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Décisions

Conseil Conc., 29 avril 1997, n° 97-D-27

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques relevées dans le secteur des pompes funèbres dans le département de la Seine-Saint-Denis

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport de Mme Lise Leroy-Gissinger, par MM. Barbeau, président, Cortesse, Jenny, vice-présidents.

Conseil Conc. n° 97-D-27

29 avril 1997

Le Conseil de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre en date du 2 novembre 1992, enregistrée sous le numéro F 548, par laquelle la société Intermarbres a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques relevées dans le secteur des pompes funèbres dans le département de Seine­Saint­Denis et mises en œuvre par les sociétés Pompes Funèbres Générales et Dumond Frères ; Vu l'ordonnance n° 86­1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86­1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu le code général des collectivités territoriales et le code des communes ; Vu les observations présentées par les sociétés Pompes Funèbres Générales Île­de­France et Intermarbres, ainsi que par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Pompes Funèbres Générales Île­de­France et Intermarbres entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci­après exposés :

I­ CONSTATATIONS

A­ L'organisation du service des pompes funèbres

1. La réglementation

Le service des pompes funèbres comprend le service intérieur, le service extérieur et le service des prestations libres.

Le service extérieur est un service public qui, en application de la loi du 28 décembre 1904, appartenait aux communes. Il comprenait différentes prestations énumérées limitativement par le même article : le transport de corps après mise en bière, la fourniture des corbillards, des cercueils, des tentures extérieures des maisons mortuaires, les voitures de deuil ainsi que les fournitures et le personnel nécessaires aux inhumations, exhumations et crémations. Le contenu actuel de ce service est défini par l'article L. 2223­19 du Code général des collectivités territoriales (ancien article L. 362­1 du Code des communes) dans sa rédaction issue de la loi n° 93­23 du 8 janvier 1993 relative à la législation dans le domaine funéraire. Les prestations relevant du service extérieur comprennent désormais, outre celles prévues antérieurement :

- le transport de corps avant mise en bière ;

- l'organisation des obsèques ;

- les soins de conservation ;

- la fourniture des housses, des cercueils et de leurs accessoires intérieurs et extérieurs ainsi que des urnes cinéraires ;

- la gestion et l'utilisation des chambres funéraires.

Les communes, qui avaient le monopole du service extérieur en application de la loi du 28 décembre 1904, pouvaient assurer ce service, soit directement, soit par entreprise, en se conformant aux lois et règlements sur les marchés de gré à gré et adjudications. Depuis la loi du 8 janvier 1993 précitée, les communes n'ont plus de monopole sur ces activités qui peuvent être assurées, non seulement par les communes ou leurs délégataires, mais aussi par toute entreprise ou association bénéficiaire d'une habilitation délivrée par le représentant de l'Etat dans le département. Toutefois, la loi a prévu que pendant une période de trois ans, les contrats de concession conclus avant sa date de publication continueraient à produire effet jusqu'à leur terme, ceux venant à échéance durant cette période ne pouvant être prorogés ni renouvelés.

Jusqu'à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1987, de la loi n° 86­29 du 9 janvier 1986, les familles ne pouvaient recourir, pour les prestations du service extérieur qu'à l'entreprise implantée dans la commune de mise en bière lorsque celle­ci avait organisé ce service. Pour accroître la liberté des familles, la loi susmentionnée (article R. 362­4­1 du Code des communes) a assoupli les conditions d'exercice du service extérieur des pompes funèbres en prévoyant que "lorsque la commune du lieu de mise en bière n'est pas celle du domicile du défunt ou du lieu d'inhumation ou de crémation, la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles ou son mandataire, si elle ne fait pas appel à la régie ou au concessionnaire de la commune du lieu de mise en bière, (...) peut s'adresser à la régie, au concessionnaire ou, en l'absence d'organisation du service, à toute entreprise de pompes funèbres soit de la commune du lieu d'inhumation ou de crémation, soit de la commune du domicile du défunt". La loi du 8 janvier 1993 a abrogé cet article et supprimé toute restriction imposée aux familles quant au choix de l'entreprise de pompes funèbres.

Aux termes de l'article R. 361­35 du Code des communes, dans sa rédaction antérieure à la réforme de 1993, les chambres funéraires étaient définies comme les lieux destinés à recevoir, avant l'inhumation ou la crémation, le corps des personnes dont le décès n'a pas été causé par une maladie contagieuse. Depuis la loi du 8 janvier 1993, la gestion des chambres funéraires fait partie intégrante du service extérieur. Leur création ou leur extension est autorisée par décision préfectorale après avis du conseil municipal (décret n° 94­1024 du 23 novembre 1994). L'autorisation ne peut être refusée qu'en cas d'atteinte à l'ordre public ou de danger pour la salubrité publique.

Les funérariums, terme qui correspond à une marque déposée par la société Roblot en 1965, sont des lieux qui abritent l'activité privée d'une entreprise de pompes funèbres, celle­ci comprenant aussi bien, selon les cas, des activités liées aux soins de conservation des corps que la mise à disposition des familles de salons privés.

2. Les caractéristiques du marché des pompes funèbres dans le département de Seine­Saint­Denis

La situation de la concurrence dans le département de Seine­Saint­Denis et dans les communes concernées par les saisines doit s'apprécier au moment des faits, qui remontent, pour les plus anciens, au mois de novembre 1989.

Dans le département, vingt­trois communes sont adhérentes au Syndicat des communes de la banlieue de Paris pour les pompes funèbres, qui a concédé le service extérieur des pompes funèbres à la société anonyme Pompes Funèbres Générales, le dernier renouvellement ayant été opéré le 1er octobre 1992 pour une durée de trois ans. Dans quatorze autres communes, qui avaient concédé individuellement le service extérieur des pompes funèbres à la société Dumond, filiale de la société Pompes Funèbres Générales, qui a été absorbée par cette société en 1991, ces contrats sont devenus caducs en 1992 et n'ont pas tous été renouvelés. Le service extérieur est donc libre dans certaines de ces communes depuis l'année 1992. Jusqu'en 1992, l'ensemble des communes du département avait donc concédé le service extérieur des pompes funèbres à une société du groupe PFG et, postérieurement à cette année, ce groupe est resté concessionnaire du service extérieur dans au moins vingt­six communes du département.

Les villes de Montreuil et Bondy sont adhérentes au Syndicat des communes de la banlieue de Paris pour les pompes funèbres, qui a concédé le service extérieur des pompes funèbres à la société Pompes Funèbres Générales. Montfermeil et Livry­Gargan avaient concédé individuellement ce service à la société Dumond Frères. En 1994, les villes de Bondy et Montreuil restaient liées à cette entreprise pour le service extérieur, alors que ce service devenait libre à Livry­Gargan à partir du 1er janvier 1993, et que, en 1995, la ville de Montfermeil envisageait de rétablir un lien contractuel avec une entreprise délégataire, le contrat qui la liait aux pompes funèbres Dumond Frères ayant expiré.

Il existe quatre chambres funéraires dans le département, situées à Montreuil, Villepinte, Montfermeil et Livry­Gargan. Celle de Montreuil était concédée à la société PFG et pour les trois autres, concédées initialement à la société Dumond Frères, les contrats ont été transférés au profit de la société PFG, du fait de l'absorption de la première société par la seconde.

Des établissements de soins ou de séjour, publics ou privés, ont passé des conventions avec les gestionnaires des chambres funéraires du département prévoyant le transfert systématique des corps dans lesdites chambres funéraires. Ainsi, la chambre funéraire de Montreuil, par application d'une convention, reçoit les corps des personnes décédées à l'hôpital intercommunal de cette ville et dans trois cliniques proches, la chambre funéraire de Montfermeil accueille les corps des personnes décédées au centre hospitalier de la ville et à la maison d'accueil des Ormes et la chambre funéraire de Livry­Gargan est liée par convention à une maison de retraite.

Dans chacune des communes concernées par la saisine, les principaux intervenants étaient à l'époque des faits les sociétés Pompes Funèbres Générales (agences de Bondy et Montreuil,), Dumond Frères (agences de Montfermeil et Livry­Gargan), filiale de la première et absorbée par celle­ci en 1991, et la SARL Intermarbres (agences de Bondy et de Montfermeil exploitées sous l'enseigne "Pompes funèbres de la liberté"). Les autres entreprises de pompes funèbres implantées dans ces communes étaient d'une importance mineure.

La société Pompes Funèbres Générales et la société Omnium de Gestion et de Financement (OGF), sa société mère, qui faisaient partie du groupe Lyonnaise des Eaux­Dumez, ont été acquises en septembre 1995 par la société SCI France, filiale à 100 % de la société Service Corporation International, société américaine spécialisée dans le domaine funéraire. En juin 1996, la société PFG a fait apport de ses actifs liés à son activité funéraire en Ile­de­France à la société Prin, qui, par changement de dénomination sociale est devenue la société PFG­Ile­de­France. La société PFG a, ensuite, été absorbée par la société OGF et dissoute.

B­ Les pratiques

1. Le transport des corps en chambre funéraire

Dans les villes de Montreuil, Montfermeil et Livry­Gargan, plusieurs témoignages font état de ce que les frais de transport et de séjour en chambre funéraire sont facturés aux familles par les sociétés du groupe PFG, concessionnaires de la chambre funéraire existant dans chacune de ces communes, sans que ces sociétés ne se soient assurées du consentement effectif et pleinement informé des familles à un tel transfert.

2. L'affiche "Stop aux Mensonges"

L'agence PFG de Bondy a apposé sur sa vitrine une affiche intitulée "Stop aux Mensonges" dont le texte est le suivant : "Dans le respect du droit français et pour assurer la meilleure protection des usagers, le concessionnaire du service public des pompes funèbres offre toujours les meilleures conditions de prix et de qualité : Renseignez­vous , vous en serez convaincus, numéro vert : 05.11.10.10, appel gratuit 24 heures sur 24". Le numéro indiqué est celui de la société PFG. La seule entreprise de pompes funèbres située à proximité de cette agence est la société Intermarbres.

II­ SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,

Sur l'irrecevabilité de la saisine :

Considérant que la société PFG Ile­de­France soutient que la saisine n'était pas appuyée d'éléments suffisamment probants ; que le rapporteur aurait fondé les griefs notifiés sur de "prétendus témoignages sans valeur probante", ce qui serait confirmé par une lettre en date du 20 septembre 1989, de laquelle il résulterait que les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes auraient considéré les faits dénoncés comme insuffisamment probants et que ,dès lors, en application de l'article 19 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le conseil devrait déclarer la saisine irrecevable ;

Considérant, cependant, que les éléments transmis par la société Intermarbres étaient suffisants pour justifier l'instruction du dossier au regard du titre III de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'en outre, la question de savoir si les éléments de preuve sur lesquels le rapporteur a fondé les griefs notifiés sont suffisants pour rapporter la preuve des pratiques dénoncées relève de l'examen au fond de l'affaire ; qu'enfin, l'appréciation portée par la direction générale susmentionnée sur la valeur probante de certaines pièces, quand bien même cette appréciation serait négative, ce que la lettre invoquée, qui est une lettre adressée par la société Intermarbres à la direction générale, ne démontre pas, ne lie ni le rapporteur ni le Conseil de la concurrence ; qu'en conséquence le moyen doit être rejeté ;

Sur la demande d'instruction complémentaire :

Considérant qu'à la suite de l'abandon, au stade du rapport, d'un grief qui avait été notifié à la société PFG-Ile­de­France pour une pratique de discrimination tarifaire au détriment des familles ne faisant pas appel à ses services pour les prestations relevant de l'activité des chambres funéraires, la société Intermarbres sollicite qu'une instruction complémentaire soit ordonnée pour permettre d'analyser la comptabilité et les factures de la société PFG ou, pour le moins, de son agence locale, afin de rapporter la preuve de ces discriminations tarifaires ;

Considérant toutefois que la demande doit être rejetée, les éléments figurant au dossier ne justifiant pas la poursuite d'une instruction sur ce point ;

Sur la délimitation du marché pertinent :

Considérant, en premier lieu, que les prestations funéraires comportent les prestations du service extérieur, celles qui relèvent du service intérieur dans les édifices religieux et, enfin, des prestations libres; qu'eu égard au comportement des familles et aux pratiques des opérateurs, l'ensemble des produits et services funéraires est indissociable; qu'ainsi les services assurés dans les chambres funéraires appartiennent au même marché que celui sur lequel sont proposées les autres prestations funéraires;

Considérant, en second lieu, que si la loi du 9 janvier 1986 susmentionnée a eu pour objet d'élargir les possibilités de choix des familles, il n'en demeure pas moins que, durant la majeure partie de la période examinée, les familles n'avaient aucun choix de l'entreprise de pompes funèbres, s'agissant à tout le moins du service extérieur, lorsque la commune de mise en bière était la même que celle de l'inhumation ou de la crémation et celle du domicile du défunt ; qu'en outre, pour l'organisation des funérailles, il est constant que les familles font appel dans la majorité des cas à des entreprises locales ; qu'il résulte de ces éléments que le marché à prendre en considération, lorsque la commune a organisé le service extérieur, correspond au territoire de ladite commune ; qu'il y a donc lieu de retenir que les marchés pertinents sont le marché des pompes funèbres dans chacune des communes suivantes : Bondy, Livry­Gargan, Montreuil et Montfermeil et que chacun de ces marchés comprend l'ensemble des prestations liées au service extérieur et au service libre ;

Considérant que si la société PFG­Ile­de­France considère que l'instruction n'a pas permis de délimiter le marché pertinent, elle n'apporte aucun élément de fait susceptible d'infirmer la définition ci­dessus retenue ; que cette définition résulte de l'analyse de la demande et de l'offre existante en mesure de satisfaire cette demande compte tenu des caractéristiques du marché ; qu'en particulier, elle ne produit aucune pièce permettant de soutenir l'affirmation selon laquelle le marché inclurait la ville de Paris, eu égard au fait que de nombreux décès de personnes domiciliées dans le département surviendraient dans des hôpitaux parisiens ;

Considérant que la société PFG­Ile­de­France soutient encore vainement que l'intitulé de la saisine et de la notification de griefs visait le marché des pompes funèbres dans l'ensemble du département de Seine­Saint­Denis, dès lors que cet intitulé est sans portée juridique et ne saurait, en tout état de cause, lier le conseil quant à la délimitation du marché pertinent ;

Sur la position de la société mise en cause sur les marchés de référence :

Considérant, en premier lieu, que la part de marché des sociétés concernées, énoncée en pourcentage de convois pris en charge au cours des années pertinentes, s'établit comme suit, selon les chiffres recueillis au cours de l'instruction, et non contestés par la société PFG :

<emplacement tableau>

Considérant, en second lieu, que la société PFG était à la fois concessionnaire du service extérieur dans la totalité des communes du département jusqu'en 1992 et dans la majorité des communes du département en 1994 ; qu'elle était concessionnaire de l'ensemble des chambres funéraires existant dans ce même département, celles­ci étant situées dans chacune de ces communes à l'exception de celle de Bondy ; que plusieurs établissements de soins, publics ou privés, ont passé des conventions avec certaines de ces chambres funéraires pour que les corps des personnes décédées dans ces établissements y soient transférés systématiquement ; que ces sociétés appartenaient au groupe OGF­PFG, qui occupait la première place dans le secteur des pompes funèbres en France et qui faisait lui­même partie, à l'époque des faits, d'un groupe important ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société PFG occupait, à l'époque des faits, une position dominante sur chacun des marchés de référence ;

Sur les griefs notifiés :

En ce qui concerne la facturation des frais de transport et de séjour en chambre funéraire :

Considérant que la société Intermarbres a joint à sa saisine plusieurs courriers émanant de familles qui se plaignent de ce qu'elles ont été appelées à signer une demande de transfert de corps à la chambre funéraire, sans savoir si ce transfert était obligatoire et s'il en résulterait des frais ; que ces attestations concernent deux cliniques de Montreuil et le funérarium de Montreuil (attestations de MM. Fraysse et Chevalier et de Mme Grussen), une maison de retraite de Montfermeil et le funérarium situé dans cette ville (attestation de M. Pasquet) et une clinique de Livry­Gargan et le funérarium de cette commune (attestation de M. Dos Santos) ;

Considérant que la société PFG conteste la valeur probante des attestations susmentionnées, dans la mesure où elles ne satisfont pas aux exigences de l'article 202 du nouveau Code de procédure civile et ne permettent d'avoir aucune certitude sur la véracité des témoignages produits ; qu'elle estime par ailleurs avoir rapporté la preuve de l'attention qu'elle porte au respect de la législation en vigueur en ce qui concerne la prise en charge des frais de transfert et de séjour en chambre funéraire par la production d'une instruction générale adressée à toutes les agences et datée du 21 décembre 1994 ; qu'elle considère encore que l'obligation de vérification mise à sa charge est impossible à satisfaire, dans la mesure où elle interviendrait, faute de pouvoir se dérouler au sein des établissements de soins concernés, une fois le transfert en chambre funéraire effectué et serait, dès lors, sans objet ;

Considérant qu'il résulte des documents susmentionnés que certains établissements de soins situés dans ces communes ont fait transférer les corps des personnes décédées à la chambre funéraire la plus proche et fait signer une demande en ce sens aux familles sans s'assurer de leur consentement ; que les dispositions réglementaires applicables au moment des faits à la prise en charge des frais de transfert et de séjour en chambre funéraire prévoyaient que "lorsque le transfert à une chambre funéraire du corps d'une personne décédée dans un établissement de santé public ou privé a été opéré à la demande du directeur de l'établissement, les frais résultant du transport et du séjour à la chambre funéraire sont à la charge de l'établissement" (article R. 361­40 alinéa 1 du Code des communes, dans sa rédaction résultant du décret n° 87­28 du 14 janvier 1987) ; qu'un décret du 23 novembre 1994 a limité la prise en charge des frais par l'établissement aux trois premiers jours suivant le décès ;

Considérant que, s'il appartient au concessionnaire de la chambre funéraire de s'assurer que les familles auxquelles sont facturés des frais de transfert et de séjour en chambre funéraire ont bien signé une demande tendant à un tel transfert, il ne peut être reproché au concessionnaire un défaut d'information des familles alors qu'il n'est en général pas en relation avec celles­ci avant que le corps du défunt ne soit transféré à la chambre funéraire et alors que ce sont les établissements de soins qui, les premiers en contact avec les familles, proposent le transfert des corps des personnes décédées en chambre funéraire ; qu'il en résulte que, dans ces circonstances, la pratique dénoncée ne peut constituer un abus de position dominante, au sens de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

En ce qui concerne l'affiche "Stop aux Mensonges" :

Considérant que la société saisissante a transmis un constat d'huissier assorti d'une photographie faisant apparaître sur la vitrine de l'agence de pompes funèbres PFG de Bondy une affiche intitulée "Stop aux Mensonges" dont le texte est le suivant :

"Dans le respect du droit français, pour assurer la meilleure protection des usagers, le concessionnaire du service public des pompes funèbres, offre toujours les meilleures conditions de prix et de qualité : renseignez­vous, vous en serez convaincus, numéro vert 05.11.10.10 appel gratuit 24 heures sur 24" ;

Considérant qu'en apposant une telle affiche le concessionnaire du service public tire argument de cette qualité, d'une part, pour affirmer qu'il pratique, pour toutes les prestations, y compris celles soumises à la concurrence, les prix les plus compétitifs et les prestations les meilleures et, d'autre part, pour laisser penser que ce qui est présenté comme avantageux par ses concurrents, et de fait par son concurrent le plus direct, la société Intermarbres, n'est pas exact, seul le concessionnaire du service public pouvant offrir un service de qualité et de coût modéré à la clientèle ; qu'une telle pratique, de nature à dissuader la clientèle de s'adresser à ses concurrents, a pour objet et a pu avoir pour effet de fausser la concurrence sur le marché ;

Considérant que la société PFG­Ile­de­France soutient que le grief notifié à ce titre ne peut être maintenu en raison du fait que le constat d'huissier évoqué ci­dessus n'était pas joint au rapport ;

Mais considérant, d'une part, que la photographie de la vitrine où figurait l'affiche est annexée au rapport et que, d'autre part, cette société n'a jamais contesté la matérialité de l'existence de ladite affiche et son contenu ; que, de surcroît, elle a pu consulter le constat d'huissier et la photographie en cours de procédure conformément aux dispositions de l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'il en résulte que ce moyen n'est pas fondé ;

Considérant enfin que la société mise en cause ne peut tirer argument du fait que la pratique pourrait éventuellement constituer un acte de concurrence déloyale pour contester qu'elle puisse être qualifiée au regard de l'article 8 de l'ordonnance susmentionnée, dans la mesure où ces deux qualifications sont indépendantes et où une pratique de concurrence déloyale, ayant un objet ou pouvant avoir un effet anticoncurrentiel, peut être qualifiée sur le fondement des articles 7 ou 8 de ladite ordonnance ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société PFG, en apposant l'affiche "Stop aux Mensonges", a mis en œuvre une pratique ayant pour objet et pouvant avoir pour effet de fausser la concurrence sur le marché ; qu'une telle pratique est contraire aux dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Sur l'imputabilité de la pratique :

Considérant que la pratique reprochée a été le fait de la société Pompes Funèbres Générales qui a été dissoute à la suite de son absorption par la société Omnium de Gestion et de Financement le 28 juin 1996 ; qu'avant cette absorption, elle avait fait apport de l'ensemble de sa branche d'activité relative au secteur funéraire en Ile­de­France à la société PRIN, devenue, par changement de dénomination, la société PFG­Ile­de­France, société a laquelle ont été notifiés les griefs ; qu'en conséquence la pratique doit être imputée à la société PFG­Ile­de­France ;

Sur les sanctions :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos" ;

Considérant que l'appréciation du dommage à l'économie doit prendre en compte le fait que, par sa position sur les marchés en cause, la société concernée est en mesure de faire obstacle au développement ou au maintien d'entreprises concurrentes ; que toutefois cette société a communiqué, dans ses observations, une instruction générale adressée aux agences du groupe PFG en décembre 1994 qui témoigne de la vigilance de la société mise en cause à l'égard de la bonne application des textes en matière funéraire ;

Considérant que, pour apprécier la gravité de la pratique constatée, il y a lieu de tenir compte du fait que la société PFG était concessionnaire d'un service public et jouissait d'une forte notoriété ; que, par son comportement et dans le contexte juridique en vigueur au moment des faits, elle a réduit le degré de concurrence possible ; que les familles des défunts se trouvent au moment où elles accordent leur confiance à une entreprise de pompes funèbres dans un état de dépendance lié, d'une part, à la nécessité d'organiser les funérailles dans un délai souvent rapide et, d'autre part, au désarroi que le deuil est de nature à causer ; qu'il doit cependant être tenu compte du fait qu'une seule pratique est retenue à l'encontre de la société et que celle­ci concerne un fait dont rien ne laisse supposer qu'il se soit répété ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'infliger à la société PFG­Ile­de­France, dont le chiffre d'affaires est, pour le dernier exercice disponible, de 653 millions de francs, une sanction pécuniaire de 200 000 F,

Décide :

Article 1 : Il est établi que la société PFG­Ile­de­France, venant aux droits et obligations de la société Pompes Funèbres Générales, a enfreint les dispositions du 1 de l'article 8 de l'ordonnance n° 86­1243 du 1er décembre 1986.

Article 2 : Une sanction pécuniaire de 200 000 F est infligée à la société PFG­Ile­de­France.