Livv
Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 7 mai 1997, n° FCEC9710199X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Pont-à-Mousson (SA)

Défendeur :

Biwater (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Premier président :

M. Canivet

Président :

Mme Thin

Avocat général :

M. Woirhaye

Conseillers :

Mme Mandel, M. Boval, Mme Deurbergue

Avoué :

SCP Fisselier Chiloux Boulay

Avocats :

Me Saint-Esteben, SCP Fourgoux

CA Paris n° FCEC9710199X

7 mai 1997

LA COUR statue après exécution de l'expertise ordonnée par arrêt du 28 septembre 1993, sur les recours, principal et incident, respectivement formés par les sociétés Pont-à-Mousson et Biwater, contre la décision n° 92-D-62 du 18 novembre 1992, par laquelle le Conseil de la concurrence (Le conseil), saisi le 11 avril 1990 par la seconde, d'abus de position dominante reprochés à la première, a enjoint à celle-ci de cesser de diffuser des indications relatives à la normalisation de nature à entraver l'entrée en concurrence avec ses propres produits de ceux de la société Biwater, lui a infligé une amende de 3 millions de francs et a ordonné une mesure de publication.

Au soutien de son recours principal, la société Pont-à-Mousson conteste la décision du conseil, d'abord, en ce qu'elle retient sa position dominante sur un marché défini comme celui des canalisations en fonte ductile d'un diamètre inférieur à 151 mm, destinées à l'adduction d'eau et à l'irrigation.

Dans son arrêt avant dire droit, la cour a :

- relevé que l'examen des moyens de nullité de la décision fondés sur une inexacte définition du marché de référence supposait l'appréciation des données techniques contradictoires recueillies par le conseil et fournies par les parties concernant 1'insubstituabilité relative de la fonte ductile à d'autres matériaux dans les réseaux d'adduction d'eau et d'irrigation, pour les maîtres d'œuvre et les maîtres d'ouvrage ;

- estimé que cette appréciation des éléments de fait concourant à la définition du marché nécessitait l'examen concret et objectif des choix effectués par les acheteurs concernés durant la période de référence ;

- ordonné, en conséquence, une expertise dont la mission a été fixée comme suit :

1. Recueillir sur la période considérée : du 1er avril 1987 au 1er avril 1990, au BOAMP et au Moniteur des travaux publics l'ensemble des données relatives aux marchés de pose et/ou fournitures de canalisations et concernant :

L'objet des marchés: nature du réseau (irrigation, assainissement, adduction d'eau potable), nature, importance et évaluation des prestations ;

La spécification des matériaux: fonte, PVC, polyéthylène, PRV, béton, amiante-ciment ou l'absence de spécification, en relevant alors les diamètre et longueur indiqués des canalisations ou l'existence de variantes sur tout ou partie du marché et leurs spécifications ;

2. Recueillir pour la même période auprès des maîtres d'œuvre ou maître d'ouvrage (DDE, DDA, services techniques des communautés urbaines, Sivom ou communes, compagnies fermières ou concessionnaires, etc.), tous renseignements complémentaires relatifs à ces marchés et notamment les résultats des appels d'offres en ce qui concerne le ou les matériaux retenus par rapport à l'avis d'appel d'offres et ses spécifications ;

3. Vérifier auprès de ces services l'exhaustivité du recensement entrepris pour chacune la période de référence ;

4. Indiquer dans les marchés ainsi recensés par type de réseaux, en nombre de marchés et en linéaire concerné :

- ceux dont l'avis ne comportait pas de spécification de matériau, et parmi ceux-ci, ceux qui comportaient l'indication de diamètre ;

- ceux dont l'avis comportait une variante, et sa nature (variante tous types de matériaux ou spécification d'un autre matériau et dans ce cas, lequel) ;

- ceux dont l'avis comportant une variante qui n'a pas été retenue ;

- ceux pour lesquels la spécification de la fonte ductile n'était pas assortie d'une variante et résultat de l'appel d'offres avec indication du matériau retenu ;

5. Indiquer le nombre et la proportion d'appels d'offres, dans lesquels le matériau fonte ductile a été retenu, par type de réseau et par diamètre ;

6. Indiquer pour chaque type de réseaux, par diamètre et par matériau, le linéaire total de canalisations soumis à appel d'offres.

Cette mesure d'instruction a été confiée au directeur de l'Ecole nationale de la statistique et de l'administration économique, M. Nasse, qui, ayant quitté ses fonctions, a été remplacé en qualité d'expert par M. Trognon, son successeur à la direction de l'école.

L'expert a déposé son rapport le 10 juin 1996, ensuite de quoi la procédure a été reprise.

A titre principal, la société Pont-à-Mousson conclut à l'annulation du rapport d'expertise en reprochant à l'expert d'avoir méconnu le principe du contradictoire et les droits de la défense par des omissions dont elle soutient qu'elles lui font grief et, en outre, de n'avoir qu'incomplètement exécuté sa mission.

Subsidiairement, elle demande qu'il soit constaté que l'incomplète exécution de la mission confiée à l'expert, ajoutée aux vices graves entachant l'enquête sur laquelle se fonde son avis, affecte la fiabilité des résultats de l'expertise, et prie en conséquence la cour d'en écarter le rapport pour statuer en l'état des écritures et pièces versées aux débats avant l'arrêt du 28 septembre 1993, lesquelles, selon elle, montraient que sur le marché pertinent, plus largement délimité que ne l'a fait le conseil, elle ne détenait pas de position dominante.

Reprenant ses écritures antérieures tendant à l'annulation et subsidiairement à la réformation de la décision, la société Pont-à-Mousson conclut au rejet du recours incident de la société Biwater et réclame la restitution de la somme versée à titre de sanction pécuniaire augmentée des intérêts de droit.

Très subsidiairement, elle demande que soit ordonnée une nouvelle expertise.

La société Biwater, qui estime non fondée la demande d'annulation du rapport d'expertise, conclut au rejet du recours principal et à l'admission de son recours incident tendant à la réformation de la décision en ce qu'elle n'a pas retenu et sanctionné toutes les pratiques qu'elle reproche à la société Pont-à-Mousson.

Elle demande, au surplus, que soient ordonnées des mesures de publication complémentaires aux frais de ladite société, et la condamnation de celle-ci à lui payer une somme de 300 000 F, par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le ministre de l'économie estime que, conformément aux conclusions de l'expertise, le marché sur lequel doivent être appréciés les comportements de la société Pont-à-Mousson est celui des tuyaux de canalisation en fonte ductile de diamètre compris entre 60 et 300 mm, destinés à l'adduction d'eau potable, ce qui ne modifie pas la constatation des pratiques d'abus sanctionnées par le conseil.

Aux termes de ses observations, le conseil relève que les conclusions de l'expert rejoignent sa propre analyse relative à la délimitation du marché.

Entendu à l'audience l'expert a été appelé à répondre aux questions posées par les parties, de même qu'ont été contradictoirement entendus MM. Sarndal et Goux, consultants, dont elles ont respectivement sollicité l'audition.

Le ministère public a oralement conclu au rejet des recours.

La société Pont-à-Mousson a eu la possibilité de répliquer par écrit et oralement à l'audience à l'ensemble des mémoires, conclusions et observations.

Sur ce, LA COUR.

I. - Sur la demande d'annulation de l'expertise :

Considérant que la mission confiée à l'expert consistait notamment à :

- recueillir, pour la période de 1987 à 1990 dans le Bulletin officiel des annonces de marchés publics (BOAMP), et dans le " Moniteur des travaux publics et du bâtiment " (Moniteur), l'ensemble des données relatives aux marchés de pose et/ou fournitures de canalisation et concernant l'objet des marchés et la spécification des matériaux ;

- recueillir, pour la même période, auprès des maîtres d'œuvre et des maîtres d'ouvrage, d'autres renseignements relatifs à ces marchés pour établir des statistiques sur les résultats d'appel d'offres, notamment sur les matériaux retenus par rapport à l'avis d'appel d'offres ;

Considérant qu'après avoir tenu une réunion d'expertise, le 6 juin 1994, l'expert a procédé au dépouillement du BOAMP sur l'ensemble de la période indiquée par la cour et à celui du Moniteur, sur neuf mois, de janvier à avril 1988 et d'août à janvier 1989 ; qu'il a confié à la DGCCRF la collecte, exécutée par sondage avec l'autorisation du magistrat chargé de suivre les opérations d'expertise, des informations auprès des maîtres d'œuvre et maîtres d'ouvrage ;

Considérant qu'ayant adressé aux parties, au mois de décembre 1995, un projet de rapport en trois volumes (rapport, annexes, tableaux et graphiques), l'expert a recueilli leurs dires au mois de mars 1996, puis rédigé un document distinct comportant une réponse à ceux-ci, en y annexant une réponse de la DGCCRF aux observations de la société Pont-à-Mousson sur les modalités de l'enquête; qu'enfin il a déposé, le 10 juin 1996, son rapport définitif comportant un volume regroupant dires et réponses aux dires et reprenant, pour le reste, sans modification, le projet établi en décembre 1995 ;

Considérant que la société Pont-à-Mousson soutient que l'expert a incomplètement exécuté sa mission et à cet égard lui fait grief :

- de n' avoir procédé qu'à un dépouillement partiel du BOAMP, en ne retenant, dans cette publication, que les marchés compris dans la rubrique " Canalisations, réseaux enterrés ou sous-marins " dont l'objet principal est la pose ou la fourniture de canalisations, laissant ainsi de côté de nombreux autres marchés comprenant une part de canalisations à poser et d'avoir, davantage encore, limité le dépouillement du Moniteur, en se bornant, sans en avoir avisé le magistrat chargé de suivre les opérations d'expertise, à un recensement réduit à neuf mois représentant 25 % seulement de la période fixée dans la mission ;

- d'avoir confié à la DGCCRF le travail d'enquête auprès des maîtres d'œuvre et des maîtres d'ouvrage pour recueillir des renseignements sur les marchés, sans définir précisément sa mission, si bien qu'elle n'a pas examiné un élément essentiel des dossiers d'appel d'offres, le règlement particulier de l'appel d'offres (RPAO), alors que ce document prévoit le plus souvent la possibilité de variantes par rapport au cahier des clauses techniques particulières (CCTP) ;

Considérant que la société Pont-à-Mousson soutient que la nullité de l'expertise est encourue parce que l'expert, pour répondre à l'un de ses dires, s'est fondé sur une lettre de la DGCCRF qu'il n'a pas soumise à la discussion des parties, a irrégulièrement délégué à cette administration le soin de fixer sa mission et a méconnu les dispositions de l'article 276 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant, en premier lieu, que la société Pont-à-Mousson expose qu'après avoir soumis aux parties son projet de rapport et recueilli leurs observations, dont son dire du 8 mars 1996, l'expert a consulté la DGCCRF sur la question de la non-exploitation des renseignements contenus dans les RPAO, et, en réponse à ses critiques de ce chef, a indiqué : " En ce qui concerne la non-utilisation du RPAO, nous renvoyons a la réponse de la DGCCRF qui est donnée en annexe " ; qu'elle fait valoir que dès lors que cette lettre, essentielle pour le débat, ne lui a pas été communiquée avant le dépôt du rapport et qu'elle n'a pas pu y répondre avant cela, l'expert a commis une violation flagrante du principe du contradictoire qui doit être sanctionnée par la nullité du rapport ;

Considérant que la lettre de la DGCCRF qui comporte une réponse aux critiques exprimées par la société Pont-à-Mousson dans son dire du 8 mars 1996 à la suite de la communication du projet de rapport a trait à des points de méthodologie et ne vise pas à compléter les éléments recueillis en exécution de la mission confiée à l'expert aux termes de l'arrêt du 28 septembre 1993 ; qu'elle a été insérée dans le document intitulé " Réponses aux dires ", joint au rapport définitif du 10 juin 1996, qui reprend, sans modification, le projet de rapport adressé aux parties au mois de décembre 1995, que dès lors que cette lettre, postérieure à la communication du projet de rapport, n'a en rien modifié l'avis de l'expert, Pont-à-Mousson n'est pas fondée à prétendre que la circonstance qu'elle ne lui a pas été transmise lui aurait fait grief et devrait être sanctionnée par la nullité de l'expertise ; qu'elle lui a d'ailleurs été communiquée en temps utile pour lui permettre de contester, au fond, l'appréciation de l'expert sur le point litigieux ;

Considérant, en second lieu, que la société Pont-à-Mousson reproche à l'expert d'avoir irrégulièrement délégué à un tiers l'exécution d'une partie de sa mission, en abandonnant à la DGCCRF le soin de fixer le champ de l'enquête sur le terrain et, pour toute réponse sur la question du relevé des RPAO, renvoyé à la lettre de cette administration ;

Mais considérant que s'il est de principe que l'expert, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui a été confiée, il est toutefois possible qu'il soit assisté d'un tiers pour l'exécution, sur ses instructions et sous son contrôle, d'opérations ponctuelles et subalternes dans les conditions prévues par la mission d'expertise ; qu'en l'espèce, le concours de la DGCCRF, autorisé par l'arrêt avant dire droit et limité à des tâches de collecte de données objectives, était nécessaire en raison de l'ampleur des renseignements à recenser sur l'ensemble du territoire national ; qu'il ressort de la lettre par elle adressée à l'expert le 29 juillet 1994 que la société requérante a été régulièrement informée de ce recours aux services de l'administration et n'a émis aucune objection à cet égard ;

Qu'en outre, dans son rapport, pages 49 à 75, l'expert rend compte des modalités de préparation et d'exécution de l'enquête confiée à la DGCCRF ainsi que des résultats de celle-ci ; qu'il indique qu'une fois l'échantillon déterminé par lui, la méthode d'investigation a été définie en fonction des vérifications d'un examen préparatoire mené dans le département des Yvelines, suivie d'une réunion par lui tenue avec les services de la DGCCRF à l'issue de laquelle il a décidé des informations à recueillir et a défini la grille fournie aux enquêteurs pour le relevé des données utiles; que les opérations de recensement de ces données avant été exécutées à l'initiative, sur les instructions et sous le contrôle de l'expert, le grief à lui fait d'avoir abandonné à la DGCCRF le soin de fixer le champ de l'enquête sur le terrain n'est pas fondé ;

Que, sur le reproche encore fait à l'expert de n'avoir pas répondu lui-même aux critiques émises par la société Pont-à-Mousson sur la non exploitation des renseignements contenus dans le RPAO, il résulte des énonciations du rapport d'expertise que la décision contestée procède de l'appréciation personnelle de l'expert, peu important qu'il se soit référé, pour l'énoncé précis des raisons techniques qui l'ont motivée, à une lettre de la DGCCRF ; qu'en toute hypothèse, dès lors que la société requérante ne démontre pas que cette irrégularité prétendue lui a causé un grief, en entraînant pour elle une gêne, une entrave ou un inconvénient quelconques, sa demande en nullité du rapport d'expertise doit être rejetée ;

Considérant, en troisième lieu, que ladite société reproche à l'expert d'avoir méconnu les règles énoncées à l'article 276 du nouveau Code de procédure civile qui prescrit que " l'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent et qu'il doit faire mention, dans son avis, de la suite qu'il leur aura donnée " ;

Qu'à cette fin, elle expose que le volume du rapport intitulé " Dire des parties " ne comporte que son seul dire du 8 mars 1996, consécutif au dépôt du pré-rapport, que son dire du 29 juin 1994 a été joint sans les dix pièces dont il était accompagné, et ne figure que dans la partie "Annexes" du rapport, que ses dires des 27 juillet 1994 et 8 février 1995 ne figurent également que dans les " Annexes " et sans la pièce n° 4 jointe à son dernier dire; que plusieurs de ses observations, sur des points essentiels, n'ont reçu aucune suite, même implicite, notamment qu'il n'a été fait aucune réponse à son dire du 24 juillet 1994, relatif à la " sur-représentation des grandes affaires ", à l'absence de tout critère géographique et qu'il n'a pas, non plus, été satisfait à sa demande de communication préalable du questionnaire d'enquête ;

Mais considérant que l'expert a joint à son rapport tous les dires de la société Pont-à-Mousson; qu'il est indifférent, au regard des dispositions de l'article 276 du nouveau Code de procédure civile, qu'il les ait classés dans une partie " Annexes " ou dans une autre intitulée " Dires des parties " ; que la société requérante qui n'avait pas sollicité que les pièces, pour certaines volumineuses, accompagnant ses observations soient toutes jointes à l'avis de l'expert, n'est pas fondée, à défaut d'un grief avéré, à se plaindre que certaines d'entre elles n'aient pas été ajoutées au rapport soumis à la cour ;

Que les observations faites par la société Pont-à-Mousson sur la confection de l'échantillon retenu pour l'enquête et portant notamment sur la question de la dimension des marchés, en particulier sur le fait qu'il convenait de ne pas sur-représenter les grandes affaires, ainsi que sur l'existence d'un critère géographique, à propos duquel elle observait que les différentes régions ont des caractéristiques propres de nature à influencer les choix et décisions dans la matière objet du litige, ont été rappelées par elle dans son dire du 8 mars 1996 ; que l'expert y a répondu en indiquant, dans le document intitulé " Réponse aux dires ", après avoir analysé les remarques émises sur le dépouillement du BOAMP et du Moniteur et fourni des explications tendant à démontrer les similitudes entre ces deux sources, qu'il n'estimait pas nécessaire de compléter l'enquête de la DGCCRF par de nouvelles investigations sur le Moniteur ; que les observations sur le critère géographique invoqué par la société requérante, qui n'émettait sur ce point aucune demande particulière, n'appelaient donc pas de réponse spécifique; qu'en outre l'expert a fourni aux parties sous forme de tableaux annexes à son rapport et sur supports informatiques l'ensemble des données recueillies au cours de l'enquête, permettant ainsi aux sociétés concernées d'effectuer tous les traitements et vérifications appropriés en fonction des critères de leur choix, y compris géographiques ;

Qu'enfin, si l'expert n'a pas fourni à la société Pont-à-Mousson, avant l'exécution de l'enquête sur le terrain, copie du questionnaire encadrant la collecte de la DGCCRF, la grille remise aux enquêteurs pour le relevé des informations utiles a été communiquée aux parties avec le projet de rapport au mois de décembre 1995; que la société requérante, ayant ainsi obtenu ce document au cours de l'expertise, a pu exprimer les observations et critiques qu'il appelait de sa part et auxquelles l'expert a répondu dans le rapport définitif; qu'elle n'est donc pas davantage fondée à réclamer, de ce chef, l'annulation de l'expertise ;

II. - Sur la demande de Pont-à-Mousson tendant à ce que l'expertise soit écartée :

Considérant que la société Pont-à-Mousson prétend que le rapport contient des lacunes et des vices affectant la fiabilité des résultats de l'expertise qui conduiraient à l'écarter pour la délimitation du marché de référence ;

Considérant qu'elle reproche, d'abord, à l'expert de n'avoir dépouillé que très partiellement le BOAMP et le Moniteur ;

Mais considérant qu'après une exploration complète et préliminaire du BOAMP sur trois semaines l'expert a exploité, sur la période du 1er avril 1987 au 1er avril 1990, la totalité de cette publication, selon un recensement exhaustif des appels d'offres figurant dans la classe " Canalisations, réseaux enterrés et sous-marins " ; que la méthode de collecte des informations dans le BOAMP ainsi adoptée répond exactement à la mission définie par la cour dans la mesure où, selon le rapport, tous les appels d'offres ayant pour objet principal la pose et/ou la fourniture de canalisations sont mentionnés au sommaire du bulletin dans la classe examinée; que la société Pont-à-Mousson ne rapporte pas la preuve que des marchés portant sur des linéaires importants de canalisation soient répertoriés dans une autre classe; qu'ainsi que l'admet le spécialiste par elle consulté, en pages 7 et 14 de son rapport daté du mois de novembre 1996, la lecture exhaustive du BOAMP pour les mois de mai 1987 et mars 1990 à laquelle elle a fait procéder n'est pas pertinente ;

Considérant que, s'il est exact que l'expert n'a procédé à un dépouillement exhaustif du Moniteur que sur une période de neuf mois, alors qu'un nombre important d'appels d'offres y sont publiés qui ne figurent pas au BOAMP, il est relevé, d'une part, que les avis insérés au BOAMP sont plus complets, étant rédigés par les maîtres d'œuvre ou d'ouvrage et non par les rédacteurs du journal comme c'est le cas pour l'autre publication, d'autre part, que l'expert qui a procédé à des recoupements entre les deux supports estime que l'essentiel pour déterminer le marché pertinent est de pouvoir disposer de résultats représentatifs, en structure, de la période couverte par l'expertise ;

Qu'à cet égard, les tableaux dressés par l'expert révèlent qu'on trouve les mêmes rapports entre la fonte et le PVC, pour les mêmes types de réseaux, à partir des informations fournies par ces deux publications tandis que, ainsi que l'a relevé l'homme de l'art consulté par la société Pont-à-Mousson, dans son rapport daté du 6 février 1995, la création d'un répertoire complet pour le Moniteur aurait représenté un travail considérable ;

Considérant qu'il a déjà été répondu aux griefs tirés de l'élaboration de l'échantillonnage et de l'absence de définition précise de la mission de la DGCCRF ;

Qu'il n'est valablement soutenu que la non-consultation des RPAO a faussé les résultats de l'examen et que l'expert a failli à sa mission sur ce point, dans la mesure où, par l'enquête ordonnée auprès des maîtres d'œuvre et d'ouvrage, la cour entendait seulement vérifier si le matériau préconisé dans le dossier d'appel d'offres correspondait à celui qui avait été effectivement utilisé dans l'exécution du marché ;

Que le RPAO peut prévoir la possibilité, pour l'entreprise adjudicataire, de proposer certaines variantes techniques mais que l'expertise fait apparaître qu'en la matière il n'est qu'exceptionnellement dérogé à la solution de base ;

Considérant que la complexité, la nature et l'importance des investigations initialement envisagées justifient que l'expert n'a pu exécuter sa mission dans les termes exactement indiqués par l'arrêt du 28 septembre 1993, notamment en ce qui concerne le dépouillement du Moniteur sur l'ensemble de la période concernée et l'évaluation des prestations de pose ; qu'il a toutefois suffisamment démontré que ces restrictions, corrigées par des recoupements et contre-mesures, n'affectent pas les résultats d'ensemble; qu'elles ne justifient pas le rejet de l'expertise dès lors que la recherche d'une qualité scientifique incontestable, importante et significative effectuée par l'expert met à la disposition de la cour des données statistiques fiables par nature de réseau, par diamètre et par catégorie de matériau, tous les éléments lui permettant de se prononcer utilement sur la délimitation du marché servant de référence à l'examen des pratiques reprochées à la société Pont-à-Mousson ;

Considérant, enfin, que l'expertise ne constitue qu'un élément d'appréciation; que les conclusions de l'expert, soumises à une libre discussion des parties, notamment au regard des observations des autres experts respectivement consultés par elles, ne lient nullement la cour, laquelle se prononce en examinant des éléments soumis au débat ;

III. - Sur la délimitation du marché pertinent :

Considérant que le conseil avait estimé qu'il existait un marché spécifique des tuyaux de fonte ductile pour des diamètres compris entre 60 et 151 mm destinés aux réseaux d'adduction d'eau potable et d'irrigation ;

Qu'il a fondé son analyse :

- d'une part, sur des éléments techniques, la fonte étant, selon sa décision, utilisée essentiellement pour l'adduction d'eau potable et l'irrigation et les matériaux susceptibles d'être utilisés pour ces usages présentant des caractéristiques propres rendant chacun d'eux plus particulièrement adapté à certaines contraintes ;

- d'autre part, sur le comportement des maîtres d'ouvrage, qui, selon ses constatations, dans près de deux tiers des appels d'offres, spécifiaient le matériau qu'ils entendaient utiliser pour les tuyaux d'un diamètre donné, sans offrir aux entreprises de pose soumissionnaires la possibilité de proposer une variante avec des tuyaux d'autres matériaux ;

- enfin, sur les prix respectifs de la fonte ductile et du PVC, dans les diamètres les plus courants, les prix des tuyaux de fonte ductile étant sensiblement supérieur à ceux du PVC ;

Considérant que la société Pont-à-Mousson prétend que les seules conclusions qui peuvent être tirées du rapport de l'expert confirment l'absence de fondement de la délimitation d'un tel marché ;

Que, selon elle, l'expertise montre que la fonte et le PVC sont demandés dans des proportions équivalentes pour l'adduction d'eau potable, que la très grande majorité des appels d'offres ne spécifie pas de matériau à utiliser, que les diamètres retenus (60 à 150 mm) sont essentiellement ceux où le PVC est très présent aux côtés de la fonte ductile et qu'en outre elle ne fournit à la cour aucun élément confortant les éléments : contraintes techniques, différences réelles de prix ..., retenus par le conseil au soutien de son analyse, qu'enfin, si, comme l'admet le ministre de l'économie, les deux matériaux sont substituables pour les canalisations destinées à l'irrigation, rien ne justifie qu'ils ne le soient pas pour celles d'adduction d'eau potable techniquement semblables ;

Que, reprenant ses écritures antérieures à l'expertise, elle conclut qu'il existe pas de marché des canalisations en fonte ductile dans les diamètres compris entre 60 et 150 mm et que ce matériau et le PVC sont substituables, tant pour les réseaux d'adduction d'eau potable que pour ceux d'irrigation ;

Considérant que la société Biwater, dans son mémoire, et le ministre de l'économie, dans ses observations, estiment que le marché sur lequel doivent être examinés les comportements reprochés à la société Pont-à-Mousson est celui des tuyaux de canalisation en fonte ductile de diamètre compris entre 60 et 300 mm destinés à l'adduction d'eau potable ;

Considérant que le marché pertinent est le lieu de confrontation entre l'offre et la demande de produits substituables entre eux mais non substituables à d'autres biens; que, s'agissant d'une notion relative, la substituabilité n'a pas besoin d'être absolue et parfaite ;

Qu'en l'espèce, l'offre émane des entreprises productrices de canalisations tandis que, la distribution de l'eau étant un service public, la demande est exprimée par appels d'offres de marchés publics dont les cahiers des charges sont établis par le maître d'œuvre (directions départementales de l'équipement [DDE] ou directions départementales de l'agriculture et de la forêt [DDAF]) pour le compte de la collectivité publique maître d'ouvrage ; que, ces marchés portant généralement sur la fourniture et la pose de canalisations, ce sont les entreprises de pose qui sont les acheteurs de matériaux mais que, liées par des engagements contractuels, celles-ci n'agissent que comme vecteur de la demande publique ;

Considérant que les consultations et pièces respectivement produites par les sociétés Pont-à-Mousson et Biwater montrent, ainsi que l'a relevé le conseil, que,préalablement à toute approche financière, ce sont des considérations techniques qui déterminent le choix des utilisateurs ;

Qu'ainsi, la société Pont-à-Mousson produit un document (annexe 5 du rapport, annexe 2, p. 26, 27) dans lequel il est précisé que les paramètres autour desquels s'ordonne le choix du maître de l'ouvrage sont de trois ordres : le premier, l'appréciation des contraintes techniques imposées par la canalisation, par le terrain et ses mouvements, les conditions actuelles d'exploitation du réseau et leur évolution possible, le deuxième, l'appréciation du risque et des enjeux correspondants, le troisième, l'appréciation financière: canalisation à longue durée de vie avec amortissement annuel réduit et coût d'exploitation demeurant faible, même à échéance lointaine moyennant un investissement initial plus lourd, préférence (ou contrainte) pour un investissement initial réduit ou, à investissement d'un montant donné, choix d'une solution technique moins chère, permettant d'étendre le réseau au maximum ;

Qu'un article de M. Trautmann, également versé par la société Pont-à-Mousson mentionne que : " le choix du matériau constitutif d'une canalisation d'eau est systématiquement déterminé après une étude qui prend en compte un certain nombre de critères tels que: les conditions de service, les contraintes mécaniques, la configuration du terrain, la nature des sols (stabilité ou efforts alternés risquant de provoquer des déformations, voire des ruptures), les agressions externes et internes, le prix tout en gardant à l'esprit que la solution la moins chère, en coût-matière, n'est pas obligatoirement la plus économique à terme " ;

Considérant, en outre, que, des éléments techniques en discussion, il résulte que la fonte ductile et le PVC présentent respectivement des caractéristiques propres répondant différemment à des contraintes techniques spécifiques;

Qu'ainsi, tant les catalogues de la société Pont-à-Mousson, que ceux de la société Biwater, indiquent que la fonte ductile réunit les propriétés suivantes: résistance à la surpression, utilisation pour des pressions jusqu'à 40 bars, résistance à l'abrasion, longévité dans le temps (durée de vie supérieure à cinquante ans), bonne tenue en sol instable, résistance à la traction, résistance à de fortes charges de roulement ;

Que le document technique émanant de la société Biwater ajoute que les canalisations en fonte ductile peuvent être entreposées et installées en tranchées sans précautions particulières, même pour les remblais, sa résistance étant un facteur déterminant dans les sols mouvants ;

Qu'une étude du Centre de formation des personnels communaux expose qu'en revanche les tuyaux en fonte ductile sont plus vulnérables aux corrosions externes et que certaines précautions doivent être prises lors de l'installation, qu'en particulier ils ne doivent jamais être posés sans joint isolant, à moins de 2 mètres d'une autre canalisation ;

Que si les canalisations en PVC ont une excellente tenue à la corrosion et qu'elles sont plus légères, elles ne sont conçues que pour une pression qui ne dépasse pas 16 bars, vieillissent rapidement, ne peuvent être placées dans des sols risquant d'être soumis à des contraintes extérieures, offrent une plus faible résistance mécanique et doivent être posées avec certaines sinuosités afin de contenir les dilatations thermiques parfois importantes (documents CFPC et SEPEREF, annexe X, a du rapport) ;

Considérant, en outre, que l'expertise révèle qu'il existe une nette spécification de la demande du matériau, par type de réseau et en fonction du diamètre requis ;

Que les canalisations destinées à l'adduction d'eau potable, à l'irrigation ou à l'assainissement peuvent être réalisées en différents matériaux, principalement en PVC, fonte ductile, amiante-ciment, acier, béton ;

Que le rapport d'expertise indique que le béton et le béton armé utilisés de manière prioritaire pour les travaux liés à l'assainissement et pour les très grands diamètres (plus de 300 mm) (graphique n° 13) sont des matériaux très différents qui les rendent insubstituables, notamment à la fonte ductile; que l'amiante-ciment, presque exclusivement destinée aux travaux d'assainissement (97 %), ne lui est pas davantage substituable (graphique n° 12) ; qu'en revanche la fonte ductile et le PVC sont l'un et l'autre demandés pour les travaux d'adduction d'eau potable et d'assainissement dans les diamètres petits (60 à 150 mm) et moyens (151 à 300 min) (graphiques nos 10 et 11) ;

Que,pour les réseaux d'assainissement, d'irrigation et d'adduction d'eau potable, dans les diamètres en cause, la discussion relative à la substituabilité des produits se situant entre la fonte ductile et le PVC, il doit être recherché si, pour les maîtres d'ouvrages, ces deux matériaux constituent des moyens alternatifs de satisfaire la même demande ;

Considérant que, pour les réseaux d'assainissement, les matériaux les plus demandés sont, outre le PVC, l'amiante-ciment, le béton et le béton armé, tandis que la fonte ne représente que 4 % des sous-marchés, soit 3 % en linéaire dans les annonces publiées au Moniteur, 10 % des sous-marchés, soit 8 % en linéaire, dans celles relevées au BOAMP; qu'eu égard à la faible part de la demande qu'elles représentent dans cette catégorie de réseaux les canalisations de fonte ductile utilisées pour l'assainissement ne peuvent être comprises dans le marché de référence, ainsi que l'a retenu le conseil sans contestation de la part de l'une ou l'autre des sociétés requérantes ;

Considérant que l'expertise fait apparaître (tableaux 28 et 52 et p. 28, 42 et 45) que ce sont les sous-marchés relatifs aux réseaux d'irrigation qui sont le moins précis quant au choix du matériau et à l'indication du diamètre; qu'en effet, au BOAMP, 57 % des sous-marchés publiés, représentant 77 % du linéaire, relatifs à cette catégorie de réseaux, ne comportent pas de spécification de matériau, le type de diamètre n'étant précisé que pour 29 % des sous-marchés qui représentent à eux seuls 70 % du linéaire (rapport p. 32), tandis que pour ceux publiés au Moniteur, les sous-marchés sans spécification représentent 47 % des sous-marchés et 83 % du linéaire, le diamètre n'étant pas ou mal spécifié pour 86 % des linéaires ;

Que, dans une proportion importante, les maîtres d'ouvrages n'exprimant aucune prédilection particulière pour le matériau à employer, et même si cette abstention peut signifier un choix implicite, il n'est pas exclu que, pour l'irrigation, en raison d'une moindre influence des contraintes techniques,le PVC soit relativement substituable à la fonte ductile; qu'il y a donc lieu d'exclure les canalisations de fonte ductile utilisées dans les réseaux d'irrigation du marché pertinent ;

Considérant que, s'agissant des réseaux d'adduction d'eau potable, l'expertise établit, en revanche, qu'il existe une spécification de plus en plus importante de la demande du matériau utilisé; que seulement 28 % de ces sous-marchés, représentant 39 % du linéaire, ne comportent pas d'indication du matériau (tableaux 46 et 49) pour les publications au BOAMP; que ces proportions se retrouvent dans celles du Moniteur où seulement 33 % des sous-marchés de ce type, représentant 39 % du linéaire, sont sans spécification (tableaux 82 et 81) ;

Que, pour cette catégorie de réseaux, la fonte ductile et le PVC sont préconisés dans des proportions équivalentes: 29 % pour la fonte et 30 % pour le PVC (rapport p. 28 et tableau 22); qu'en répartissant ces données par diamètre de canalisations on relève les pourcentages suivants :

En ce qui concerne le choix du matériau par type de diamètre pour le réseau d'adduction d'eau :

1. En termes de sous-marchés (pourcentage en colonne) :

FCEC9710199X_TAB1.jpg

2. En termes de sous-marchés (pourcentage en ligne)

FCEC9710199X_TAB2.jpg

3. En termes de linéaire (pourcentage en colonne)

FCEC9710199X_TAB3.jpg

4. En termes de linéaire (pourcentage en ligne)

FCEC9710199X_TAB4.jpg

Considérant, par ailleurs, qu'en étudiant des appels d'offres pour le réseau d'adduction d'eau potable, sans spécification du choix du matériau, on relève les pourcentages suivants :

1. En termes de linéaire (pourcentage en ligne)

FCEC9710199X_TAB5.jpg

2. En nombre de sous-marchés

FCEC9710199X_TAB6.jpg

Considérant que ces tableaux montrent que, pour les canalisations de diamètres moyens compris entre 151 et 300 mm, l'emploi des tuyaux de fonte ductile, majoritairement spécifié, prédomine nettement tandis que, pour les canalisations de petit diamètre, de 60 à 150 mm, le PVC est plus fréquemment demandé et la spécification moins importante ;

Mais considérant que ces variantes sont sans incidence sur la délimitation du marché de référence, dès lors qu'il est établi que l'option pour l'un ou l'autre des matériaux, exprimée par les demandeurs dans des proportions significatives (de 75 à 39 %), est généralement délibérée, intangible et fondée sur des considérations techniques qui les rendent insubstituables ;

Qu'en effet le caractère délibéré et intangible du choix de ce matériau dans l'ensemble des gammes de calibre est confirmé par les relevés effectués par la DGCCRF démontrant (tableaux 94 et 95) une forte stabilité du choix final par rapport aux spécifications initiales des CCTP, à savoir, en termes de sous-marchés, 97 % pour la fonte et 96 % pour le PVC et, en termes de linéaires, 97 % pour la fonte et 97 % pour le PVC, le passage de la fonte au PVC n'étant constaté que dans 2 % des sous-marchés, soit 3 % des linéaires ;

Qu'il résulte des éléments sus-énoncés, qu'eu égard aux propriétés de la fonte ductile, ce sont des contraintes techniques nettement répertoriées qui imposent aux demandeurs de réseaux de canalisations d'adduction d'eau potable le choix de ce matériau;

Que même si l'expertise ne fournit pas d'éléments permettant de comparer les coûts relatifs à la fourniture et la pose des canalisations d'adduction d'eau potable en fonte ductile et en PVC et, bien que la société Pont-à-Mousson produise une étude d'un économiste qu'elle a consulté tendant à démontrer que la différence de prix n'est pas de 50 à 100 % comme l'a retenu le conseil mais davantage de l'ordre de 20 % (observation étant faite toutefois que les prix de pose ont été fournis par une entreprise appartenant au même groupe que la société Pont-à-Mousson), le critère du coût ne semble pas prioritairement déterminant du choix des maîtres d'ouvrage et ne constitue donc pas un indice certain d'appréciation de la substituabilité ;

Qu'en définitive l'analyse statistique, ci-dessus examinée, traduisant de manière objective et concrète le comportement effectif des demandeurs, ajoutée à la différence très nette des propriétés techniques des produits en cause, confirme qu'au cours de la période de référence, de 1987 à 1990, dans des proportions significatives, les tuyaux de PVC n'étaient pas substituables à ceux de fonte ductile pour les canalisations d'un diamètre compris entre 60 à 300 mm destinées à l'adduction d'eau potable ;

Qu'en conséquence c'est sur le marché spécifique ainsi déterminé que doivent être examinées les pratiques qualifiées d'abus de position dominante reprochées à la société Pont-à-Mousson ;

Qu'au demeurant les contestations relatives au point de savoir si les réseaux d'irrigation et si les canalisations de fonte ductile de petits diamètres (de 60 à 150 mm) utilisées pour l'adduction d'eau courante entrent ou non dans le marché de référence sont sans incidence sur la qualification des pratiques reprochées à la société Pont-à-Mousson, lesquelles ont, dans l'ensemble, été relevées lors de marchés publics d'adduction d'eau potable comprenant la fourniture de canalisations de diamètre moyen (151 à300 mm) et que même restreint à cette gamme de calibres, le marché représenterait encore une partie substantielle de la production totale des tuyaux de fonte ductile ;

Considérant que, seul fabricant de canalisations en fonte ductile en France où elle assurait 98 % du total des ventes toutes catégories de ce matériau, la société Pont-à-Mousson occupait une position dominante sur le marché ainsi délimité ;

IV. - Sur les pratiques :

A. - Sur la diffusion d'informations relatives à la normalisation :

Considérant qu'il est fait grief à Pont-à-Mousson d'avoir adressé aux maîtres d'œuvre, aux maîtres d'ouvrage, aux entreprises soumissionnaires, ou utilisé, lors de démarches préalables à l'obtention de marchés publics, en totalité ou par extraits, une circulaire ainsi libellée :

Pont-à-Mousson

Monsieur,

Suite à votre demande, nous vous adressons ci-joint copie des articles 75 et 272 du Code des marchés publics, ainsi que des articles 13 et 18 du décret 84-74 du 26 janvier 1984. Ces textes rendent obligatoire la référence aux normes françaises homologuées dans les marchés de l'Etat, des collectivités et de leurs établissements respectifs.

Les produits de canalisation en fonte ductile de Pont-à-Mousson respectent la normalisation française homologuée.

En particulier, nous nous permettons d'attirer votre attention sur les points suivants :

Longueur des tuyaux: la norme NFA 48-806 prévoit trois longueurs possibles: 6,7 et 8 mètres. Les tuyaux de Pont-à-Mousson mesurent 6, 7 ou 8 mètres (selon les diamètres nominaux) ;

Joints : la norme NFA 48-806 stipule que (article 3) l'assemblage des tuyaux peut être réalisé avec différents types de joints définis dans les normes particulières NFA 48-870 ou à défaut par les catalogues des fabricants ;

En ce qui concerne les joints automatiques non verrouillés, il existe une norme particulière (NFA 48 870). Celle-ci fait donc foi. Le joint standard de Pont-à-Mousson est conforme à cette norme ;

Pression d'épreuve: la norme NFA 48 806 fixe les pressions d'épreuve auxquelles doivent être soumis les tuyaux en usine ;

Série K 9 :

DN<300 60 ;

300<DN<600 50 ;

600<DN<1 000 40 ;

1 000<DN<2 000 32,

Pont-à-Mousson respecte ces exigences ;

Revêtement: les revêtements des tuyaux en fonte ductile de Pont-à-Mousson respectent la normalisation française homologuée et en particulier les normes suivantes :

NFA 48 852 (revêtement extérieur en zinc);

NFA 48 901 (prescriptions générales pour le revêtement intérieur du mortier de ciment centrifugé) mais aussi la norme NFA 48 902 (contrôle de composition du mortier fraîchement appliqué).

Sachant l'importance que vous accordez au respect de la législation française qui passe par celui de la normalisation, nous espérons que ces quelques éléments vous permettront de contribuer à sa meilleure application.

Nous nous tenons à votre disposition pour toute information complémentaire.

Considérant que la société Pont-à-Mousson prétend que le conseil a omis de vérifier si les trois marchés à propos desquels il lui était reproché d'avoir utilisé cette circulaire entraient dans les limites du marché sur lequel elle était en position dominante, que le document critiqué n'a eu qu'une diffusion pratique limitée, que son contenu était objectif, exact et n'était ni incomplet ni dénigrant, que son objet était de répondre aux interrogations légitimes des DDE ou DDAF comme le faisait Biwater et que la formule finale ne peut, à elle seule, constituer un abus de position dominante, qu'enfin la remise du document par son agent en Corse, société indépendante, ne peut lui être imputée ;

Mais considérant, en premier lieu, que la société Pont-à-Mousson ne conteste pas avoir utilisé les éléments contenus dans la circulaire ci-dessus reproduite auprès des maîtres d'œuvre, préalablement à l'octroi de marchés publics de fourniture et pose de canalisations à Vern Chantepie et Belfort; que la preuve de l'utilisation par elle du même document, préalablement à l'attribution d'un marché identique en Corse (SIVOM de La Marana), résulte d'une lettre de l'entreprise de pose Agostini, candidate à l'appel d'offres, datée du 27 mars 1990, adressée à la société Biwater, l'informant qu'au cours du même mois elle avait reçu un document de plusieurs pages, à en-tête de la société Pont-à-Mousson, qui lui avait été remis par le représentant de celle-ci en Corse, la société Lançon, le mettant en garde quant à l'homologation des tuyaux de marque Biwater; qu'en outre, lors de l'enquête, la société Pont-à-Mousson a reconnu avoir diffusé la circulaire figurant à l'annexe 1 du rapport, à savoir celle rappelant les normes applicables en matière de canalisations en fonte et faisant une comparaison avec la brochure Biwater; que ces éléments, ajoutés à ceux retenus par le conseil, établissent la preuve des pratiques incriminées ;

Considérant, en second lieu, que les trois marchés en cause (Vers Chantepie, Près à Andelmans, La Marana) portent sur des canalisations d'adduction d'eau potable en fonte ductile dont certaines parties sont de diamètres compris entre 60 et 300 mm; que les pratiques examinées ont donc été commises sur le marché où Pont-à-Mousson occupait une position dominante ;

Considérant, en troisième lieu, que l'enquête prouve que la circulaire ci-dessus reproduite a été établie au cours du 2e trimestre 1989, lors de l'apparition sur le marché français de la société Biwater, seul concurrent de Pont-à-Mousson en France pour les tuyaux de fonte ductile ;

Que les produits Biwater en fonte ductile sont conformes à la norme anglaise BS 4772, reconnue équivalente à la norme internationale ISO 2531 1986, elle-même équivalente aux normes NFA 48 801 (chef de file pour tous les éléments de canalisation en foncte ductile), NFA 48 806 (laquelle prévoit que l'assemblage des tuyaux peut être réalisé avec différents types de joints définis par les normes NFA 48 860 ou NFA 48 870 ou à défaut par les catalogues des fabricants) et NFA 48 830 ;

Que, contrairement à ce qu'elle soutient, la société Pont-à-Mousson ne s'est pas contentée d'envoyer cette circulaire pour répondre aux interrogations des DDE et des DDAF mais qu'elle est encore activement intervenue auprès de ces maîtres d'œuvre pour insister sur le fait que seuls ses matériaux étaient conformes à la norme NF 48 870, ainsi que le montrent, d'une part, la note téléphonique établie par M. Dumont et la déclaration de M. Jacq (cadres de la DDE), lors des consultations préalables au marché de Belfort, d'autre part, la lettre par elle adressée, le 1er février 1990 au responsable de la subdivision de Rennes-Sud de la DDE, chargé du dossier d'appel d'offres lancé par le Syndicat intercommunal des eaux de Vers Chantepie ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'en soulignant dans sa circulaire l'exigence réglementaire de conformité aux normes françaises, laissant ainsi croire que seuls ses propres produits les respectaient, et en intervenant directement auprès des entreprises de pose ou des maîtres d'œuvre, la société Pont-à-Mousson a persuadé les demandeurs de tuyaux de fonte ductile que les produits offerts par la société Biwater n'étaient pas conformes aux normes en vigueur, qu'ils ne pouvaient, de ce fait, être acceptés dans les marchés publics et a, par ce moyen, incité ces demandeurs à les rejeter; que la société Biwater a effectivement été éliminée de la fourniture des canalisations du marché de Vers Chantepie ;

Considérant qu'il est ainsi établi que, sous couvert de rappel de règles relatives à la normalisation dans les marchés publics,la société Pont-à-Mousson a mis en œuvre des pratiques ayant pour objet et pouvant avoir pour effet d'inciter les maîtres de l'ouvrage, les maîtres d'œuvre et les services techniques à se détourner des produits offerts par la société Biwater; qu'émanant d'une entreprise en position dominante, qui était, jusqu'à l'arrivée de la société Biwater, la seule sur le marché de la fonte ductile, de telles pratiques étaient de nature à faire obstacle, de façon artificielle, a l'entrée d'un concurrent sur le marché; qu'elles caractérisent, par conséquent, des faits entrant dans le champ d'application de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

B. - Sur les pratiques en matière de prix :

Considérant qu'il résulte des éléments réunis par le Conseil :

- s'agissant de pratiques constatées à l'occasion du marché de travaux publics passé par le syndicat intercommunal de Reventin Vaugris, qu'après avoir consulté tant la société Pont-à-Mousson que la société Biwater, la société Baucheiro a soumis une offre pour la pose de 2 000 mètres de canalisations d'adduction d'eau de diamètre 200 millimètres, avec des tuyaux fournis par la société Biwater à un prix inférieur à ceux proposés par la société Pont-à-Mousson ; qu'après que la société Baucheiro ait été déclarée adjudicataire, la société Pont-à-Mousson lui a proposé d'aligner ses prix sur ceux de son concurrent; que les deux fournisseurs ont été retenus à parts égales ;

- s'agissant de pratiques constatées à l'occasion d'un marché de travaux publics à Lawarde Mauger, que, soumissionnaire pour un lot de pose et fourniture de canalisations d'adduction d'eau potable, portant notamment sur 2 500 mètres de tuyaux de diamètre 200 millimètres, la société STAG, après avoir consulté les sociétés Pont-à-Mousson et Biwater pour la fourniture des matériaux, a retenu la seconde dont les prix étaient inférieurs; qu'ayant été adjudicataire, elle s'est finalement vu proposer par la société Pont-à-Mousson la fourniture de ses propres matériaux à des prix alignés sur ceux de la société Biwater, que la commande a été attribuée à la société Pont-à-Mousson ;

Considérant que les pratiques litigieuses ont été relevées à l'occasion de deux marchés de travaux publics concernant la fourniture et l'installation des canalisations en fonte ductile de diamètre de 200 millimètres, pour un réseau d'adduction d'eau potable ; qu'elles ont, en conséquence, été commises sur le marché où Pont-à-Mousson était en position dominante ;

Considérant que cette dernière prétend que la pratique parfaitement isolée, dans deux seuls cas, d'un simple alignement sur l'offre d'un concurrent par la proposition d'un prix, en lui même normal, ne saurait constituer un abus de position dominante ;

Mais considérant que s'il était loisible à la société Pont-à-Mousson, en position dominante sur le marché en cause, de proposer des prix inférieurs à ceux de son concurrent dans le cadre de procédures d'appel d'offres, elle n'a pu, comme elle l'a fait dans les deux espèces examinées, sans commettre d'abus, après l'attribution des marchés publics sur la base des prix offerts par la société Biwater, proposer aux adjudicataires la fourniture de ses propres produits à des prix alignés sur ceux de son concurrent ;

Qu'en effet, ainsi caractérisées, ces pratiques lui ont permis de limiter artificiellement le risque de voir les commandes lui échapper, les adjudicataires n'ayant plus, à tarif égal, intérêt à recourir aux produits offerts par la société Biwater, de moindre puissance et notoriété en France, tout en évitant d'avoir à se livrer, préalablement à l'obtention des marchés, auprès des entreprises de pose soumissionnaires, à une concurrence effective par les prix ;

Que,de la part de la société Pont-à-Mousson, un tel comportement ayant eu pour objet et pour effet d'empêcher la société Biwater, d'entrer sur le marché et de s'y maintenir en proposant des prix plus compétitifs et, ainsi, de conserver son monopole en France sur le marché des canalisations en fonte ductile ci-dessus délimité, constitue un abus de position dominante au sens de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

C. - Sur les interventions auprès des maîtres d'œuvre et des maîtres d'ouvrage :

Considérant que la société Biwater soutient que le dossier comporte la preuve d'interventions directes de la société Pont-à-Mousson, lors de procédures d'appel d'offres de marchés publics, auprès des maîtres d'ouvrage et des entreprises de pose qui ont conduit ceux-ci à refuser ses propres produits, de tels comportements étant, selon elle, constitutifs d'abus de position dominante ;

Mais considérant, d'une part, que, selon l'avis de consultation paru au BOAMP, l'appel d'offres lancé par la Communauté urbaine de Strasbourg porte sur la fourniture et la pose d'une conduite de refoulement en fonte ductile de 350 millimètres de diamètre de type assainissement ;

Que si le marché passé par l'OEHC porte sur des canalisations dont le diamètre varie de 60 à 1 000 millimètres, aucun élément du dossier ne permet de déterminer s'il s'agit d'adduction d'eau potable, d'irrigation ou d'assainissement (annexe V, annexe 27 du rapport) ;

Que les pratiques imputées à la société Pont-à-Mousson a l'occasion de ces deux appels d'offres ne peuvent caractériser une infraction à l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, dès lors qu'il n'est pas établi qu'elles ont été commises sur le marché où elle était en position dominante ;

Considérant, d'autre part, que si l'appel d'offres concernant les communes de Vertou et Machecoul, qui porte sur le renforcement d'une canalisation d'eau potable pourrait entrer dans le marché pertinent, il ne résulte toutefois pas des éléments du dossier que l'intervention de la société Pont-à-Mousson auprès du maître d'œuvre, au cours de la procédure de consultation, ait eu d'autre objet que de lui fournir des précisions techniques; que le caractère anticoncurrentiel desdites pratiques n'est donc pas prouvé ;

D. - Sur les études et prestations gratuites :

Considérant que l'enquête administrative a révélé que la société Pont-à-Mousson fournissait aux maîtres d'œuvre et d'ouvrage des études techniques réalisées pour des appels d'offres à venir ou déjà lancés ;

Mais considérant que la pose de canalisations étant soumise à des contraintes liées à la nature du sol, aux conditions d'exploitation du réseau et à la configuration du terrain, il ne peut être soutenu que de telles études étaient proposées dans le but d'éliminer un concurrent ;

Que c'est donc à juste titre que le conseil a estimé qu'aucun abus de position dominante ne pouvait être imputé à Pont-à-Mousson de ce chef.

E. - Sur l'application de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 :

Considérant que la société Biwater allègue que la participation des maîtres d'ouvrage et des maîtres d'œuvre publics ou privés dans les pratiques de Pont-à-Mousson constitue une infraction à l'article 7 de l'ordonnance ;

Mais considérant que le conseil retient, à juste titre, que l'attitude négative de certains maîtres d'ouvrage à l'égard des produits Biwater, à la supposer établie, relève de la décision de choix des fournitures et travaux prise par l'acheteur public pour lui-même qui ne constitue donc pas un acte de production, de distribution ou de service auquel s'applique l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Qu'en outre, ainsi que le relève le conseil, l'instruction n'a pas révélé d'éléments tendant à prouver l'existence de collusions entre la société Pont-à-Mousson et les maîtres d'œuvre privés ou publics ou entre cette société et les sociétés gestionnaires des réseaux d'adduction d'eau potable; que devant la cour, la société Biwater n'apporte aucun autre élément susceptible d'étayer ses allégations ;

Que le recours incident de la société Biwater doit en conséquence être rejeté.

F. - Sur la poursuite des pratiques reprochées à Pont-à-Mousson :

Considérant que la société Biwater soutient encore que, si l'injonction du conseil, exécutoire de droit, a été en partie respectée par la société Pont-à-Mousson jusqu'au prononcé de l'arrêt ordonnant une expertise, depuis lors, celle-ci a largement diffusé un document mettant en doute la compatibilité de ses joints avec d'autres tuyaux que les siens ;

Mais considérant que cette demande est irrecevable s'agissant de faits postérieurs à la décision du conseil et relevant de son pouvoir de vérification des injonctions.

V. - Sur les sanctions :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le montant maximum de la sanction que peut infliger le conseil est, pour une entreprise, de 5 % du chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au cours du dernier exercice clos; que ladite sanction doit être proportionnée à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise sanctionnée ;

Considérant que l'exercice comptable à prendre en considération pour déterminer le montant de la sanction étant celui qui a précédé la décision du conseil, il convient de retenir le chiffre de 2,442 milliards de francs qui correspond au chiffre d'affaires hors taxe réalisé par la société Pont-à-Mousson en France au cours dé l'exercice 1991 ;

Considérant que la société Pont-à-Mousson prétend que, compte tenu du caractère isolé des pratiques retenues, tant en matière d'information sur les normes que sur les prix, et de l'absence d'effet pratique établi, la sanction pécuniaire est disproportionnée dans son principe comme dans son montant ;

Mais considérant que les pratiques d'exclusion du marché d'un concurrent potentiel de la part d'une entreprise jouissant d'un quasi-monopole sont, en elles-mêmes, d'une extrême gravité ;

Que le conseil a justement relevé que la diffusion d'indications relatives à la normalisation a pu durablement inciter les maîtres d'œuvre et les maîtres d'ouvrage à donner la préférence aux produits de la société Pont-à-Mousson et que les pratiques de prix mises en œuvre par celle-ci, à l'occasion des marchés Lawarde Mauger et Reventin Vaugris n'ont pas eu seulement pour objet et pour effet d'éliminer totalement ou partiellement la société Biwater de ces marchés publics mais ont également pu avoir pour effet de décourager cette entreprise de tenter d'entrer en compétition avec la société Pont-à-Mousson sur d'autres marchés ;

Qu'en outre les pratiques de renégociations de prix de fourniture avec l'adjudicataire d'un marché public causent un dommage effectif à 1'économie dans la mesure où elle prive la collectivité publique du bénéfice des enchères qui auraient dû avoir lieu avant l'attribution du marché ;

Que la stratégie d'éviction de la société Pont-à-Mousson a créé artificiellement une barrière à l'entrée sur le marché d'une entreprise concurrente et a eu une réelle incidence sur l'intensité de la concurrence que pouvaient se faire ces deux sociétés ;

Qu'il s'ensuit que le conseil a procédé à une exacte appréciation de la sanction pécuniaire et de sa proportionnalité à la gravité des faits, au dommage causé à l'économie eu égard à la situation de l'entreprise concernée, au regard des pratiques relevant de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qu'il a constatées, en infligeant à la société Pont-à-Mousson une sanction pécuniaire représentant 0,125 % du montant de son chiffre d'affaires de référence ; qu'il n'y a donc pas lieu de réformer la décision sur ce point ;

Considérant que la décision du conseil ayant déjà été publiée intégralement dans le Moniteur des travaux publics et la Gazette des communes et des départements, et dès lors que le recours incident de la société Biwater est rejeté, il n'y a pas lieu d'ordonner de nouvelles mesures de publication.

VI. - Sur l'article 700 nouveau Code de procédure civile :

Considérant que l'équité commande d'allouer à la société Biwater une somme de 150 000 F par application de l'article 700 nouveau Code de procédure civile,

Par ces motifs : Rejette le recours principal de la société Pont-à-Mousson ; Dit la société Biwater irrecevable en son recours incident en ce qu'il porte sur des faits dont le conseil n'était pas saisi dans la décision soumise à recours ; Le rejette pour le surplus ; Condamne la société Pont-à-Mousson à payer à la société Biwater la somme de 150 000 F en application des dispositions de l'article 700 nouveau Code de procédure civile ; Met à la charge de la société Pont-à-Mousson les dépens de son recours principal, comprenant les frais d'expertise, et de la société Biwater ceux afférents à son recours incident.