CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 18 mars 1993, n° ECOC9310048X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Société du Journal Téléphoné (SA)
Défendeur :
Direction de la Météorologie Nationale
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Canivet
Conseillers :
Mmes Renard-payen, Pinot, Beauquis, M. Betch
Avoués :
SCP Valdelièvre, Garnier, SCP Fisselier, Chiloux, Boulay
Avocats :
Mes Nouel, Hauser, Meillassoux
Par décision n° 92-D-35 du 5 mai 1992, relative à la saisine, en date du 23 mai 1990, de la Société du journal téléphoné (SJT) à l'encontre de la Direction de la Météorologie nationale (DMN), le Conseil de la concurrence (le conseil) a estimé:
- qu'en commercialisant, d'une part, des informations météorologiques d'ordre général sur le réseau téléphonique (Allo-Météo), d'autre part, des messages de météorologie aéronautique sur le réseau Transpac (interrogation réponses-aéronautique IRA) et par Minitel (36-17 METAR), la DMN se livre à des activités de service au sens de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
- que constituant des marchés distincts l'information météorologique grand public où la DMN, en position dominante, se trouve en concurrence avec la société SJT et l'information météorologique aéronautique où, en tant que service de l'Etat, elle exerce un monopole de fait;
- qu'en refusant de vendre à la société SJT pour un usage commercial, les messages d'observation (METAR) et de prévision (TAF) élaborés dans le cadre de sa mission d'assistance météorologique aux pilotes d'aéronefs auxquels elle en réserve l'accès, la DMN n'abuse pas de sa position à l'égard de la société SJT, et dit, en conséquence, n'y avoir pas lieu à application des dispositions du titre III de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
La SJT a formé un recours principal contre cette décision en soutenant, sur le fondement de l'article 8-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986:
- qu'abuse de sa position dominante la DMN qui met en œuvre des pratiques ayant pour objet et pouvant avoir pour effet de Limiter l'accès d'autres entreprises au marché de l'information météorologique grand public, en privant directement ou indirectement ses concurrents des sources d'information dont elle dispose dans le cadre de son monopole de fait sur le marché de l'information météorologique aéronautique;
- que sont erronés les motifs retenus par le conseil pour écarter l'abus imputé à la DMN en ce que, d'une part, l'observation, selon laquelle elle pourrait développer un service téléphonique à partir d'autres messages météorologiques codés dit "synoptiques" (SYNOP) que l'administration accepterait de lui fournir, n'est ni commercialement praticable, ni techniquement utile, ni juridiquement pertinente au regard du refus de fournir les messages METAR et TAF qu'elle estime indispensables au développement de son activité d'information météorologique, d'autre part, sont dépourvus de justification les prétextes de sécurité allégués pour réserver les messages METAR et TAF aux seuls exploitants d'aéronefs.
La DMN a formé un recours incident en faisant valoir que ne relève pas de l'ordonnance du 1er décembre 1986 l'activité que, en tant que service public administratif, elle exerce dans le cadre d'une mission de service public, relative à l'élaboration et la fourniture de messages météorologiques dans le secteur de l'aéronautique.
En défense sur le recours principal, la DMN expose en outre n'avoir commis aucun abus de position dominante en refusant à la société SJT le raccordement au système IRA aux motifs que:
- la demande de la société SJT présente un caractère anormal en raison du " glissement de sa position " quant aux destinataires du service qu'elle entend réaliser au moyen des informations météorologiques codées réservées à l'aéronautique et les méthodes de traitement de ces messages;
- lesdites informations sont techniquement inadéquates à la confection de messages météorologiques fiables destinés à un autre public que les usagers de l'aéronautique;
- l'exploitation de tels messages risque de nuire à la sécurité de la navigation aérienne;
- la société SJT n'a donné aucune suite à la proposition de recevoir les messages SYNOP qui répondent cependant à ses besoins.
Aux termes de ses observations, le ministre de l'économie et des finances estime que les recours principal et incident doivent être rejetés, exposant que l'activité de service de la DMN entre dans le champ d'application de l'ordonnance du 1er décembre 1986 mais que son refus de fournir les messages METAR et TAF n'a pour effet ni de fermer le marché de l'information météorologique grand public, où se confrontent effectivement plusieurs opérateurs, ni de fausser le jeu de la concurrence, ceux-ci, y compris la DMN, étant placés sur un pied d'égalité.
Le conseil n'ayant produit aucune observation écrite, les requérants ont précisé leurs moyens, en réponse au mémoire du ministre de l'économie et des finances.
Le ministère public a oralement conclu au rejet du recours principal et, sur le recours incident, estimé que, si l'ordonnance du 1er décembre 1986 est applicable à l'activité de diffusion des messages météorologiques auprès du grand public, elle ne l'est pas à celle des informations météorologiques destinées à l'aéronautique.
Sur quoi, LA COUR :
Considérant que la DMN, direction de l'administration centrale du ministère de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports, a pour mission, selon le décret n° 86-93 du 17 janvier 1986, de surveiller l'évolution de l'atmosphère afin de contribuer à la sauvegarde des personnes et des biens ainsi qu'au développement économique du pays; que, telles que définies par l'arrêté du 31 octobre 1978, ses attributions générales consistent à assurer la collecte, l'exploitation et la diffusion des informations météorologiques et climatologiques nécessaires pour satisfaire à tous les besoins des usagers civils et militaires au plan national, notamment ceux de l'aéronautique, et assurer les échanges internationaux de données en application des accords souscrits par la France;
Que, dans le cadre de ses activités, elle procède, notamment, à la diffusion d'informations météorologiques générales par voie de presse écrite et télévisuelle, à l'exploitation de services télématiques et qu'en particulier, à partir de l'année 1986, elle a créé, sous la marque " Allo-Météo ", un service de kiosque téléphonique par l'intermédiaire duquel, contre rémunération, elle offre au public les mêmes informations, nationales ou localisées;
Considérant que par ailleurs, aux termes d'un arrêté du 5 juin 1975, pris en application de l'article D. 131-11 du Code de l'aviation civile, la DMN est chargée de procurer ou de faire procurer sur le territoire national l'assistance météorologique à la navigation aérienne internationale que la France s'est engagée à assurer en ratifiant la convention de Chicago du 7 décembre 1944, relative à l'aviation civile internationale, dans des conditions notamment conformes à l'annexe III traitant des normes et pratiques recommandées;
Que dans le cadre de cette mission qui lui incombe exclusivement et dont le financement est intégralement assuré par la perception de redevances auprès des usagers, la DMN collecte des données qu'elle restitue sous forme de messages codés, s'agissant de messages d'observation des conditions météorologiques sur un aérodrome (METAR), de messages de prévision à court terme (9 heures: TAF courts) où à long terme (18 heures: TAF longs) et de messages occasionnels (SPECI et SIGMET), ces renseignements étant habituellement délivrés, outre aux avions en vol, aux exploitants et membres d'équipage de conduite, dans les bureaux météorologiques des aéroports, sous forme de dossiers et de cartes donnant la prévision du temps sur le trajet emprunté par l'aéronef;
Que toutefois, afin d'améliorer l'efficacité du système et le confort des utilisateurs, la DMN a mis au point des services payants diffusant, sous diverses formes, les mêmes données aux usagers de l'aéronautique, l'un, le service IRA, sur le réseau Transpac, destiné à permettre par abonnement l'accès permanent aux messages aéronautiques codés, l'autre, sur le réseau Minitel, le service METAR, offrant les mêmes informations à tous les usagers professionnels et notamment aux petites compagnies aériennes et aux pilotes privés ou amateurs non abonnés au service IRA;
Qu'en outre, depuis l'ouverture de l'instance, la DMN met à la disposition de tout public, sur kiosque téléphonique, des services de météorologie " Aviation légère " VFR 36-68-10-13 et " Vol libre et vol à voile " 36-68-10-14, affirmant toutefois ne pas se servir pour l'élaboration des informations ainsi diffusées des messages codés destinés à l'assistance aéronautique;
Considérant que, le 1er juillet 1988, la société SJT, spécialisée dans les services d'informations et de divertissements par téléphone, a informé la DMN qu'elle souhaitait mettre en place dans différents pays des installations de diffusion de bulletins météorologiques téléphonés selon une technologie de numérisation et de synthèse de la parole à partir de données informatisées, et notamment des messages codés TAF et METAR, en sollicitant de sa part les éléments nécessaires à la préparation des logiciels permettant le fonctionnement d'un tel service;
Qu'après échange de correspondances, consultation de la direction
générale de l'aviation civile, et établissement d'un projet de convention sur le transfert expérimental des données concernées, la DMN a finalement fait savoir à la société SJT par une lettre du 30 avril 1990 que :
" Les messages TAF et METAR sont élaborés par la DMN en application des obligations internationales de la France en matière d'aviation civile internationale (Convention de Chicago). "
" Ils sont strictement destinés aux usagers d'aéronefs, lesquels en acquittent, en vertu des mêmes conventions, le coût complet sous forme de redevance. Leur régime est donc tout à fait particulier et différent de celui des autres informations produites par la Météorologie nationale, à l'usage du grand public notamment. "
Qu'elle en tirait pour conséquence que:
" Tout d'abord, la DMN n'a pas dans ce domaine d'autres missions de diffusion des informations qu'elle élabore que celles fixées par les conventions et textes en cause. Une éventuelle rediffusion par votre canal doit donc être envisagée du seul point de vue de son opportunité.
" Ensuite, la référence au tarif du service IRA est tout à fait inadéquate. En effet, ce service fourni par la DMN est réservé aux seuls usagers d'aéronefs et ne constitue donc qu'une modalité particulière d'accomplissement de ses obligations.
" Tout naturellement, le tarif correspondant ne couvre que les frais de mise à disposition de l'information, à l'exclusion de l'essentiel, à savoir du coût de l'élaboration des messages proprement dits, pris en compte dans les redevances auxquels ces mêmes usagers sont assujettis par ailleurs.
" Cette analyse conduit à penser que la mise en place d'une telle redifflision pourrait alimenter des contestations de la part du secteur aéronautique, à la fois quant au montant des redevances et aux modalités de diffusion des renseignements qui lui sont spécifiquement destinés.
" Surtout, elle risquerait de conduire à des confusions quant aux responsabilités en cause dans la diffusion d'informations touchant au premier chef à la sécurité.
" Un tel service pourrait en effet être utilisé par des usagers d'aéronefs, alors que l'administration responsable de la fiabilité des messages établis à leur intention, la DMN, ne contrôlerait ni la disponibilité, ni surtout la conformité aux règles des informations fournies. Elle risquerait cependant d'être mise en cause puisqu'elle aurait donné son aval à la rediffusion par vos soins.",
et qu'elle estimait ne pouvoir donner suite à la demande de la société SJT;
Considérant qu'au mois de janvier 1991 la SJT a néanmoins créé, sous la dénomination Télémétéo, un service de kiosque téléphonique offrant des informations météorologiques générales qu'elle développe actuellement à partir de messages de type SYNOP fournis par la société Mérilat-Météoconsult laquelle exploite sur Minitel un service de même nature;
Considérant que la DMN et la société SJT sont en concurrence sur le marché de l'information météorologique à l'usage du grand public dont la réalité économique n'est pas discutée; qu'il n'est pas davantage contesté que la DMN occupe sur ce marché une position dominante, par les sources d'information qu'elle possède, les multiples services complémentaires qu'elle exploite, la notoriété dont elle bénéficie sous la marque Météo France et la place qu'elle occupe dans les services télématiques, étant observé qu'elle distribue 97 p. 100 de l'information météorologique téléphonée grand public où opère la société SJT;
Considérant que par la spécificité et la présentation codée des renseignements météorologiques diffusés, techniquement inaccessibles aux opérateurs non initiés, la qualification des usagers concernés et la réglementation applicable, le service des renseignements de météorologie aéronautique n'entre pas dans le marché de l'information météorologique destinée au grand public;
Que, contrairement à ce que soutient la DMN, dès lors qu'elle met en présence un offreur de renseignements météorologiques, fût-il un service de l'Etat, et des opérateurs de l'aéronautique civile, demandeurs de telles prestations, même s'ils ont l'obligation de s'adresser audit service, et quel que soit le mode de financement des données fournies,l'information météorologique destinée à l'aéronautique constitue un marché dont le fonctionnement est toutefois gouverné par les contraintes réglementaires spécifiques qui le caractérisent;
Que la DMN, qui, par application de la réglementation susvisée, est en France le fournisseur exclusif de renseignements météorologiques destinés à la navigation aérienne, est en position de monopole sur ce marché;
Que,quel que soit le contexte administratif et réglementaire international ou interne dans lequel la DMN collecte et diffuse de telles données, elle se livre, sur l'un et l'autre des marchés ci-dessus délimités, à une activité de service à laquelle, conformément aux dispositions de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, s'appliquent les règles définies par ladite ordonnance, et notamment son article 8-1, prohibant l'exploitation abusive, par une entreprise, d'une position dominante sur le marché intérieur ou sur une partie substantielle de celui-ci;
Qu'il s'ensuit que doit être apprécié, au regard du texte susvisé et de la réglementation applicable à l'assistance météorologique à l'aéronautique, si constitue un abus de la position dominante qu'elle occupe sur le marché de l'information météorologique destinée au grand public l'opposition de la DMN à fournir à un opérateur concurrent des données météorologiques élaborées dans le cadre du monopole dont elle jouit sur le marché du renseignement météorologique aéronautique;
Considérant que la DMN ne peut, sans commettre un tel abus, refuser l'accès aux données collectées et diffusées à l'occasion de sa mission d'assistance météorologique, dès lors que sa décision n'est pas justifiée par des raisons légitimes et qu'elle a pour objet ou peut avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché de l'information météorologique destinée au grand public;
Considérant que ni la convention relative à l'aviation civile internationale signée à Chicago le 7 décembre 1944 et ses annexes ni la réglementation interne ne réservent les renseignements de météorologie aéronautique aux seuls usagers de l'aviation;
Qu'après avoir défini les obligations des Etats membres de l'Organisation météorologique mondiale (OMM), le secrétaire général de cette organisation a en effet indiqué, par une lettre du 18 février 1992, répondant à une demande de renseignements du rapporteur général du conseil, que la fourniture de messages METAR et TAF à des tiers à l'intérieur d'un pays relève exclusivement de la politique nationale, en fonction du risque que ferait courir pour la sécurité des aéronefs la communication de données spécifiques à des usagers étrangers à l'aéronautique qui ne seraient pas en mesure de les interpréter correctement ni d'en garantir la fiabilité;
Considérant que, conformément à cette interprétation et sans invoquer d'interdiction légale ou réglementaire, la DMN a, par la lettre précitée du 30 avril 1990, estimé inopportun de fournir lesdits messages à la société SJT en raison, d'une part, de ce que leur cession pourrait alimenter de la part du secteur aéronautique des contestations quant au montant des redevances et aux modalités de rediffusion de renseignements qui lui sont spécifiquement destinés, d'autre part, de ce qu'elle risque de compromettre la sécurité des aéronefs;
Mais considérant qu'aucune des correspondances émanant de l'OMM versées aux débats ne fait état de réserves relatives aux conséquences sur le montant des redevances, de la cession à des tiers des messages litigieux et que, si la société SJT ne peut prétendre être autorisée à traiter et rediffuser, les données disponibles sur le réseau IRA au tarif de consultation consenti aux usagers aéronautiques, il appartient à la DMN de fixer le prix des données revendiquées en fonction de la spécificité de leur financement, sans toutefois que ses conditions tarifaires soient en elles-mêmes abusives;
Considérant que les raisons de sécurité invoquées tiennent à ce que le service que projette de créer la société SJT pourrait être utilisé par des usagers d'aéronefs, alors que la DMN, responsable de la fiabilité des messages établis à leur intention, n'en contrôlerait ni la disponibilité ni la conformité à la réglementation;
Mais considérant que le refus inconditionnel opposé par la DMN doit être indispensable pour lui permettre d'accomplir sa mission d'assistance météorologique à la navigation aérienne et proportionné aux contraintes objectivement vérifiables de sécurité qu'elle impose;
Considérant que l'obligation, invoquée par la DMN, faite aux usagers de l'aéronautique de ne s'adresser, pour obtenir l'assistance météorologique qui leur est due, qu'à l'administration désignée par l'Etat, écarte le risque de consultation par les pilotes d'un service non habilité ouvert à tout public;
Qu'en outre la société SJT assure ne pas vouloir se substituer aux services de météorologie aéronautique désignés par la convention de Chicago et qu'en tant que de besoin, un tel engagement pourrait faire l'objet d'une condition contractuelle de la cession des données litigieuses;
Qu'au surplus la DMN a la faculté de se réserver conventionnellement la possibilité de ne transmettre ces données qu'à des professionnels capables de les traiter correctement et de vérifier les modalités de leur rediffusion;
Que, par ailleurs, la crainte tardivement alléguée par la DMN d'une dégradation de la qualité des relevés opérés par ses propres météorologistes en cas d'usage des messages de types METAR et TAF à d'autres fins que l'assistance aéronautique n'est pas convaincante, les personnels concernés étant directement placés sous son autorité et son contrôle;
Considérant que, dès lors qu'elle a la possibilité de satisfaire par des réserves contractuelles aux impératifs de sécurité dont elle justifie, la DMN ne peut soutenir que le refus de transfert qu'elle oppose à la société SJT est indispensable pour assurer la mission de service public dont elle est chargée;
Considérant qu'à l'occasion de la présente instance, la DMN fonde, au surplus, sa position:
- sur l'imprécision de la SJT quant aux destinataires du service qu'elle entend offrir au moyen des informations demandées;
- sur le caractère non indispensable et inadapté des messages aéronautiques à l'activité de la SJT, alors que lui sont proposées des données météorologiques de types SYNOP, éventuellement complétées des prévisions destinées à la presse, et techniquement propres à satisfaire ses besoins;
- enfin, incidemment, sur les "droits d'une nature particulière relevant de la protection des droits d'auteur" dont elle est titulaire sur les données revendiquées;
Mais considérant, en premier lieu, que, dès lors que la société SJT déclare vouloir développer un service d'informations météorologiques ouvert à tout public pour lequel les données offertes sur le service IRA sont nécessaires, tout en s'engageant à ne pas empiéter sur les missions réglementées d'assistance aéronautique qu'assure la DMN, sa demande ne peut être rejetée au prétexte qu'elle serait anormale par son imprécision;
Considérant, en second lieu, qu'il n'existe pour la SJT aucune source alternative d'approvisionnement en produits équivalents;
Qu'en effet, ainsi que le relève le conseil, les prestations offertes par la société CAS, filiale de la société américaine Jeppesen, limitées à la fourniture d'un équipement informatique permettant l'accès à un centre serveur installé aux Etats-Unis, ne peuvent en raison du nombre restreint de messages proposés et de leur coût élevé être comparées au service IRA exploité par la DMN;
Qu'en outre la société SJT est fondée à soutenir que les messages SYNOP offerts par la DMN, lesquels, outre leur prix qu'elle estime prohibitif ne comprennent aucune prévision, ne sont à eux seuls ni utiles ni suffisants au développement d'un service dont l'anticipation météorologique à court et moyen termes et la précision locale sont les arguments commerciaux déterminants; que les textes de prévisions, non informatisés, édités à l'usage de la presse écrite ou télévisée sont incompatibles avec son propre système d'exploitation;
Considérant, en troisième lieu, que la DMN ne peut soutenir que les renseignements météo-aéronautiques qu'elle édite sont inadaptés à toutes autres fins que l'assistance aux aéronefs, alors que, dans la notice de présentation du système IRA qu'elle diffusait en 1988 à ses clients potentiels, elle indiquait que de telles informations pouvaient être destinées " aux particuliers ou aux entreprises intéressés par les conditions actuelles ou prévues sur une région donnée (vent, visibilité, phénomènes, pluies, orages, plafond nuageux) " et que c'est précisément pour un service de prévisions localisées et à court terme que la société SJT entend exploiter de telles données.
Considérant enfin que les moyens tirés par la DMN des articles 19 et 21 de la loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique ne peuvent être utilement invoqués, alors que ces messages collectés et présentés sans le moindre apport original, selon des normes et recommandations internationales et une réglementation interne, ne sont pas assimilables à des œuvres de l'esprit au sens de la loi susvisée ; qu'en outre ladite loi, détournée de ses fins essentielles de protection morale d'une œuvre et de rémunération d'un effort créateur, n'est en l'espèce invoquée que pour justifier l'interdiction systématique d'accès d'une catégorie d'opérateurs à des données météorologiques disponibles ;
Considérant, en conséquence, que les raisons invoquées par la DMN pour ne pas laisser la société SJT accéder, fût-ce à des conditions restrictives, aux messages de météorologie aéronautique par elle diffusés sur le système IRA ne sont ni déterminantes ni indispensables à la sauvegarde des intérêts qu'elle a mission de protéger ;
Queson attitude empêche la société SJT de développer un service téléphonique de prévision de temps, selon la technologie originale dont elle s'est dotée, au préjudice des clients potentiellement intéressés par une forme et une nature nouvelles d'informations météorologiques ;
Que, même si la DMN n'utilise pas elle-même les messages codés de météorologie aéronautique dans l'élaboration de ses produits destinés au grand public, ce qui ne résulte que d'une affirmation de principe de sa part dont la portée technique est invérifiable et la pérennité incertaine, elle ne peut pour autant se prévaloir d'une égalité prétendue des opérateurs sur le marché concerné pour interdire à la société SJT d'accéder à une source d'informations que celle-ci estime pouvoir exploiter pour accroître la demande de services météorologiques au moyen d'une technologie originale ;
Qu'une telle pratique, mise en œuvre par la DMN, qui a pour effet de restreindre la concurrence sur le marché de l'information météorologique grand public sur lequel celle-ci se trouve en position dominante, constitue un abus prohibé par l'article 8-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant en conséquence que la décision du conseil doit être réformée et qu'il doit être fait injonction à la DMN de cesser la pratique anticoncurrentielle constatée dans les termes précisés au dispositif du présent arrêt ;
Par ces motifs : Réforme la décision du Conseil de la concurrence ; Fait injonction à la Direction de la météorologie nationale de communiquer à la Société du journal téléphoné dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt les conditions financières, techniques, de sécurité et d'usage auxquelles elle peut lui céder aux fins de rediffusion les messages codés de météorologie aéronautique disponibles sur le système IRA ; Met les dépens à la charge de DMN.