CA Paris, 1re ch. H, 15 mai 1998, n° ECOC9810145X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Primistères Reynoird (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Feuillard
Avocat général :
M. Woirhaye
Conseillers :
Mmes Marais, Riffault
Avoué :
SCP Bernabe-Ricard
Avocat :
Me Milchior.
Saisi par le ministre de l'Economie de pratiques commerciales mises en œuvre par la société Primistères Reynoird SA dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane, le Conseil de la concurrence, par décision n° 97-D-20 du 25 mars 1997, a dit qu'il était établi que la société Reynoird, aux droits de laquelle vient la société Primistères Reynoird, avait enfreint les dispositions du 1 de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et lui a infligé une sanction pécuniaire de 2,7 millions de francs, a dit que le SPRAG (syndicat des producteurs de rhum agricole de la Guadeloupe) avait enfreint les dispositions de l'article 7 de la même ordonnance et lui a infligé une sanction pécuniaire de 7 000 F.
Il est fait référence à la décision du Conseil pour la connaissance du secteur d'activité concerné ainsi que des faits qui ont été constatés et des personnes morales ou physiques qui sont en cause.
La société Reynoird, importante entreprise dans le secteur de la grande distribution alimentaire aux Antilles et en Guyane, était dirigée début 1990 par M. Lionel de Lavigne.
Le groupe Hayot, dirigé par M. Bernard Hayot, comprend plusieurs entreprises de négoce et de production dans les départements d'outre-mer. Avant 1990, il n'était présent dans la grande distribution qu'en Martinique (enseigne Euromarché).
En septembre 1984, un accord a été signé entre les groupes Reynoird et Hayot pour la réalisation d'un centre commercial régional en Guadeloupe (à Destrellan, commune de Baie-Mahault). Une mésentente se serait manifestée en août 1985 sur le choix de l'enseigne. La recherche d'un compromis n'a pas abouti.
Par la suite, la société Reynoird a pris, en février-mars 1990, la décision de cesser ses relations commerciales avec l'ensemble des sociétés industrielles et commerciales du groupe Hayot en procédant au déréférencement des produits fabriqués ou distribués par ces entreprises.
Une instance judiciaire a été, en mai 1990, introduite par Reynoird à propos de sa participation au centre commercial de Baie-Mahault. Reynoird a été déboutée de l'ensemble de ses demandes par un jugement du 26 mars 1991 du Tribunal de commerce de Fort-de-France, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de cette ville du 19 mars 1993.
Le Conseil a considéré que le fait, pour la société Reynoird, qui détenait une position dominante, de cesser ses relations avec les sociétés du groupe Hayot constituait un abus anticoncurrentiel.
Il a par ailleurs sanctionné le SPRAG, organisme professionnel, pour la fixation d'un prix conseillé et la limitation d'une ristourne annuelle.
La société Primistères Reynoird a formé un recours en annulation, subsidiairement en réformation de la décision du Conseil.
Il est renvoyé à son mémoire (66 pages) déposé le 13 juin 1997 pour la connaissance complète des moyens et arguments développés.
La requérante fait valoir pour l'essentiel que de "graves violations de fait et de droit" ont été commises par la décision qu'elle critique et que :
Au niveau des "constatations", le Conseil a présenté une relation infidèle en ce qui concerne :
- les parties : le chiffre d'affaires du groupe Hayot étant même supérieur à celui de Primistères Reynoird et la biscuiterie Girard étant un établissement industriel et non une entreprise ;
- le secteur d'activité : en se référant seulement à l'étude de l'IEDOM relative à la Guyane et encore seulement à certains passages de cette étude ;
- les faits : en ne relevant pas la mauvaise foi de la part du groupe Hayot pendant plus de cinq ans et en donnant une apparence d'unité aux seuls événement de 1990.
Au plan de la procédure, de "graves violations" affectent :
- la prise de décision du Conseil, par l'omission d'information de la convocation devant une simple section alors que l'affaire était complexe, ce qui constituait "immanquablement un préjugement défavorable à la cause" alors, au surplus, que la composition de la section n'était pas conforme aux dispositions qui règlent le fonctionnement du Conseil, et le prononcé d'une sanction lourde par une "simple section" dans une affaire complexe relevant normalement de la formation plénière ;
- la décision elle-même, par le refus du Conseil de prendre en compte la prescription, alors que les procès-verbaux ont été rédigés dans le cadre d'une enquête présentée comme étant "générale" et que, si l'hypothèse inverse devait être retenue par la cour, il y aurait lieu de considérer qu'il "s'agit d'une enquête particulière qui "n'a pas respecté les règles qui s'imposaient", par le refus du Conseil de prendre acte des violations manifestes de procédure observées (par Primistères Reynoird) pendant l'enquête et l'instruction et de tirer les conséquences des manquements qu'il a constatés ;
- les vices entachant la décision pouvant se résumer en une "atteinte portée au principe du respect du contradictoire" par atteinte au principe de l'égalité des armes et atteinte au droit à un procès équitable.
Sur le fond, la requérante soutient que l'analyse du Conseil est erronée dans le calcul de la part de marché pour caractériser la position de Primistères Reynoird ; qu'il n'est pas établi qu'elle a eu une position dominante sur les marchés de l'approvisionnement ; que les autres critères ne sont pas davantage réunis ; que les faits qui lui sont reprochés ne sauraient être qualifiés ni de "boycott", ni de déréférencement sanctionnable.
A titre subsidiaire, elle entend relever les "graves violations du dispositif de la décision au regard de la condamnation", critiquant la décision du Conseil en ce qui concerne le chiffre d'affaires pris en considération pour le calcul de la sanction pécuniaire et le principe de proportionnalité qui aurait été violé.
Primistères Reynoird conclut en conséquence à l'annulation de la décision, subsidiairement à sa réformation sur le prononcé d'une sanction de 2,7 MF, et demande à la cour, très subsidiairement, de constater l'acquisition de la prescription au jour de la saisine du Conseil et/ou d'annuler la décision "en raison des différents manquements commis" au cours de l'enquête, à tout le moins, d'écarter l'annexe 6 du rapport, encore plus subsidiairement :
- d'écarter onze annexes du rapport et de constater subséquemment l'absence de preuve des abus reprochés ;
- de constater les graves violations du secret des affaires et d'annuler en conséquence la procédure subséquente ;
- de manière infiniment subsidiaire, de constater le "non-respect partiel" de l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, la procédure fondée sur l'article 8-1 devant être déclarée comme "devenue sans objet" ;
- de manière définitivement subsidiaire, de constater que les conditions d'application de l'article 8-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne sont pas réunies, de dire que le grief d'abus de position dominante n'est pas fondé, de dire que "l'amende ne pourra excéder la somme de 89 963 F" et de condamner le ministre de l'Economie aux dépens.
Le Conseil de la concurrence a présenté des observations écrites.
Le ministre de l'Economie a conclu à la confirmation de la décision du Conseil.
La société Primistères Reynoird a répliqué pour demander le bénéfice de son précédent mémoire et la condamnation du ministre de l'Economie à lui rembourser la somme de 2,7 MF, avec "intérêts de droit" à compter du jour du paiement y compris les frais de "cautionnement bancaire".
Le Ministère public a conclu oralement au rejet des demandes et prétentions de Primistères Reynoird.
La société Primistères Reynoird a répondu aux arguments du Ministère public par une note en délibéré du 16 janvier 1998 et une note complémentaire du 23 mars 1998.
Sur quoi, LA COUR :
Considérant que les éléments de l'argumentation de la requérante seront examinés dans l'ordre de leur présentation dans son mémoire et dans le volumineux dossier que son conseil a remis à la cour, même lorsque les arguments ne peuvent aucunement être regardés comme des moyens de fait ou de droit et sans qu'il y ait lieu de s'arrêter aux difficultés d'interprétation dues notamment à un déroulement non linéaire de la pensée ;
Qu'ainsi devrait être évitée toute tentative ultérieure tendant à découvrir un moyen - réellement présenté - auquel il n'aurait pas été répondu ou une recherche - réellement demandée - à laquelle il n'aurait pas été procédé ;
Sur les constatations opérées par le Conseil de la concurrence :
Considérant que la requérante reproche au Conseil d'avoir "fâcheusement" donné l'impression que le conflit en cause concerne deux parties inégales, alors que le chiffre d'affaires du groupe Hayot est même supérieur à celui de Primistères Reynoird ;
Mais, considérant que, sous réserve de la caractérisation d'une position dominante, cet argument n'est pas exact ; qu'il est en outre sans portée ;
Considérant que la requérante reproche au Conseil d'avoir considéré la "biscuiterie Girard" comme une "partie" alors qu'il ne s'agit pas d'une "entreprise" mais seulement d'un établissement industriel ;
Mais considérant que seule une lecture orientée autorise à dire que le Conseil a regardé cet établissement comme une entreprise, "partie" concernée par l'affaire, alors qu'il n'a nullement été présenté comme distinct de la personne morale, la société SODICAR, dont il constitue un actif, étant observé que la référence au chiffre d'affaires de la biscuiterie n'est que l'illustration de la baisse d'activité de l'établissement ;
Qu'au surplus l'argument est sans portée, la requérante étant elle-même dans l'incapacité d'en "tirer les véritables conséquences" ainsi qu'elle en fait le grief au Conseil ;
Considérant que la requérante fait un procès d'intention au Conseil en lui reprochant une lecture partiale et/ou tronquée du rapport de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) au sujet de la spécificité du secteur d'activité ;
Qu'elle procède elle-même à une lecture du document à son avantage en insistant sur le monopole "apparent" des grandes surfaces à dominante alimentaire en Guyane, alors que ce département n'est pas le seul concerné par les faits qui ont été relevés, ce qui rend sans conséquence l'erreur qu'elle prétend commise par le Conseil au sujet de sa part de marché sur ce territoire, 16,7 % réels au lieu des 97 % indiqués, alors qu'elle ne précise pas, à ce stade de ses explications, à quelle occasion le Conseil aurait commis cette erreur et s'abstient de relever que le même document précise que le groupe Primistères Reynoird possède en Guyane quatre grandes surfaces généralistes à dominante alimentaire, lesquelles représentent une surface de 7 552 mètres carrés sur un total de 8 587 mètres carrés, soit 87,94 % de ce marché ;
Considérant que la requérante fait grief au Conseil d'avoir "isolé artificiellement" les faits reprochés à Reynoird de la rupture, par le groupe Hayot, de ses engagements souscrits le 13 septembre 1984 ; qu'elle affirme notamment que le protocole d'accord constitue "l'événement majeur, en l'absence duquel aucun fait postérieur ne peut être compris ni restitué à sa juste place" ; qu'elle ajoute que la "mauvaise foi continue du groupe Hayot pendant plus de cinq ans n'est malheureusement pas rapportée par le Conseil alors que c'est cet événement qui constitue, non seulement le point de départ, mais la cause du litige" ;
Qu'elle n'hésite pas, dans le même temps, à reprocher au Conseil de s'être référé aux décisions de justice qui ont débouté Reynoird de l'ensemble de ses demandes, au motif que ces décisions sont intervenues postérieurement aux faits qui lui sont imputés ;
Mais, considérant que le Conseil n'était pas saisi d'un litige privé entre les parties et a donné du différend ayant opposé Reynoird au groupe Hayot des précisions suffisant à la compréhension des circonstances factuelles qui ont précédé ou accompagné les pratiques qu'il a sanctionnées ;
Que, pour le surplus, l'inanité des affirmations de Primistères Reynoird résulte de leur énoncé même ;
Sur la procédure :
Sur l'examen de l'affaire par le Conseil de la concurrence :
Considérant que la requérante soutient que, l'affaire à lui soumise étant complexe et une sanction lourde ayant été demandée par le ministre, le Conseil aurait dû statuer en formation plénière et non en section ;
Qu'elle affirme notamment que deux questions étaient nouvelles : un établissement industriel peut-il être considéré comme une entreprise dépendante au sens de l'article 8-2 de l'ordonnance ? Est-il possible de cumuler une poursuite sur le fondement de l'article 8-2 (abus à l'encontre dudit établissement) et une poursuite au titre de l'article 8-1 (abus à l'encontre de la société ou du groupe auquel appartient l'établissement) ?
Qu'elle ajoute que la longueur de l'instruction et les hésitations du rapporteur, lequel a "continuellement changé" les griefs notifiés, font ressortir encore la complexité de l'affaire ;
Mais considérant que les motifs d'opportunité invoqués par la requérante ne peuvent fonder un recours en annulation ou en réformation de la décision du Conseil ;
Que, pour apprécier la "nouveauté" prétendue des deux questions mentionnées ci-dessus, il suffit, notamment, de se reporter à ce qui a été dit plus haut au sujet de la biscuiterie Girard ;
Que les prétendues hésitations du rapporteur au sujet des griefs notifiés ne sont que la traduction de l'application des règles présidant au déroulement de l'instruction ;
Considérant encore que ce ne peut être que par abus de langage que la requérante considère que le fait de regarder l'affaire comme non complexe "était déjà la condamner" ;
Qu'il n'est pas sans intérêt d'observer d'ailleurs que la complexité relative de l'affaire, telle qu'elle se présente devant la cour, résulte surtout d'une stratégie délibérée de Primistères Reynoird ;
Considérant encore que la requérante ne peut valablement se plaindre de n'avoir pas été avisée que l'affaire allait être examinée par une section du Conseil, aucun texte ne prévoyant un tel avertissement et la requérante ne pouvant, sans abus, prétendre que cette absence d'information "constituait immanquablement un préjugement défavorable à la cause" alors qu'elle ne prétend pas avoir, au début de la séance de la section, présenté des observations à ce sujet et sollicité une décision de renvoi à la formation plénière ;
Considérant enfin que la requérante ne prétend pas réellement que la composition de la section ou la désignation de ses membres auraient été irrégulières ;
Considérant que la requérante paraît encore reprocher au Conseil, à propos des circonstances qui viennent d'être évoquées, une atteinte "intolérable" aux droits de la défense sans que la cour soit en mesure de discerner si ce grief constitue une "plus-value" en forme de conclusion ou s'il est fondé sur des faits distincts de ceux qui ont été examinés ci-dessus ;
Considérant que, poursuivant sa critique de la décision du Conseil en ce qu'elle émane d'une section, la requérante estime qu'une "simple section" constitue un "forum (...) encore moins approprié pour prononcer une sanction lourde dans ce genre d'affaire" ;
Mais considérant que la cour ne peut que renvoyer aux motifs qui précèdent ;
Considérant que la requérante discute encore le caractère de "mesure d'administration interne" de la décision du président du Conseil de renvoyer une affaire à la connaissance d'une section ; que cette décision constituerait, selon elle, une "mesure décisoire, susceptible de recours et relevant pour le moins du "contrôle minimum", ce contrôle s'imposant dans le cadre d'"une erreur manifeste d'appréciation" ;
Mais considérant que, sur ce point aussi, la cour ne peut que renvoyer aux motifs qui précèdent ;
Sur la prescription et la régularité des procès-verbaux d'auditions et de déclarations :
Considérant que la requérante expose que les faits poursuivis remontent à une époque comprise entre février et avril 1990, le Conseil ayant été saisi par une lettre du ministre du 5 juillet 1994 ;
Qu'elle soutient que la prescription était acquise à la date de la saisine au motif que les procès-verbaux d'audition qui ont été dressés en octobre, novembre et décembre 1991 concernaient une "enquête générale" et n'ont pu interrompre le cours de la prescription ;
Qu'elle se réfère à ce sujet à la notion de "pratiques (anticoncurrentielles) de la grande distribution dans les départements d'outre-mer", visées dans la lettre de saisine, laquelle se réfère spécialement aux pratiques du groupe Primistères Reynoird, et à celle d'"enquête dans le secteur de la grande distribution dans les DOM" mentionnée en objet de rapports ou notes tout en faisant, semble-t-il, grief au Conseil de n'avoir pas estimé qu'il s'agissait "en réalité" d'une "enquête particulière" puisque portant sur "la seule société Reynoird, ses concurrents et fournisseurs n'étant interrogés que dans ce but", les procès-verbaux "faussement présentés comme généraux", étant "entachés d'irrégularités et ne "pouvant" donc être considérés comme des actes interruptifs de prescription" aux motifs que les formalités de l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'ont pas été respectées et qu'il "n'a pas été précisé explicitement ou implicitement qu'il ne s'agissait pas d'une enquête générale" ;
Considérant, en synthèse, que Primistères Reynoird paraît estimer que "si, par extraordinaire, la cour considérait que l'enquête en cause n'était pas "générale" et que les faits en conséquence n'étaient pas prescrits, elle ne pourra que tirer les conséquences du fait qu'il s'agit d'une enquête "particulière" qui n'a pas respecté les règles qui s'imposaient dans cette hypothèse" ;
Considérant que, au-delà de la compréhension de l'argumentation de la requérante à propos de laquelle aucune certitude n'est autorisée, les contradictions ci-dessus relevées de Primistères Reynoird enlèvent à ses arguments, à supposer qu'ils l'eussent, tout caractère de moyen que la cour devrait examiner ;
Que, pour vider la vaine querelle entretenue par la requérante à ce sujet, il suffit de constater que les procès-verbaux répondent aux exigences de précision et de loyauté qui les mettent à l'abri de toute critique qui devrait être reconnue fondée ;
Considérant que la volonté de la cour d'examiner l'intégralité de l'argumentation de Primistères Reynoird ne peut toutefois justifier l'énoncé des menus détails qui sont seulement la traduction de la volonté persistante de la requérante, en l'absence de griefs réels, de tenter, mais vainement, de découvrir la faille salvatrice permettant d'obtenir l'annulation d'une partie de l'enquête ou de la procédure d'instruction ;
Considérant, spécialement, que la requérante prétend vainement que des personnes entendues au cours de l'enquête par procès-verbal n'ont pas été informées de l'"objet véritable" de l'enquête ;
Considérant en effet que, dans la mesure où cette allégation reposerait sur le caractère "général" ou "particulier" de l'enquête, il y a lieu de se reporter à ce qui est dit ci-dessus ;
Que, dans la mesure où elle reposerait sur l'absence de mention de l'objet de l'enquête en tête des procès-verbaux, il suffit de relever que, pour chacun des procès-verbaux critiqués, les agents de l'administration ont "indiqué l'objet de [l']enquête" à la personne entendue, ainsi qu'il résulte des énonciations des actes et que les auditions ont bien porté sur les pratiques dans le secteur de la grande distribution dans les départements d'outre-mer, les personnes entendues ayant signé, sans protestation ni réserve et après lecture, les procès-verbaux de leurs auditions ;
Que le contenu même des déclarations recueillies établit que l'objet de l'enquête était précis et univoque, circonstance excluant toute erreur ou hésitation à ce sujet de la part des personnes entendues ;
Qu'il est d'ailleurs curieux que la demande de Primistères Reynoird d'annulation paraisse viser, à ce stade de ses explications, seulement des procès-verbaux des 20 novembre et 18 décembre 1991 alors qu'ils ne sont pas les seuls actes critiqués ;
Que, devant le Conseil, Primistères Reynoird demandait la nullité de toute la procédure d'enquête et de la procédure subséquente ;
Qu'il doit être relevé que le Conseil a écarté les procès-verbaux lorsqu'il est apparu qu'ils ne mentionnaient ni l'objet de l'enquête, ni le cadre dans lequel se déroulait cette enquête ; qu'il en a été ainsi de deux procès-verbaux des 20 novembre 1991 et 22 janvier 1992 ;
Considérant, pour le surplus, que l'incantation au sujet des "actes répétés de tromperie" sur l'objet de l'enquête, caractérisant une "atteinte aux droits de la défense", peut seulement donner une coloration à l'argumentation de Primistères Reynoird ;
Que la cour adopte les motifs non contraires du Conseil qui a procédé à une analyse précise des procès-verbaux dont la régularité était critiquée ;
Sur la régularité de la procédure d'instruction :
Considérant que la requérante prétend que le Conseil n'a avancé que des arguments inopérants au sujet de la violation du secret des affaires ;
Qu'elle paraît essentiellement reprocher au Conseil ou à son rapporteur de n'avoir pas su ou pu éviter la consultation de documents ou renseignements confidentiels par le SPRAG ;
Mais considérant que, si les missives versées et les arguments développés par Primistères Reynoird devant la cour concernent bien une demande de protection de la confidentialité des documents communiqués par cette société notamment à la DNEC, la réquérante ne critique pas réellement les énonciations de la décision du Conseil au sujet des mesures prises, d'où il résulte que les dispositions de l'article 23 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ont reçu une application effective et régulière ;
Qu'au surplus il n'est pas contesté que le SPRAG n'a pu avoir, d'aucune manière, connaissance des documents retirés du dossier ni des informations occultées dans le rapport administratif en exécution de la décision du président du Conseil du 13 août 1996 ; qu'il s'ensuit que le moyen manque en fait devant la cour comme il manquait déjà en fait devant le Conseil ainsi que la décision critiquée l'a pertinemment relevé ;
Que, prenant sans doute conscience de cette évidence, Primistères Reynoird a déclaré, dans sa note en délibéré du 16 janvier 1998, renoncer au moyen relatif à la violation du secret des affaires ;
Considérant encore que la requérante, qui se réfère, mais de manière globale et incantatoire, à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, ne précise nullement en quoi des règles communautaires de protection du secret des affaires, de fond ou de procédure, auraient été violées en l'espèce par le Conseil ;
Considérant que la requérante continue devant la cour, mais de manière dérisoire, d'invoquer des "manquements au principe de loyauté" au motif d'une "dénaturation des faits rapportés" ou même d'une "amputation de(s) pièces fondamentales", dès lors qu'elle ne prétend pas réellement que le rapport à elle notifié n'a pas été accompagné des documents sur lesquels se fondait le rapporteur ni qu'elle n'a pas eu accès de manière régulière à l'intégralité des pièces du dossier ;
Que l'affirmation selon laquelle l'absence de jonction des annexes du rapport administratif, lui-même annexé au rapport du rapporteur, lui serait préjudiciable au motif que "seules ces annexes permettaient au Conseil et aux parties de discuter des faits reprochés en sachant précisément quels sont les éléments qui pourraient être retenus à charge ou à décharge" est, compte tenu de ce qui précède en tout cas, vide de sens ;
Considérant que, pour faire bonne mesure, la requérante paraît réitérer, devant la cour, sa demande présentée au Conseil tendant à la constatation de la nullité de toute la procédure d'enquête et d'instruction, par suite celle de la procédure subséquente, au motif semble-t-il, en définitive, d'une "fraude procédurale", les violations du principe du contradictoire, de la règle de l'égalité des armes et du droit à un procès équitable n'étant sans doute brandies, in fine, qu'en raison de la circonstance que leur absence dans le débat eût paru suspecte ;
Considérant qu'il doit être observé que la requérante n'hésite pas à invoquer une prétendue "ambiguïté" résultant du fait que la notification des griefs fait état, dans les motifs, du marché de la grande distribution "en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane" alors que, au niveau du dispositif, est évoqué le marché de la grande distribution "dans la zone Antilles-Guyane"... ;
Que relève de la même veine le grief relatif au non-versement "volontaire de la lettre du ministre du 12 juillet 1991 déclenchant l'enquête", par laquelle il apparaîtrait que "l'enquête prétendûment générale fut en fait une enquête "inspirée" alors que la communication de ce document administratif interne n'est exigée par aucune règle ni aucun principe et que la requérante, qui emprunte la notion mais non l'analyse à un auteur, n'indique pas en quoi l'"inspiration" de l'enquête par l'administration centrale serait préjudiciable aux droits de la défense ;
Considérant enfin que la requérante, sous réserve de ce qui a été dit précédemment, ne remet pas en cause réellement la préservation des droits de la défense à l'occasion du débat contradictoire lors de la séance du Conseil ;
Sur le fond :
Sur la position dominante de la société Reynoird :
Considérant que la requérante ne discute pas la délimitation des marchés de référence retenus par le Conseil, le marché pertinent étant celui des produits alimentaires et autres biens de consommation courante, offerts par des hypermarchés ou supermarchés dans les trois départements d'Amérique, chacun de ceux-ci constituant un marché géographique distinct ;
Considérant cependant qu'elle impute au rapporteur et, à sa suite, au Conseil des erreurs ayant consisté à calculer les parts de marchés de Reynoird en se basant sur les seules données concernant la "distribution alimentaire" alors que les marchés concernés sont ceux de la distribution alimentaire "et" non alimentaire ;
Que, pour déduire les prétendues erreurs commises, elle met en avant les statistiques des observatoires départementaux d'équipement commercial (ODEC) alors que ces statistiques concernent seulement les surfaces de vente et incluent les grandes surfaces spécialisées (équipement de la maison, jardinerie, bricolage, loisirs...), peu important dès lors que, mises à jour à la fin de l'année 1993, elles ne se rapportent pas seulement à cette époque, et alors que le Conseil s'est appuyé sur les données recueillies au cours de l'enquête, lesquelles concernent les surfaces de vente mais aussi les chiffres d'affaires réalisés sur le marché de la grande distribution en général, comprenant donc bien les produits non alimentaires, et se rapportent, de manière certaine, à une période, fin de l'année 1990, proche des dates de commission des pratiques sanctionnées ;
Considérant que la requérante invoque, de nouveau, les "spécificités antillaises et guyanaises" et l'étude de l'institut d'émission des départements d'outre-mer ;
Qu'il suffit de renvoyer à ce qui a été indiqué plus haut au sujet spécialement de la Guyane et à ce qui est dit ci-dessus, peu importent que, selon Primistères Reynoird, le ministre ait "reconnu tardivement" ces spécificités, lesquelles ne concernent que la diversité des formes de commerce existant à côté de la grande distribution et n'ont donc pas d'incidence sur l'appréhension de la situation en cause ;
Considérant qu'il s'ensuit que Primistères Reynoird critique vainement les parts de marchés retenues par le Conseil, ses "données rectifiées" proposées à la cour devant être écartées ;
Considérant, certes, que la requérante ne consteste pas que l'abus peut exister sur un marché dérivé ou connexe, en l'espèce celui de l'approvisionnement, sur lequel il n'y aurait pas de position dominante ;
Que la confirmation, dans sa note en délibéré du 16 janvier 1998 (p. 7 in fine), qu'elle n'a jamais soulevé un moyen de contestation à ce sujet était utile compte tenu du sens apparent de son mémoire et même des arguments maintenus dont il est question ci-après ;
Considérant en effet que, par sa critique de l'analyse du marché de l'approvisionnement par le Conseil, Primistères Reynoird tente de faire apparaître une contradiction entre la position qu'il aurait adoptée dans l'espèce et son avis du 10 septembre 1996 selon lequel "il existe un marché unique de l'approvisionnement pour les produits de consommation courante et qu'il n'y a pas lieu de distinguer ce marché selon les catégories de commerces", le but recherché étant une minimisation radicale des parts de Reynoird sur le marché de l'approvisionnement en tenant compte de la distribution des produits de consommation courante par toutes formes de commerce, y compris les commerces de détail alimentaires ;
Considérant que, outre que cette tentative est sans objet dès lors que la requérante ne discute pas le principe rappelé ci-dessus, la cour se doit de dénoncer le procédé qui consiste à se saisir du pluriel utilisé pour les "marchés connexes" dans la phrase : "qu'il y a lieu de s'assurer que la société Reynoird n'a pas notamment abusé de cette position sur les marchés connexes de l'approvisionnement" (décision page 13) alors que ce pluriel ne vise que les marchés, géographiquement distincts, de la Guadeloupe et de la Guyane ;
Qu'il ne peut s'agir en l'espèce d'une simple erreur de lecture ;
Considérant que Primistères Reynoird soutient que la part de marché ne constitue qu'un indice mais ne peut suffire à prouver la réalité d'une position dominante ; que le critère "synthétique fondamental" pour déterminer si une entreprise est en position dominante est l'indépendance du comportement ; que le critère principal ne peut être que celui de la possibilité, pour une entreprise, de s'abstraire de la pression de ses concurrents ;
Considérant que cette pétition de principe est sans incidence en l'espèce puisque, d'une part, le Conseil a relevé que, "compte tenu de la part détenue par la société Reynoird sur les marchés guadeloupéen et guyanais de la grande distribution alimentaire, de la faiblesse relative de la position occupée par ses concurrents ainsi que de l'étroitesse et de l'isolement des marchés pour un nombre de producteurs locaux, cette entreprise détenait une position dominante sur ces deux marchés", d'où il suit qu'il a caractérisé la position dominante de Reynoird selon le critère de l'indépendance du comportement, et puisque, d'autre part, Primistères Reynoird tente seulement d'établir, en réalité, l'effet tout relatif de son comportement en mettant en avant l'évolution à la hausse du chiffre d'affaires (7,7 % en 1990) de la société Bamyrag (du groupe Hayot), en dépit d'une baisse de son activité avec Reynoird de plus de 50 %, et en en déduisant que la part de marché qui lui est attribuée par le Conseil n'aurait pu, par son importance, autoriser une telle évolution, ce qui serait la démonstration d'une absence d'indépendance du comportement ;
Que ce dernier élément ne peut toutefois, par sa portée limitée, suffire à la démonstration, selon le voeu de Primistères Reynoird, d'une absence d'indépendance du comportement et, par suite, de l'absence de position dominante de Reynoird ;
Considérant, pour le surplus, que Primistères Reynoird reproche vainement au Conseil de n'avoir pas caractérisé la position dominante pour chacun des produits de consommation en cause puisqu'il suffit de procéder à cet examen par familles de produits;
Qu'elle ne peut valablement faire grief au Conseil d'avoir mentionné, avec précision, les produits en cause ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Primistères Reynoird conteste vainement la position dominante de Reynoird sur les marchés de référence, notamment dans les départements de la Guadeloupe et de la Guyane ;
Qu'ici encore la cour adopte expressément les motifs non contraires énoncés par le Conseil pour caractériser la réalité de la position dominante de Reynoird sur les marchés de référence ;
Sur les pratiques sanctionnables :
Considérant que la requérante soutient que les faits qui lui sont reprochés ne peuvent être qualifiés ni de boycottage, ni de déréférencement sanctionnable ;
Qu'elle fait valoir notamment que le boycottage est une pratique anticoncurrentielle qui (ne) s'applique (qu') aux ententes, la pratique qui lui est imputée n'étant qu'un refus économiquement justifié d'une entreprise (importante mais non dominante) d'acheter à plusieurs sociétés membres d'un groupe plus important qu'elle ; que la notion aurait dû conduire à examiner la position dominante et l'abus société par société et département par département ;
Qu'en outre le refus d'achat n'est pas en soi illicite, le déréférencement ne pouvant être abusif lorsque les partenaires sont de même taille et qu'aucune atteinte n'a été portée à l'équilibre contractuel ; que la loi du 1er juillet 1996 n'a pas remis en cause l'hypothèse de l'exception d'inexécution ;
Considérant qu'il y a lieu de rappeler à ce stade qu'il est fait grief à Reynoird d'avoir, en février-mars 1990, sans préavis, alors qu'elle était en position dominante sur les marchés de la distribution des produits de consommation courante par les hyper et supermarchés, cessé ses relations commerciales avec l'ensemble des sociétés de production ou de négoce appartenant au groupe Hayot, qui l'approvisionnaient, par une déréférencement général, sauf rares exceptions, de tous les produits fabriqués ou commercialisés par ces sociétés ;
Considérant que la notion de boycottage n'est, contrairement aux affirmations de la requérante, réservée par aucun texte aux ententes entre plusieurs entreprises ; que d'ailleurs le Conseil n'y a eu recours que pour donner une idée de la mesure de rétorsion mise en œuvre par Reynoird et tombant sous le coup du 1 de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le déréférencement d'un produit comme son boycottage consistant à refuser de l'acheter et la pratique, lorsqu'elle émane d'une entreprise en position dominante et est générale en ce qui concerne les produits, visant à l'exclusion du marché de l'entreprise offrante;
Que la réalité de la mesure de rétorsion résulte directement des explications ou prétendues justifications fournies par les dirigeants de Primistères Reynoird, tant au cours de l'enquête et de l'instruction devant le Conseil que devant la cour ;
Considérant que Primistères Reynoird n'est pas recevable à invoquer l'exception de non-exécution pour tenter de justifier son comportement en s'abritant derrière le non-respect, par le groupe Hayot, de ses engagements de 1984 ; qu'en effet il ne s'est pas agi, de sa part, de se soustraire à des obligations résultant de la même convention et constituant la contrepartie des engagements du groupe Hayot, peu important dès lors la concomitance des pratiques anticoncurrentielles et de l'introduction des instances judiciaires sur le fondement des engagements du groupe Hayot prétendument non exécutés ;
Qu'elle ne peut davantage mettre en avant les différences constatées des prix d'un ou de quelques produits pour tenter de justifier une réaction de portée générale dès lors qu'elle ne prétend pas avoir entamé avec son fournisseur une négociation sur les tarifs pratiqués ;
Qu'elle soutient vainement qu'il se serait agi d'une "suspension" ou "interruption provisoire" des relations, demeurant "dans les limites d'un comportement compétitif normal et d'une concurrence légitime" alors qu'il n'est pas sérieusement démenti que seule l'intervention du président du Conseil régional de la Martinique a marqué le début d'une reprise des relations entre les deux groupes ;
Que la volonté de nuire en l'espèce résulte suffisamment de la circonstance que Reynoird privait, brutalement et sans motif légitime, ses fournisseurs de parts, parfois importantes, de chiffre d'affaires sans craindre, pour elle-même, une riposte commerciale qui eût été l'expression d'une concurrence équilibrée ;
Que Primistères Reynoird prétend dès lors vainement que l'abus qu'elle aurait commis aurait été sans le moindre avantage pour elle ;
Qu'elle ne peut invoquer, à son profit, un caractère purement "sanctionnateur" de la mesure de rétorsion à laquelle elle a eu recours ;
Considérant que Primistères Reynoird tente, in fine mais sans conviction, de faire accroire que son comportement anticoncurrentiel n'aurait pas eu d'effet sensible sur le libre jeu de la concurrence ;
Qu'en effet il ressort de l'enquête que la part des achats de Primistères Reynoird auprès de sociétés du groupe Hayot a diminué de manière considérable et que le chiffre d'affaires de la société Bamyrag avec Reynoird a été réduit de moitié en 1990 par rapport à 1989, peu important que le chiffre d'affaires global de cette société ait été en légère augmentation puisqu'aucun élément ne permet de penser que cette augmentation serait en rapport avec des débouchés nouveaux constituant une compensation de la perte subie ;
Sur la sanction :
Considérant qu'il n'y a pas lieu de s'arrêter à la circonstance que, à la fin du dispositif de son mémoire, la requérante demande (de nouveau ?) à la cour, de "manière définitivement subsidiaire", de constater que les conditions d'application de l'article 8-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne sont pas réunies et de dire en conséquence que le grief d'abus de position dominante n'est pas fondé ;
Considérant que la requérante estime que le montant de la sanction pécuniaire ne peut excéder la somme de 89 963 F ;
Que, pour parvenir à ce chiffre, elle fait valoir que le Conseil s'est basé sur le chiffre d'affaires de 1 872 261 000 F réalisé au cours de l'exercice clos le 31 décembre 1995 alors qu'il devait prendre en considération le chiffre d'affaires de l'exercice 1996, 52 886 368 F ;
Que la sanction prononcée excède dès lors 5 % du chiffre d'affaires, ce qui doit entraîner son annulation ;
Qu'elle explique que le montant maximum d'une sanction pécuniaire susceptible d'être prononcée, 89 963 F, est obtenu par l'application, au chiffre d'affaires qui doit être retenu (52 886 368 F), du ratio (0,144 %) de la sanction infligée par le Conseil par rapport au chiffre d'affaires sur lequel il s'est, à tort, basé ;
Qu'elle ajoute que l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne permet la prise en compte du chiffre d'affaires consolidé (2 473 028 330 F pour 1996, chiffre provisoire) de l'entreprise qui doit être sanctionnée ;
Mais considérant que Primistères Reynoird invoque vainement la distinction - non contestée - entre date de clôture et date d'arrêté des comptes, en reprochant au Conseil de l'avoir écartée, alors qu'il est constant, ainsi qu'il résulte des documents qu'elle a produits, que l'exercice au 31 décembre 1996 n'était pas clos à la date à laquelle l'affaire a été examinée par le Conseil en raison de l'absence de l'approbation par les organes sociaux des comptes s'y rapportant, les comptes communiqués et présentés par la requérante elle-même comme "non audités" ;
Considérant par ailleurs que le montant du chiffre d'affaires pour l'exercice 1995, 1 872 261 000 F n'est pas discuté par Primistères Reynoird ;
Considérant ainsi, sans qu'il y ait lieu de s'arrêter à l'argument fantaisiste relatif à l'application du ratio de 0,144 %, que le montant de la sanction pécuniaire infligée par le Conseil n'excède par le seuil de 5 % du chiffre d'affaires qui a été exactement retenu ; que la discussion au sujet de la prise en compte ou non du chiffre d'affaires consolidé de Primistères Reynoird devient par suite sans objet ;
Considérant que la requérante estime (page 64 de son mémoire) que "si la cour décidait de confirmer la décision du Conseil en ce qu'elle a conclu en (à) l'existence de l'abus de position dominante", elle devrait appliquer les critères de "l'article 13 tels que retenus par le Conseil (...)" ;
Considérant que cette affirmation, si elle tendait surtout à donner corps à l'argument du ratio de 0,144 %, en déniant malgré tout à la cour toute appréciation qui serait différente de celle du Conseil, devrait conduire à considérer que les critères de fixation de la sanction par le Conseil ne sont pas autrement discutés par la requérante en dépit de l'imputation, au ministre ou au commissaire du Gouvernement (?), d'une "erreur grossière", au sujet de l'ouverture ou de la non-ouverture de la grande surface à Baie-Mahault par le groupe Hayot, erreur qui n'aurait pas manqué d'influencer le Conseil sur l'appréciation du dommage causé à l'économie ;
Que d'ailleurs l'allusion à un "caractère disproportionné" de la sanction qui a été "arbitrairement prononcée" ne figure que dans le dossier remis à la cour, la "violation du principe de la proportionnalité" n'étant mentionnée dans le mémoire qu'à titre, semble-t-il, de conséquence de l'erreur dont il vient d'être question ;
Considérant toutefois que, en dépit de la gravité des pratiques relevées, le Conseil a surestimé le dommage causé à l'économie tel qu'il peut être apprécié grâce à l'ensemble des éléments de la cause ;
Qu'une somme de 900 000 F suffit à sanctionner efficacement les pratiques retenues ;
Que la décision du Conseil sera réformée en conséquence ;
Considérant que toute somme qui devrait être remboursée par le Trésor public ne portera intérêts au taux légal qu'à compter de la notification du présent arrêt comportant sommation de payer,
Par ces motifs : Statuant dans les limites du recours : Réformant la décision n° 97-D-20 du 25 mars 1997 du Conseil de la concurrence seulement sur le montant de la sanction pécuniaire infligée à la société Primistères Reynoird ; Réduit cette sanction à un montant de 900 000 F ; Dit que toute somme qui devrait être remboursée par le Trésor public en conséquence de cette décision ne portera intérêts au taux légal qu'à compter de la notification du présent arrêt comportant sommation de payer ; Rejette toute demande ou présentation contraire à la motivation ; Condamne la société Primistères Reynoird aux dépens.