Considérant que, dès lors que des commerçants regroupés au sein d'une coopérative ont fait le choix d'une politique commerciale basée sur une enseigne commune, il leur est loisible de déterminer en commun une formule de vente cohérente avec l'image qu'ils veulent donner de cette enseigne; que, cependant, cette stratégie collective ne saurait aller jusqu'à limiter la liberté commerciale des adhérents de la coopérative en matière de prix dès lors que certains d'entre eux sont en situation de se faire concurrence; qu'en particulier, dans ce cas, la fixation de prix identiques ou minimums ou de prix conseillés qui revêtiraient en réalité le caractère de prix imposés que tous les membres du réseau seraient, en fait, tenus de respecter constitue une pratique prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Considérant, en l'espèce, qu'il est constant que dans trente et une communes du territoire métropolitain il existe au moins deux points de vente à l'une des enseignes de la Guilde exploités par des personnes différentes et que, dans vingt­huit de ces cas, les points de vente en cause sont tous deux à l'enseigne Krys ; que, par ailleurs, s'agissant de produits d'optique médicale, les zones de chalandise sont susceptibles de s'étendre au-delà des limites administratives des communes, comme en témoignent les déclarations de M. Morel, responsable d'un magasin Vision Plus à Oyonnax, qui a dû renoncer à adopter l'enseigne Krys du fait de la proximité géographique du magasin implanté à Nantua, alors même que ces deux villes sont distantes d'une quinzaine de kilomètres, et celles de M. Neutre, responsable du magasin Krys de Cavaillon, selon lesquelles le centre commercial Mistral 7, implanté à Avignon, drainerait une partie non négligeable de la clientèle cavaillonnaise, alors même que ces deux villes sont situées à une vingtaine de kilomètres l'une de l'autre ; qu'il peut donc être considéré que, dans un nombre significatif de cas, des adhérents de la Guilde sont en situation de concurrence potentielle ;

Considérant que la Guilde soutient qu'il ne peut être déduit de la simple constatation de la présence de plusieurs adhérents de la Guilde dans la même ville que ceux­ci sont situés sur le même marché et sont en concurrence entre eux ; qu'en outre cette démonstration se heurterait, selon cette société, au fait que les zones d'exclusivité correspondent à la réalité économique que constituent les zones de chalandise et qu'il en résulterait, de facto, une absence de concurrence entre membres du réseau ; qu'elle souligne encore que les enseignes Krys et Vision Plus ont des politiques promotionnelles et de produits différentes ;

Mais considérant, en premier lieu, que les consommateurs en zone urbaine font preuve d'une importante mobilité ; que cette mobilité est d'autant plus grande que les produits concernés font l'objet d'achats peu fréquents et sont d'un prix unitaire élevé ; qu'il peut donc être considéré que, s'agissant de l'achat de produits dont la Guilde évalue le coût moyen à 1 350 F, les points de vente situés dans une même ville sont en situation de concurrence potentielle ;

Considérant, en second lieu, qu'il ne peut être considéré, en l'espèce, que les zones d'exclusivité attribuées aux adhérents de la Guilde recouvrent exactement des zones de chalandise puisque, d'une part, les zones d'exclusivité, en application de l'article X du règlement intérieur, sont définies par les adhérents eux­mêmes et que, d'autre part, ces zones diffèrent selon l'enseigne du magasin dont l'implantation est envisagée, alors que la définition des zones de chalandise résulte de l'observation du fonctionnement du marché et non de choix opérés par les adhérents ;

Considérant, en troisième lieu, d'une part, que le directeur général de la Guilde a reconnu, au cours de l'instruction, que les enseignes Krys et Vision Plus se situent commercialement sur le même marché, la différence entre elles résidant dans le fait que l'une effectue de la publicité au plan national et l'autre pas, et, d'autre part, que le droit des coopérateurs de s'opposer à l'installation d'un point de vente à une autre enseigne serait sans objet si les différentes enseignes du réseau s'adressaient à des clientèles totalement différentes ;

Quant au prix des articles faisant l'objet de promotions nationales :

Considérant que la Guilde a effectué des opérations nationales de promotion comprenant pour certains articles l'indication de prix de vente "généralement pratiqués", l'utilisation de ce qualificatif ne pouvant s'expliquer que par le fait que la grande majorité des membres du réseau appliquaient effectivement ces prix ; que plusieurs adhérents appartenant au réseau Krys interrogés au cours de l'enquête et dont les déclarations sont rapportées au 2b ci­dessus, notamment MM. Morel, Baron, Fouché, Nicolini et Pina, Mmes Goineau et Lacache et M. et Mme Sibieude ont déclaré que ces prix constituaient des prix imposés ou qu'ils étaient dans l'obligation de les "suivre", ou qu'ils s'y conformaient ; que cette pratique a pu ainsi avoir pour effet de supprimer toute concurrence par les prix entre les membres du réseau Krys qui étaient en situation de se faire concurrence ;

Considérant que, s'il est soutenu par la Guilde des Lunetiers que les prix annoncés étaient particulièrement attractifs, qu'ils ne concernaient qu'environ 10 % des articles offerts aux adhérents par la société CODIR, soit une très faible part du marché des articles d'optique­lunetterie, qu'aucune mesure n'était mise en œuvre par la Guilde pour contraindre ses adhérents à respecter les prix ainsi diffusés et/ou pour les obliger à participer aux campagnes promotionnelles nationales, ces circonstances, si elles peuvent être prises en compte pour l'appréciation des suites à donner, sont sans incidence sur la qualification de la pratique ; qu'ainsi l'édition et la diffusion par la Guilde des lunetiers de dépliants publicitaires comportant pour certains produits des prix uniques de vente au consommateur, qui revêtent dans la pratique le caractère de prix imposés, alors que plusieurs membres du réseau sont en situation de se faire concurrence, sont prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Quant à l'édition d'un tarif national de lentilles de contact :

Considérant que, la Guilde édite un tarif de vente au public des lentilles de contact à l'intention des ophtalmologistes dont l'édition, pour l'année 1993, comporte l'indication de prix uniques concernant certaines lentilles à renouvellement fréquent ; que cette politique tarifaire a été mise en œuvre dès le troisième trimestre de l'année 1992 ; qu'une telle pratique a pour objet et peut avoir pour effet de supprimer toute concurrence par les prix entre les membres du réseau en situation de concurrence potentielle ; qu'elle est donc prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant que, si la Guilde revendique le bénéfice du 2 de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 à l'égard de cette pratique, elle ne justifie pas en quoi l'indication d'un prix unique de vente au consommateur concernant ce type de lentilles contribuerait au progrès économique et réserverait au consommateur une part équitable du profit qui en résulterait ; que, par ailleurs, si le fait que ce tarif peut s'analyser comme une opération de lancement de produits nouveaux et qu'il n'a concerné qu'un nombre restreint de lentilles peut être pris en compte dans l'appréciation des suites à donner à la saisine, il est sans incidence sur la qualification des faits au regard des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Quant aux modalités de rétrocession des ristournes :

Considérant que l'instruction a permis d'établir que les adhérents n'étaient pas informés précisément du taux de ristourne de fin d'année octroyé par les fournisseurs référencés, ce taux étant figuré, dans les documents qui sont transmis aux associés, par des étoiles dont le nombre augmente en fonction du pourcentage de ristourne, sans que les membres du réseau connaissent exactement le pourcentage correspondant à chaque étoile ; que, par ailleurs, il est constant que, pour un certain nombre de fournisseurs, l'octroi des ristournes de fin d'année n'était soumis à aucune condition et que celles­ci étaient donc acquises et chiffrables dès la signature des accords commerciaux ; qu'au surplus leur rétrocession se faisait de façon globale, tous fournisseurs confondus, ce qui empêchait les adhérents de connaître, même a posteriori, le pourcentage de ristourne versé par chaque fabricant ; qu'enfin, le montant des ristournes obtenues par chaque adhérent était bloqué par la Guilde pendant une période de deux ans, dans la limite d'un plafond de 240 000 F ;

Considérant qu'avant l'entrée en vigueur de la loi n° 96­588 du 1er juillet 1996, il pouvait être considéré que l'octroi de remises et ristournes différées n'était pas restrictif de concurrence lorsque le principe et le montant de ces avantages étaient acquis de manière certaine, dès le franchissement des seuils quantitatifs qui en déterminaient l'attribution et lorsque tous les distributeurs pouvaient, sans aléa ni restriction, en répercuter le montant sur leurs prix de vente ; qu'en l'espèce, l'absence d'information des adhérents de la Guilde quant au montant des ristournes dont le principe était acquis et le montant chiffrable au moment de la facturation, d'une part, la globalisation et le reversement tardif des ristournes par la Guilde, d'autre part, empêchaient les associés de tenir compte de ces réductions supplémentaires du prix d'achat dans le calcul du prix de vente aux consommateurs ; que cette pratique était de nature à limiter la liberté commerciale des adhérents et a pu avoir pour effet de restreindre la concurrence entre ceux qui étaient en situation de concurrence potentielle ; que cette pratique a également pu avoir pour effet de limiter ou de fausser la concurrence entre fournisseurs, dans la mesure où ces derniers ont pu être privés, auprès des adhérents et des consommateurs, du bénéfice commercial des efforts tarifaires qu'ils avaient consentis, du fait de l'information insuffisamment précise des adhérents ;

Considérant que la Guilde fait valoir, d'une part, que les quinze fournisseurs pour lesquels l'instruction a mis en évidence l'existence de ristournes de fin d'année non aléatoires ne représentent que 13 % du montant global des achats des adhérents auprès de la centaine de fournisseurs référencés, d'autre part, que la pratique n'a pu avoir pour effet de limiter la concurrence ni à l'égard des adhérents, dans la mesure où ceux­ci utilisent, pour la détermination des prix de vente publics, des logiciels, diffusés au sein de la profession, qui prennent pour référence les tarifs bruts des fournisseurs, ni à l'égard des fournisseurs, puisqu'en fixant à 2,5 % l'écart entre deux étoiles, la Guilde a fourni une information suffisamment fine à ses associés pour leur permettre de faire effectivement jouer la concurrence entre deux fabricants et qu'en outre la Guilde a, de son propre chef, sollicité de ces derniers qu'ils émettent des factures conformes à l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, en particulier en ce qui concerne la mention des avantages tarifaires acquis et a amélioré l'information tarifaire de ses adhérents ;

Mais considérant que l'instruction a porté sur les sept premiers fournisseurs de verres de la Guilde qui en référence onze ; que si le principal d'entre eux, la société Essilor, qui représente plus de 53 % du montant des achats de verres correcteurs effectués par la Guilde, soumettait effectivement l'octroi et le montant des ristournes de fin d'année à la réalisation d'un certain chiffre d'affaires, tel n'était pas le cas de quatre fournisseurs représentant, en 1991­1992, environ 16 % des achats réalisés par le réseau, selon les données figurant au dossier ; que, s'agissant des montures, l'instruction, qui a porté sur une vingtaine de fournisseurs référencés, dont huit figurent parmi les plus importants en termes de chiffre d'affaires, a permis d'établir que les fabricants qui ne soumettaient l'octroi des ristournes de fin d'année à aucune condition ont représenté, en 1991­1992, environ 35 % du montant des achats de montures par le réseau, selon les chiffres figurant au dossier, et que cinq d'entre eux figuraient parmi les sept premiers fournisseurs de montures de la Guilde ; qu'il ne peut donc être soutenu que la proportion des fournisseurs dont l'instruction a établi qu'ils accordaient des ristournes de fin d'année inconditionnelles n'est pas représentative ; que, par ailleurs, le fait que la plupart des adhérents fixent les prix de vente publics par référence au tarif brut des fabricants ne saurait justifier la pratique en cause, dès lors que celle­ci s'opposait à toute tentative de procéder différemment de la part des adhérents ; qu'en outre, si le fait que ceux­ci connaissaient l'importance relative des ristournes octroyées par les fournisseurs leur permettait de préconiser auprès de la clientèle ceux qui étaient dotés du plus grand nombre d'étoiles, leur ignorance de la valeur exacte de la ristourne dans l'intervalle entre deux étoiles pouvait les conduire à placer sur un même plan des fournisseurs accordant des ristournes d'un taux différent ; qu'enfin, si les efforts de la Guilde, en 1995, pour augmenter la transparence tarifaire et inciter les fabricants à respecter les règles relatives à la facturation doivent être pris en compte dans les suites qu'il convient de donner à la saisine, ils sont sans incidence sur la qualification des faits au regard du titre III de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Guilde, en n'informant pas ses adhérents du montant exact des ristournes de fin d'année qui revêtaient un caractère acquis et chiffrable, les a empêchés de déduire la totalité de ces ristournes de leurs prix d'achat pour les répercuter sur leurs prix de vente, ce qui a pu avoir pour effet de restreindre le jeu de la concurrence entre les fournisseurs référencés, d'une part, et entre les adhérents qui étaient en situation de concurrence potentielle, d'autre part ; que cette pratique est donc contraire aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Sur l'injonction :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières" ;

Considérant que, s'il est constant que la politique commerciale menée au plan national par des réseaux structurés de commerçants est de nature à favoriser la concurrence, que si les pratiques anticoncurrentielles auxquelles la Guilde des lunetiers s'est livrée ont été limitées dans le temps, n'ont concerné qu'un nombre limité d'articles et si les plages de recouvrement des zones de chalandise de ses adhérents sont peu nombreuses, il y a lieu néanmoins d'assurer le maintien d'une concurrence suffisante entre les membres des réseaux en enjoignant à la Guilde des lunetiers de s'abstenir d'éditer et de diffuser des tarifs comportant des prix de vente au public uniques ou minimum et d'informer ses adhérents du montant exact des remises et ristournes qu'elle a obtenues à leur profit des fournisseurs qu'elle référence,

Décide :

Article 1er : ­ Il est établi que la Guilde des Lunetiers de France a enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Article 2 : ­ Il est enjoint à la Guilde des Lunetiers de France d'informer ses adhérents du montant exact des réductions inconditionnelles de prix qu'elle obtient, à leur profit, de leurs fournisseurs référencés et de s'abstenir d'éditer des tarifs qui comportent des prix de vente au public, uniques ou minimums.