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Décisions

Conseil Conc., 23 février 1999, n° 99-D-14

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques mises en œuvre par la société Télédiffusion de France

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport de M. Jean-René Bourhis, par M. Jenny, vice-président, présidant la séance, Mme Pasturel, vice-présidente, M. Cortesse, vice-président, Mme Boutard-Labarde, MM. Robin, Rocca, Thiolon, membres.

Conseil Conc. n° 99-D-14

23 février 1999

Le Conseil de la concurrence (section III),

Vu la lettre en date du 24 février 1994 par laquelle la société Emettel a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société Télédiffusion de France ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée, relative à la liberté de communication ; Vu les observations présentées par les sociétés Télédiffusion de France et Emettel ainsi que par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Télédiffusion de France et Emettel entendus ; Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du rapporteur général, Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :

I. - CONSTATATIONS

1. Le secteur d'activité

Il existe différents moyens de diffusion des images et du son, qui sont la diffusion hertzienne, le câble et le satellite.

Selon le conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) (La Lettre, n° 78, mars 1996) : "Malgré le développement du câble et du satellite, la diffusion hertzienne terrestre reste, de loin, le principal moyen de mise à disposition du public des signaux audiovisuels, et le restera sans doute pendant de nombreuses années. La France compte aujourd'hui environ 22 millions de foyers télévisuels. Le nombre de foyers abonnés au service de base du câble est de 1,3 million, et celui des foyers recevant la télévision par satellite est d'environ 1 million. Au total, près de 90 % des Français reçoivent exclusivement la télévision par voie hertzienne terrestre. La diffusion hertzienne des programmes de radio et de télévision utilise une ressource rare, et donc convoitée : le spectre de fréquences.

(...)

"Chaque année, un nombre considérable d'enquêtes sont conduites à la suite de réclamations des usagers. Elles sont essentiellement effectuées par des personnels de TDF agissant sous le mandat du conseil. La majorité des réclamations sont liées à une mauvaise réception des programmes de télévision, par exemple en cas de création d'une zone d'ombre artificielle liée à la construction d'un nouvel immeuble ou à des brouillages créés par d'autres émetteurs ou, enfin, à des perturbations en provenance d'autres services utilisant des bandes de fréquence différentes telles que la CB ou la toute nouvelle radiomessagerie numérique utilisant la norme européenne Ermès."

(...)

"Le trop lent développement du câble en France empêchera pendant de longues années encore une éventuelle recomposition des utilisations du spectre hertzien. Au contraire même, le développement probable du numérique terrestre (en particulier par l'intermédiaire du MMDS) consacrera encore longtemps le spectre hertzien comme support privilégié de ces activités fixes ou mobiles."

Le président du conseil d'administration de la société Télédiffusion de France (TDF) déclarait également à la presse, le 27 avril 1994 (Ecran Total n° 30) : "La diffusion hertzienne est et restera un moyen de diffusion incontournable, complémentaire du câble et du satellite. C'est - et encore pour longtemps - le seul mode de diffusion qui touche 100 % de la population, puisqu'on estime qu'en l'an 2000 25 à 30 % au mieux des foyers français seront équipés pour la réception du câble ou du satellite. (...) La diffusion hertzienne est très compétitive. Nous diffusons aujourd'hui six chaînes de télévision pour environ 25 centimes par jour et par foyer."

Selon un document versé au dossier par la société TDF (SES/Astra Satellite Monitors YE/96), le nombre de foyers recevant la télévision par câble et par satellite s'élevait respectivement à 1,40 et 2,36 millions en France en 1996, contre respectivement 10,52 et 17,53 millions en Allemagne. Le satellite est, depuis 1996, le support privilégié de la diffusion des bouquets numériques en France (Canal satellite et TPS).

La diffusion par câble s'adresse prioritairement aux zones urbaines tandis que la diffusion par satellite intéresse davantage les zones rurales, une concurrence entre les deux supports pouvant émerger dans des zones pavillonnaires situées en limite de zones câblées.

Le montant des ressources que tire France Télécom de l'exploitation de son réseau câblé dont elle détient la propriété a récemment amené cet opérateur de télécommunications à demander une revalorisation du montant de la redevance par abonné que lui versent les câblo-opérateurs pour la diffusion des chaînes de télévision dans la mesure où, à la suite d'une demande du Gouvernement, en 1992, France Télécom, qui annonce, au titre de cette activité, des pertes annuelles de l'ordre de 2,5 milliards de francs, s'était engagé à réduire artificiellement le montant de cette redevance pendant sept ans.

Le secteur de la télédiffusion hertzienne est caractérisé par de fortes barrières à l'entrée. Comme le souligne l'étude réalisée par Monsieur le professeur Benzoni, versée au dossier par la société TDF : "l'investissement de 2 milliards de francs pour déployer un système hertzien terrestre national restait (...) une barrière naturelle à l'entrée, insurmontable pour des sociétés de type SARL capitalisées entre 50 000 et 200 000 F, comme le sont les entrants qui ont opté pour cette technologie".

La même étude indique par ailleurs que "TDF est structurellement organisée pour offrir des garanties de qualité et de prestations d'un haut niveau de technicité qui ont assis sa réputation sur le marché. Cette réputation (...) conduit à élever les barrières à l'entrée naturelles qui imposent aux entrants de pratiquer des prix inférieurs à qualité supposée égale".

La demande principale de diffusion en hertzien émane des chaînes généralistes. En revanche, "la totalité des projets de chaînes thématiques de Canal Plus s'est (...) orientée vers d'autres modes de diffusion que la diffusion hertzienne terrestre, à savoir la diffusion satellitaire et la diffusion par câble".

2. La société Télédiffusion de France SA (TDF)

Créé en 1975, à la suite de la disparition de l'ORTF, TDF était à l'origine un établissement public à caractère industriel et commercial, doté de l'autonomie administrative et financière prévue par la loi du 29 juillet 1982 relative à la communication audiovisuelle. Ainsi, l'article 34 de ladite loi prévoyait qu'"Un établissement public à caractère industriel et commercial, doté de l'autonomie administrative et financière, est chargé d'assurer la diffusion en France et vers l'étranger, par tous procédés de télécommunication, des programmes du service public de la radiodiffusion sonore et de la télévision. Il est chargé d'assurer la diffusion des autres services de télévision par voie hertzienne et, le cas échéant, de bénéficiaires des autorisations délivrées en application de l'article 78 de la présente loi. A ce titre, il participe à la conception, à l'installation, à l'exploitation et à l'entretien des réseaux de distribution de la communication audiovisuelle".

Les trois derniers alinéas de cet article 34 précisaient, par ailleurs, que "Dans les bandes de fréquences affectées par l'Etat aux services de radiodiffusion sonore et de télévision, l'établissement public élabore le plan de répartition des fréquences, contrôle leur utilisation et protège la réception des signaux. Il définit et contrôle les caractéristiques techniques des signaux et des équipements de diffusion utilisés par les bénéficiaires des autorisations délivrées en application des dispositions de l'article 78 de la présente loi. Il procède aux recherches et collabore à la fixation des normes concernant les matériels et les techniques de radiodiffusion sonore de télévision".

La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, modifiée, définit dans son article 51 le cadre dans lequel opère désormais TDF. Selon cet article, "Une société dont les statuts sont approuvés par décret, et dont la majorité du capital est détenue par des personnes publiques, assure la diffusion et la transmission, en France et vers l'étranger, par tous procédés de télécommunication, des programmes des sociétés nationales mentionnés à l'article 44. Elle peut offrir, concurremment avec d'autres opérateurs, tous services de diffusion et de transmission aux exploitants de services de communication audiovisuelle. Elle a vocation à procéder aux recherches et à collaborer à la fixation des normes concernant les matériels et les techniques de radiodiffusion sonore et de télévision. Elle est soumise à la législation sur les sociétés anonymes, sous réserve des dispositions contraires de la présente loi. Un cahier des charges, approuvé par décret en conseil d'Etat, fixe les obligations de la société, compte tenu notamment des impératifs de la défense nationale et du concours qu'elle est tenue d'apporter au fonctionnement du conseil supérieur de l'audiovisuel".

Les statuts de TDF ont été approuvés par le décret n° 87-433 du 4 juin 1987. L'article 2 des statuts a précisé l'objet de la société. Cette entreprise a pour mission, conformément à l'article 51 de la loi n° 86-1067 précitée :

"- d'assurer la diffusion et la transmission, en France et vers l'étranger, par tous procédés de télécommunication, des programmes des sociétés nationales du secteur public de la communication audiovisuelle ;

"- d'effectuer les missions de service public qui lui sont confiées par le cahier des charges prévu au quatrième alinéa de l'article de la loi ci-dessus mentionnée et pour lesquelles elle est rémunérée conformément à l'article 53 de la même loi ;

"- d'ouvrir tous services de télécommunication, notamment de diffusion, de transmission et de réception, en France et à l'étranger ;

"- de procéder aux recherches et de collaborer à la fixation des normes concernant les matériels et les techniques de radiodiffusion sonore et de télévision ;

"- d'offrir, dans le domaine de sa compétence, toutes prestations d'ingénierie, d'assistance technique ou tout autre service ;

"- de participer par tous les moyens à toutes entreprises ou sociétés se rapportant à l'objet social, notamment par voie de création de société nouvelle, d'apport, de fusion, de société de participation ;

"- de participer, de manière générale, à toutes activités susceptibles de concourir à la réalisation de l'objet social."

Depuis le 1er janvier 1991, la société TDF, qui est devenue une filiale à 100 % de France Télécom, est une société de droit privé appartenant au secteur public et qui a des obligations de service public.

Le réseau de TDF :

Par l'intermédiaire des réseaux hertziens TV 1, TV 2 et TV 3, TDF assure le transport et la diffusion des chaînes TF 1, France 2 et France 3 en ondes décimétriques (UHT). Ces réseaux constitués dans les années 60, par le moyen d'émetteurs puissants, situés sur des "points hauts", devaient à l'origine permettre la desserte de 87 % de la population située sur le territoire national. Les "points hauts" constituent le réseau principal qui comprend environ une centaine de stations situées en altitude (tour Eiffel, pic du Midi, mont Ventoux, tour de Fourvière, etc.). S'ajoutent à ces réseaux principaux des réseaux secondaires, également souvent situés sur des points hauts, devant desservir 12 % de la population. Ils sont destinés à permettre la réception des émissions dans les "zones d'ombre" dues à des obstacles naturels ou artificiels.

La société TDF indique à ce sujet, dans un ouvrage intitulé "Télédiffusion de France, une histoire en marche" : "Dans l'attente de pouvoir recourir à des réseaux câblés communautaires, la technique alors en vigueur pour réduire ces zones d'ombre consistait à implanter sur des points hauts judicieusement choisis des réémetteurs. Une tâche très longue, techniquement difficile et économiquement lourde, menée en collaboration avec les collectivités locales concernées et aidée financièrement par la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (la DATAR)." Le même ouvrage souligne qu'au moment de l'ouverture du marché de la diffusion des chaînes privées, TDF disposait de "deux atouts majeurs par rapport à ses concurrents potentiels : le seul réseau couvrant l'ensemble du territoire et des installations sur la plupart des meilleurs points hauts de France".

Le réseau TV 4 sur lequel est, pour partie, diffusé Canal + a été constitué dans les années 80. Il a repris la structure et les bandes de fréquence de l'ancien réseau noir et blanc (ondes métriques VHF). Le réseau de TV 4 est constitué d'une centaine de stations principales et d'environ 300 stations secondaires, ces stations étant situées dans les emprises des réseaux TV 1, TV 2 et TV 3. Les réseaux TV 5 et TV 6, qui diffusent respectivement les chaînes Arte et M 6 et qui ont également été établis dans les années 80, utilisent les fréquences en ondes décimétriques laissées libres par les réseaux TV 1, TV 2 et TV 3. Ces réseaux s'appuient sur environ 90 stations principales et 800 stations complémentaires.

Télédiffusion de France disposait, au moment des faits, d'un total de 6 413 points de diffusion (autant par station que de programmes diffusés) : 644 points pour les réseaux principaux et 5 769 pour les réseaux secondaires.

En vertu de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la société TDF, qui opère par voie hertzienne, détient le monopole de la diffusion des chaînes publiques et se trouve en situation de concurrence pour ce qui concerne la diffusion des chaînes privées. TDF exploite plus de 99 % des fréquences TV autorisées par le conseil supérieur de l'audiovisuel (soit environ 4 000 fréquences) et 30 % environ des fréquences autorisées par ce même conseil pour la radiodiffusion sonore.

La société TDF assure également des services pour le compte des opérateurs téléphoniques par l'intermédiaire de son service "points hauts".

3. Les autres intervenants

La société EMETTEL, créée en 1991, a pour objet social : "toute activité ayant rapport de près ou de loin avec la communication et tout particulièrement les études, la fabrication et la mise en œuvre d'émetteur de télévision, et plus généralement toutes opérations (...) se rattachant à l'objet susindiqué ou à tous autres objets de nature à favoriser le but poursuivi par la société, son extension ou son développement".

Au moment des faits, les principaux fabricants de matériel de diffusion étaient les sociétés Thomcast, appartenant au groupe Thomson, et Velec. D'autres sociétés, de taille plus modeste, telles les sociétés Space et Miravette, intervenaient également dans les secteurs de l'installation et de la maintenance d'émetteurs de télévision en concurrence avec la société TDF, qui ne fabrique pas de matériel.

Le responsable de la société EMETTEL a déclaré par procès-verbal d'audition en date du 13 novembre 1997 ; "EMETTEL n'est pas diffuseur dans la mesure où nous n'intervenons pas à la demande des chaînes, qui obtiennent les autorisations d'émission, mais à la demande des collectivités publiques. Nous intervenons en revanche sur le marché de l'installation et de la maintenance des matériels en concurrence avec TDF. Néanmoins, TF 1 a engagé des négociations avec Emettel en matière de diffusion, sans aboutir, ce qui implique que nous sommes concurrents potentiels sur le marché de la diffusion."

4. Les pratiques de la société TDF

L'utilisation des sites par TDF :

Un site de diffusion par voie hertzienne comprend un terrain aménagé, mis à disposition de l'opérateur par les collectivités territoriales, sur lequel est construit un local destiné à abriter les matériels de diffusion et sur lequel est installé un pylône destiné à la pose des antennes.

Confrontée aux demandes de maires désireux d'améliorer la desserte de leurs communes par d'autres chaînes que les trois principales chaînes nationales, TF 1, Antenne 2 et France 3, TDF, qui avait obtenu l'exclusivité de l'exploitation de la plupart des stations, antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 30 septembre 1986, s'est opposée à l'utilisation de certains sites par les collectivités territoriales concernées.

Ainsi, courant 1991, le maire de Coulombs (28) a contacté la société EMETTEL au sujet de l'installation de matériel nécessaire à la réémission de La Cinq, de M 6 et éventuellement de Canal Plus. En réponse à cette initiative, la société TDF a déclaré, le 25 novembre 1991 : "J'ai eu connaissance par notre correspondant local en Haute-Normandie de votre projet d'installation de Canal Plus, 5° et 6° chaîne sur le site de Coulombs, et manifestement dans le local mis à disposition de TDF par convention du 11 juin 1979. Je n'ai pas manqué d'être surpris par cette décision de la municipalité qui ignore les dispositions de ladite convention et celles de la loi du 30 septembre 1986. Je vous rappelle que d'après l'article 4 de la convention du 11 juin 1979, la station est réservée exclusivement à l'installation et à l'exploitation des réémetteurs décrits dans les articles 5 et 6 suivants, soit 1re, 2e et 3e chaînes. Il est entendu que toute adjonction d'équipements ultérieurs doit faire l'objet d'un accord tripartite entre TDF, la municipalité et le tiers extérieur. Vu que dans ce local sont diffusées deux chaînes publiques, A 2 et FR 3, dont la diffusion obéit toujours à des considérations de défense en cas de troubles sur le territoire national, il est exclu qu'un tiers à TDF accède à ce local (...). Afin de réaffirmer ces points, je n'hésiterai pas à aller devant le tribunal administratif..."

Le 13 mai 1991, le maire d'Orbeil (63) s'adresse en ces termes à TDF : "(...) j'ai l'honneur de vous confirmer la position du conseil municipal soit : accord pour l'installation par TDF d'une station de base SFR (radio téléphone) à l'intérieur du local et sur le pylône du relais télévision ORBEIL II "Le Chauffour". Cet accord est toutefois lié à un accord de réciprocité concernant l'installation par la commune d'Orbeil, d'antennes émettrices 5e, 6e chaîne et Canal + sur le pylône du relais, comme nous en avons convenu lors de notre entrevue. L'accord de la commune d'Orbeil vous sera donc acquis dès que vous nous aurez confirmé l'accord de TDF pour l'utilisation du pylône (...)".

Le 27 juin 1991, la société TDF déclare au maire d'Orbeil : "Vous avez bien voulu nous autoriser, ce dont je vous remercie, à utiliser une partie du bâtiment de la station réémettrice desservant votre commune pour l'installation de nos propres équipements. Je profite de l'occasion qui m'est ainsi donnée pour vous confirmer l'accord de TELEDIFFUSION DE FRANCE pour la mise à votre disposition, sur la pylône dont nous sommes propriétaires dans cette station, d'un emplacement situé entre dix et treize mètres de hauteur, en vue de l'installation de vos antennes TV 5, M 6 et CANAL PLUS. Cette autorisation vous est accordée sous réserve que les antennes soient installées conformément aux normes retenues par notre société, qu'elles n'apportent aucune gêne au fonctionnement des matériels déjà installés dans la station et que leur entretien soit assuré par nos équipes (...)."

Les responsables de TDF ont reconnu, au sujet de la situation à Orbeil II : "En ce qui concerne Orbeil II, il y a une négociation pour prise à bail du site, la situation juridique étant celle de 1985. TDF a accepté que la collectivité installe du matériel de diffusion pour La Cinq, M 6 et Canal Plus en contrepartie de l'autorisation d'utiliser le site pour les radiocommunications (SFR). Nous ne procédons pas à la maintenance du matériel installé pour la diffusion de La Cinq, M 6 et Canal Plus."

Dans une lettre en date du 17 septembre 1992, le directeur régional Centre-Est de la société TDF déclare au maire de la commune de Belmont-de-la-Loire (42) que l'installation de deux réémetteurs supplémentaires dans la station de réémission de "Montaigut" constitue une "violation manifeste des engagements souscrits" et "peut faire courir un grave danger à nos personnels". Le responsable de la société TDF demande au maire de la commune concernée de "faire procéder, sans délai, au démontage des installations frauduleusement mises en place", et ce sous la menace de l'engagement, le cas échéant, des actions juridiques "nécessaires tant au plan pénal qu'au plan civil".

Le responsable des services techniques de la commune de Marcoussis (91) a déclaré par procès-verbal d'audition, le 30 juin 1994 : "Depuis l'installation en 1991 de deux réémetteurs "La 5" et "M 6" par VIDEOSPACE, les habitants de Marcoussis se plaignent d'une mauvaise réception à certains endroits de la commune. Aussi, depuis nous cherchons à résoudre ce problème, soit par rehaussement coûteux du pylône existant, soit en utilisant le site concédé à TDF (...) par la mairie pour l'émission des trois premières chaînes. Les discussions avec les responsables de TDF conduisent à un refus d'installer le matériel acheté par la commune sur ce site concédé au motif que ce matériel de marque GERITEL n'est pas agréé par TDF. A la demande de la commune de dénoncer le contrat d'exclusivité du site concédé à TDF, cette société ne nous propose comme solution que l'acquisition du site. Ainsi le concessionnaire, TDF n'envisage que la propriété accompagnée de l'installation d'un nouveau matériel payé par la commune et entretenu par TDF aux frais de la commune."

La société TDF a donné son accord pour que le pylône de la station de Langeais (37) soit utilisé par un autre prestataire que lui. Le maire de Langeais a déclaré que cet accord avait été facilité ("par l'autorisation donnée à TDF de maintenir les équipements de SFR dans le local appartenant à la mairie").

A la fin de l'année 1993, le maire de Bulgneville (88) décide, en dépit de l'opposition de la société TDF, de faire installer des équipements de télévision sur le pylône installé par TDF pour les besoins de la société SFR. La société TDF procède au démontage de l'installation. Par lettre en date du 7 janvier 1994, le maire de Bulgneville informe la société TDF qu'il a décidé de demander à la société Emettel de procéder au remontage des équipements "sur le site du réservoir". Ces pratiques ont déclenché, de la part de la société TDF, l'ouverture de procédures devant le Tribunal administratif de Nancy et devant le Tribunal de grande instance d'Epinal. Un arrangement semble toutefois avoir été trouvé entre les parties dans la mesure où les responsables de la société TDF ont déclaré, le 11 décembre 1997 : "En ce qui concerne la commune de Bulgneville, un bail d'une durée de quinze ans a été conclu entre la commune et TDF. Sur ce site sont diffusés les programmes de Canal Plus (prise en charge de la maintenance par la commune), la diffusion de M 6, Arte et La Cinq étant intégrée dans le contrat de diffusion nationale. Sont en outre réalisées sur le site des prestations de radiocommunication pour France Télécom et pour SFR."

Le directeur régional de la société TDF déclare au maire du Moloy (21), le 25 février 1992 : "(...) J'ai le plaisir de vous faire savoir qu'il est bien entendu envisageable d'équiper pour La Cinq et M 6 la station réémettrice desservant déjà votre commune en télévision publique (...) le matériel mis en œuvre doit répondre aux spécifications imposées par les chaînes elles-mêmes, faute de quoi celles-ci ne déposent pas le dossier de demande de fréquence sur le bureau du CSA (...) Par ailleurs, la mise en œuvre de matériels artisanaux en dehors des règles imposées ne permettrait pas à votre commune de bénéficier des aides consenties à cet effet par le conseil général." Le 12 novembre 1992, le directeur régional Centre-Est de la société TDF soutenait que : "dès l'instant où un autre organisme, quel qu'il soit, peut librement accéder à ces équipements et en installer d'autres, non seulement TDF n'est plus en mesure de remplir ses obligations vis-à-vis des chaînes et vis-à-vis du public mais, de plus, la sécurité de ses agents ne peut plus être assurée du fait des risques électriques encourus", et indiquait : "il convient d'appeler l'attention de Monsieur le maire sur l'obligation qui lui sera faite, s'il donne suite à son projet, en sa double qualité de gestionnaire des fonds de la commune et de premier magistrat municipal - de faire poser une séparation dans le bâtiment existant ou de doubler celui-ci - de faire construire un second pylône en dehors de la zone de dégagement de l'ouvrage existant en veillant à ce que la nouvelle installation ne perturbe pas les installations existantes" ;

Le 13 juin 1994, le président du Syndicat mixte départemental de télévision des Alpes-Maritimes informe les maires du département que TDF souhaite utiliser les 55 stations mises à sa disposition par les collectivités publiques concernées aux fins d'exploiter un nouveau service de télécommunication avec les mobiles et qu'à cette occasion cette société désire obtenir la cession des installations "en laissant à votre (leur) charge la plupart des responsabilités de la collectivité". Dans la même correspondance, le responsable déclare : "le Syndicat mixte de télévision souhaite qu'une négociation plus équilibrée permette d'utiliser ces infrastructures installées avec de l'argent public, dans le respect de la loi et des intérêts de nos concitoyens".

Dans une autre lettre du 30 août 1994, le président du Syndicat mixte départemental de télévision, après avoir rappelé qu'une subvention de 36 millions de francs avait été dégagée par le conseil général afin d'améliorer la desserte en télévision du département (diffusion de Canal Plus, Arte et M 6) et qu'une étude + de 350 000 F avait été payée à ce sujet à TDF, indique que l'étude n'a pas abouti "en raison des coûts de fonctionnement très élevés réclamés par TDF (1,5 MF TTC par an et par programme pour desservir 70 000 habitants), prix jugé exorbitant et non recevable". Dans la même correspondance, le responsable concerné déclare que, "tant que cette négociation n'est pas terminée, ce (le) syndicat n'a pas intérêt à céder à TDF, comme il l'a réclamé auprès de tout le monde, la propriété des points hauts."

Dans le projet de convention d'installation, d'exploitation et de maintenance des sites et des stations radioélectriques des Alpes-Maritimes, la société TDF avait envisagé l'"accueil d'opérateurs tiers sur les sites", au vu d'une procédure qui prévoyait l'utilisation commune du pylône.

Le couplage des opérations de maîtrise d'œuvre et de maintenance :

Lorsque la société TDF intervient comme maître d'œuvre d'un projet d'installation de matériel de diffusion, cette entreprise distingue deux cas selon que la maintenance du matériel est ou non assurée par elle :

- dans le premier cas, le tarif appliqué pour la maîtrise d'œuvre est de 5 % du montant du matériel, la prestation de maintenance globale (préventive et corrective) étant facturée en sus ;

- dans le second, le tarif est de 10 % du montant de l'investissement, la prestation de maintenance corrective étant également facturée en sus.

Le directeur régional de la société TDF de la région Centre-Est a en effet déclaré, au sujet de la maîtrise d'œuvre : "le forfait d'ingénierie demandé par TDF est de 5 % pour les prestations ci-dessus lorsque la maintenance est assurée par notre société, et de 10 % dans le cas contraire".

Par ailleurs, selon les éléments communiqués, la société TDF propose "trois tarifs de maintenance" (A, B et C) et "exceptionnellement, un tarif de maintenance corrective seule". Les tarifs A (avec accueil sur les infrastructures) et B (hors accueil sur les infrastructures) incorporent la maintenance dite "préventive" et la maintenance dite "corrective". Le tarif C ne concernait que les "affaires antérieures à 1991". La société TDF a indiqué : "La prestation de maintenance globale permet d'assurer une qualité de diffusion et une continuité de service optimum, c'est pourquoi la maintenance corrective seule est proposée à titre exceptionnel."

Le chiffre d'affaires de maintenance uniquement "corrective" facturée aux collectivités locales et le nombre de sites concernés en 1991, 1992 et 1993 s'élèvent respectivement à 2 951 F pour un site, 0 F et 7 176 F pour deux sites.

La société TDF a déclaré : "TDF ne facture pas de maîtrise d'œuvre au taux de 10 % aux collectivités locales."

Les prestations de "maintenance globale" (préventive et corrective) facturées aux collectivités locales durant les mêmes années excèdent la somme de 8 millions de francs en 1991, 7 millions de francs en 1992 et 10 millions de francs en 1993.

Le maire de la commune de Verrey-sous-Salmaise (21) concernée a déclaré : "A ce jour, le projet d'installer des réémetteurs pour les chaînes 5 et 6 (également la quatre, Canal +) est abandonné. Cet abandon résulte du coût trop élevé, par rapport à nos ressources, tant de l'investissement, malgré la subvention envisageable de 35 % du conseil général de la Côte-d'Or, que de la charge annuelle des frais de maintenance."

Le projet d'extension "diffusion télévision" à Gif-sur-Yvette adressé, le 3 septembre 1991, au maire de la commune prévoit la réalisation d'une prestation d'ingénierie au taux de 5 % accompagnée d'une prestation de maintenance globale forfaitaire. La proposition faite au maire de Neufchâteau (88), le 12 avril 1994, contient la même disposition.

La convention-cadre mise en place par TDF, à l'occasion du financement par la collectivité territoriale de Corse et les collectivités territoriales concernées d'installations destinées à la diffusion des programmes de chaînes publiques :

Les responsables de la société TDF ont ainsi résumé la situation en Corse, lors de leur audition en date du 11 décembre 1997 : "Il existait une convention-cadre de 1993 relative à la Corse, élaborée pour la résorption des zones d'ombre de France 2, France 3 à partir du début de l'année 1993. Ce plan devait intégrer plusieurs personnes : TDF, le conseil régional, les collectivités locales, les chaînes étant invitées à prendre en charge les frais de fonctionnement des émetteurs (coût de la diffusion). Il y avait un calendrier de mise en place mais le plan n'a pas été appliqué. Le projet initial prévoyait une vingtaine d'émetteurs et 14 réseaux câblés.

"Aujourd'hui 5 stations seulement ont vu le jour, 2 réseaux câblés et 3 réémetteurs. L'échec semble résulter du refus des chaînes publiques de prendre en charge le prix de la diffusion, ce qui renvoyait vers les collectivités publiques la charge correspondante."

Une convention cadre a effectivement été signée, le 3 février 1993, entre la région de Corse et TDF, "compte tenu de la volonté exprimée par la collectivité d'améliorer, dans les meilleurs délais, la situation des 17 341 habitants, actuellement défavorisés, mal desservis par le service public" et afin de réaliser un programme destiné à la "résorption des zones d'ombre affectant la Corse". Ce programme comprenait la construction de stations destinées à la diffusion par voie hertzienne et de réseaux câblés.

Cette convention cadre prévoyait la mise en place de conventions particulières entre les communes ou syndicats de communes concernés et TDF. Le montant de la subvention d'équipement de la collectivité concernée s'élevait à 40 % du montant de l'investissement en équipements techniques (pylônes, antennes, multiplexeurs, réémetteurs).

L'annexe B 1 à la convention cadre stipulait en son article 2 : "TDF se réserve la possibilité de diffuser à partir de la station, objet de la présente convention, des services de diffusion, de radiocommunication ou de transmission radioélectrique figurant à son catalogue commercial autres que ceux initialement prévus à la convention-cadre" et indiquait : "TDF accepte la cession ou la location du terrain et du bâtiment en contrepartie de l'exclusivité de l'utilisation du site comme précisé à l'alinéa ci-après."

L'article 3 de l'annexe B 2 à la convention cadre mentionnait : "les sociétés de programmes du secteur public France 2 et France 3 ayant différé l'intégration de la station à leur réseau, les frais d'exploitation et de maintenance correspondants sont pris en charge par la collectivité pendant une période de deux ans pleins (...) puis ensuite par la commune au-delà de cette période". L'article 4 du même document précisait qu'aux termes d'une durée de dix ans, et lorsque TDF sera amené à renouveler les équipements, TDF proposera à la commune le choix du taux de subvention, lequel "déterminera le montant du coût de la prestation d'exploitation et de maintenance".

Selon la société TDF, trois communes : Ile-Rousse, Morasaglia et Bastia, ont accepté, soit de céder leur site, soit de le louer à titre exclusif à TDF.

L'accord signé, en 1991, entre la société TDF et TF 1 :

La société Télédiffusion de France a conclu, en 1991, un accord de diffusion avec la chaîne TF1, pour une période de cinq ans. L'article 17 de cette convention précisait, au sujet des stations de diffusion concernées par l'accord : "17.1. Il est expressément convenu entre les parties que TF 1 pourra demander à TDF une réduction du nombre des stations B dans la limite de 4 % par an du nombre total des stations B. La réduction totale du nombre des stations B est donc limitée, sans report possible d'une année sur l'autre, à : 126 à la fin de l'année 1991, 252 à la fin de l'année 1992, 378 à la fin de l'année 1993, 504 à la fin de l'année 1994 et 630 à la fin de l'année 1995 ; 17.2. Cette demande sera prise en compte par TDF sous les conditions suivantes : TDF consentira à TF 1 une baisse du prix du service correspondant à la réduction du nombre des stations B, conformément à l'annexe 12 ci-après "sortie partielle". TDF ne sera tenue d'aucune obligation ayant pour but de compenser une conséquence négative pour TF 1 de la réduction du nombre des stations, la zone desservie évoluera en conséquence de la demande de TF 1 ; 17.3. Il est expressément convenu entre les parties que dans l'hypothèse où, préalablement à la suppression effective d'une station B, TF 1 envisagerait de construire une autre station, TDF pourra faire des propositions à TF 1 et bénéficier, à tarif et à niveau de qualité de prestation comparables, d'un droit de préférence sur d'autres prestataires potentiels."

La pratique consistant, de la part de TDF, à demander aux collectivités territoriales le remplacement du matériel installé par certains installateurs comme étant non conforme à des spécifications techniques ;

Le 3 mars 1993, la société TDF déclarait au maire de la commune de Belmont-de-la-Loire : "Vous me demandez d'ailleurs, dans le cas où la chaîne elle-même refuserait, comme c'est le cas, de prendre à son compte les dépenses de maintenance, de vous indiquer à quel tarif TDF est susceptible de facturer celles-ci à votre commune. Je suis au regret de vous faire savoir que notre société ne peut garantir le fonctionnement et le suivi de qualité de matériels ne répondant initialement pas aux normes et pour cette raison, ne peut vous proposer cette prestation avec le matériel installé."

Le responsable des services techniques de la commune de Marcoussis (91) a déclaré, par procès-verbal d'audition, le 30 juin 1994 : "Depuis l'installation en 1991 de deux réémetteurs "La 5" et "M 6" par VIDEOSPACE, les habitants de Marcoussis se plaignent d'une mauvaise réception à certains endroits de la commune (...) Les discussions avec les responsables de TDF conduisent à un refus d'installer le matériel acheté par la commune sur ce site concédé au motif que ce matériel de marque GERITEL n'est pas agréé par TDF (...). Ainsi le concessionnaire, TDF n'envisage que la propriété accompagnée de l'installation d'un nouveau matériel payé par la commune et entretenu par TDF aux frais de la commune".

Le contrat de vente conclu, le 11 août 1993, entre la société TDF et la commune de Gif-sur-Yvette fait ressortir que TDF a demandé le remplacement, à ses frais, du matériel de marque Emettel installé sur le site pour la diffusion de Canal Plus, La Cinq et M 6 au motif que ce matériel ne correspondait pas à des "normes techniques précises pour garantir la qualité du service". Un nouveau contrat de maintenance a, dans le même temps, été signé entre les parties au sujet du nouveau matériel installé par TDF.

Enfin, le contrat de vente signé entre TDF et la commune de Langeais, en juin 1993, indique : "Sachant que TDF n'utilise que du matériel correspondant à des normes techniques précises pour garantir une qualité du service, et sachant que le matériel acheté en 1991 par la collectivité ne correspond pas pour TDF à ces normes techniques, il ressort que la collectivité se doit de procéder à l'achat d'un nouveau matériel."

5. Les griefs retenus à l'encontre de la société TDF, au stade du rapport définitif

Les griefs retenus au stade du rapport définitif ont été notifiés dans les termes suivants aux parties et au commissaire du Gouvernement :

"En refusant l'accès aux "points hauts" dont elle dispose et en imposant des clauses d'exclusivité aux communes au titre notamment des conventions d'émission conclues avec des communes, dans les conditions qui ont été ci-dessus analysées, la société Télédiffusion de France a exploité de manière abusive son monopole pour entraver le jeu de la concurrence sur le marché de l'installation et de la maintenance des matériels de réémission à la demande des collectivités publiques et, potentiellement, sur celui de la diffusion de programmes de télévision émis par les autres chaînes privées. En faisant pression auprès des responsables de collectivités publiques pour acquérir l'exclusivité de l'usage des stations de réémissions à des fins commerciales, la société TDF a également abusé du monopole qu'elle détient sur la diffusion des programmes de chaînes publiques et de la position dominante qu'elle détient sur le marché de la diffusion des programmes de chaînes de télévision privées.

"En faisant supporter à la collectivité territoriale de Corse et les communes concernées un ensemble de charges relatives aux investissements de nature à permettre la desserte de ces communes en programmes de chaînes publiques, la société TDF a également abusé de la position dominante qu'elle détient sur plusieurs marchés, notamment sur celui de la télédiffusion de chaînes publiques sur lequel elle dispose d'un monopole légal.

"En ayant introduit une clause limitative de concurrence dans le contrat conclu en 1991 avec TF1, et en exigeant des collectivités publiques déjà équipées la dépose des matériels considérés comme non conformes à des spécifications qui lui sont propres comme préalable à ses prestations de maintenance, la société Télé Diffusion de France exploite abusivement la position dominante qu'elle détient sur le marché de la diffusion et de la maîtrise d'œuvre dans le secteur considéré.

"En couplant les prestations de maître d'œuvre et de maintenance et en exigeant des collectivités locales qu'elles procèdent au remplacement de leur matériel de réémission en vue de permettre leur maintenance, TDF exploite de façon abusive la position dominante qu'elle détient sur le marché de la maîtrise d'œuvre.

"Ainsi, à ce stade de la procédure, il y a lieu de retenir, pour ces différentes pratiques, les griefs notifiés du chef d'abus de position dominante à la société Télé Diffusion de France sur le fondement des dispositions du 1 de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui prohibe, lorsqu'elle a pour objet ou peut avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché "l'exploitation abusive pour une entreprise ou un groupe d'entreprises :

"1. D'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci ;

"En revanche, le grief notifié au sujet de la pratique de prix suivie par la société TDF est abandonné à ce stade du débat contradictoire"."

II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL

En ce qui concerne la procédure :

Sur la durée de la procédure :

Considérant que la société TDF déclare que les faits qui lui sont reprochés "remontent pour les plus anciens à 1988 et pour la plupart d'entre eux aux années 1990 et 1991" ; que, selon cette entreprise, le délai séparant ces faits de la première notification de griefs ne constitue pas un "délai raisonnable" au sens de l'article 6 de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales du 4 novembre 1950 ; que la société TDF demande en conséquence au conseil "d'annuler" la procédure ;

Mais considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que déclare la société TDF, aucune pratique ayant fait l'objet des griefs retenus au stade du rapport ne remonte aux années 1988 et 1990, la plupart des faits examinés s'étant déroulés au cours des années 1992, 1993 et 1994 ;

Considérant, en second lieu, que la sanction qui s'attache à la violation de l'obligation pour le conseil de se prononcer dans un délai raisonnable résultant de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales n'est pas l'annulation de la procédure mais la réparation du préjudice résultant, le cas échéant, de la durée excessive de cette procédure;

Considérant, au surplus, que le délai raisonnable prescrit par la Convention susmentionnée doit s'apprécier au regard de l'ampleur et de la complexité de la procédure ; que, si un délai d'environ cinq ans s'est écoulé entre les faits relevés lors de l'enquête et la première notification de griefs, la complexité du dossier, attestée par l'"expertise économique" effectuée par le professeur Laurent Benzoni à la demande de la société TDF, et l'importance du dossier, constitué de plus de 3 500 pièces, justifient ce délai ; que la demande de la société TDF tendant à ce que le conseil "annule" l'ensemble de la procédure en raison de sa durée doit être rejetée ;

Sur le moyen selon lequel le rapporteur ne pouvait procéder, de son propre chef, à une notification de griefs complémentaire :

Considérant que la société TDF soutient, d'une part, que, la notification de griefs du 13 février 1997 n'ayant pas été soumise "pour décision" au conseil, le rapporteur ne pouvait, de sa propre autorité, notifier un grief nouveau portant sur des faits "nécessairement connus et analysés par le rapporteur initialement désigné" dans la mesure où, selon elle, l'absence de grief, de ce chef, dans la première notification, équivalait à un non-lieu et, d'autre part, que la décision de poursuivre la procédure aurait dû être prise par le Conseil de la concurrence ;

Mais considérant que, contrairement à ce que déclare la société TDF, l'absence de grief relatif au financement d'installations par la collectivité territoriale Corse dans la première notification de griefs ne saurait, en l'absence de proposition de non-lieu notifiée aux parties et au commissaire du Gouvernement, être assimilée à une telle proposition ; qu'en effet, l'article 20 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et l'article 17 du décret du 29 décembre 1986 prévoient le déroulement d'une procédure contradictoire avant le prononcé d'un non-lieu par le conseil ; qu'en l'absence de mise en œuvre d'une telle procédure TDF n'est pas fondée à estimer qu'elle a "bénéficié d'un non-lieu" pour la pratique ayant fait l'objet d'un grief complémentaire ; que, par ailleurs, il est conforme aux dispositions de l'article 21 de l'ordonnance, ainsi que l'a reconnu la Cour d'appel de Paris (arrêt du 19 septembre 1990), que le président du conseil notifie un ou plusieurs griefs complémentaires retenus par le rapporteur en charge du dossier, dès lors que les parties disposent, comme en l'espèce, d'un délai supplémentaire pour consulter le dossier et déposer de nouvelles observations écrites ;

Sur la "violation du secret des affaires" par le ministre chargé de l'économie :

Considérant que la société TDF fait valoir que le ministre chargé de l'économie est intervenu volontairement, le 12 février 1997, devant la Cour d'appel de Nancy, "produisant aux débats et communiquant aux parties le texte intégral du rapport administratif du 31 janvier 1995" ; que, certaines pages du rapport administratif ayant été écartées du dossier en application d'une décision du président du Conseil de la concurrence en date du 27 janvier 1997, prise sur le fondement de l'article 23 de l'ordonnance, le secret des affaires n'aurait pas été respecté ; que, selon TDF, la divulgation du rapport au cours de cette instance judiciaire entraîne l'irrégularité de la procédure devant le Conseil de la concurrence "dans son ensemble" ;

Mais considérant que le ministre chargé de l'économie ou son représentant peut, pour l'application de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et conformément aux dispositions de son article 56, "produire les procès-verbaux et les rapports d'enquête" devant les juridictions civiles ou pénales ; que les procédures suivies devant ces juridictions sont autonomes et indépendantes de celles suivies devant le Conseil de la concurrence ; qu'en tout état de cause, la sanction qui s'attacherait à la violation, par le ministre ou son représentant, du secret des affaires protégé par une décision du président du Conseil de la concurrence, ne serait pas la constatation de l'irrégularité de la procédure suivie devant le Conseil de la concurrence mais la réparation du préjudice pouvant en résulter ;

Sur le moyen relatif à l'"irrégularité de l'enquête" :

Considérant que la société TDF allègue, "en s'appuyant sur de nombreux extraits et citations du rapport administratif", que l'enquête aurait été conduite uniquement à charge, la privant ainsi des garanties d'impartialité qu'elle s'estime en droit d'attendre de la part des enquêteurs de la DGCCRF ; que cette entreprise, qui estime que les investigations des enquêteurs constituent l'élément essentiel du dossier, déclare ne pas avoir bénéficié d'un traitement équitable ;

Mais considérant, comme le reconnaît la société TDF dans ses observations écrites, qu'"il est exact que le rapport, ni d'ailleurs le conseil, n'est lié par les résultats de l'enquête administrative en ce que ni le contenu du rapport ni celui de la décision du conseil ne sont dictés par les enquêteurs de la DGCCRF" ; que l'enquête n'étant qu'un acte préparatoire à la mise en œuvre de la procédure contradictoire, laquelle ne débute qu'à compter de la notification de griefs, la société TDF ne peut utilement faire valoir que les conditions dans lesquelles a été menée l'enquête administrative seraient de nature à entraîner la nullité de la procédure suivie devant le conseil ;

Sur le moyen de la société TDF selon lequel certains faits relatés dans le rapport n'auraient pas donné lieu à l'établissement de procès-verbaux d'audition :

Considérant que la société TDF soutient que les faits mentionnés dans le rapport au sujet des communes de Coulombs, de Vimoutiers, de Gif-sur-Yvette, d'Orbeil, de Belmont-de-la-Loire et de Bulgneville n'ont donné lieu à aucun procès-verbal d'audition dans les trois ans qui ont suivi les faits : qu'elle fait valoir, par ailleurs, que tous les procès-verbaux d'enquête ne figurent pas en annexes au rapport ;

Mais considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la société TDF, les pièces mentionnées dans le rapport au sujet des communes de Coulombs et de Vimoutiers jointes en annexe audit rapport ont donné lieu à l'établissement de procès-verbaux d'audition établis respectivement les 28 juin 1994 et 27 juillet 1994 et figurant au dossier sous les cotes 2779 et 3002 ; que, par ailleurs, conformément aux dispositions de l'article 51 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui prévoit que "les enquêteurs peuvent, sans se voir opposer le secret professionnel, accéder à tout document ou élément d'information détenu par les services de l'Etat et des autres collectivités publiques", les enquêteurs se sont fait communiquer, par les services compétents, divers documents détenus par les communes de Gif-sur-Yvette (91) et d'Orbeil (63), respectivement les 12 juillet et 10 octobre 1994 ; que l'article 51 précité n'impose pas que soit rédigé un procès-verbal d'audition lors de la communication de documents détenus par des services de l'Etat ou des collectivités territoriales ;que, s'agissant de la commune de Belmont-de-la-Loire, les documents cités dans le rapport ont été adressés à l'enquêteur par le responsable des affaires juridiques de la société TDF, les 27 et 28 septembre 1994, en vue de préparer l'enquête du 29 septembre 1994 ayant donné lieu à rédaction d'un procès-verbal ; qu'enfin les faits relatés dans le rapport au sujet de la commune de Bulgneville figurent dans un mémoire introductif d'instance près le Tribunal administratif de Nancy rédigé par le conseil de la société TDF et versé au dossier (cote 1262) par cette société, le 24 mars 1994 ;

Considérant, en second lieu, que l'article 21 de l'ordonnance susvisée n'impose de joindre au rapport que les documents sur lesquels le rapporteur se fonde et les observations faites, le cas échéant, par les intéressés ; que le fait que des procès-verbaux d'audition n'aient pas été joints au rapport ne rend pas la procédure irrégulière dès lors qu'il n'est fait état des déclarations consignées dans ces procès-verbaux ni dans le rapport ni dans la décision ; qu'en revanche les documents cités dans le rapport ont été annexés à celui-ci ; que le moyen doit donc être écarté ;

Sur le moyen selon lequel la société TDF n'aurait pu consulter certaines pièces du dossier avant la première notification de griefs ainsi qu'avant l'audition de ses responsables, le 11 décembre 1997 :

Considérant que la société TDF déclare que, "n'ayant pas été mise en mesure de consulter le dossier avant son audition, le 11 décembre 1997, et notamment n'ayant pu prendre connaissance du rapport complémentaire de la DGCCRF du 27 mars 1996, ni du procès-verbal d'audition de la société Emettel du 13 novembre 1997, le procès-verbal établi lors de sa propre audition, le 11 décembre 1997, doit être annulé par le conseil" ; que cette société soutient, en outre, que le fait qu'elle n'ait pu consulter le rapport complémentaire avant la première notification de griefs l'a privée d'un élément nécessaire à sa défense ;

Mais considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce qu'affirme la société TDF, le rapport complémentaire du 27 mars 1996, dont l'existence était mentionnée dans la première notification de griefs du 13 février 1997, a bien été versé au dossier de consultation ; qu'il était donc loisible à la société TDF, qui avait connaissance de l'existence de ce document, d'en demander la communication, lors de la consultation du dossier au Conseil de la concurrence, après réception de la première notification de griefs ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune disposition de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'impose la communication de pièces de la procédure avant la notification de griefs ; que les responsables de la société TDF ont été entendus par le rapporteur en présence de leurs conseils, le 11 décembre 1997, sans que les personnes entendues n'aient manifesté le désir de consulter le "rapport complémentaire" du 27 mars 1996, lequel se limite à résumer l'état des procédures en cours devant différentes juridictions, alors même que ces personnes avaient connaissance de l'existence de ces pièces ; qu'une notification de griefs complémentaire a été effectuée, le 16 janvier 1998, ouvrant un nouveau délai de consultation du dossier aux parties ; que la société TDF ne conteste pas avoir eu accès à la totalité du dossier après la notification de griefs complémentaire ; qu'ainsi, le principe du contradictoire a été respecté ; que la société TDF reconnaît, par ailleurs, avoir été préalablement informée de l'objet de l'audition de ses responsables, le 11 décembre 1997 ; que le fait que les responsables de la société TDF n'aient pu consulter les pièces avant d'être entendus est sans incidence sur la régularité de la procédure, dès lors que le principe du contradictoire a été respecté et qu'aucune manœuvre déloyale n'a été utilisée par le rapporteur à l'encontre de la société TDF, laquelle n'est donc pas fondée à demander au conseil d'écarter le procès-verbal du 11 décembre 1997 ;

En ce qui concerne la prescription :

Considérant qu'aux termes de l'article 27 de l'ordonnance, le Conseil de la concurrence ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction ;

Considérant, en premier lieu, que, selon la société TDF, la saisine de la société Emettel ne peut interrompre la prescription des faits ayant donné lieu à des griefs retenus au stade du rapport notifié dans la mesure où la société saisissante aurait entendu saisir le conseil "in personam" et non de pratiques sur un marché ;

Mais considérant que, comme le démontre le procès-verbal en date du 30 novembre 1993 joint à la lettre de saisine, dans lequel la société Emettel déclarait aux enquêteurs être "victime de la position dominante de TDF", l'entreprise saisissante entendait dénoncer le comportement de la société TDF sur le (ou les) marchés(s), au regard des règles de concurrence et notamment la pratique de la société TDF consistant "systématiquement" à "mettre en garde" les collectivités territoriales lors de l'installation de matériels par la société Emettel ; que le Conseil de la concurrence étant saisi "in rem", est donc dénué de portée l'argument de la société TDF selon lequel le conseil aurait été saisi contre une personne et non du fonctionnement d'un marché ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société TDF soutient que les faits relatifs aux communes de Langeais et de Moloy seraient prescrits au motif que le dernier acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction était les procès-verbaux établis respectivement les 28 juillet 1993 et 1er février 1994 ; que la société TDF fait, par ailleurs, valoir que la "convention cadre" relative à la collectivité territoriale Corse, signée le 3 février 1993, n'est "visée par aucun acte tendant à la recherche, la constatation et la sanction de cette infraction prétendue", avant le 11 décembre 1997, date d'audition de ses responsables par le rapporteur au Conseil de la concurrencez ; que TDF soutient également que le conseil ne pourra examiner le contrat signé avec TF 1, le 15 avril 1991, qui n'a fait l'objet d'aucun acte interruptif dans les trois ans de sa signature ; que, s'agissant des faits relatifs à la commune d'Alet-les-Bains, la société TDF déclare que les faits "datent de 1989" alors que le procès-verbal a été établi le 5 octobre 1994 ;

Mais considérant qu'à la suite de plaintes déposées par la société Emettel auprès de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à l'encontre de la société TDF, des procès-verbaux ont été établis par les enquêteurs au cours des mois de juillet et novembre 1993, soit antérieurement à la saisine du conseil par la société Emettel ; que ces procès-verbaux ont été régulièrement versés au dossier ; que, par ailleurs, le conseil ayant été saisi le 24 février 1994, des procès-verbaux d'enquête ont été établis au cours des mois de juin, juillet et octobre 1994 ; que la première notification de griefs a été effectuée le 13 février 1997 ; que la société TDF ne peut donc utilement soutenir que les faits dont il s'agit se trouveraient prescrits du fait de l'absence d'actes interruptifs de prescription ; que, par ailleurs, le fait que la convention relative au financement d'installations par la collectivité territoriale de Corse ne soit "visée par aucun acte" interruptif de prescription est sans incidence sur la régularité de la procédure, dès lors que ladite pièce a régulièrement été communiquée dans le cadre de l'enquête et a été soumise au débat contradictoire ; qu'enfin, aucun fait concernant la commune d'Alet-les-Bains n'a été mentionné dans le rapport ;

Considérant, en troisième lieu, que selon la société TDF, les procès-verbaux auraient dû être joints au rapport afin de permettre au conseil de statuer sur la prescription des faits dont il est saisi ;

Mais considérant que les procès-verbaux cités par la société TDF dans ses observations écrites figurent au dossier soumis au débat contradictoire ; que le conseil dispose donc du moyen de s'assurer de la régularité de la procédure ;

Considérant que l'argumentation de la société TDF sur la prescription est donc sans fondement ;

En ce qui concerne les marchés concernés :

Considérant que peuvent être considérés comme appartenant à un même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs, ou une partie suffisamment importante de ceux-ci, les considèrent comme des moyens substituables pour satisfaire une même demande ; que,parmi les éléments à prendre en compte pour définir les contours d'un marché pertinent, il y a, notamment, lieu de retenir la nature de la prestation, l'environnement juridique, les conditions techniques d'utilisation, le coût d'usage ou de mise à disposition et la stratégie des offreurs ainsi que la qualité des demandeurs ;

Sur les marchés de la diffusion nationale des chaînes généralistes :

Considérant, en premier lieu, que la diffusion de chaînes de télévision peut être réalisée par différentes techniques : diffusion par réseau câblé, diffusion par satellite ou diffusion par voie hertzienne pour les chaînes disposant d'une autorisation pour ce mode de diffusion ; que la diffusion d'une chaîne est généralement réalisée par un opérateur technique spécialisé auquel s'adresse la chaîne demanderesse d'une telle prestation ;

Considérant, en deuxième lieu, ainsi que le déclare la société TDF, qu'"une chaîne généraliste vise, par définition, une audience la plus large possible" ; que l'importance de cette audience conditionne, notamment pour les chaînes qui ne sont pas financées par une redevance, le montant de ses ressources publicitaires, lesquelles permettront au téléspectateur de n'avoir pas à payer un abonnement pour recevoir la chaîne ; que ce mode d'exploitation commercial se distingue de celui des chaînes thématiques ou des bouquets de chaînes à péage qui, dans leur programmation, ciblent une ou des catégories particulières de téléspectateurs et font payer un abonnement au service ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des chiffres versés au dossier par la société TDF que seulement 2 millions de foyers étaient raccordés au câble à la fin de l'année 1997 ; que les exploitants de réseaux câblés ne sont donc pas en mesure de répondre à la demande de diffusion nationale des chaînes de télévision généralistes, compte tenu de la vocation de ces dernières à desservir l'ensemble du territoire et à avoir le plus large potentiel de diffusion ;

Considérant, en quatrième lieu, que, si la diffusion par satellite peut, s'agissant de la télévision analogique et en l'état du développement des technologies, constituer pour des chaînes une alternative technique à la diffusion par voie hertzienne, la faible proportion de foyers équipés d'antennes paraboliques ne permettait pas, au moment des faits, aux chaînes nationales généralistes d'être diffusées sur la majeure partie du territoire national et d'atteindre le large potentiel d'audience leur permettant d'assurer leur financement par la publicité ; qu'en effet, selon le conseil supérieur de l'audiovisuel, près de 90 % de la population française recevait, en 1996, la télévision exclusivement par voie hertzienne terrestre ;

Considérant, en cinquième lieu, que, si les chaînes publiques sont tenues de s'adresser à TDF pour la diffusion de leurs programmes, les chaînes privées disposent, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, de la liberté de s'adresser au diffuseur de leur choix ; que, depuis la fermeture de La Cinq, le 12 avril 1992, il n'existe actuellement en France que deux chaînes nationales généralistes de télévision privées, financées par des ressources publicitaires, TF 1 et M 6, lesquelles ont, en dépit du développement du câble et du satellite, continué à assurer la diffusion de leurs émissions par voie hertzienne ;

Considérant qu'il ressort de ce qui précède, d'une part, que les techniques de diffusion par satellite et par câble n'étaient pas, au moment des faits, substituables à la diffusion par voie hertzienne pour les chaînes généralistes d'audience nationale et, d'autre part, que les chaînes publiques généralistes d'audience nationale sont soumises à des contraintes légales pour le choix d'un diffuseur auxquelles ne sont pas soumises les chaînes privées; qu'ainsi il existe un marché de la diffusion hertzienne des chaînes nationales publiques généralistes et un marché de la diffusion hertzienne des chaînes nationales privées généralistes;

Sur l'existence de marchés de prestations à la demande de collectivités locales pour la diffusion des chaînes nationales :

Considérant que les chaînes nationales généralistes privées, confrontées à une "logique d'entreprise privée", ne souhaitent pas procéder à l'investissement supplémentaire nécessaire pour étendre leur couverture de diffusion au-delà d'un certain seuil, au regard de l'audience marginale qu'elles peuvent en attendre ; qu'en outre, s'agissant des chaînes publiques, il peut arriver que certaines zones du territoire ne soient pas couvertes par le réseau hertzien de la société TDF ; que, confrontées à l'existence de zones d'ombre, certaines collectivités territoriales expriment alors une "demande indirecte de diffusion dans les zones qui ne sont pas couvertes par les chaînes" ;

Considérant que, pour satisfaire cette demande, certaines collectivités territoriales acceptent de prendre en charge tout ou partie du coût d'installation des équipements nécessaires à la diffusion et font appel à la société TDF pour organiser une consultation des fournisseurs de matériel de réémission ; que, pour cette mission, dite d'"ingénierie", la société TDF, qui ne fournit pas de matériel de réémission, perçoit une rémunération de maîtrise d'œuvre ; que, une fois le fournisseur du matériel retenu, il appartient à la collectivité territoriale de rechercher un prestataire de service, qui sera chargé de l'installation et de la maintenance du matériel ; que le croisement de la demande des collectivités locales, d'une part, et de l'offre de service de maîtrise d'œuvre, de celui de la fourniture de matériels de réémission et de celui de l'installation et de la maintenance de matériel de réémission, d'autre part, constituent autant de marchés distincts;

Sur la position de la société TDF sur les différents marchés :

Considérant que la société TDF détient, conformément aux dispositions de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 susvisée, le monopole de la diffusion et de la transmission, en France et vers l'étranger, par tous procédés de télécommunication, des programmes des sociétés nationales de programme ; qu'en outre elle exploitait, au moment des faits, environ 99 % des fréquences autorisées par le conseil supérieur de l'audiovisuel pour la télévision hertzienne ; qu'enfin, comme le souligne la société TDF elle-même, "une chaîne nationale détenant une autorisation d'émettre en hertzien se situe en position de forte dépendance vis-à-vis de son fournisseur exclusif de moyens techniques de diffusion. Le changement de fournisseur implique de disposer d'une offre immédiatement disponible et opérationnelle puisque toute interruption de la diffusion se traduit par une perte importante pour la chaîne. La chaîne est donc extrêmement dépendante de son fournisseur" ; qu'ainsi la société TDF se trouve en situation de position dominante, d'une part, sur le marché de la diffusion hertzienne des chaînes nationales publiques généralistes et, d'autre part, sur le marché de la diffusion hertzienne des chaînes nationales privées généralistes;

Considérant, en outre, que la société TDF dispose auprès des collectivités territoriales du prestige attaché à son antériorité, à sa mission de service public ainsi qu'à la détention de nombreuses infrastructures nécessaires à la diffusion dont elle s'est assurée la maîtrise ; que la société TDF est la seule entreprise, sur le plan national, à être en mesure d'offrir aux collectivités territoriales une prestation complète comprenant la maîtrise d'œuvre ainsi que l'installation et la maintenance du matériel nécessaire à la réémission des émissions de télévision ; que cette entreprise, chargée d'"offrir, dans le domaine de sa compétence, toutes prestations d'ingénierie, d'assistance technique ou tout autre service" dispose, à cet effet, de laboratoires de recherche et de bureaux d'étude et d'ingénierie qui sont, selon l'expertise économique versée au dossier par TDF, "aptes à intégrer les développements techniques les plus récents dans les schémas de déploiement ou de renouvellement" de la télédiffusion ; qu'il ressort de ces éléments que la société TDF se trouvait, au moment des faits, en situation de position dominante sur le marché de la maîtrise d'œuvre; que, sur le marché de l'installation et de la maintenance des matériels de diffusion à la demande des collectivités territoriales, la société TDF se trouve en concurrence avec divers opérateurs, dont la société Emettel, partie saisissante ;

En ce qui concerne les pratiques :

Sur les pratiques de TDF visant à interdire l'installation sur les sites qu'elle exploite de matériels commandés par les collectivités pour la réémission des chaînes privées :

Considérant qu'il est constant qu'antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 30 septembre 1986, qui a ouvert partiellement le secteur de la diffusion hertzienne à la concurrence, la société TDF avait conclu, avec un certain nombre de collectivités territoriales, des conventions relatives à l'installation et à l'exploitation de stations de réémission de télévision ; que la société TDF a pu ainsi se constituer un réseau de stations principales et secondaires installées, le plus souvent, sur des points hauts ; que ces conventions réservaient généralement à TDF l'exclusivité de l'utilisation de la station en vue de la mission qui lui était assignée d'assurer le transport et la diffusion des programmes des 1re, 2e et 3e chaînes ; que ces conventions prévoyaient généralement que toute installation complémentaire de matériels de réémission dans ces stations ne pourrait se faire qu'avec l'accord de la société TDF ; que, confrontées à la demande croissante de leurs administrés d'élargir le champ des émissions déjà reçues à de nouvelles chaînes, les collectivités territoriales, compte tenu du refus des chaînes concernées de prendre en charge le coût des installations supplémentaires, se sont résolues à en assurer le financement en faisant jouer la concurrence entre les installateurs de matériels et prestataires spécialisés dans la maintenance ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en diverses circonstances la société TDF s'est opposée, après l'entrée en vigueur de la loi du 30 septembre 1986, à l'installation, par les collectivités territoriales, de matériels leur permettant de recevoir des chaînes privées sur les sites qu'elle exploitait ou sur les pylônes qui y étaient installés, dès lors qu'elle n'était pas le maître d'œuvre désigné pour le choix de ces matériels et qu'elle n'en assurait pas la maintenance ;

Considérant, en premier lieu, que, par exploit d'huissier du 3 février 1995, la société TDF a fait assigner devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Saint-Dié le maire de la commune de Xonrupt-Longemer pour "voie de fait", à la suite de la décision prise par celui-ci, afin de permettre la diffusion des programmes de La Cinq, de Canal Plus et de M 6, de dénoncer la convention initiale, signée en 1980 avec TDF, et de faire procéder à l'installation de matériels de diffusion supplémentaires par la société Emettel ; que l'ordonnance du 2 mai 1995, qui prescrit la dépose des matériels litigieux, relève toutefois qu'un enlèvement immédiat aurait pour conséquence de "priver toute une population locale de la réception de plusieurs chaînes" et accorde un délai de six mois afin de permettre à la commune de trouver une solution palliative "constituant par exemple à obtenir amiablement ou judiciairement l'autorisation de maintenir ses installations sur le pylône litigieux avec régularisation sur le plan administratif" ;

Considérant, en deuxième lieu, que, par lettre en date du 19 septembre 1995, le directeur juridique de la société TDF a ordonné au maire de la commune de Bricquebec (50) de "bien vouloir cesser immédiatement" la diffusion de chaînes privées au motif que la loi du 30 septembre 1986 "soumet à l'autorisation du conseil supérieur de l'audiovisuel la diffusion des chaînes privées" et "qu'à (la) connaissance (de TDF) au jour de l'installation de cette nouvelle station, la commune de Bricquebec n'a pas respecté cette obligation" ; que TDF dans son courrier continuait en indiquant "Aussi sommes-nous dans l'obligation de vous demander de bien vouloir nous adresser copie des décisions d'installations de cette nouvelle station, qui ne nous ont pas été notifiées, et annuler ces décisions. A défaut, nous serons conduits à saisir le juge compétent" ; que les exigences ainsi formulées par la société TDF, qui n'avait pas été chargée de l'installation de la nouvelle station, sont à apprécier au regard du document relatif au "nombre de stations, non encore autorisées par le CSA, pour lesquelles TDF assure des prestations d'ingénierie ou de maintenance" versé par elle au dossier en septembre 1994 et duquel il résulte que le nombre de stations concernées s'élevait alors à 885 au total, dont 396 pour M 6 et 176 pour Canal Plus ;

Considérant, en troisième lieu, que la commune de Marcoussis ayant fait installer, en 1991, deux réémetteurs pour La Cinq et M 6 par la société Vidéospace, filiale de France Télécom depuis la fin de 1989, sur un site autre que celui utilisé par TDF, les habitants de Marcoussis se sont plaints d'une mauvaise réception à certains endroits de la commune ; que le responsable des services techniques de la commune de Marcoussis (91) a déclaré, le 30 juin 1994, "(...) depuis nous cherchons à résoudre ce problème soit par un relèvement coûteux du pylône existant soit en utilisant le site concédé à TDF par la mairie pour l'émission des trois premières chaînes. (...) A la demande de la commune de dénoncer le contrat d'exclusivité du site concédé à TDF, cette société ne nous propose comme solution que l'acquisition du site. Ainsi le concessionnaire TDF n'envisage que la propriété accompagnée de l'installation d'un nouveau matériel payé par la commune et entretenu par TDF aux frais de la commune" ;

Considérant, en quatrième lieu, que par lettre du 25 novembre 1991, le directeur de l'agence Paris-Centre de la société TDF a indiqué au maire de la commune de Coulombs qu'ayant eu connaissance du projet d'installation de réémetteurs destinés à la réception sur le territoire de la commune des émissions diffusées par Canal Plus, La Cinq et M 6, il lui rappelait qu'en vertu de l'article 4 de la convention du 11 juin 1979 "la station est réservée exclusivement à l'installation et à l'exploitation des réémetteurs décrits dans les articles 5 et 6 suivants soit 1re chaîne, 2e et 3e chaînes. Il est entendu que toute adjonction d'équipements ultérieure doit faire l'objet d'un accord tripartite entre TDF, municipalité et le tiers extérieur", qu'il ajoutait que, "Vu que dans ce local sont diffusées deux chaînes publiques, dont la diffusion obéit toujours à des considérations de défense en cas de troubles sur le territoire national, il est exclu qu'un tiers à Télédiffusion de France accède à ce local" ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes d'une convention conclue entre TDF et la municipalité de Gif-sur-Yvette en date du 28 décembre 1983 pour la réémission des 1re, 2e et 3e chaînes, la station de TDF est installée sur un terrain appartenant à la collectivité ou louée par elle, le local appartient à la collectivité, les matériels des réémetteurs, les câbles de liaison, les antennes et leurs supports sont choisis en accord avec TDF et tous les travaux nécessaires sont à la charge de la collectivité ; que, souhaitant assurer la réception de Canal Plus, La Cinq et M 6, la municipalité prenait contact avec la société Emettel, qui lui faisait une proposition, le 10 juin 1991 ; que, par lettre en date du 3 septembre 1991, TDF lui faisait également parvenir une proposition de maîtrise d'œuvre pour l'installation de matériels et de maintenance ; que la société TDF, ayant appris que la proposition de la société Emettel avait été retenue et que deux antennes appartenant à des tiers avaient été fixées sur "le pylône qui appartient à TDF", rappelait à la municipalité, par lettres en date des 29 novembre 1991 et 16 mars 1992, qu'en vertu de la convention de 1983 "toute adjonction d'équipements ultérieurs doit faire l'objet d'un accord tripartite entre la municipalité, TDF et le tiers intéressé" et indiquait : "J'attire votre attention sur les risques que comporte une telle installation. La pose de ces antennes, contraire aux règles de l'art, pourrait engendrer une déformation du pylône et interrompre par conséquent l'émission des programmes assurée par TDF. En conséquence, je vous demande de bien vouloir faire procéder au démontage des antennes concernées dans un délai de cinq jours à compter de la réception des présentes, faute de quoi je donnerai les instructions nécessaires pour rétablir une situation normale" ; que, par la suite, un accord est intervenu entre la mairie de Gif-sur-Yvette et TDF, la municipalité donnant à bail à TDF le terrain d'assiette de la station, le local (matériel et pylône) et lui confiant la maintenance des matériels, cependant que TDF remplaçait les matériels de la société Emettel par d'autres matériels ;

Considérant, en sixième lieu, qu'en réponse à une lettre de décembre 1991 du maire de Moloy, en Côte-d'Or, l'interrogeant sur les conditions dans lesquelles sa commune pourrait s'équiper pour recevoir La Cinq et M 6, le directeur régional Centre-Est de la société TDF indiquait, par lettre en date du 25 février 1992, qu'"il était bien entendu envisageable d'équiper pour La Cinq et M 6 la station réémettrice desservant déjà votre commune en télévision publique (...) le matériel mis en œuvre doit répondre aux spécifications imposées par les chaînes elles-mêmes, faute de quoi celles-ci ne déposent pas le dossier de demande de fréquence sur le bureau du CSA. (...) Par ailleurs, la mise en œuvre de matériels artisanaux en dehors des règles imposées ne permettrait pas à votre commune de bénéficier des aides consenties à cet effet par le conseil général" ; que TDF proposait, dans cette lettre, de réaliser une prestation d'ingénierie et de maintenance pour le compte de la commune ; que la société Emettel ayant également formulé une proposition, le maire du Moloy, se fondant sur le permis de construire de la station, apportait des éléments établissant que la commune était propriétaire du terrain et du pylône de la station dont TDF était l'opérateur ; que le président du conseil général de la Côte-d'Or soumettait à TDF la proposition élaborée par Emettel pour le compte de la commune et consistant à installer son matériel dans des armoires fermées à clé dans le bâtiment existant, propriété de la commune ; que, dans sa réponse en date du 12 novembre 1992, le directeur régional Centre-Est, s'il ne contestait pas la propriété de la commune sur le terrain et la station, soutenait que : "dès l'instant où un autre organisme, quel qu'il soit, peut librement accéder à ces équipements et en installer d'autres, non seulement TDF n'est plus en mesure de remplir ses obligations vis-à-vis des chaînes et vis-à-vis du public mais, de plus, la sécurité de ses agents ne peut plus être assurée du fait des risques électriques encourus", et indiquait : "il convient d'appeler l'attention de Monsieur le maire sur l'obligation qui lui sera faite, s'il donne suite à son projet, en sa double qualité de gestionnaire des fonds de la commune et de premier magistrat municipal - de faire poser une séparation dans le bâtiment existant ou de doubler celui-ci - de faire construire un second pylône en dehors de la zone de dégagement de l'ouvrage existant en veillant à ce que la nouvelle installation ne perturbe pas les installations existantes" ;

Considérant que la société TDF a mis en avant divers arguments pour justifier ses refus ; qu'ainsi elle a invoqué le respect de la loi du 30 septembre 1986 qui "soumet à l'autorisation du conseil supérieur de l'audiovisuel la diffusion des chaînes privées", alors même qu'il est établi qu'elle assurait des prestations d'ingénierie ou de maintenance pour un grand nombre de stations, non encore autorisées par le CSA ; qu'elle a aussi invoqué le fait qu'ayant le monopole de la diffusion de deux chaînes publiques dont la diffusion obéit à des considérations de défense, en cas de troubles sur le territoire national, il était exclu qu'un tiers à Télédiffusion de France puisse accéder à son local alors même que, sur d'autres sites sur lesquels elle diffusait ces mêmes chaînes, elle autorisait l'accueil d'opérateurs tiers ; qu'elle a pu soutenir que la qualité d'équipements ne correspondait pas aux spécifications techniques imposées par les chaînes, alors même qu'elle ne justifie aucunement que les chaînes auraient imposé des spécifications techniques pour les équipements de réémission locale à la demande des collectivités locales ; que, dans un cas, TDF a justifié son refus en invoquant son droit de propriété sur le pylône et le risque de déformation de celui-ci que l'installation d'antennes supplémentaires pouvait entraîner, alors que, d'une part, elle a obtenu ultérieurement que la commune lui donne en location ce pylône qui ne lui appartenait donc pas et, d'autre part, qu'elle a elle-même, comme elle en avait fait la proposition à la commune, placé des antennes supplémentaires sur ce pylône pour assurer la réémission des chaînes privées sans craindre une déformation de celui-ci ; que TDF a aussi invoqué le risque de perturbation des signaux des chaînes dont elle assure la diffusion alors même qu'il était possible de s'entourer de garanties quant aux conditions d'utilisation des infrastructures par des tiers, en mettant au point un cahier des charges ou un "Code de bonne conduite" contenant des critères précis et objectifs, comme l'attestent le contrat qu'elle a conclu, en 1996, avec Canal Plus établissant les conditions techniques, économiques et juridiques permettant la diffusion de cette chaîne sur les sites qu'elle exploite ou le projet de convention entre TDF et le Syndicat de télévision des Alpes-Maritimes autorisant "l'accueil d'opérateurs tiers sur les sites" et à propos duquel elle reconnaît qu'il "s'agit d'un cas dans lequel TDF s'est trouvée en mesure d'aménager des conditions techniques, juridiques et économiques de l'accueil sur site d'un opérateur tiers ;" que TDF a encore invoqué le fait que "la sécurité de ses agents ne pourrait plus être assurée du fait des risques électriques encourus", alors même, d'une part, que la collectivité entendait faire procéder à l'installation des équipements du tiers par un électricien agréé et, d'autre part, que TDF aurait pu indiquer les conditions que l'électricien devait respecter ; que l'argumentation de la société TDF, dont le caractère artificiel est ainsi démontré, doit être rejetée en totalité ;

Considérant, enfin, que différents éléments du dossier établissent que, si, dans deux cas, la société TDF a accepté que la collectivité territoriale fasse usage des installations qui lui étaient réservées, c'est à la condition expresse qu'elle obtienne en contrepartie la possibilité d'utiliser la station à des fins commerciales autres que la télédiffusion à laquelle elle était initialement destinée ; qu'ainsi les représentants de la société TDF ont reconnu, par procès-verbal en date du 11 décembre 1997, qu'"En ce qui concerne Orbeil II (...) TDF a accepté que la collectivité installe du matériel de diffusion pour La Cinq, M 6 et Canal Plus en contrepartie de l'autorisation d'utiliser le site pour les radiocommunications (SFR)", que, par ailleurs, le maire de la commune de Langeais a déclaré, par procès-verbal d'audition en date du 23 juillet 1993 : "A la fin des années 1980 nous avons tenté d'établir avec Télédiffusion de France SA une convention d'extension à Canal Plus, La Cinq et M 6. Les propositions préliminaires nous ont paru élevées (...) et nous n'avons pas donné suite (...). dans le local appartenant à la commune, où sont logés les matériels et l'exploitation 1, 2 et 3, nous avons décidé d'accueillir le matériel Emettel, dont la proposition était beaucoup plus intéressante (...) Se posait alors le problème de la maintenance des six chaînes dans notre local et étant précisé qu'est sous propriété TDF le pylône (...). (...) l'accord de TDF a été donné pour utilisation du pylône par un autre prestataire (...). Ceci a peut-être été facilité par l'autorisation donnée à TDF de maintenir les équipements de SFR dans le local appartenant à la mairie (...)" ; qu'à l'appui de sa déclaration le maire de Langeais a remis aux enquêteurs une lettre non datée et non signée portant la référence CE/AJ/00/253 de TDF indiquant : "Vous avez bien voulu nous autoriser, ce dont je vous remercie, à utiliser une partie du bâtiment de la station réémettrice desservant votre commune pour l'installation de nos propres équipements. Je profite de l'occasion qui m'est ainsi donnée pour vous confirmer l'accord de Télédiffusion de France pour la mise à votre disposition, sur le pylône dont nous sommes propriétaires dans cette station d'un emplacement situé entre dix et treize mètres de hauteur, en vue de l'installation de vos antennes TV 5, M 6 et Canal Plus. Cette autorisation vous est accordée sous réserve que les antennes soient installées conformément aux normes retenues par notre société, qu'elles n'apportent aucune gêne au fonctionnement des matériels déjà installés dans la station et que leur entretien soit assuré par nos équipes" ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société TDF, qui détient le monopole de la diffusion hertzienne des chaînes nationales publiques et une position dominante sur les marchés de la diffusion hertzienne des chaînes nationales privées et de la maîtrise d'œuvre pour le compte des collectivités territoriales, a mis en œuvre des pratiques visant à limiter l'accès de ses concurrents au marché des prestations d'installation et de maintenance de matériels de réémission choisis par des collectivités territoriales en refusant, dans des conditions discriminatoires et non transparentes, d'autoriser l'installation de ces matériels sur les sites qu'elle exploitait ; que le caractère discriminatoire et anticoncurrentiel du comportement de TDF résulte du fait que, tout en refusant sous divers prétextes, dans de nombreux cas, d'accueillir des tiers choisis par la commune sur les sites qu'elle exploite en exclusivité, elle acceptait, en revanche, d'accueillir de tels tiers sur ses sites lorsque la collectivité territoriale lui donnait en contrepartie la possibilité d'utiliser la station à des fins commerciales autres que la télédiffusion à laquelle elle était initialement destinée, en particulier pour des équipements permettant d'assurer la transmission des signaux de radiotéléphone SFR; que ces pratiques ont pu avoir pour effet soit de décourager les collectivités de faire appel à la concurrence pour l'installation et la maintenance de matériels de réémission de chaînes privées et de confier ces prestations à la société TDF, soit de leur imposer des coûts artificiels dès lors qu'elles entendaient faire jouer la concurrence sur le marché de l'installation de ces matériels;

Considérant que la société TDF soutient, au vu de la liste de 450 "sites concurrents alternatifs" versée au dossier, qu'est rapportée la preuve que les stations de réémission ne peuvent constituer des infrastructures essentielles dans la mesure où un concurrent peut toujours disposer de sites alternatifs ;

Mais considérant, d'une part, qu'il n'est pas toujours techniquement possible d'installer de nouvelles infrastructures pour des raisons tenant aux caractéristiques naturelles de certaines de ces zones, à leur protection éventuelle ainsi qu'à la rareté des fréquences disponibles et aux risques de perturbation radio électrique ; que, d'ailleurs, la société TDF, qui a déclaré qu'"en général le réseau secondaire était (est) duplicable", n'exclut donc pas que, dans certains cas, les stations constituant le réseau secondaire ne puissent être dupliquées et surtout que les stations constituant le réseau principal peuvent difficilement être remplacées par d'autres stations, compte tenu de la rareté des sites ; que, d'autre part, la circonstance, à la supposer établie, que les sites dont elle refuse l'accès aux tiers choisis par les collectivités ne constituent pas des facilités essentielles ne saurait, en tout état de cause, servir de justification au fait qu'ayant une position dominante sur plusieurs marchés TDF a mis en œuvre des pratiques discriminatoires et artificielles ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de limiter l'accès de ses concurrents au marché des prestations d'installation et de maintenance de matériels de réémission choisis par des collectivités territoriales, en imposant artificiellement à ces dernières, si elles souhaitaient avoir recours à ses concurrents, de supporter les coûts afférents à une duplication inefficiente des stations existantes pour permettre la desserte d'une ou deux chaînes supplémentaires ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que TDF, en opposant des refus injustifiés et discriminatoires à certaines collectivités locales souhaitant installer des matériels de réémission de chaînes privés dans les sites qu'elle exploite, a mis en œuvre à plusieurs reprises une pratique prohibée par les dispositions du 1 de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Sur la pratique de la société Télédiffusion de France consistant à coupler les opérations de maîtrise d'œuvre et de maintenance :

Considérant que, lorsque la société Télédiffusion de France offre de remplir le rôle de maître d'œuvre pour le compte d'une collectivité désireuse d'assurer la diffusion de nouvelles chaînes, cette entreprise propose deux prix différents, selon que la collectivité s'engage ou non à la retenir pour la prestation de maintenance, étant précisé que la fourniture du matériel est assurée par une entreprise tierce ; qu'en effet, dans l'hypothèse où la société TDF conclut, d'une part, un contrat de maîtrise d'œuvre et, d'autre part, un contrat de maintenance globale, cumulant les prestations de maintenance, dites "préventive et corrective", le prix appliqué pour la prestation de maîtrise d'œuvre à l'occasion de l'installation du matériel s'élève à 5 % du montant du matériel : qu'en revanche, si la collectivité décide de retenir un autre prestataire pour la réalisation de la maintenance, le taux appliqué s'élève à 10 % du montant du matériel ; que cette pratique a été confirmée par le directeur régional de la société TDF de la région Centre-Est, qui a déclaré, au sujet de la maîtrise d'œuvre : "le forfait d'ingénierie demandé par TDF est de 5 % pour les prestations ci-dessus lorsque la maintenance est assurée par notre société, et de 10 % dans le cas contraire" ;

Considérant que cette pratique de couplage tarifaire des prestations de maîtrise d'œuvre et de maintenance est de nature à dissuader les collectivités de faire appel à des entreprises concurrentes de TDF pour assurer la maintenance des matériels pour le choix desquels cette dernière a assuré la maîtrise d'œuvre ; qu'en effet, par le simple effet du couplage tarifaire de prestations de maîtrise d'œuvre et de maintenance, une collectivité qui envisagerait de faire assurer la maintenance des matériels installés par TDF par une entreprise concurrente de cette dernière subirait nécessairement, et indépendamment du coût de la maintenance facturé par ce dernier prestataire de service, un coût supplémentaire égal à 5 % de la valeur des matériels installés ; qu'ainsi une entreprise concurrente de TDF pour la maintenance de matériels ne pourrait emporter un marché de maintenance même si elle était aussi efficace que TDF, même si elle pratiquait des prix de maintenance inférieurs à ceux pratiqués par cette dernière ;

Considérant que cette pratique a effectivement eu pour effet de dissuader les collectivités de confier la maintenance des matériels installés à un concurrent de TDF, dès lors que cette dernière assurait la maîtrise d'œuvre; qu'il ressort en effet de ses propres déclarations que : "TDF ne facture pas de maîtrise d'œuvre au taux de 10 % aux collectivités locales", ce qui implique que, dans les faits, les collectivités qui confient à TDF la maîtrise d'œuvre pour le choix de matériels de réémission des chaînes privées lui confient également la maintenance de ces matériels ;

Considérant, au surplus, qu'une telle pratique, émanant d'une entreprise qui se trouve en situation de position dominante sur le marché de la maîtrise d'œuvre des prestations d'installation de matériels de diffusion pour le compte des collectivités territoriales est d'autant plus susceptible de fausser le jeu de la concurrence sur le marché de la maintenance des équipements de réémission que, d'une part, la société TDF est la seule, de par ses statuts, à être investie d'une mission de service public d'"d'ingénierie" et d'"assistance technique" sur le plan national et que, d'autre part, comme il a été mentionné ci-dessus, TDF a subordonné, en diverses circonstances, son agrément à l'installation de matériels de réémission pour les chaînes privées sur les sites qu'elle exploite à la condition qu'elle soit désignée comme maître d'œuvre pour le choix des matériels ;

Considérant que la société TDF objecte que "les documents adressés aux communes citées dans le rapport démontrent qu'elles ont la faculté d'opter pour la signature d'un contrat de maîtrise d'œuvre, sans nécessairement conclure un contrat de maintenance avec TDF" ; qu'elle déclare également que le fait d'exécuter les deux prestations de maîtrise d'œuvre et de maintenance devait, à terme, entraîner des économies de coût, en raison de la bonne connaissance du site par le prestataire ;

Mais considérant, en premier lieu, qu'il n'est pas reproché à la société TDF de n'avoir proposé aux collectivités qu'une seule formule mais d'avoir proposé aux communes de les faire bénéficier, dans des conditions artificielles, d'un rabais sur la maîtrise d'œuvre si elles acceptaient de lui confier également la maintenance ultérieure des équipements installés ; qu'en second lieu TDF n'apporte aucun élément à l'appui de son affirmation selon laquelle elle réaliserait, lorsqu'elle a assuré la maîtrise d'œuvre, des économies sur le coût de la maintenance représentant 5 % de la valeur du matériel installé ; qu'enfin et, en tout état de cause, la circonstance, à la supposer établie, que TDF puisse réaliser "à terme" certaines économies de coût sur la maintenance lorsqu'elle a assuré la maîtrise d'œuvre pour l'installation des matériels, si elle pourrait justifier un rabais sur la prestation de maintenance, ne saurait justifier un rabais sur la maîtrise d'œuvre elle-même, dès lors que le coût de cette maîtrise d'œuvre est indépendant du fait qu'elle obtiendra ou non la maintenance ultérieure des matériels installés ;

Considérant quil résulte de ce qui précède que la société TDF, qui détient une position dominante sur le marché de la maîtrise d'œuvre, en accordant aux collectivités un rabais sur la prestation de maîtrise d'œuvre lorsque la collectivité lui confie également la maintenance des matériels installés pour la réémission des chaînes privées, a mis en œuvre une pratique de nature à limiter l'accès d'entreprises concurrentes au marché aval de la maintenance de la part ; que cette pratique constitue un abus de sa position dominante, prohibé par les dispositions du 1 de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Sur la pratique de la société TDF consistant, lorsqu'elle assure la maintenance d'un site, à exiger le remplacement du matériel de réémission si celui-ci n'a pas été agréé par elle :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 51 de la loi du 30 septembre 1996, TDF a "vocation à procéder aux recherches et à collaborer à la fixation des normes concernant les matériels et les techniques de radiodiffusion sonore et de télévision" ; que, par ailleurs, l'article 18 du cahier des charges de TDF, publié au Journal officiel du 11 mai 1984, maintenu provisoirement en vigueur par l'article 103 de la loi précitée dans l'attente de la publication d'un nouveau cahier des charges précise que : "L'établissement collabore, en liaison avec les administrations et les organismes professionnels intéressés, à la définition des normes relatives aux matériels et techniques de communication audiovisuelle diffusée et, le cas échéant, en propose l'homologation" ; que la société TDF a précisé, dans ses observations écrites en réponse au rapport, que : "La norme au sens strict est un document élaboré par des organismes de normalisation, sans contenu obligatoire sauf texte réglementaire particulier. A ce stade, il est vrai, TDF ne fait que collaborer à la définition des normes comme l'indiquent le cahier des charges de 1984 et la loi du 30 septembre 1996. Ce rôle est un rôle d'expert qui ne se confond pas avec celui qui est le sien dans la définition des caractéristiques techniques qu'elle doit mettre en œuvre dans le cadre de ses exigences d'exploitation et dont fait état le cahier des charges de 1984" ;

Considérant, d'autre part, que, selon le CSA : "Il n'existe pas de procédure d'homologation ou d'agrément des matériels par le CSA. La responsabilité du respect des conditions techniques définies par la décision n° 87-3 modifiée du 26 janvier 1987, complétée par la décision n° 90-793 du CSA du 26 octobre 1990 mentionnée plus haut, revient aux titulaires des autorisations, à savoir les chaînes de télévision (télévisions privées) ou TDF (chaînes publiques). Les titulaires d'autorisations sont donc libres de choisir les moyens par lesquels ils s'assurent du respect de ces spécifications (contrôle des matériels par un laboratoire de leur choix, par exemple). Ils sont libres également de fixer à leurs fournisseurs des cahiers des charges plus contraignants que ceux qui résulteraient directement des spécifications établies par le CSA, dans la mesure où ils ne sont pas contradictoires avec celles-ci" ;

Considérant que, dans une lettre datée du 3 mars 1993, la société TDF déclarait au maire de la commune de Belmont-de-la-Loire : "la condition mise par la chaîne (pour prendre les dépenses de fonctionnement à sa charge) est la conformité du matériel avec les spécifications techniques qu'elle impose. Vous trouverez ci-joint (...) une copie de la lettre par laquelle M 6 donne la liste exhaustive de tous les fabricants agréés et qui, seuls, répondent aux spécifications techniques en vigueur. (...). Vous me demandez d'ailleurs, dans le cas où la chaîne elle-même refuserait, comme c'est le cas, de prendre à son compte les dépenses de maintenance, de vous indiquer à quel tarif TDF est susceptible de facturer celles-ci à votre commune. Je suis au regret de vous faire savoir que notre société ne peut garantir le fonctionnement et le suivi de qualité de matériels ne répondant initialement pas aux normes et, pour cette raison, ne peut vous proposer cette prestation avec le matériel installé. Je ne peux donc que vous engager, pour bénéficier de la gratuité des prestations de maintenance et pour mettre votre installation en conformité avec les règlements du CSA, à remplacer le matériel Emettel par un matériel répondant aux normes." ; que, par ailleurs, le responsable des services techniques de la commune de Marcoussis (91) a déclaré, le 30 juin 1994 : "Depuis l'installation en 1991 de deux réémetteurs "La 5" et "M 6" par VIDEOSPACE, les habitants de Marcoussis se plaignent d'une mauvaise réception à certains endroits de la commune. (...) Les discussions avec les responsables de TDF conduisent à un refus d'installer le matériel acheté par la commune sur ce site concédé au motif que ce matériel de marque GERITEL n'est pas agréé par TDF. (...)." ; qu'il ressort en outre du contrat de vente conclu le 11 août 1993 entre la société TDF et la commune de Gif-sur-Yvette que TDF a demandé le remplacement du matériel de marque Emettel installé sur le site pour la diffusion de Canal Plus, La Cinq et M 6 ; que le préambule de ce contrat de vente stipule en effet : "D'après les articles 2 et 6 du bail (de la station réémettrice) il ressort que l'exploitation de la station s'effectue sous la seule responsabilité de TDF et que le matériel qui y fonctionne ne peut être que du matériel autorisé par TDF. Sachant que TDF n'utilise que du matériel correspondant à des normes techniques précises pour garantir une qualité du service et sachant que le matériel acheté en 1991 par la collectivité ne correspond pas pour TDF à ces normes techniques, il ressort que la collectivité se doit dès lors de procéder à l'achat d'un nouveau matériel" ; que, paralèllement, un contrat de maintenance a été signé entre les parties au sujet du nouveau matériel installé par TDF ; qu'il ressort, enfin, du dossier que TDF a, en 1993, signé un contrat avec la municipalité de Langeais, laquelle s'était dotée d'un matériel Emettel, comprenant le même préambule que celui susmentionné concernant Gif-sur-Yvette ; que, dans les cas de ces deux municipalités, TDF a racheté le matériel Emettel précédemment installé et en a installé un autre ;

Considérant que, dans les cas susmentionnés, TDF a demandé et obtenu le remplacement des matériels achetés par les communes en invoquant différents motifs tels que le fait que ces matériels ne répondaient pas "initialement aux normes" ou n'étaient pas conformes aux spécifications du CSA ou, enfin, n'étaient pas autorisés par TDF, cette autorisation étant elle-même conditionnée par le respect de "normes techniques précises" ;

Mais considérant, en premier lieu, que l'allégation de TDF selon laquelle les matériels dont elle exigeait le remplacement n'étaient pas conformes aux normes est d'autant plus fallacieuse que, comme elle l'indique elle-même dans ses observations en réponse au rapport, la conformité d'un matériel à une norme, sauf texte réglementaire particulier, au cas d'espèce inexistant, n'est pas obligatoire ; qu'en outre seule une norme de diffusion et de compatibilité électromagnétique existe, le respect de cette norme pouvant être assuré par l'utilisation de divers matériels ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'allégation de TDF selon laquelle les matériels dont elle demandait le remplacement n'étaient pas conformes aux spécifications du CSA n'est appuyée d'aucun élément probant ; que, d'ailleurs, les responsables de la société Emettel, dont certains équipements ont fait l'objet d'une demande de remplacement par TDF, ont fait valoir en séance sans être contredits que leurs matériels répondaient aux spécifications établies par le CSA ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort d'une note de la direction de l'équipement et d'une production de TDF que, pour ce qui est de ses propres achats, TDF a retenu un certain nombre de fournisseurs et que "les matériels fabriqués par ces sociétés répondent aux spécifications de TDF. Dans certains cas, il peut arriver que des matériels ne respectent pas la totalité de ces spécifications, le matériel est alors retenu si des non-conformités sont jugées acceptables, c'est-à-dire ne portent pas atteinte à la qualité du service fourni aux téléspectateurs, à la fiabilité et à la maintenabilité des équipements" ; que ce même document indique que "dans le cas où TDF assure l'ingénierie et la maintenance pour le compte des collectivités locales qui achètent le matériel, TDF ne peut avoir les mêmes exigences sur tous les points compte tenu du fait qu'il n'est pas maître d'ouvrage. A la demande des collectivités locales d'autres fournisseurs que ceux cités plus haut sont consultés, dans certains cas l'appel d'offre est ouvert. Il est simplement demandé un respect des spécifications, avec les mêmes tolérances que pour les équipements commandés par TDF" ; qu'ainsi le choix des matériels imposé par TDF lorsqu'elle assure, à la demande des collectivités locales, la maîtrise d'œuvre et la maintenance ne dépend ni des exigences des chaînes ni de la conformité des appareils à une norme, mais du respect de spécifications qu'elle établit elle-même pour ses propres achats ou de son appréciation personnelle quant au non respect de ces spécifications ;

Considérant que la société TDF soutient qu'en vertu du cahier des charges de 1984, qui, selon elle, resterait applicable, elle aurait pour obligation de "définir et contrôler les caractéristiques techniques des équipements de diffusion et des signaux diffusés" et "d'évaluer, spécifier et garantir les caractéristiques techniques affectant à travers les divers réseaux et infrastructures assurant la diffusion et la communication audiovisuelle la qualité technique des messages diffusés" et que ces dispositions "l'autorisent à exiger (des) équipements le respect de caractéristiques techniques prédéfinies, à peine de refuser de les maintenir" ;

Mais considérant qu'à supposer même que le cahier des charges de 1984 soit toujours applicable à TDF, ce document ne l'autorise nullement à refuser, dans des conditions injustifiées et non transparentes, de maintenir des matériels achetés par des collectivités en alléguant faussement que ceux-ci ne répondent pas aux normes ou aux spécifications du CSA ; que la société TDF n'a apporté aucun élément sur le caractère objectif et justifié des spécifications qu'elle impose pour les matériels achetés par les communes ou sur la tolérance qu'elle accorde à certains matériels ne respectant pas ces spécifications ; que, de même, elle n'a apporté aucun élément établissant que les matériels dont elle a demandé le remplacement ne correspondraient pas à ces spécifications ou ne pourraient bénéficier de la tolérance qu'elle admet pour certains autres matériels ; qu'elle se contente d'indiquer que ces spécifications ne sont ni opaques, ni discrétionnaires, dès lors qu'elles "sont issues de différentes sources : les textes législatifs et réglementaires ou des documents élaborés en relation avec des partenaires (chaînes, industriels, organisation comme l'Union européenne de radiodiffusion (UER), qui associe (...) une grande partie des diffuseurs européens)" ; que cette argumentation imprécise ne saurait à elle seule tenir lieu de critères pertinents et transparents pour l'agrément des matériels de réémission ;

Considérant, ainsi, que la société TDF a exigé le remplacement dans des conditions non transparentes des matériels non agréés par elle de réémission achetés par les collectivités, en appuyant cette exigence sur des allégations pour partie inexactes et de nature à nuire à la réputation des fabricants de ces matériels alors même que les critères d'agrément des matériels par TDF n'étaient pas transparents ; que ces pratiques ont, notamment, visé la société Emettel qui, outre son activité de fabricant, assure également la maintenance de ses matériels et se trouve donc en concurrence avec TDF sur le marché de la maintenance ; que cette pratique avait un effet potentiel d'autant plus restrictif de concurrence sur les marchés des matériels et de la maintenance qu'elle était complémentaire d'autres pratiques de la société TDF précédemment décrites et visant, d'une part, à empêcher la maintenance par des tiers de matériels non agréés par TDF installés par les collectivités sur les sites exploités par cette dernière et, d'autre part, à inciter les collectivités à lui confier la maintenance des matériels agréés pour le choix et l'installation desquels ces collectivités lui avaient confié la maîtrise d'œuvre ; que, dès lors, les producteurs de matériels non agréés par TDF ne pouvaient ni assurer eux-mêmes, ni faire assurer par TDF la maintenance de leurs matériels installés sur les sites exploités par cette dernière et que les collectivités étaient ainsi dissuadées d'installer des matériels non agréés par TDF sur les sites exploités par cette dernière ou de confier à un tiers la maintenance de ces matériels ;

Considérant que la société TDF soutient que la pratique en cause serait justifiée par les dispositions du 1 de l'article 10 de l'ordonnance qui prévoit que ne sont pas soumises aux dispositions des articles 7 et 8 les pratiques qui résultent de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour l'application d'une loi ;

Mais considérant, ainsi que l'a déclaré la société TDF, que si "la loi elle-même, relayée par son cahier des charges et les différentes décisions du CSA impose à TDF l'exercice d'activité ou le respect de mission qui la place en position de conseiller une collectivité locale dans le cadre d'un appel d'offres, sur les équipements à retenir", aucune disposition législative ou réglementaire ne charge cet opérateur de définir des normes techniques et ne prévoit que, pour développer son activité de maintenance des matériels de diffusion des chaînes privées installés par des collectivités territoriales, TDF est habilitée à exiger le remplacement du matériel déjà installé en se fondant sur des critères vagues et imprécis ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société TDF, en exigeant le remplacement des matériels installés par les collectivités sur les sites qu'elle exploite par du matériel agréé par elle pour en assurer la maintenance alors que ses conditions d'agrément des matériels étaient non transparentes et qu'en utilisant des arguments, pour partie, fallacieux pour exiger ce remplacement, a mis en œuvre une pratique qui pouvait avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence entre fabricants de matériels et de limiter l'accès au marché de la maintenance par des sociétés concurrentes; qu'une telle pratique est prohibée par les dispositions du 1 de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Sur la clause de préférence insérée dans le contrat conclu avec TF 1 :

Considérant que, le 15 avril 1991, un contrat a été conclu entre TDF et la société TF 1 au sujet de la diffusion des émissions télévisées de cette chaîne ; que l'article 17 de ce contrat prévoyait la possibilité pour TF 1 de réduire le nombre de stations concernées par le contrat à la condition que "dans l'hypothèse où, préalablement à la suppression effective d'une station B, TF 1 envisagerait de construire une autre station, TDF pourra faire des propositions à TF 1 et bénéficier, à tarif et à niveau de qualité de prestation comparables, d'un droit de préférence sur d'autres prestataires potentiels" ;

Considérant que la société TDF fait valoir que, d'une part, les parties n'ont jamais appliqué la clause litigieuse, TF 1 n'ayant pas souhaité exercer la faculté de sortie partielle que lui réservait l'accord et, d'autre part, que TDF et TF 1 ont négocié, en 1996, un nouvel accord qui ne comporte aucun droit de préférence à l'échéance du contrat ; que TDF soutient en outre que "rien n'indique que le mécanisme de l'article 17 (...) devrait permettre à la société TDF de faire une nouvelle offre de façon à évincer ses concurrents puisque ces dernières pouvaient emporter le marché en formulant dès le début une offre plus intéressante que celle de TDF" ;

Mais considérant que cette clause, introduite dans le contrat signé avec TF 1 au seul bénéfice de la société TDF, pouvait permettre à cette dernière de se faire communiquer les conditions proposées par ses concurrents et de faire une offre comparable, voire largement inférieure, à la meilleure de ces offres ; qu'ainsi, elle avait pour objet et pouvait avoir pour effet de lui permettre d'obtenir, de manière préférentielle, la maintenance des stations créées par TF 1 en remplacement de la prestation de diffusion assurée jusqu'alors à partir des stations de TDF susceptibles d'être délaissées par cette chaîne; qu'au surplus, ainsi que l'a admis la société TDF dans ses observations écrites, une chaîne nationale se trouve en situation de "forte dépendance vis-à-vis de son fournisseur exclusif de moyens techniques de diffusion", le changement de fournisseur impliquant de trouver "une offre immédiatement disponible et opérationnelle" liée aux risques de rupture de diffusion et aux conséquences financières susceptibles d'en résulter pour la chaîne concernée; que le fait que la disposition introduite dans le contrat signé avec TF 1 n'ait pas trouvé à s'appliquer, si elle peut être prise en compte pour l'appréciation des suites à donner, est sans incidence sur la qualification de la pratique au regard du titre III de l'ordonnance dès lors que son objet et sa potentialité d'effet anticoncurrentiel sont avérés ; qu'il s'ensuit qu'en introduisant cette clause dans le contrat proposé à TF 1 en avril 1991 la société TDF a enfreint les dispositions du 1 de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Sur la pratique mise en œuvre par TDF lors du financement par la collectivité territoriale de Corse d'installations destinées à la diffusion des programmes de chaînes publiques :

Considérant qu'à la fin de l'année 1986 la desserte de la quasi-totalité du territoire national était assurée à plus de 90 % par le réseau de TDF pour ce qui concerne la diffusion des programmes des trois principales chaînes nationales ; que, selon les responsables de TDF, "Normalement, c'est la chaîne publique qui décide ou non de l'extension de son réseau. Dans le cas où elle décide d'étendre son réseau, cette extension se fait dans le cadre du contrat de télé-diffusion signé entre TDF et la chaîne ; l'une des deux sources de financement de la chaîne publique est la redevance mais TDF n'est pas attributaire de cette redevance. En fonction de son budget et de l'appréciation qu'elle porte sur ses obligations de desserte, la chaîne définit la politique d'extension du réseau. Il peut rester des zones peu ou mal desservies. Il existe encore des zones d'ombre pour les chaînes publiques nationales (FR 2 et FR 3) ; lorsque la chaîne ne veut plus financer, TDF propose à la demande des collectivités le montage suivant : 85 % de l'émetteur est financé par la collectivité et 15 % par TDF. Le pylône est financé par TDF." ;

Considérant qu'une convention cadre a été signée, le 3 février 1993, entre la région de Corse et TDF, "compte tenu de la volonté exprimée par la collectivité d'améliorer, dans les meilleurs délais, la situation des 17 341 habitants, actuellement défavorisés, mal desservis par le service public" et afin de réaliser un programme destiné à la "résorption des zones d'ombre affectant la Corse" ; que ce programme, qui concernait la construction de stations destinées à la diffusion par voie hertzienne et de réseaux câblés, prévoyait la mise en place de conventions particulières entre les communes ou syndicats de communes concernés et TDF ; que le montant de la subvention d'équipement de la région Corse s'élevait à 40 % du montant de l'investissement en équipements techniques (pylônes, antennes, multiplexeurs, émetteurs ou réémetteurs et accessoires), le reste de l'investissement étant financé par TDF qui en devenait propriétaire ; que, en outre, l'article 3 de l'annexe B 2 à la convention-cadre stipulait que "les sociétés de programmes du secteur public France 2 et France 3 ayant différé l'intégration de la station à leur réseau, les frais d'exploitation et de maintenance correspondants sont pris en charge par la collectivité pendant une période de deux ans pleins (...), puis ensuite par la commune au-delà de cette période" ;

Considérant que les éléments figurant au dossier ne permettent pas d'établir qu'en proposant de mettre à la charge des collectivités territoriales corses concernées la maintenance des installations de diffusion des chaînes publiques destinées à étendre leur réseau de diffusion, en contrepartie du financement de 40 % du montant de l'investissement, la société TDF s'est livrée à une pratique ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de restreindre la concurrence en violation des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Sur les suites à donner :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos (...). Le Conseil de la concurrence peut ordonner la publication de la décision dans les journaux ou publications qu'il désigne, l'affichage dans les lieux qu'il indique (...). Les frais sont supportés par la personne intéressée" ;

Considérant que, pour apprécier la gravité des faits, il y a lieu de relever la multiplicité des pratiques par lesquelles la société TDF a tenté de s'opposer à la mise en œuvre des dispositions de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, modifiée, qui a ouvert à la concurrence les services de diffusion et de transmission aux exploitants de services de communication audiovisuelle des chaînes privées ; qu'en s'appuyant sur son monopole légal de diffusion des chaînes publiques, sur sa position dominante sur le marché de la prestation de maîtrise d'œuvre et sur les contrats d'exclusivité qu'elle détenait pour l'exploitation des stations installées sur les sites les plus appropriés pour la diffusion et la transmission audiovisuelle, elle s'est, d'une part, artificiellement opposée à l'installation par les communes de matériels de réémission pour les chaînes privées sur ces sites, sauf dans les cas où elle était maître d'œuvre ou obtenait l'autorisation d'exploiter ces sites pour la diffusion de services de radiotéléphonie, elle a, d'autre part, lié la maîtrise d'œuvre de l'installation de ces matériels avec la maintenance de ces matériels et a, enfin, refusé d'assurer la maintenance de matériels non agréés par elle dans des conditions non transparentes et en utilisant des arguments pour partie fallacieux ; que, en outre, elle a tenté de conserver la maîtrise de la maintenance des stations de diffusion de TF 1 au cas où celle-ci déciderait de ne plus utiliser ces stations pour assurer la diffusion des programmes ; que l'ensemble de ces pratiques ont contribué au renforcement des barrières à l'entrée dans ce secteur ;

Considérant que, pour apprécier le dommage à l'économie, il y a lieu de tenir compte tant de la fréquence des pratiques reprochées que de la situation de dépendance dans laquelle se trouvaient certaines collectivités territoriales aux ressources limitées ; que certaines de ces collectivités n'ont eu, pour permettre la diffusion de chaînes privées sur les zones d'ombre de leur territoire, d'autre choix que de se plier aux conditions imposées par TDF, lesquelles pouvaient être plus onéreuses que celles proposées par ses concurrents, ou de supporter les coûts associés à l'installation de nouveaux sites de diffusion ; qu'en revanche il y a lieu de tenir compte du fait que la clause de préférence contenue dans le contrat signé avec TF 1 n'a pas été appliquée et ne figure plus dans le nouveau contrat signé avec cette chaîne en 1996 ; qu'il n'y a pas lieu, dès lors, d'infliger une sanction pécuniaire à la société TDF de ce chef ;

Considérant que TDF a réalisé en France, au cours de l'exercice 1997, un chiffre d'affaires hors taxes de 4 100 083 666 F ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels, tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de dix millions de francs et d'ordonner la publication de la partie II de la présente décision dans La Gazette des communes,

Décide :

Art. 1er. - Il est établi que la société Télédiffusion de France a enfreint les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Art. 2. - Une sanction pécuniaire de dix millions de francs est infligée à la société Télédiffusion de France.

Art. 3. - Dans un délai maximum de trois mois suivant sa notification, le texte de la partie II de la présente décision sera publié par la société Télédiffusion de France, à ses frais, dans La Gazette des communes. Cette publication sera précédée de la mention : "Décision du Conseil de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre par la société Télédiffusion de France (TDF)."