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Décisions

Conseil Conc., 25 novembre 1997, n° 97-D-84

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques mises en œuvre par le Syndicat intercommunal à vocation unique des pompes funèbres des communes associées de la région brestoise dans le secteur des pompes funèbres

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport de M. Savinien Grignon Dumoulin, par M. Barbeau, président, M. Cortesse, vice-président, , M. Rocca, membre, désigné en remplacement de M. Jenny, vice-président, empêché.

Conseil Conc. n° 97-D-84

25 novembre 1997

Le Conseil de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre enregistrée le 7 octobre sous le numéro F 542, par laquelle la société des Pompes Funèbres Générales Ouest, devenue Groupement Services Atlantique, a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par le Syndicat intercommunal à vocation unique des pompes funèbres des communes associées de la région brestoise ; Vu l'ordonnance n° 86­1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86­1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu le code général des collectivités territoriales et le code des communes ; Vu les lettres du président du Conseil de la concurrence en date du 13 août 1997 notifiant aux parties et au commissaire du Gouvernement sa décision de porter l'affaire devant la commission permanente, en application de l'article 22 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; Vu les observations présentées par la société Groupement Services Atlantique et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants du syndicat des Pompes Funèbres des Communes Associées de la région brestoise et de la société Groupement Services Atlantique entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :

I- CONSTATATIONS

A- La réglementation

1. Les prestations des pompes funèbres

Le service des pompes funèbres comprend le service intérieur, le service extérieur, et les prestations libres.

Le service intérieur a lieu à l'intérieur des édifices du culte et relève du monopole des cultes. Il comprend les objets destinés aux funérailles dans les édifices religieux et la décoration intérieure et extérieure de ces édifices.

Le service extérieur se déroule à l'extérieur des édifices du culte. Dans le régime issu de la loi du 28 décembre 1904, il constituait un service public appartenant exclusivement aux communes et comportait des prestations limitativement énumérées par l'article L. 362­1 du Code des communes : le transport des corps après mise en bière, la fourniture des corbillards, des cercueils, des tentures extérieures des maisons mortuaires, les voitures de deuil ainsi que les fournitures et le personnel nécessaires aux inhumations, exhumations et crémations.

Titulaires exclusifs du monopole légal du service extérieur, les communes n'étaient pas tenues d'organiser ce service. L'article L. 362-1 du Code des communes laissait à celles d'entre elles qui avaient décidé de l'organiser, le choix entre la régie ou la délégation. L'exercice du monopole était alors protégé puisque les entreprises organisant des funérailles devaient, pour ce qui concerne les prestations du service extérieur, s'adresser au titulaire du monopole, régisseur ou concessionnaire.

Pour accroître la liberté de choix, la loi n° 86­29 du 9 janvier 1986 a assoupli les contraintes qui obligeaient les familles à s'adresser au titulaire du monopole du service extérieur de la commune de mise en bière lorsque celle-ci avait organisé le service, en leur offrant la faculté de s'adresser également à la régie ou au concessionnaire, ou à toute entreprise de funérailles en cas d'absence d'organisation du service, soit de la commune du lieu d'inhumation ou de la crémation, soit de la commune du domicile du défunt.

La loi n° 93­23 du 8 janvier 1993, relative à la législation dans le domaine funéraire, a mis fin au monopole communal. Désormais, le service extérieur des pompes funèbres, qui constitue une mission de service public, peut être assuré non seulement par les communes ou leurs délégataires, mais aussi par toute autre entreprise ou association bénéficiaire d'une habilitation délivrée par le représentant de l'Etat dans le département. De nouvelles prestations ont été ajoutées au service extérieur des pompes funèbres dont le contenu est actuellement défini par l'article L. 2223­19 du Code général des collectivités territoriales : le transport des corps avant mise en bière, l'organisation des obsèques, les soins de conservation, la fourniture de housses, des cercueils et de leurs accessoires intérieurs et extérieurs ainsi que des urnes cinéraires, la gestion et l'utilisation des chambres funéraires.

L'article 28­1 de la loi du 8 janvier 1993 a toutefois prévu une période transitoire pendant laquelle "les régies communales et intercommunales de pompes funèbres existant à la date de publication de la présente loi peuvent, durant une période qui ne saurait excéder cinq années à compter de cette date, assurer seules le service extérieur des pompes funèbres tel que défini par les dispositions légales précédemment en vigueur".

Les prestations libres sont celles qui ne relèvent ni du service extérieur, ni du service intérieur des pompes funèbres. Elles ne sont pas soumises au régime du monopole communal et dépendent de la libre initiative des familles (il s'agit par exemple de la mise en bière, de la fourniture des fleurs, des faire-part, des travaux de marbrerie, de l'entretien des tombes).

Pour assurer l'information des familles sur le caractère des prestations fournies, l'article 3 de l'arrêté n° 85-24 du 18 mars 1985 disposait :

"1. Une documentation simple et complète faisant apparaître le caractère facultatif ou obligatoire, les prix et tarifs et conditions de vente des principales prestations et fournitures devra être constamment présentée à la vue de la clientèle.

2. Avant toute opération funéraire, un devis écrit, gratuit, détaillé et chiffré, faisant apparaître pour chaque prestation ou fourniture la nature et le prix hors taxes, et pour l'ensemble du devis les prix hors taxes et TTC devra être présenté à la clientèle.

Pour les prestations et fournitures non soumises à monopole, le devis doit en outre comporter :

- l'indication que ces prestations et fournitures sont facultatives et peuvent être demandées par la clientèle à d'autres entreprises ;

- les noms et qualités des entreprises tiers appelées à participer aux prestations et fournitures. Les prix des prestations et fournitures assurées par ces entreprises tiers seront indiqués pour le montant net facturé par celles ci..."

Cet arrêté a été abrogé et remplacé par l'arrêté du 19 janvier 1994. Le nouveau texte maintient les dispositions relatives à la documentation et aux devis destinés à assurer l'information des familles et reconduit, par son article 4, pour les communes ayant choisi de conserver le monopole pendant la période transitoire prévue à l'article 28 de la loi du 9 janvier 1993, l'obligation d'informer les familles que certaines prestations ne relèvent pas du monopole et peuvent être demandées à d'autres entreprises : "...le devis doit distinguer les prestations et fournitures relevant du régime d'exclusivité provisoirement maintenu au profit d'une régie ou d'un concessionnaire de celles qui n'en relèvent pas. Pour ces dernières, le devis doit préciser en sus des indications prévues par l'article 3 que ces prestations et fournitures ne relèvent pas du champ d'exclusivité du prestataire et peuvent être demandées par la clientèle à d'autres entreprises."

2. Les chambres funéraires

Implantées en France dans les années 1960, les chambres funéraires ont pour objet de recevoir avant l'inhumation ou la crémation, les corps des personnes décédées. Antérieurement à la loi du 8 janvier 1993, les chambres funéraires étaient gérées dans les conditions prévues pour les services publics communaux, les communes pouvant également passer convention avec un établissement de soins en vue de l'utilisation de la chambre mortuaire de celui­ci.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 8 janvier 1993, la gestion et l'utilisation des chambres funéraires sont une mission de service public qui fait partie intégrante du service extérieur (art. L. 2223­19 du Code général des collectivités territoriales). Leur création ou leur extension est autorisée par décision préfectorale après avis du conseil municipal (décret n° 94­1024 du 23 novembre 1994). L'autorisation ne peut être refusée qu'en cas d'atteinte à l'ordre public ou de danger pour la salubrité publique. L'article L. 2223­38 du Code général des collectivités territoriales (art. L. 361­19 ancien du Code des communes) précise que les locaux où l'entreprise gestionnaire de la chambre funéraire offre les autres prestations relevant du service extérieur doivent être distincts de ceux abritant la chambre funéraire.

B- Le syndicat des pompes funèbres des communes associées de la région brestoise

Le service extérieur des pompes funèbres des communes de Brest et de Plouzané est assuré, depuis le 1er janvier 1990, par un syndicat intercommunal à vocation unique dénommé "Pompes Funèbres des Communes Associées de la Région Brestoise" (PFCA). Aux termes de l'article 2 de ses statuts, le syndicat a pour objet de gérer le service extérieur des pompes funèbres sur le territoire des communes adhérentes et, à la demande des familles, d'assurer également les prestations et fournitures relevant du service libre. Un directeur général, placé sous l'autorité directe du président, est responsable de son fonctionnement (article 14 des statuts).

Cinq autres communes de l'agglomération brestoise, les communes de Guipavas, du Relecq-Kerhuon, de Landerneau, de Plougastel-Daoulas et de Bohars ont ultérieurement adhéré au syndicat des PFCA entre janvier 1992 et avril 1993. Ces communes sont situées à la périphérie de la ville de Brest. A l'exception de la commune de Bohars dont le service extérieur n'était pas organisé avant son adhésion au syndicat des PFCA en avril 1993, le régime antérieur à la loi du 8 janvier 1993 continue, en vertu de l'article 28­1 de la même loi, à s'appliquer à l'égard des autres communes adhérentes pendant la période transitoire qui expire le 9 janvier 1998. Le syndicat des PFCA détient ainsi le monopole du service extérieur des pompes funèbres sur le territoire de six de ses communes adhérentes.

Depuis le 1er janvier 1995, le syndicat des PFCA gère une chambre funéraire composée de dix salons et douze cases réfrigérées, implantée dans la zone artisanale du Vern, à proximité du nouvel hôpital de Brest. La création de cette chambre funéraire a entraîné la fermeture, à la fin de l'année 1994, de l'ancienne chambre funéraire située dans l'enceinte du cimetière de Kerfautras, comprenant deux salons funéraires, qui était également gérée par le syndicat des PFCA

A la fin de l'année 1996, postérieurement à la date des faits dont est saisi le Conseil de la concurrence, la commune de Saint-Thonan a rejoint le syndicat et la commune de Guilas a manifesté son intention d'y adhérer.

C- Les caractéristiques du secteur

La population de la ville de Brest et des six autres communes adhérentes au syndicat des PFCA s'élève à environ 210 000 habitants, soit 25 % de la population du département du Finistère qui compte 840 000 habitants et 61,5 % de celle de l'arrondissement de Brest (342 000 habitants).

Le nombre de décès survenus sur le territoire des communes adhérentes au syndicat des PFCA s'établit ainsi de 1992 à 1996 :

<emplacement tableau>

Au cours de cette période, environ 80 % du nombre total des décès se sont produits à Brest et environ 52 % d'entre eux sont survenus au centre hospitalier de Brest. Environ 52 % du nombre des personnes décédées au centre hospitalier de Brest étaient domiciliées dans l'une des sept communes adhérentes au syndicat des PFCA. Le centre hospitalier de Brest reçoit des patients de l'ensemble du département du Finistère, au-delà de la commune de Brest et de la zone définie par le territoire des communes adhérentes au syndicat des PFCA.

Au cours des années 1993 à 1996, le syndicat des PFCA a effectué annuellement entre 1789 et 1928 convois, ce qui correspond, selon les années, à une proportion de 62,5 % à 65 % du nombre total des décès survenus dans la zone prise en considération.

Le deuxième intervenant dans la zone est la société Pompes Funèbres Générales Ouest, dont la dénomination sociale est devenue depuis le 1er juillet 1997 "Groupement Services Atlantique". Cette société, dont le siège social est situé à Rennes, possède une succursale implantée à Brest. Entre 1993 et 1996, le nombre des convois qu'elle a assuré chaque année sur la commune de Brest et sur les communes adhérentes au syndicat des PFCA est passé de 200 à 128.

La SARL Pompes Funèbres du Finistère, implantée à Brest sous l'enseigne "Roc Eclerc" intervient également sur le secteur. Cette société dispose aussi d'une agence située à Landerneau.

Plusieurs autres entreprises sont implantées aux limites de la zone définie par le territoire des communes adhérentes au syndicat des PFCA mais n'y interviennent pas. Au nord­ouest, l'entreprise Provost à Saint-Renan est titulaire du monopole du service extérieur dans les communes de Saint Renan et Lampaul­Plouarzel ; elle opère également dans les communes environnantes : Lanrivoire, Le Conquet, Plougonvelin, Treouergat, Guipronvel. Un artisan local, M. Piriou, exerce son activité dans la commune de Gouesnou située à la périphérie de Brest. Au nord­est, l'entreprise Galliou intervient à l'extérieur des limites des communes de Brest et de Landerneau. Au sud­est, l'entreprise Leroy opère dans les cantons de Daoulas et du Faou.

Le syndicat des PFCA gère la seule chambre funéraire existant dans l'arrondissement de Brest. Au cours des années 1995 et 1996, cette chambre funéraire a été occupée de la manière suivante :

<emplacement tableau>

D - Les pratiques

1. Les pratiques relevées à l'occasion des déclarations de décès

Le syndicat des PFCA était installé jusqu'à la fin de l'année 1996, 4, rue Augustin Morvan, dans un immeuble qui abritait également la section décès de l'état civil et le service des cimetières de la commune de Brest. L'entrée de l'immeuble et le bureau de réception étaient communs. Les locaux réservés à l'accueil des familles par le syndicat des PFCA n'étaient pas séparés des services de l'état civil.

Le directeur du syndicat était également responsable du service des cimetières, des concessions et des opérations funéraires de la commune de Brest. Son bureau possédait une porte communiquant avec le service de l'état civil et le service des cimetières.

Les documents d'information du public relatifs aux modalités de déclaration des décès diffusés par la ville de Brest indiquaient que les déclarations de décès devaient être effectuées auprès des "Pompes Funèbres Associées, 4, rue Augustin Morvan (tél. 98-00-82-60, urgence 98-41-89-74)". Le second numéro de téléphone mentionné était celui du syndicat des PFCA et figurait également dans l'annuaire téléphonique sous la rubrique "décès service d'urgence".

2. Les pratiques relatives à l'exploitation d'activités commerciales dans le centre funéraire de la Cavale Blanche

Le centre funéraire de la zone artisanale du Vern, géré par le syndicat des PFCA, a été ouvert en janvier 1995. Aucune convention relative à son utilisation ne lie le centre hospitalier de Brest avec le syndicat des PFCA. Le centre funéraire regroupe la chambre funéraire, composée de dix salons et de douze cases réfrigérées, et des locaux commerciaux. Un grand hall d'entrée dans lequel se trouvent un bureau de secrétariat, quelques fauteuils et une table basse formant salle d'attente, ouvre sur un grand couloir qui dessert les salons funéraires. Ces salons sont également accessibles par un couloir donnant directement sur l'aire de stationnement.

Un procès-verbal de constat dressé par huissier le 25 juillet 1996 à la requête de la société des Pompes Funèbres Générales Ouest, a relevé que divers produits funéraires étaient exposés dans le hall d'accueil du centre funéraire de la Cavale Blanche et que des documents publicitaires concernant le syndicat des PFCA étaient mis à la disposition du public dans ce hall d'entrée et sur des banquettes en bois installées entre chaque salon funéraire. Dans une salle d'exposition située à côté du bureau d'accueil, étaient présentés différents modèles de cercueils avec l'indication de leurs prix.

A l'époque des faits constatés, le numéro de la ligne téléphonique du centre funéraire de la Cavale Blanche était celui du syndicat des PFCA à Brest.

3. Les pratiques relatives à l'information du public

L'enquête a établi que les devis établis par le syndicat des PFCA ne distinguaient pas entre les prestations obligatoires et les prestations facultatives et ne précisaient pas que les prestations ne relevant pas du champ de l'exclusivité pouvaient être demandées à d'autres entreprises, contrairement aux dispositions de l'article 3 de l'arrêté n° 85-24 du 18 mars 1985 et de l'arrêté du 19 janvier 1994.

L'enquête administrative a également établi que des cercueils tout équipés, éléments du service extérieur et accessoires confondus, figurant au catalogue du syndicat sans distinction entre les articles soumis à monopole et ceux qui ne le sont pas, étaient présentés dans une salle d'exposition aménagée dans les locaux du syndicat des PFCA situés au n° 4 de la rue Augustin Morvan à Brest.

4. Autres pratiques

L'entreprise saisissante a indiqué que la liste des entreprises locales de pompes funèbres agréées n'était pas affichée dans la chambre funéraire de Kerfautras, que le catalogue et les tarifs du syndicat des PFCA étaient diffusés dans les services de l'état civil de plusieurs communes adhérentes et dans les locaux situés rue Augustin Morvan, et enfin que la facturation et le paiement de la TVA sur les prestations fournies n'étaient pas effectués par le syndicat des PFCA.

II- SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,

Sur la délimitation du marché pertinent :

Considérant, en premier lieu, que les prestations funéraires comportent les prestations du service extérieur, celles qui relèvent du service intérieur dans les édifices religieux et, enfin, les prestations libres ; que ces diverses prestations, eu égard au comportement des familles et aux pratiques des opérateurs appelés à satisfaire la demande, sont indissociables;

Considérant, en second lieu, qu'il est constant que les familles font appel dans la majorité des cas à des entreprises locales pour l'organisation des funérailles;

Considérant, en troisième lieu, que les possibilités de dérogations aux règles du service extérieur des pompes funèbres, prévues par la loi du 9 janvier 1986 susmentionnée, n'existent que lorsque la commune du lieu de mise en bière n'est pas celle du domicile du défunt ou du lieu d'inhumation ou de crémation ; que, dans le cadre de ces dérogations, seuls la régie, le concessionnaire mais aussi, en l'absence d'organisation du service, toute entreprise de pompes funèbres soit de la commune du lieu d'incinération ou de crémation, soit de la commune du domicile du défunt peuvent assurer les prestations du service extérieur concurremment avec la régie ou le concessionnaire de la commune de mise en bière lorsque le service extérieur est organisé ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les décès survenus dans la zone délimitée par la commune de Brest et les six communes environnantes de Plouzané, de Guipavas, du Relecq-Kerhuon, de Landerneau, de Plougastel-Daoulas et de Bohars concernent principalement des personnes domiciliées dans cette zone ; que le service extérieur des pompes funèbres, tel que défini par les dispositions légales en vigueur antérieurement à la loi du 8 janvier 1993, est assuré dans chaque commune, à l'exception de la commune de Bohars, par le syndicat des PFCA jusqu'à la date d'expiration de la période transitoire définie à l'article 28­1 de la loi du 8 janvier 1993 ; que, sur ce territoire, le marché des pompes funèbres présente des caractéristiques telles que l'offre qui émane d'entreprises ou de régies municipales extérieures à cette zone n'est pas substituable, en droit ou en fait, à celle des entreprises locales;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le marché pertinent à prendre en considération comprend l'ensemble des prestations liées au service extérieur et aux prestations libres et correspond géographiquement, en l'espèce, au territoire délimité par les sept communes adhérentes au syndicat des PFCA;

Sur la position du syndicat des PFCA sur le marché de référence :

Considérant, selon les chiffres recueillis au cours de l'instruction et non contestés, que, sur le territoire ainsi défini, le syndicat des PFCA a effectué, au cours de la période 1993 à 1996, entre 1789 et 1928 convois par an, correspondant à un peu moins des deux tiers du nombre total des décès survenus chaque année dans la zone; que, déduction faite du nombre de décès survenus au centre hospitalier de Brest concernant des personnes qui ne sont pas domiciliées dans le territoire pris en considération, cette proportion s'élève à 84 % ; que cette situation est confirmée par les déclarations du président du syndicat des PFCA faites à la presse en octobre 1993, aux termes desquelles il a indiqué que le syndicat assurait à cette date 95 % des obsèques sur la ville de Brest et 100 % sur les autres communes adhérentes;

Considérant que pendant la même période le nombre de convois effectués par la société des Pompes Funèbres Générales Ouest, deuxième intervenant sur la zone, est passé de 200 à 128 ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le syndicat des PFCA occupait à l'époque des faits, une position dominante sur le marché précédemment défini;

Sur les pratiques constatées :

En ce qui concerne l'utilisation des locaux et services des bureaux de l'état civil de la ville de Brest par le syndicat des PFCA :

Considérant que les bureaux réservés à l'accueil des familles par le syndicat des PFCA étaient implantés, jusqu'à la fin de l'année 1996, dans un immeuble situé 4, rue Augustin Morvan à Brest, qui abritait également la section décès de l'état civil et le service des cimetières de la commune de Brest ; que ces locaux étaient desservis par une entrée commune, sans aménagement séparatif ;

Considérant que les bureaux du syndicat des PFCA et la section décès de l'état civil de la commune de Brest disposaient d'un numéro de téléphone commun figurant dans l'annuaire téléphonique sous la rubrique "décès service d'urgence" et dans les documents d'information du public relatifs aux formalités de déclaration de décès diffusés par la commune de Brest ; que ces documents indiquaient que les déclarations de décès devaient être effectuées auprès des "Pompes Funèbres des Communes Associées ­ 4, rue Augustin Morvan" ;

Considérant que le directeur du syndicat des PFCA était également, à l'époque des faits constatés, responsable du service des cimetières, des concessions et des opérations funéraires de la commune de Brest ;

Considérant que ces pratiques créaient une confusion entre la section décès de l'état civil de la commune de Brest et le syndicat des PFCA, confusion propre à orienter les familles des défunts exclusivement vers le syndicat des PFCA, au moment où elles se trouvent dans un état de dépendance lié au désarroi que le décès est de nature à leur causer et à la nécessité d'organiser les funérailles, et à les dissuader de s'adresser à des entreprises de pompes funèbres concurrentes; qu'elles ont eu pour conséquence de créer artificiellement un obstacle à l'entrée sur le marché des entreprises concurrentes du syndicat des PFCA; que ces pratiques, ayant pour objet et pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, mises en œuvre par un opérateur en position dominante sur ce marché, sont prohibées par les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

En ce qui concerne l'exploitation d'activités commerciales dans le centre funéraire de la Cavale Blanche :

Considérant que le centre funéraire de la Cavale Blanche, situé dans la zone artisanale du Vern à Brest, comprend, dans un même bâtiment, des locaux (dix salons funéraires et douze cases réfrigérées) composant la chambre funéraire gérée par le syndicat des PFCA et des locaux commerciaux, dans lesquels sont proposées des prestations de pompes funèbres libres et soumises à monopole exploitées par le syndicat des PFCA ; que différents modèles de cercueils sont présentés avec l'indication de leurs prix dans une salle d'exposition située à côté du bureau d'accueil ;

Considérant que la chambre funéraire est accessible par un couloir ouvrant sur l'aire de stationnement et par un hall d'entrée commun qui dessert l'ensemble des locaux ; que par constat d'huissier en date du 25 juillet 1996, il a été relevé que divers articles funéraires étaient exposés dans ce hall d'entrée ; que des documents de nature publicitaire concernant le syndicat des PFCA étaient mis à la disposition du public dans ce hall d'entrée et sur des banquettes en bois installées entre chaque salon funéraire ;

Considérant, enfin, que, à l'époque de la constatation des faits, le numéro de la ligne téléphonique du centre funéraire de la Cavale Blanche était le même que celui de l'agence du syndicat des PFCA à Brest ;

Considérant que, en admettant même que les locaux dans lesquels le syndicat des PFCA offre des prestations de pompes funèbres puissent être considérés comme distincts de ceux abritant la chambre funéraire, au sens de l'article L. 2223­38 du Code général des collectivités territoriales, l'exposition d'articles funéraires dans le hall d'entrée commun à l'ensemble des locaux, la diffusion de documents de nature publicitaire concernant le syndicat des PFCA dans ce hall d'entrée et dans les espaces séparant les salons funéraires, la présentation de cercueils dans une salle d'exposition située à côté du bureau d'accueil et l'utilisation d'un numéro de téléphone commun au centre funéraire et au syndicat des PFCA, étaient de nature à entretenir la confusion dans l'esprit des familles en les conduisant à associer au service public de la chambre funéraire, l'offre de prestations funéraires proposée par le syndicat des PFCA ;

Considérant que le syndicat des PFCA gère l'unique chambre funéraire implantée sur le territoire délimitant géographiquement le marché pertinent et conserve jusqu'au 9 janvier 1998, date de l'expiration de la période transitoire prévue par l'article 28­1 de la loi du 8 janvier 1993, l'exclusivité de la fourniture des prestations du service extérieur des pompes funèbres telles que définies par les dispositions législatives précédemment en vigueur; que, dans ces conditions, les pratiques mises en œuvre par le syndicat des PFCA dans le bâtiment abritant la chambre funéraire lui permettaient d'orienter artificiellement la clientèle à son profit et constituaient une barrière à l'entrée de ses concurrents sur le marché;

Considérant ainsi que ces pratiques, mises en œuvre par un opérateur en position dominante sur un marché, ayant eu pour objet et pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur ce marché, sont prohibées par les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

En ce qui concerne l'information du public :

Considérant que l'instruction a établi que les devis établis par le syndicat des PFCA, d'une part, ne faisaient pas apparaître le caractère obligatoire ou facultatif des prestations fournies, d'autre part, ne précisaient pas que les prestations ne relevant pas du champ de l'exclusivité pouvaient être demandées à d'autres opérateurs ;

Considérant qu'en n'assurant pas l'information des familles conformément aux dispositions précitées, le syndicat des PFCA ne les mettaient pas en mesure d'exercer librement leur choix entre les divers produits et prestations offertes par les entreprises de pompes funèbres présentes sur le marché;

Considérant que l'instruction a également établi que les cercueils présentés dans les locaux situés 4, rue Augustin Morvan étaient équipés non seulement des accessoires obligatoires mais encore de fournitures libres dont le prix s'ajoute au prix du cercueil et peut entraîner un surcoût important ; que le catalogue présenté aux familles n'indiquait pas clairement la nature facultative ou obligatoire des prestations proposées ;

Considérant que, dans ces conditions, les familles ne disposaient pas des informations claires et détaillées qui leur auraient permis d'exercer un choix éclairé entre les différents opérateurs offrant des fournitures libres, présents sur le marché;

Considérant que ces pratiques ayant pour objet et ayant pu avoir pour effet de fausser la concurrence sur le marché considéré, mises en œuvre par un opérateur en position dominante sur ce marché, sont prohibées par les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Sur la demande de notification de griefs complémentaires concernant ces pratiques :

Considérant que la société Groupement Services Atlantique soutient que chacun des faits relevés devait donner lieu à la notification d'un grief particulier ;

Mais considérant que la notification de griefs adressée au syndicat des PFCA explicite en quoi chacune des pratiques relevées sur le marché pris en considération, examinée distinctement ou en relation avec les autres, avait pour objet ou pouvait avoir pour effet de restreindre le jeu de la concurrence ; qu'ainsi les pratiques constatées ont été qualifiées sur le fondement de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'il n'y a pas lieu en conséquence de renvoyer l'affaire à l'instruction pour notification complémentaire de griefs ;

Sur les autres pratiques alléguées par la société saisissante :

Considérant que la société Groupement Services Atlantique soutient que, en n'appliquant la TVA ni sur les prestations du service extérieur soumises à monopole, ni sur certaines prestations libres, le syndicat des PFCA ne respecterait pas la législation fiscale et que cette pratique lui permettrait de proposer des prix artificiellement bas et de fausser ainsi le jeu de la concurrence ;

Mais considérant qu'en se bornant à alléguer que le syndicat des PFCA ne respecterait pas la législation fiscale, la société saisissante n'apporte aucun élément permettant d'établir que les faits invoqués seraient susceptibles d'entrer dans le champ d'application des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; que le Conseil de la concurrence n'est pas compétent pour faire assurer le respect de la législation et de la réglementation fiscales; que si la société Groupement Services Atlantique se plaint d'une situation de concurrence déloyale et conteste l'application faite en l'espèce de dispositions fiscales, il lui appartient de saisir les juridictions compétentes;

Considérant que la société Groupement Services Atlantique fait également valoir que la liste des entreprises locales de pompes funèbres agréées n'était pas affichée dans la chambre funéraire de Kerfautras ; que le syndicat des PFCA aurait mis en œuvre dans les mairies des communes adhérentes des pratiques de nature à orienter la clientèle ;

Mais considérant que l'instruction n'a pas permis de recueillir d'éléments suffisamment probants permettant d'établir ces pratiques ;

Sur les sanctions :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. 100 du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos" ; qu'en application de l'article 22 alinéa 2, de la même ordonnance, la commission permanente peut prononcer les mesures prévues à l'article 13, les sanctions infligées ne pouvant toutefois excéder 500 000 F pour chacun des auteurs des pratiques prohibées ;

Considérant que pour apprécier la gravité des pratiques constatées, il y a lieu de tenir compte de leur ancienneté et du fait que le syndicat des PFCA jouit d'une forte notoriété liée à son statut d'établissement public ; que, toutefois, les pratiques créant une confusion entre les activités du syndicat des PFCA et celle des services de l'état civil de la ville de Brest ont cessé ; que l'appréciation du dommage à l'économie doit prendre en compte le fait que, par sa position sur le marché en cause, le syndicat des PFCA était en mesure de faire obstacle au développement ou au maintien d'entreprises concurrentes pendant la période transitoire prévue par l'article 28­1 de la loi du 8 janvier 1993 ;

Considérant que les ressources du syndicat intercommunal à vocation unique des PFCA se sont élevées en 1996 à 22 427 914,71 F ; qu'en fonction des éléments tels que ci-dessus appréciés, il y a lieu d'infliger au syndicat des PFCA une sanction pécuniaire de 80 000 F,

Décide :

Article 1er : Il est établi que le Syndicat à vocation unique des pompes funèbres des communes associés de la région brestoise a enfreint les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Article 2 : Il est infligé une sanction pécuniaire de 80 000 F au Syndicat à vocation unique des pompes funèbres des communes associés de la région brestoise