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Décisions

Conseil Conc., 24 novembre 1998, n° 98-D-70

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Saisine des sociétés Multivision et Télévision par satellite (TPS) dans le secteur des droits de diffusion audiovisuelle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport de M. Bernard Lavergne, par Mme Hagelsteen, présidente, MM. Cortesse, Jenny, vice-présidents, MM. Bon, Callu, Gicquel, Marleix, Robin, Rocca, Sloan, Urbain, membres.

Conseil Conc. n° 98-D-70

24 novembre 1998

Le Conseil de la concurrence (formation plénière),

Vu la lettre enregistrée le 8 juillet 1997 sous le numéro F 973, par laquelle les sociétés Multivision et Télévision par satellite (TPS), ont saisi le Conseil de la concurrence de pratiques de la société Canal Plus qu'elles estiment anticoncurrentielles ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu les observations présentées par les sociétés Multivision, TPS et Canal Plus ; Vu l'avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel en date du 16 septembre 1997 ; Vu les autres pièces du dossier, Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Multivision, TPS et Canal Plus entendus, Adopte la décision fondée sur les constations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :

I. CONSTATATIONS

A. - Les caractéristiques du secteur

Le développement des services de télévision est la conséquence de deux innovations technologiques : d'une part, l'émergence de supports de télédiffusion alternatifs au réseau hertzien d'émetteurs terrestres, comme les satellites de télédiffusion directe ou les réseaux câblés, et d'autre part, le codage et la compression numérique qui permettent une diversification de l'offre télévisuelle et notamment la multiplication du nombre de chaînes, ainsi que l'amélioration de la définition des images et de leur format.

La réception numérique, qui apporte un vaste choix de programmes thématiques et de services nouveaux, nécessite l'utilisation d'un terminal numérique pour le décodage et le décryptage. Ce terminal permet l'identification de l'abonné, sa facturation et rend possible un dialogue, par voie de retour, avec l'émetteur opérateur (réservation, achat, téléchargement). Il permet notamment de facturation directement aux téléspectateurs la prestation de services fournie et donc de développer un nouveau mode de diffusion, reposant sur le paiement à la consommation ou " pay per view ".

1. Les bouquets numériques

Il existe actuellement en France trois bouquets numériques créés en 1996 : CanalSatellite, diffusé par le satellite Astra 1 E, TPS, chaîne cryptée qui retransmet les chaînes généralistes nationales, diffusée par les satellites Eutelsat Hot Bird II et Eutelsat II F 1, et AB Sat, diffusé par le satellite Eutelsat II F 1.

CanalSatellite numérique propose dix-neuf chaînes à thèmes avec l'abonnement de base, dont Canal J (enfants), Paris Première (spectacles), Canal Jimmy (séries), Planète (documentaires), LCI (information en continu), Monte Carlo et Voyages et quinze radios en son numérique. Le coût mensuel de cet abonnement s'élève à 98 F. Il donne accès au service Kiosque de paiement à la séance. L'option Cinéma permet de regarder des films récents (800 films par an) et de choisir soit la version originale (Ciné Cinéma'), soit la version française (Ciné Cinéma''). Elle permet aussi de choisir le format de diffusion 16/9 ou 4/3 (Ciné Cinéma). Il est également possible de s'abonner à Disney Chanel. Le coût mensuel de l'abonnement avec ces options s'élève à 158 F. Le service Kiosque de paiement à la séance diffuse des rencontres sportives et propose un choix de films récents et inédits. Le coût de chaque film est de 29 francs ou 38 francs, selon les films. De plus, l'abonnement à Canal Plus numérique, diffusé également par Astra, permet de choisir à la même heure entre trois programmes (Canal Plus, Canal Plus jaune et Canal Plus bleu) et de bénéficier aussi du service Kiosque.

Le bouquet TPS donne accès, en exclusivité avec la qualité numérique, aux six chaînes généralistes nationales (TF1, France 2 et France 3, Arte, La Cinquième et M 6), ainsi qu'à trois chaînes exclusives consacrées au cinéma (Cinéstar 1, Cinéstar 2 et Cinéstoile), à seize chaîne thématiques (notamment Eurosport, LCI, CNN International, RTL 9 et Télétoon), à des stations de radio en stéréophonie et au service Multivision. Le coût mensuel de cet abonnement s'élève à 100 francs-TPS Cinéma), 90 francs (TPS Thématique) ou 150 francs (TPS Cinéma et RPS Thématique). Le service Multivision de paiement à la séance offert par TPS diffuse récents et inédits et permet de consulter les services météorologiques de Météo Express. Le coût de chaque film est de 29 F.

Le bouquet AD Sat propose dix huit chaînes, dont plusieurs en option (cinq chaînes de cinémas et six chaînes passions), qui sont thématiques dans leur grande majorité, notamment AD Sport, AB Cartoons, Polar, Rire, Encyclopédia, Chasse et Pêche, Automobile ainsi que diverses chaînes étrangères, telles que Rai I, rai II, Rai III, Rete 4, Italia 1, Canale 5, Deutsche Welle ou NBC, des stations de radio françaises et des chaînes musicales. Le coût mensuel de l'abonnement de base (sept chaînes) s'élève à 49 francs ; l'option Cinémas (cinq chaînes) et l'option Passions coûtent 80 francs chacune ou 150 francs si elles sont groupées. Contrairement aux deux premiers bouquets, ce bouquet ne diffuse pas de servie de paiement à la séance.

2. La télévision payante

Alors que la télévision gratuite commerciale est financée par la vente d'espaces publicitaires aux annonceurs, la télévision à péage se caractérise par le paiement par les téléspectateurs des programmes auxquels ils souhaitent avoir accès. L'exploitant commercial est un prestataire de services qui recherche des consommateurs et gère ses abonnés et non plus une régie publicitaire chargée d'observer l'audience et de vendre ses parts de marché. Les radiodiffuseurs offrant aux téléspectateurs " généralistes " et des chaînes thématiques. De plus, ils présentent ainsi des services " à la carte ", qui se développent avec l'essor des nouvelles technologies, comme les services météorologiques personnalisés, le paiement à la séance, ou encore la " quasi-vidéo-à-la-demande ". Le nombre d'abonnés aux services de télévision payante à la date du 10 février 1998 est le suivant :

EMPLACEMENT TABLEAU

69 % des abonnés à CanalSatellite sont également abonnés à Canal Plus. De plus, dans certains cas, l'utilisateur abonné a la possibilité de formuler ses choix à l'émetteur opérateur. Les services de ce type se développent avec la technique numérique qui offre une capacité plus grande et permet la diffusion simultanée de plusieurs événements en même temps. En matière de paiement à la séance, l'abonné réalise un acte d'achat individuel supplémentaire qui lui permet de choisir notamment les séances de cinéma et les rencontres sportives qu'il souhaite suivre à la télévision. Les services concurrents de paiement à la séance - d'une part Kiosque, qui est accessible sur CanalSatellite numérique et sur NC Numéricâble, et, d'autre part, Multivision - diffusent des événements sportifs et des films. Leur développement est fondé sur la détention des droits de diffusion de ces films. En effet, ces services, qui se présentent comme " le cinéma et le sport à la carte " (Kiosque) ou " la télévision à la carte " (Multivision), proposent les films ayant eu les plus grands succès en salles, qui ne sont payés, " comme au cinéma ", qu'à la séance. En matière de cinéma, les films diffusés par ces services sont donc des films récents et qui n'ont pas encore fait l'objet de diffusion télévisuelle en clair, pour lesquels le spectateur est prêt à payer la prestation.

3. La chronologie des médias

Les chaînes acquièrent les droits de diffusion des œuvres cinématographiques pour une durée négociée avec le producteur. Ces acquisitions sont soumises à des règles qui résultent de textes législatifs et réglementaires et des accords signés entre les chaînes à péage et le Bureau de liaison des industries cinématographiques (BLIC), organisme informel qui représente les professionnels du cinéma (distributeurs exploitants, industries techniques et producteurs).

Jusqu'à présent, des textes législatifs ou réglementaires complétés par des accords contractuel conféraient à chaque mode de communication au public d'une œuvre cinématographique une " fenêtre " (1) de diffusion particulière liée à une exclusivité d'exploitation. La succession dans le temps de ces fenêtres constitue ce qu'il et convenu d'appeler la chronologie des médias. Ainsi que l'indique le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) dans son avis du 16 septembre 1997 : " Ce système a été mis en place afin que les recettes de chaque support soient maximisées et que les producteurs puissent exploiter successivement et au mieux les différents marchés ".

Ainsi l'article 70-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de la consommation a fixé le principe de trois délais de diffusion : " Un décret en Conseil d'Etat détermine les délais dans lesquels une œuvre cinématographique de longue durée peut être exploitée successivement : 1) par les services de communication audiovisuelle pratiquant le paiement à la séance et sous forme de supports destinés à la vente ou à la location pour l'usage privé du public, et notamment sous forme de vidéocassettes ou de vidéodisques ; 2) par les services de communication audiovisuelle qui font l'objet d'un abonnement spécifique des œuvres cinématographiques un pourcentage déterminé de leur chiffre d'affaires ; 3) par les autres services de communication audiovisuelle ".

En l'absence de décret d'application postérieur, deux décrets antérieurs à la publication de la loi restent en vigueur. D'une part, l'article 1er du décret du 4 janvier 1983 modifié portant application de l'article 89 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle dispose que " le délai avant l'expiration duquel aucune œuvre cinématographique (...) ne peut être exploitée sous forme de vidéocassettes (...) est fié à un an à compter de la délivrance du visa d'exploitation ". En fonction des résultats d'exploitation de l'œuvre en salles, le ministre de la Culture peut accorder des dérogations pouvant porter ce délai de quatre à neuf mois à compter de la date de sortie en salle, après avis d'une commission placée auprès du Centre national de la cinématographique (CNC). La " fenêtre de diffusion " des films en paiement à la séance est assimilé au délai de diffusion des vidéocassettes. D'autre part, l'article 4 du décret n° 87-36 du 26 janvier 1987 modifié autorise la diffusion sur les chaînes hertziennes en clair de films deux ans après la date d'obtention du visa d'exploitation pour une œuvre cinématographique coproduite par une chaîne et à trois ans si l'œuvre n'a pas été coproduite. Ces délais peuvent toutefois être réduits en fonction des résultats d'exploitation obtenus en salles, par dérogation du ministre de la Culture, après avis d'une commission placée auprès de la CNC, sans que ce délai puisse être inférieur à dix-huit mois après l'obtention du visa d'exploitation. Le CSA précise que cette dérogation est peu utilisée en pratique.

Un accord conclu entre le Blic et Cana Plus stipule, pour les chaînes payantes que : " Dans le cadre des lois et règlements, la vigueur concernant les délais de passage des œuvres cinématographiques sur les supports audiovisuels. Canal Plus doit respecter pour la diffusion des œuvres cinématographiques, un délai d'un an à compter de la date de sortie en exclusivité dans les salles " cinéma en France ".

Pour les autres chaînes payantes, il n'existe aucun délai réglementaire : en effet, le décret n° 92-882 du 1er septembre 1992 fixait dans son article 17, un délai d'un an, inspiré de celui prévu par l'accord conclu entre le BLIC et la société Canal Plus. Ces dispositions ont été abrogées par le décret n° 95-77 du 24 janvier 1999 pour non-conformité avec la directive 89-552-CEE du 3 octobre 1989, " Télévision sans frontière ", notamment son article 7 qui prévoyait un délai de principe de deux ans entre le début d'exploitation d'une œuvre cinématographique en salle et sa diffusion télévisuelle avec une possibilité de dérogation contractuelle entre les détenteurs de droits et l'organisme de radiodiffusion télévisuelle. Toutefois, les professionnels ont conservé ce délai en pratique.

Ainsi que le relève le CSA dans son avis déjà cité, une nouvelle plage de diffusion, dite " seconde fenêtre ", " n'a aucune origine légale. Elle ne résulte pas non plus d'accord professionnels. En l'état des textes, elle ne peut exister que de façon contractuelle est habituellement située après la fin de la période d'exclusivité de Canal Plus (soit un an après le premier jour du treizième mois après la sortie en salle du film) et le début de celle des chaînes hertziennes en clair ", fixé à deux ans après la date d'obtention du visa d'exploitation si ces chaînes sont coproductrices ou à trois ans, si elles ne le sont pas.

Le CSA a également précisé que " cette seconde fenêtre est donc directement liée à l'acceptation des chaîne en clair de reculer la date de la premier diffusion des films qu'elles ont coproduits ". La société TPS, qui désire programmer des films français récents sur ses chaînes de cinéma Cinestar 1 et Cinéstar 2, n'a que le choix d'une programmation après celle de Canal Plus (qui préachète 80 % des œuvres cinématographiques) et, dans la mesure du possible, avant celle des chaînes en clair. Il résulte des déclarations du directeur adjoint chargé de la réglementation au CNC du 20 mars 1998 qu'il en est de même pour la chaîne thématique Ciné Cinéma, créée par Canal Plus.

La Société Canal Plus fait valoir que, en tout état de cause, s'agissant du paiement à la séance, aucun décret n'a été pris pour l'application du nouvel article 70-1 de la loi de 1986. Le paiement à la séance ne bénéficierait ainsi d'aucune fenêtre réglementaire.

Enfin, l'article 7 de la directive Télévision sans frontière 89-552-CEE du 3 octobre 1989 a été modifié par la directive 97-36-CEE du 30 juin 1997 qui doit être transposée au plus tard le 30 décembre 1998 et prévoit que : " Les Etats membres veillent à ce que les radiodiffuseurs qui relèvent de leur compétence ne diffusent pas d'œuvres cinématographiques en dehors des délais convenus avec les ayants droit ".

Aux termes de cette disposition, la chronologie des médias ne devrait à l'avenir résulter que des accords contractuels passés entre les parties intéressées.

4. Les catégories de contrats

Les autorisations délivrées aux chaînes de télévision soumettent ces dernières à des obligations d'investissement dans le cinéma. Ces investissements prennent la forme de coproduction ou de préachat pour les chaînes hertziennes en clair et leurs filiales ou d'achat et de préachat pour Canal Plus.

On distingue ainsi deux types de contrats : d'une part, les contrats de coproduction, qui transfèrent des parts de propriété du négatif du film, et, d'autre part, les contrats de préachat ou d'achat de droits, qui constituent seulement des droits de passage du film à l'antenne.

Les contrats de coproduction conclu, selon l'exigence fixée par le décret n° 90-67 du 17 janvier 1990, avant l'agrément d'investissement délivré par le CNC, entre les producteurs d'œuvres cinématographiques et les filiales des chaînes de télévision exclusivement consacrées à la production cinématographique, définissent notamment le montant d'investissement consenti par la chaîne au titre de sa coproduction et les remontées de recettes y afférent.

Les contrats de préachat, conclu habituellement eux aussi avant l'agrément d'investissements délivré par le CNC entre les producteurs d'œuvres cinématographiques et les chaînes de télévision, fixent les modalités d'achat et les conditions de diffusion de l'œuvre sur l'antenne de la chaîne ayant préacheté ces droits.

En revanche les contrats d'achats de droits stipulent les conditions d'achat de droits des films alors que ceux-ci sont déjà sortis en salles.

5. Les obligations de diffusion audiovisuelle

L'article 70 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée dispose que : " Les services de communication audiovisuelle qui diffusent des œuvres cinématographiques, et notamment les sociétés nationales de programme, contribuent au développement des activités cinématographiques nationales selon les modalités fixées par les cahiers des charges des sociétés nationales, les autorisations accordées en application des articles 30, 31 et 65 de la présente loi et les décrets prévus aux articles 33 et 43. Les dispositions relatives à la diffusion des œuvres cinématographiques incluses dans les cahiers des charges, les autorisations et les décrets visés à l'alinéa précèdent doivent préciser : (...) 2° l'obligation de consacrer dans ces diffusions, en particulier aux heures de grande écoute, des proportions au moins égales à 60 % à des œuvres européennes et des proportions au moins égales à 40 % à des œuvres d'expression originale française (...) " Le décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 modifié à défini dans son article 5 les " œuvres cinématographiques ou audiovisuelles d'expression originale française " comme : " les œuvres réalisées intégralement ou principalement en version originale en langue française ou dans une langue régionale en usage en France ".

6. Les parties en cause

a) Les sociétés Télévision par satellite (TPS) et Multivision

La Société Télévision par satellite (TPS), lancées en 1996, est une société en nom collectif qui a pour activité la diffusion et la commercialisation d'une offre payante de programmes et de services audiovisuels en mode numérique et par satellite. Destinée à l'ensemble de l'Europe, cette offre se limite actuellement à la France. Elle propose par ailleurs une série de programmes et de services interactifs à ses abonnés, offre complétée par les services de paiement à la séance de la société Multivision.

Le capital de la société se répartir comme suit : 25 % à TF1 Développement (filiale à 100 % de la société TF1), 25 % à France Télévision Entreprises (détenue à 66 % par France Télécom et à 34 % par France Télévision), 20 % à M6 numérique (filiale à 100 % de la société M6), 20 % à la Société pour le numérique francophone (détenue à 49,99 % par la CLT-UFA, 35,01 % par la société Banexi et 15 % par la SAGP) et enfin 10 % à la Société lyonnaise satellite (filiale à 100 % de la société Suez-Lyonnaise des eaux). La société CLT-UFA a vendu en février 1998 sa participation dans le capital de la société TPS aux sociétés M6 et Suez-Lyonnaise des eaux.

Par ailleurs, la société TPS détient l'intégralité du capital de TPS Cinéma, qui édite trois chaînes de cinéma et de TPS jeunesse, consacrée à l'édition d'une chaîne de dessin animés.

Selon le CNC, la société TPS a préacheté les droits de diffusion de six films " d'initiative française ", en 1997, pour un montant global de 57,3 millions de francs.

La société Multivision a été créée en 1994. Son capital est détenu à 78 % par la société TPS, à 12 % par la société Lyonnaise de communications et à 10 % par la société France Télécom Multimédia Participations. Elle a réalisé en 1996 un chiffre d'affaires de près de 8 millions de francs. Elle offre un service de télévision de paiement à la séance consacré au cinéma et au sport. La rémunération versée par le téléspectateur est directement lié soit à la durée, soit à la nature de l'émission.

Dans un premier temps, la société Multivision a distribué son service, sous la dénomination sociale de Telcarte, par câble. Elle a conclu avec le CSA, le 6 mai 1994, une convention ayant pour objet de " fixer les obligations particulières applicables au service de télévision édité par la société Telcarte, ainsi que les prérogatives et les pénalités contractuelles dont dispose le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour assurer le respect des obligations conventionnelles ". Elle a souhaité ensuite diffuser ses programmes sur deux autres canaux pour multiplier le nombre de diffusions et offrir une grille de programmation différente, tout en gardant le même contenu. C'est pourquoi une deuxième convention entrée en vigueur le 6 janvier 1995 a été conclue avec le CSA et, enfin, une troisième convention, d'une durée de neuf mois, signée le 1er janvier 1996. Au cours des discussions ayant conduit à la signature de cette dernière convention, la société Multivision a attiré l'attention du CSA sur les difficultés qu'elle éprouvait pour satisfaire son obligation de quota de diffusion d'œuvres cinématographiques françaises. Le troisième canal de la société Multivision a depuis lors été fermé.

Dans le cadre du lancement de TPS, les sociétés Multivision et Télévision par satellite ont conclu un accord en décembre 1996, afin de proposer un service de paiement à la séance plus large, en mode numérique sur huit canaux aux abonnés de Télévision par satellite.

Ce service, qui est diffusé par TPS sur satellite, est destiné à être progressivement repris sur les réseaux câblés, encours de numérisation. Le projet de convention pour cette diffusion, qui est en cours de négociations avec le CSA, achoppe sur le respect des quotas de diffusion de 40 % d'œuvres cinématographiques françaises.

b) La société Canal Plus

La société anonyme Canal Plus a reçu le 6 décembre 1983 la concession d'exploitation de la quatrième chaîne de télévision. Cette concession transformée en autorisation le 1er juin 1995, a été reconduite pour une durée de cinq ans à compter du 6 décembre 1995.

Depuis l'absorption de la société Havas par la Compagnie générale des eaux, devenue Vivendi, cette dernière détient directement 34 % de la société Canal Plus. Le capital de la société est également détenu à 15 % par la société Richemont, à 4,1 % par la Caisse des dépôts et consignations, à 2 % par la Société Générale, le reste, 44,9 % étant réparti dans le public.

Par ailleurs, la société Canal Plus dispose de nombreuses filiales, parmi lesquelles figure CanalSatellite, filiale à 69,9 % et a constitué avec cette dernière un GIE numérique Canal Plus - CanalSatellite, dans lequel elle détient 51 % du capital.

Le CSA a précisé dans son avis que la société Canal Plus " joue un rôle essentiel dans la production de films français ", qu'en 1996 elle a couvert 59 % du financement apporté par les chaînes de télévision au cinéma et qu'elle a préacheté 107 des 134 films produits en France, notamment l'intégralité de ceux d'un devis supérieur à 13 millions de francs, à trois exceptions près, le reste étant fourni par TF1, France Télévision, M 6 et Arte. L'apport des chaînes de télévision hertzienne françaises a été, en 1996, de 1,191 milliard de francs sur un total d'investissement cinématographique de 2,329 milliards de francs. Par ailleurs, la société Canal Plus coproduit par l'intermédiaire de ses filiales une trentaine de films par an. Elle constitue le premier investisseur privé du cinéma français.

Cette situation résulte tout d'abord des obligations législatives et réglementaires de la société Canal Plus, dont le régime juridique est issu du décret n° 95-668 du 9 mai 1995 et matérialisé par une convention avec le CSA du 1er juin 1995, entrée en vigueur le 1er janvier 1996. L'obligation d'achat de droits de diffusion de production cinématographique française représente 9 % du chiffre d'affaires hors taxes de la société, soit, selon Canal Plus, 784 millions de francs en 1996, dont 707 millions de francs de préachats.

Les articles 10 et 11 du décret du 9 mai 1995 précisent : " Art. 10. - Les services dont l'objet principal est la programmation d'œuvres cinématographiques et d'émissions consacrées au cinéma et à son histoire doivent réserver au moins 25 % de leurs ressources totales annuelles mentionnées au premier alinéa sont constituées par le total du produit des abonnements, des recettes publicitaires et des recettes de parrainage. Compte tenu des charges spécifiques liées au décryptage des émissions et sous réserve que les frais de décodeurs soient inclus dans le produit des abonnements, l'assiette des ressources totales annuelles fait l'objet d'un abattement forfaitaire de 20 %. Art. 11. - Les œuvres cinématographiques européennes doivent représenter au moins 60 % et les œuvres cinématographiques d'expression originale française doivent représenter au moins 45 % du montant des droits de diffusion que le service est tenu d'acquérir en application de l'article 10 ci-dessus. "

Ce décret, ainsi d'ailleurs que le régime de concession antérieur, est directement issu des accords négociés au moment de la création de cette chaîne avec le BLIC (Bureau de liaison des industries cinématographiques), accord qui a procuré à Canal Plus des dérogations par rapport au régime de diffusion des œuvres cinématographiques applicables aux chaînes en clair, afin qu'elle puisse être la " chaîne du cinéma ".

Par ailleurs, une convention signée, le 1er juin 1995, entre le CSA agissant au nom de l'Etat, d'une part, et la société Canal Plus, d'autre part, fixe les " règles particulières applicables au service édité par la société et les prérogatives dont dispose le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour assurer le respect, par la société des ses obligations ".

Cette convention prévoit que la société Canal Plus peut notamment diffuser 365 œuvres cinématographiques de longue durée entre midi et minuit, plus 120 œuvres cinématographiques de longue durée entre minuit et midi (contre 192 films par an pour les chaînes en clair), hors rediffusion (qui ont lieu six fois pendant une période de trois semaines), dans un délai réduit à un an, avec possibilité de dérogation, entre la date de sortie d'un film en exclusivité dans les salles et sa diffusion à l'antenne (délai de vingt-quatre à trente-six mois pour les chaînes en clair) ainsi que dans des plages horaires traditionnellement interdites aux autres chaînes (les mercredis, samedi et dimanche).

En outre, Canal Plus s'engage à respecter deux obligations : en premier lieu, la diffusion de différents genres cinématographiques et, en second lieu, la promotion des films sortis en salle, qui doit être assurée deux fois par semaine, dont une fois à une heure de grande écoute.

Il résulte du décret du 9 mai 1995 susmentionné que la société Canal Plus est tenue consacrer 9 % de ses ressources à des œuvres d'expression originale française. Par ailleurs, cette société s'est engagée contractuellement, bien qu'il ne lui en soit pas fait obligation, à verser 1% de son chiffre d'affaires annuel hors taxes à la Fédération nationale du cinéma français, afin d'améliorer les conditions d'exploitation des salles de cinéma.

La Société Canal Plus est tenue de respecter des quotas de diffusion d'œuvres européennes (60 % de la programmation) et d'expression originale française (40 %).

Par ailleurs, contrairement aux chaînes hertziennes en clair qui coproduisent pour respecter leurs engagements, la société Canal Plus a l'obligation d'acheter des droits de diffusion. Elle a décidé d'acheter des droits de films français récents non pas une fois ces films achevés, mais avant même leur tournage.

Le préachat ou part antenne, qui est défini par l'article 5 du décret n° 90-67 du 17 janvier 1990, représente les " sommes consacrées à l'achat des droits de diffusion exclusifs d'œuvres cinématographiques n'ayant pas encore reçu l'agrément d'investissement ".

Ce préachat s'est fait à la demande des producteurs et s'avère indispensable pour le financement du secteur cinématographique. Les représentants des sociétés Multivision et Télévision par satellite ont reconnu dans leurs déclarations du 29 janvier 1998 : " Si Canal Plus ne préachetait pas les droits, un grand nombre de films ne pourrait être produit ". Une part croissante de la production française est préachetée, alors même que le volume de cette production a eu tendance à baisser de 1990 à 1996. Elle a cependant augmenté de 20 % en 1997.

Un document intitulé Le Cinéma à la télévision en 1994-1995 coédité par le CNC et le CSA, mentionne : " Les sommes consacrées par Canal Plus à l'acquisition d'œuvres cinématographiques francophones ont augmenté de 23 % de 1990 à 1995 (...). Priorité aux préachats. La répartition entre préachats et achats a notablement évolué depuis 1990. (Les textes réglementaires ne comportent aucune obligation sur la répartition entre achats et préachats des sommes que doit chaque année consacrer Canal Plus à l'acquisition des droits de diffusion d'œuvres cinématographiques d'expression originale française). Alors qu'au début des années 1990, Canal Plus consacrait en moyenne 40 % de ses dépenses pour des films francophones déjà réalisés, cette part ne représente plus que 10 % en 1995 (...). Les montants investis dans les préachats ont doublé en six ans. Le nombre de films achetés est resté stable depuis 1990. Canal Plus préachète environ 80 % de la production d'initiative française. En 1995, elle a préacheté l'intégralité des soixante-sept films d'initiative française d'un devis supérieur à 13 Mfrancs (...). Cette évolution est très significative de la priorité de plus en plus affirmée donnée par Canal Plus à la production récente dans ses grilles de diffusion. Son image de " chaîne du cinéma ", s'affirme comme étant de plus en plus la chaîne du cinéma récent, laissant à ses filiales Ciné-Cinéma et Ciné-Cinéfil, la programmation de films plus anciens ".

Le CSA a également indiqué qu' " en décidant d'acheter les droits des films français récents non pas une fois ceux-ci achevés, mais avant même leur tournage (...) et bien souvent sous la pression des producteurs, Canal Plus a accru son importance dans la production, d'autant plus que les sommes investies sont devenues au fil des ans de plus en plus considérables et que la manne financière apportée par Canal Plus s'avère indispensable pour la survie du secteur de la production cinématographique ".

Le CSA a précisé que le succès de la société Canal Plus est à l'origine de sa part prépondérante dans le cinéma français, puisque, de façon mécanique, sa contribution à la production s'accroît d'année en année. De ce fait, la société Canal Plus a dû augmenter son apport moyen par films, qui est passé de 3,3 millions de francs en 1990, à 6,2 millions de francs en 1995, ce qui œuvre en moyenne 22 % du devis des films, la contribution de la société Canal Plus étant toutefois limitée à 20 millions de francs par film suivant les accords conclu avec le BLIC. Le CNC fait état de 108 films " d'initiative française " préachetés par la société Canal Plus en 1997, pour un montant global de 766,16 millions de francs.

Ce financement a eu pour effet, d'une part, de compenser la diminution des " apports producteurs ", les bénéfices issus des salles ayant baissé en même temps que la fréquentation pour les films français depuis le début des années 1980, et, d'autre part, de compenser la quasi-disparition des plans de financement des films français des " à-valoir distributeurs ", avances consenties par les distributeurs aux producteurs sur les recettes futures réalisées en salle. Cette ressource est, selon le CSA, d'autant plus importante pour les producteurs qu'elle ne s'accompagne pas d'une répartition de remontées de recettes, comme pour les coproductions.

Le CSA a indiqué : " Il est vrai que cette politique massive de préachat donne à cette chaîne de télévision un pouvoir jamais égalé, renforcé par sa politique de coproduction dans laquelle elle s'est volontairement engagée depuis le début des années 1990. "

En effet, sans qu'aucun texte ne le lui impose, la société Canal Plus a complété sa politique de préachat par une véritable politique de production, d'abord par la création d'une société de production, le " Studio Canal Plus ", qui investit environ 30 millions de francs par an dans la production d'une dizaine de films français, puis par des prises de participation dans des sociétés de production, notamment dans les films Alain Sarde (2e producteur français) et les Films Lazennec (8e producteur français), 49 % du capital de ces deux sociétés étant détenus par la société Canal Plus. Elle a également des liens privilégiés avec la société Téléma (10e producteur français), avec laquelle elle a récemment créé une structure de production commune pour réaliser des films en langue anglaise. Enfin, le capital de certaines sociétés de production est détenu par des actionnaires de la société Canal Plus, comme Renn Production (3e producteur français), qui appartient à 99 % à la société Pathé, ou UGC Images (5e producteur français), dont 33 % du capital est détenu par la Compagnie générale des eaux (devenue Vivendi), ou encore la société MK2 (14e producteur français), dont 20 % du capital est détenu par cette dernière.

De plus, avec la prise de contrôle de la société UGC-DA par la société Canal Plus, cette dernière détient les droits de diffusion sur plus de 5 000 films français et étrangers.

La stratégie de développement du groupe Canal Plus comprend quatre axes : d'abord, le lancement en Europe du concept de chaîne payante fondée sur l'exclusivité, par une politique d'association avec des partenaires nationaux en Belgique, Espagne, Allemagne, Pologne et Afrique depuis 1989 et par le rapprochement, en 1996, avec le groupe NetHold de télévision à péage, qui présente une complémentarité géographique européenne avec lui (Belgique, Pays-Bas, Suède, Norvège, Danemark, Finlande et Italie) et permet, selon Canal Plus " l'acquisition d'une taille critique suffisante pour réaliser dans de meilleures conditions les investissements requis par le lancement de la télévision numérique dans le contexte d'un marché émergent " ; puis, le développement des chaînes thématiques complémentaires de l'offre Canal Plus et la diversification en amont dans le production et l'exploitation des droits audiovisuels et, enfin, le développement d'une activité de distribution multichaînes et comme l'offre du bouquet CanalSatellite accessible en réception directe par satellite, " qui constitue, pour le Groupe, un axe de développement stratégique et prometteur ".

B. - Les pratiques constatées

La société Canal Plus conclut, avec les producteurs de films des contrats de préachat de droits exclusifs de diffusion télévisuelle par abonnement de films français. Le CSA a indiqué que : " L'acquisition de droits de diffusion d'œuvres cinématographiques françaises est, en pratique, presque toujours exclusive. L'exclusivité de diffusion participe en effet de l'économie du secteur audiovisuel et se pratique ainsi en France comme dans l'ensemble des autres pays. "

1. Les dispositions du contrat de préachat

Il résulte du document communiqué par la Société Canal Plus le 10 février 1998, que les contrats d'exclusivité de Canal Plus sont rédigés sur le modèle de contrats types. Le contrat type de préachat de droits de diffusion contient les dispositions suivantes :

Article 1er

Objet du contrat

1.1. Le contractant a l'intention de produire une œuvre cinématographique de long métrage d'expression originale française et européenne (ci-après " le film ") (...).

1.2. Le contractant cède à Canal Plus, qui accepte, les droits exclusifs de diffusion télévisuelle par abonnement, en France métropolitaine, Corse, DOM-TOM, Monaco, Suisse et l'île Maurice du film (...).

Les droits de diffusion télévisuelle dudit film sont cédés pour un passage télévisuel dans les conditions prévues par les accords intervenus entre Canal Plus et les organisations professionnelles du cinéma.

Un passage télévisuel sur Canal Plus s'entend de la possibilité de procéder à l'intérieur d'une période de quatre semaines consécutives à vingt ans et une diffusion répétitives et espacées du films, exclusivement auprès des abonnés de Canal Plus. Ces diffusions seront réparties entre Canal Plus (sept diffusions maximum) et le multiples dans les conditions rappelées en tête des présentes et pourront être accompagnées d'un sous-titrage destiné spécifiquement aux sourds et malentendants.

Ces diffusions pourront intervenir par voie hertzienne, par câble et par satellite sans extension des territoires prévus ci-dessus et à condition qu'elles ne puissent être reçues, pour ce qui est de la partie cryptée de la programmation de Canal Plus, que dans les territoires autorisés et par les seuls titulaires d'un abonnement souscrit auprès de Canal Plus (...).

Canal Plus s'engage expressément à prévoir, dans les accords qu'elle conclura avec les câblo-distributeurs, l'obligation pour ces derniers d'obtenir tous les accords nécessaires des associations de producteurs de films les autorisant à retransmettre leurs œuvres sur le câble (...).

Le contractant autorise par ailleurs Canal Plus à diffuser dans un délai de deux mois avant le mois de programmation du film, des extraits de ce film aux fins de présentation ou de promotion. Toutefois, la durée de chaque extrait ne saurait excéder quatre minutes de diffusion continue.

Ces extraits de film pourront être diffusés dans la partie du programme accessible sans abonnement.

Article 2

Durée

Le présent contrat prend effet dans toutes ses dispositions au jour de sa signature, et se poursuivra pendant une durée d'un an à compter du premier jour du treizième mois suivant la sortie du film en salles en France.

Toutefois, la première diffusion du film ne pourra intervenir qu'à compter du premier jour du treizième mois suivant la sortie du film en salles en France (...).

Article 6

Exclusivité de diffusion et d'annonce de diffusion

6.1. Le contractant s'engage pour lui-même et pour ses cessionnaires, mandataires ou ayant droits à ne pas autoriser un tiers à exercer, dans les territoires définis à l'article 1er, les droits de diffusion télévisuelle cédés à Canal Plus pendant toute la durée du présent contrat telle que précisée à l'article 2.

En conséquence, et d'une manière générale, le contractant s'engage à agir de sorte que Canal Plus bénéficie effectivement dans les territoires prévus à l'article 1er de la priorité et de l'exclusivité de diffusion et d'annonce de diffusion du support de télévision du film ci-dessus mentionné et ce pendant toute la durée du présent contrat (...).

6.2. Si, du fait des agissements du contractant et/ou des ayants droits, une société de télévision, quels qu'en soient la nature juridique ou le procédé technologique d'émission ou de diffusion pouvait, dans les territoires prévus à l'article 1er pendant la durée du présent contrat, exploiter en version française (...) et/ou annoncer l'exploitation du film objet des présentes, Canal Plus aura la faculté, après simple mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception restée sans effet dans les huit jours de sa présentation :

- soit de résilier la présente convention, tout en mettant en œuvre la clause pénale définie à l'article 7 ci-après ;

- soit de maintenir les effets du contrat tout en exigeant à titre de réparation de son préjudice, le versement de la clause pénale définie à l'article 7 (...).

Article 7

Clause pénale

Si l'exclusivité de diffusion et d'annonce de diffusion conférée à Canal Plus à l'article 6 des présentes à être méconnue par le contractant, quel que soit le procédé technique d'émission ou de diffusion utilisé, Canal Plus serait en droit d'exiger du contractant le versement d'une indemnité à titre de dommages et intérêts égale à 15 % du prix pour lequel la présente convention a été conclue, tel qu'il est défini à l'article 4 de celle-ci, et cela indépendamment du remboursement des frais éventuels liés au recouvrement de sa créance.

Le montant de cette évaluation forfaitaire de dommages et intérêts est déterminé comme tel, compte tenu du fait que l'exclusivité garantie à Canal Plus constitue l'un des fondements essentiels des engagements pour lesquels Canal Plus contracte aux clauses et conditions du présent contrat (...).

Article 11

Clause résolutoire

Hormis, le cas sanctionné par l'article 7, en cas de non-respect par l'une des parties de ses obligations, l'autre partie serait en droit, après simple mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception restée sans effet dans les huit jours de sa présentation, de considérer le présent accord comme purement et simplement résilié aux torts et griefs de la partie défaillante, sous réserve de tous dommages-intérêts complémentaires ".

Les dispositions de ce contrat type sont identiques à celles de contrat relatif au film Deux Fantômes en liberté communiqué par les société TPS et Multivision, à l'exception de certaines modifications effectuées à l'article 1er.

Il résulte notamment des dispositions combinées des articles 2 et 6 de ces contrats que la société Canal Plus s'assure ainsi une exclusivité de diffusion, qui porte sur toute la durée du contrat, celui-ci prenant effet au jour de sa signature, c'est à dire avant la réalisation, et qui lui réserver la diffusion du film à compter du premier jour du treizième mois après la date de sa sortie en salle, à tout moment sur une période de douze mois. Le film concerné par ce contrat ne pourra donc être diffusé par aucun autre support télévisuel que Canal Plus pendant une durée de deux ans.

En même temps, la législation permet aux chaînes en clair de diffusion un film qu'elles ont coproduit vingt-quatre mois après la date de visa du film, ou trente-six mois après cette date si elles ne sont pas coproductrices. La " seconde fenêtre ", entre la période d'exclusivité de Canal Plus et celle des télévisions en clair, apparaît particulièrement réduite dans le premier cas.

Il faut encore souligner que le non-respect de ces dispositions est sanctionné par une clause pénale qui prévoit le versement d'une indemnité égale à 15 % du montant du contrat.

Le contrat relatif au film Les Visiteurs II, communiqué par les sociétés TPS et Multivision contient des dispositions modifiées par rapport aux précédentes. Il stipule :

Article 2

Durée

Le présent contrat prend effet dans toutes ses dispositions au jour de sa signature, et se poursuivra pendant une durée de deux ans à compter du premier jour du vingt-deuxième mois suivant la sortie du film en salles en France.

Toutefois, la première diffusion du film ne pourra intervenir que pendant un délai d'un an à compter du premier jour du vingt-deuxième mois suivant la sortie du film en salles en France (...)

Article 6

Exclusivité de diffusion et d'annonce de diffusion

6.1. Le contractant s'engage pour lui-même et pour ses concessionnaires, mandataires ou ayants droit à ne pas autoriser un tiers à exercer dans les territoires définis à l'article 1er les droits de diffusion télévisuelle du film :

- pendant toute la durée du présent contrat telle que précisée au premier paragraphe de l'article 2 ci-dessus, en ce qui concerne tout service de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre et/ou par câble et/ou par toute autre procédé faisant l'objet de conditions d'accès particulières et/ou faisant appel à une rémunération de la part des usagers (y compris la télévision pratiquant le paiement à la séance [Pay Per Wiew]) ainsi que tout service de télévision diffusé en clair par satellite autre que ceux visés au paragraphe suivant ;

- jusqu'à l'expiration du délai pendant lequel Canal Plus pourra diffuser le film, tel que stipulé au deuxième paragraphe de l'article 2 ci-dessus, en ce qui concerne tout service de télévision diffusé en clair par voie hertzienne terrestre, y compris lorsque ce service de télévision est repris en intégral et en simultané par câble et/ou par satellite.

En conséquence, et d'une manière générale, le contractant s'engage à agir de sorte que Canal Plus bénéficie effectivement dans les territoires prévus à l'article 1er de la priorité et de l'exclusivité de diffusion et d'annonce de diffusion sur support de télévision du film ci-dessus mentionné, et ce pendant chacune des durées définies ci-dessus (...).

Les représentants des sociétés Télévision par satellite et Multivision ont déclaré le 29 janvier 1998 : " L'article 6 du contrat d'achat permet à Canal Plus de s'assurer la priorité et l'exclusivité de diffusion des films préachetés (....). Cette clause n'a pas changé depuis dix ans. Elle était faite pour garantir qu'aucune autre TV ne pourrait diffuser ce film. Ce qui est abusif, c'est que cette clause s'étend à d'autres modes de diffusion que ceux acquis par le contrat, notamment le PPV (Pay Per Wiew). En effet, à l'article 1.2., Canal Plus n'achète que les droits de TV par abonnement. "

Le vice-président délégué général de la société Canal Plus a déclaré le 10 février 1998 : " Vous ne présentez le contrat d'achat de droits de diffusion télévisuelle du film Deux Fantômes en liberté. Il me semble qu'il s'agit de notre contrat type de préachat. Vous me présentez le contrat d'achat de droits de diffusion télévisuelle du film Les Visiteurs II. La durée de deux s'explique par le prix élevé d'acquisition du film. Nous étions en concurrence avec Télévision par satellite qui a remporté un autre film également produit par Gaumont : "Le Dîner de cons. La citation de " paiement à la séance " à l'article 6-1 constitue l'exploitation de la protection agréé entre les parties. "

En effet, dans le contrat relatif Les Visiteurs II, la clause d'exclusivité écarte explicitement la télévision pratiquant le paiement à la séance ce que l'on peut seulement déduire de la génération du contrat type. De plus, il résulte de la combinaison des articles 2 et 6 de ce contrat que la société Canal Plus, qui se réserve la diffusion du film à compter du premier jour du vingt-deuxième mois, crée un " gel " spécifique pour la diffusion de ce film, puisque le contrat, prenant effet dès sa signature, lui réserve la diffusion du film pendant une durée de deux ans à compter du premier jour du vingt-deuxième mois suivant sa sortie en salle. Les droits de diffusion sont donc réservés pendant près de quatre ans, alors même que le film n'est exploité par Canal Plus que pendant une année.

Le CSA a indiqué dans son avis du 16 septembre 1997 : " Deux sociétés, Vertigo et Film par film, ont annoncé avoir vendu à TPS les droits de diffusion en paiement à la séance et pour la télévision payante (première et deuxième fenêtre) de leurs films. L'annonce de ces accords semble avoir définitivement fait basculer ces sociétés dans le " camp " de TPS. Il est en effet peu probable que dans un futur proche Canal Plus accepte de préacheter leurs prochains films ". Il ajoute que la société Vertigo est au vingt-cinquième rang du classement des plus gros producteurs et produit en moyenne deux films par an, et que la société Film par film est au quinzième rang du classement des plus gros producteurs et produits en moyenne deux film par ans, et que al société Film par film est au quinzième rang du classement des plus gros producteurs, qu'elle produit de un à deux films par an et qu'elle est détenue à 36,36 % par la société TF1, par ailleurs actionnaire de la société TPS.

2. L'exécution du contrat

Le CSA a indiqué dans le rapport effectué en mai 1997 à la demande de la commission des finances du Sénat sur les Risques de position dominante dans la diffusion à péage par satellite (page 71) : " Concernant le marché actuel des droits de diffusion sur les chaînes en paiement à la séance, les producteurs peuvent vendre d'une part les droits de diffusion à une télévision payante et d'autre part à une ou plusieurs chaînes en apaiement à la séance (...). Jusqu'ici, cependant il semblerait que Canal Plus ait refusé de préacheter un film dont les droits de pay per wiew auraient été préalablement vendus. C'est une des raisons pour lesquelles Multivision, premier service de paiement à la séance, (...) a rencontré de très grandes difficultés à diffuser des films français récents. De même, il semblerait que Kiosque, chaîne en paiement à la séance présente sur CanalSatellite depuis mars 1196, n'ait pas non plus accès aux films français récents. Canal Plus préférant garder pour elle la première diffusion télévisuelle nationale des films français récents. "

Le vice-président délégué national de Canal Plus a indiqué dans ses déclarations du 10 février 1998 : " Canal Plus procède à un financement massif du cinéma sans contrepartie autre que des droits de diffusion (...). En contrepartie, Canal Plus bénéficie de droits d'exclusivité (...). L'intérêt pour un producteur est obtenir des financements. Il y a une forte demande des professionnels du cinéma pour obtenir des préachats, TPS peut, dans le cadre de la liberté contractuelle totale, préacheter des droits de télévision. Le montage dépend de la volonté du producteur et du diffuseur, et ce choix va s'exercer entre les parties.

Enfin, le président de la société Canal Plus, dans un entretien qu'il a accordé à la revue Le Film français du 9 mai 1997, a répondu à la question : " Quelle est votre position sur la deuxième fenêtre cryptée que TPS cherche à mettre en place pour les films de cinéma ? " dans les termes suivants : " Je n'ai pas de position sur TPS. Depuis toujours, je paie un certain prix pour des films qui vont être diffusés en clair un an plus tard. Si, immédiatement après la diffusion sur Canal Plus, la deuxième fenêtre doit être cryptée elle aussi, et donc nous concurrencer, je n'achète plus le film ! Je ne vois pas payer la fabrication et la promotion d'un film qui va être consommé juste derrière par mon concurrent ".

Il ressort d'une lettre de la société Roissy Films, adressée le 18 janvier 1996 à la société Multivision, que : " Nous serions prêts à négocier avec vous pour le compter des ayants droits sur les bases que vous nous avez communiquées. Cependant (...), vous devez obtenir au préalable l'accord de Canal Plus, afin de pouvoir diffuser dans les mêmes conditions et délais que Ciné Kiosque, car les producteurs et nous-mêmes avons reçu une réponse négative de Canal Plus à ce sujet " ; qu'une lettre en réponse de la société Hachette Première et Cie du 23 janvier 1996 à la société Multivision indique : " Nous regrettons de ne pouvoir donner suite à votre proposition compte tenu des contraintes d'exploitation spécifiques du film Le Hussard sur le toit en vidéo et sur Canal Plus " ; enfin, qu'une lettre de la société Polygram audiovisuel, adressée à la société TPS le 29 avril 1997, précise : " En ce qui concerne les droits pay per wiew, nous ne pouvons exiger de cession avant la première diffusion cryptée puisque nos contrats de préachat avec Canal Plus nous interdisent toute diffusion intervenant avant le démarrage de leurs droits. "

Par ailleurs, la société Canal Plus a refusé d'accorder, le 21 mai 1996, des dérogations à sa clause de priorité de diffusion au profit de la société Multivision pour les films Les Misérables du XXe sièvle, Elisa et Le Gazon maudit, en précisant à cet égard qu'elle a la même attitude vis-à-vis de la société Multivision qu'envers son service Kiosque de paiement à la séance.

II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,

Sur le caractère prétendument abusif de la saisine :

Considérant que la société Canal Plus soutient que la saisine des sociétés Multivision et TPS constitue une pratique déloyale et présente un caractère abusif ; que, toutefois, le fait d'engager une action devant le Conseil de la concurrence, en dénonçant des pratiques susceptibles d'être qualifiées d'anticoncurrentielles, constitue un droit, expressément ouvert aux entreprises par l'article 11 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'en tout état de cause cet argument doit être écarté ;

Sur les marchés de référence :

Considérant que le marché se définit comme lieu sur lequel se rencontrent l'offre et la demande pour un bien ou un service spécifique ; que sont substituables et, par conséquent, se situent sur un même marché, les biens ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les regardent comme des moyens entre lesquels ils peuvent arbitrer, pour satisfaire une même demande ;

Considérant, en l'espèce, qu'alors que la télévision gratuite commerciale est financée par la vente d'espaces publicitaires aux annonceurs, la télévision à péage se caractérise par le paiement par les téléspectateurs des programmes auxquels ils souhaitent avoir accès ; que, si pour la télévision gratuite commerciale l'exploitant commercial est une régie publicitaire chargée d'observer et de vendre ses parts d'audience, pour la télévision à péage, l'exploitant commercial est un prestataire de services qui propose des programmes par abonnement et gère ses abonnés ; que la Commission des Communautés européennes à précisé, dans sa décision du 9 novembre 1994 (Aff. N° IV/M.469-MSG Média Service), que : " La télévision payante constitue bien un marché de produits distincts de celui de la télévision commerciale financée par la publicité et de la télévision publique financée pour partie par la publicité et pour partie par des redevances (...). Pour la télévision financée par la publicité, les paramètres essentiels sont la part d'audience et les tarifs publicitaires ; pour la télévision payante, les facteurs clés sont la confection de programmes propres à intéresser les groupes cibles et le mode de formation de prix des abonnements (...) " ; qu'il existe ainsi un marché de la télévision à péage distinct de la télévision commerciale ;

Considérant que sur le marché de la télévision à péage, dont la diffusion était uniquement assurée en mode analogique jusqu'au début des années 1990, l'accés du téléspectateur aux programmes du diffuseur impliquant qu'il acquitte un abonnement forfaitaire couvrant la totalité de la programmation du diffuseur ; qu'ainsi le téléspectateur n'avait pas la possibilité de dégrouper l'offre du diffuseur et de ne souscrire qu'à certains des programmes qu'il diffusait ; que la technique de la compression numérique a rendu possible l'émergence d'une forme différente de distribution payante des programmes, le paiement à la séance, qui permet au téléspectateur de sélectionner parmi les programmes du diffuseur ceux qu'il souhaite regarder et de ne payer que pour ces programmes ; que coexistent désormais deux modes de diffusion télévisuelle payante : la télévision par abonnement forfaitaire et le paiement à la séance ; qu'il est constant que ces modes de diffusion sont, à terme, de nature à être en concurrence de plus en plus frontale sous l'effet du développement de la télévision numérique et de la familiarisation croissante de téléspectateurs avec un nouveau mode de diffusion payante des programmes télévisuels impliquant, par rapport à la télévision par abonnement, d'une part, un rôle plus actif de leur part dans le choix des programmes et, d'autre part, une relation plus directe entre l'expression de ces choix et le coût qu'ils ont à supporter que cette subsitualité croissante avec le temps n'implique cependant pas que le marché de la télévision payante soit d'ores et déjà unifié ; que ce marché est à l'heure actuelle caractérisé par une forme dominante de distribution, la télévision par abonnement, et une forme émergente de distribution, le paiement à la séance, lequel n'est d'ailleurs, à l'heure actuelle, accessible qu'aux téléspectateurs qui ont souscrit un abonnement forfaitaire à un bouquet numérique; que dans la présente affaire il y a donc lieu de considérer que la télévision à péage forfaitaire et le paiement à la séance constituent deux formes de distribution concurrentes caractérisant deux segments du marché de la télévision payante ;

Considérant qu'il est constant que la diffusion de films récents constitue un élément de programmation important pour assurer le succès commercial des diffuseurs de télévision à péage, que celui-ci soit forfaitaire ou acquitté à la séance ; qu'à cet égard la société Canal Plus fait valoir qu'il existerait une forte subsitubilité entre, d'une part, les films de cinéma et les films de télévision et, d'autre part, entre les films français et les films américains ;

Mais considérant, en premier lieu que, s'il peut arriver qu'une série télévisuelle rencontre un grand succès et soit exploitable à la place d'un film de cinéma par une télévision à péage à une heure de grande écoute, cette circonstance reste exceptionnelle, les séries télévisées n'ayant, en général, auprès du public ni le pouvoir d'attraction ni la notoriété des films de cinéma; qu'il est d'ailleurs significatif que la société Canal Plus ait bâti son succès sur son image en tant que chaîne du sport et du cinéma et non pas du sport et de la série télévisée ou de la diffusion d'œuvres audiovisuelles, ce que le vice-président délégué général de Canal Plus a d'ailleurs rappelé lors de son audition par le rapporteur le 10 février 1998 en déclarant que " Canal Plus est une chaîne de télévision de première diffusion à base de cinéma et de sport " ;

Considérant, en second lieu, qu'en ce qui concerne une éventuelle subsitualité entre les films de cinéma français et les films étrangers il y a lieu de rappeler que les dispositions de l'article 70 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée et de l'article 5 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 modifié font obligation aux services de communication audiovisuelle de consacrer une proportion au moins égale à 40 % de leur offre d'œuvres cinématographiques à des œuvres d'expression originale française ; que le CSA a, par ailleurs, indiqué, dans l'avis rendu à la demande du Conseil, que " l'offre de films américains n'est pas de nature à satisfaire à elle seule, le public français " ; qu'en outre, comme l'a indiqué le représentant de la société Canal Plus en séance, il existe un écart de coût de 70 % en moyenne entre les droits des films français et ceux des films américains, ce qui rend les deux catégories de films faiblement subsituables ; qu'il résulte de ces éléments qu'il existe une demande spécifique pour les films français qui ne saurait se confondre avec les films de télévision ;

Considérant, enfin, que pour assurer le succès d'un diffuseur de télévision à péage, forfaitaire ou à la séance, il est crucial qu'il puisse programmer une proportion suffisante de films aussi récents que possible et, en tout état de cause, qui n'aient pas encore été exploités sur les chaînes de télévision en clair ; qu'en effet, ces films ont un fort pouvoir d'attractivité sur les téléspectateurs, pouvoir qu'ils perdent rapidement dès lors qu'ils ont été diffusés sur les chaînes de télévision en clair;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il existe un marché des droits de diffusion des films français récents pour la diffusion à la télévision à péage ;

Sur les positions de la société Canal Plus :

Considérant que la société Canal Plus soutient qu'il existe, dans le cadre du marché de la télévision payante, des sous-marchés définis à partir des modes de réception (satellite, réseau câblé, ondes hertziennes), que le Conseil aurait d'ailleurs décrits dans la première partie de l'avis n° 98-A-14 du 31 août 1998 relatif à la fusion-absorption de la société Hayas par la Compagnie générale des eaux et qu'elle ne serait en position dominante sur aucun de ces sous-marchés ;

Considérant, en premier lieu, que, si cette référence est pertinente pour l'analyse d'une opération de concentration dont les effets doivent être appréciés pour l'avenir dans un secteur en forte évolution il en va différemment des pratiques pour lesquelles le Conseil est saisi en contentieux, qui se réfèrent à des comportements passés ;

Considérant, en second lieu, que la société Canal Plus représente de 70 % des abonnés de la télévision payante, tous modes de diffusion confondus (réseaux hertziens, satellite, réseaux câblés), alors que le deuxième opérateur sur ce marché, France Télécom, n'en représente que 8,5 % ; que la société Canal Plus est spécialisée dans ce domaine d'activité depuis 1984 et s'est alliée avec un partenaire puissant, la société Richemont, développant des activité complémentaires aux siennes ; qu'elle détient ainsi une position dominante sur le marché de la télévision à péage en France ;

Considérant enfin, que la société Canal Plus préachète environ 80 % des droits de la production cinématographique d'initiative française (107 des 134 films produits en France en 1996), le montant financier qui lui est consacré ayant presque doublé de 1990 à 1995 pour atteindre 707 millions de francs en 1996, le montant moyen consacré à chaque film ayant également doublé ; que le CSA a indiqué, dans l'avis qu'il a rendu à la demande du Conseil, le 16 septembre 1997, qu'en 1996, la société Canal Plus " a couvert 59 % du financement apporté par les chaînes de télévision au cinéma " et, qu'ainsi que le CSA le relève également, elle " bénéficie aujourd'hui d'une position dominante dans l'achat de droits de diffusion d'œuvres cinématographiques françaises (...) "; que ce financement lui permet d'obtenir les " droits exclusifs de diffusion télévisuelle par abonnement " ; qu'elle détient ainsi une position dominante sur le marché des droits de diffusion des films français récents ;

Sur les pratiques relevées :

Considérant que le fait pour un opérateur de télévision par abonnement de conclure des contrats d'achat de droits exclusifs de diffusion télévisuelle par abonnement n'est pas en soi contraire aux dispositions du titre III de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que toutefois un tel accord peut être visé par ces dispositions si les clauses qu'il contient ont pour objet ou peuvent avoir pour effet de fausser ou de restreindre, directement ou indirectement, le jeu de la concurrence sur le marché de la télévision à péage ;

Considérant en premier lieu que la société Canal Plus a défini un contrat type de préachat de droits de diffusion télévisuelle qu'elle propose aux producteurs de films français ; que l'article 1er de ce contrat stipule que le contractant cède à Canal Plus les droits exclusifs de diffusion télévisuelle par abonnement du film pour une période qui, en application de l'accord conclu avec le BLIC, ne pourra débuter qu'un an après la date de sortie du film en exclusivité dans les salles de cinéma en France ; que, compte tenu des délais fixés par la diffusion des films sur les chaînes hertziennes en clair, Canal Plus dispose, pour exploiter un film avant qu'il puisse être diffusé sur les chaînes en clair, d'un an correspondant à la deuxième année après sa sortie ;

Considérant en deuxième lieu, que le contrat type de préachat de droits de diffusion télévisuelle de Canal Plus, qui lui donne l'exclusivité qu'elle ne peut mettre en œuvre que la deuxième année d'exploitation du film, vise également à lui assurer qu'aucune autre forme d'exploitation télévisuelle du film, notamment l'exploitation par une chaîne de paiement à la séance, n'interviendra ni avant le commencement de la deuxième année d'exploitation du film ni, sans son accord, pendant la période durant laquelle elle peut l'exploiter en exclusivité ; qu'à ces fins, le contrat type de préachat des droits de diffusion télévisuelle pour la télévision par abonnement prévoit, d'une part, dans son article 2 que le contrat prend effet non pas le premier jour de la période au cours de laquelle peut être mise en œuvre l'exclusivité, mais au jour de sa signature, antérieur à la réalisation du film, et, d'aure part, dans son article 6, que " ...le contractant s'engage à agir de sorte que Canal Plus bénéfice effectivement de la priorité et de l'exclusivité de diffusion et d'annonce de diffusion sur support de télévision du film mentionné et ce, pendant toute la durée du (...) contrat " ; qu'en outre, la sanction de ces stipulations est assurée par les article 6 et 7 du contrat type selon lesquels Canal Plus a la faculté, après simple mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception (...), soit de résilier le contrat, soit d'exiger le versement de la clause pénale stipulée à l'article 7 du contrat si " du fait des agissements du contractant et/ou des ayants droit une société de télévision, quels qu'en soient la nature juridique ou le procédé technologique d'émission ou de diffusion pouvait (...) exploiter et/ou annoncer l'exploitation du film (...) " ;

Considérant en outre que, pour les films dont on peut prévoir qu'ils auront un grand succès commercial, la société Canal Plus renforce encore ces dispositions, d'une part, en prévoyant, comme cela a été le cas pour le film Les Visiteurs II, que le contrat lui reconnaissant une exclusivité de diffusion prendrait effet au jour de sa signature et se poursuivrait pendant une durée de deux ans à compter du premier jour du vingt-deuxième mois suivant sa sortie en salle en France, alors même qu'elle ne peut procéder à la première diffusion du film que pendant un délai d'un an à compter du premier jour du vingt-deuxième mois suivant sa sortie en salle en France ;

Considérant que ces dispositions ont permis et permettent à Canal Plus de faire échec au développement de la concurrence d'une autre forme de télévision payante avant et pendant la période durant laquelle elle peut mettre en œuvre les droits d'exclusivité pour la télévision par abonnement ; qu'en effet, les textes législatifs et réglementaires pris avant l'entrée en vigueur de la directive n° 97-36 CE du 30 juin 1997, d'une part, assimilaient la " fenêtre de diffusion " des films en paiement à la séance au délai de diffusion des vidéocassettes, lequel intervenait antérieurement à la " fenêtre de diffusion " des films sur les chaînes de télévision par abonnement ou en clair ; que, d'autre part à compter de l'entrée en vigueur de cette directive, la chronologie d'exploitation télévisuelle d'un film ne relevant désormais que d'accords contractuels, les producteurs d'un film pourrait être tentés, s'ils n'en étaient empêchés par les dispositions des contrats de préachat susmentionnés, de vendre séparément les droits d'exploitation du film par paiement à la séance et les droits d'exploitation du film pour la télévision par abonnement ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte du rapport rédigé par le CSA en mai 1997 à la demande de la commission des finances du Sénat, des correspondances adressées aux sociétés Multivision et TPS reproduits au I.B.2 ci dessus et des déclarations faites par le président de la société Canal Plus lors de l'entretien qu'il a accordé à la revue le Film français le 9 mai 1997 et selon lesquelles " (...) Si immédiatement après la diffusion sur Canal Plus, la deuxième fenêtre doit être cryptée elle aussi, et donc nous concurrencer, je n'achète plus le film ! Je ne vais pas payer la fabrication et la promotion d'un film qui va être consommé juste derrière nous par mon concurrent " que la société Canal Plus, dès lors qu'elle a préacheté les droits de diffusion à la télévision par abonnement d'un film refuse de céder aux chaînes de télévision pratiquant le paiement à la séance, qu'il s'agisse de son propre service Kiosque ou de la société Multivision, les droits durant laquelle elle peut mettre en œuvre cette exclusivité ou durant cette période, même si elle a déjà exploité elle-même le film avant la fin de ladite période ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Canal Plus, qui préachète 80 % des droits de diffusion des films français pour la télévision par abonnement et dispose d'une position dominante sur le marché des droits de diffusion télévisuelles d'œuvres cinématographiques françaises, lie, dans les faits, le préachat de ces droits à la condition qu'aucune exploitation de ces films ne puisse intervenir sous la forme d'une diffusion par une chaîne de paiement à la séance avant et pendant toute la période durant laquelle elle pourra mettre en œuvre l'exclusivité de la diffusion par abonnement ;

Considérant que, compte tenu de l'importance pour les producteurs de films cinématographiques d'expression française du financement par la société Canal Plus, qui, d'une part, est la seule chaîne de paiement par abonnement diffusant en mode analogique sur le réseau hertzien et un mode numérique, d'autre part, détient avec 4 000 000 abonnés 70 % du marché de la télévision payante et est soumise par ailleurs à des obligations de diffusion de productions cinématographiques françaises, les pratiques de la société Canal Plus ont pour objet et peuvent avoir pour effet de limiter le développement d'une forme émergente et concurrente de diffusion payante de films à la télévision.

Considérant que la société Canal Plus fait valoir que les chaînes de paiement à la séance ne peuvent être entravées dans leur développement par ses pratiques contractuelles dès lors que ces chaînes pourraient diffuser des films encore récents dans la période postérieure à la période durant laquelle elle peut mettre en œuvre son exclusivité pour la diffusion par télévision par abonnement si les chaînes en clair, dont les plus importantes participent directement ou indirectement au capital de Multivision, acceptaient de retarder leur période de diffusion de ces films ;

Mais considérant que, comme le démontre la stratégie de la société Canal Plus, le succès d'une chaîne de télévision payante auprès des téléspectateurs dépend crucialement de sa capacité à diffuser des films récents ; que cette exigence est encore plus forte lorsque les téléspectateurs payent directement chaque programme qu'ils décident de regarder comme dans le cas du paiement à la séance ; que c'est d'ailleurs en raison du fait qu'en ce qui concerne les films cinématographiques l'économie d'une chaîne de paiement à la séance est plus proche de celle de l'économie de la diffusion en salle que de celle d'une chaîne de télévision par abonnement, même si ces deux types de diffusion des films à la télévision appartiennent au marché de la télévision payante, que les textes législatifs et réglementaires pris avant l'entrée en vigueur de la directive 97-36-CE du 30 juin 1997 autorisaient la diffusion des films en paiement à la séance avant leur diffusion sur les chaînes payantes par abonnement ; qu'enfin la pratique même de la société Canal Plus, notamment en ce qu'elle conduit, pour réduire la concurrence, à interdire la diffusion de films par paiement à la séance pendant la totalité de la période durant laquelle elle peut mettre en œuvre son exclusivité même après qu'elle l'a déjà exploitée, atteste de l'importance de la " fraîcheur " du film pour le succès commercial des chaînes de paiement à la séance ;

Considérant en outre que la société Canal Plus fait valoir que si des demandes de dérogation à l'exclusivité négociée dans les conditions susmentionnées lui ont été présentées par les société TPS et Multivision, ces demandes étaient délibérément concentrées sur des films pour lesquels la société Canal Plus avait " payé un prix d'acquisition très élevé " " dont le succès commercial était avéré ", et que les refus opposés à ses concurrents visaient " à faire obstacle à une stratégie d'écrémage du marché parfaitement inéquitable et incompatible avec les règles président au financement du cinéma français " ;

Mais considérant, d'une part, que la société Canal Plus ne peut utilement soutenir, pour justifier sa pratique, que les chaînes de paiement à la séance se seraient livrées à des tentatives d'écrémage du marché, incompatibles avec le fonctionnement du marché, alors qu'en raison même de sa pratique contractuelle, qui porte sur 80 % des œuvres cinématographiques françaises produites chaque année, ces chaînes de paiement à la séance n'avaient d'autre possibilité d'obtenir des droits de diffusion de ces films qu'en négociant avec Canal Plus une dérogation aux droits qu'elle avait préachetés ; que les chaînes concernées ont établi que, dans un certain nombre de cas concrets, Canal Plus refusait de leur céder ces droits ; qu'enfin, les éléments versés au dossier établissent que les refus opposés et non pas à des divergences d'appréciation sur le potentiel commercial des films en cause ;

Considérant, enfin, que s'il n'est pas contesté que la société Canal Plus a adopté vis-à-vis de son propre service de paiement à la séance Kiosque la même attitude que celle qu'elle adoptait vis-à-vis des autres chaînes de paiement à la séance, cette circonstance est sans portée sur la qualification de la pratique dès lors qu'il est constant que la société Canal Plus tire l'essentiel de ses revenus de son service de paiement par abonnement en mode analogique sur le réseau hertzien qu'elle est seule à pouvoir offrir et qu'elle avait clairement intérêt à retarder l'émergence d'une forme nouvelle de commercialisation payante des films à la télévision rendue possible par les progrès technologiques de la télévision numérique et susceptible d'entraîner un déplacement de la clientèle vers un segment du marché de la télévision payant sur lequel elle se trouverait en concurrence plus frontale avec d'autres opérateurs ;

Considérant, dès lors, que le fait pour Canal Plus d'interdire toute diffusion du film par paiement à la séance avant et pendant la période durant laquelle elle peut mettre en œuvre l'exclusivité qu'elle a négociée pour le paiement par abonnement est de nature à limiter le développement de la concurrence sur le marché de la télévision payante et constitue un abus de position dominante qu'elle détient sur ce marché; que cette pratique est prohibée par les dispositions du 1 de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1987 ;

Sur l'application de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 :

Considérant que la société Canal Plus fait valoir que les pratiques en cause seraient justifiées au regard des dispositions du 1 de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, au motif qu'elles résulteraient de l'application des articles 10 et 11 du décret n° 95-668 du 9 mai 1995 qui lui imposent de consacrer 9 % de son chiffre d'affaires à l'achat de droits de diffusion d'œuvres cinématographiques d'expression française ;

Mais considérant que si la société Canal Plus a l'obligation réglementaire d'acheter ces droits de diffusion, le préachat, avant que ces films soient achevés, des droits de films français récents et la conclusion de contrats comportant des droits exclusifs pour la diffusion payante quel qu'en soit le mode ne résultent pas directement de ces dispositions ;

Considérant que la société Canal Plus fait également valoir que les pratiques en cause seraient justifiées au regard des dispositions du 2 de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et que sa politique " a fortement contribué au maintien d'une production française abondante, diversifiée et indépendante ", notamment en ce qui concerne le préfinancement " des films d'auteur, des premiers films et des films à petit budget " ;

Considérant, toutefois, que si la pérennité du financement du cinéma français peut être regardée comme une contribution au progrès économique au sens du 2 de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, la pratique reprochée à la société Canal Plus et consistant à lier le préachat de droits de diffusion pour la télévision par abonnement à l'interdiction de la diffusion télévisuelle du film par paiement à la séance avant et pendant la période durant laquelle elle peut mettre en œuvre son exclusivité n'apparaît pas indispensable à la réalisation de cet objectif ; qu'en effet, les sommes consacrées par Canal Plus au préachat de droit de diffusion télévisuelle de films français résultent des contraintes légales qui lui sont imposées en contrepartie de l'autorisation d'émettre sur le réseau hertzien et sont donc indépendants de la pratique contractuelle qui lui est reprochée ;

Considérant, par ailleurs, que si la société Canal Plus fait valoir que la valeur des droits qu'elle acquiert pour obtenir l'exclusivité de la diffusion télévisuelle par abonnement des films de cinéma serait diminuée si ces films pouvaient faire l'objet d'une diffusion par paiement à la séance avant ou pendant la période pour laquelle elle obtient l'exclusivité de diffusion pour sa chaîne à péage, cette circonstance n'est pas de nature à porter atteinte aux capacités de financement des films français dès lors que la concurrence entre les chaînes de paiement à la séance, parmi lesquelles figurent tant la société Multivision que la société Canal Plus pour son service Kiosque, s'exercerait pour l'acquisition des droits de diffusion par paiement à la séance, ce qui procurerait aux producteurs des films une possibilité de financement additionnelle par rapport au mode de cession actuel des droits de diffusion télévisuelle par abonnement et serait de nature à compenser l'éventuelle diminution de la valeur des droits de diffusion du films pour la télévision par abonnement, diminutions d'autant limitée que la société Canal Plus doit en tout état de cause consacrer 9 % de son chiffre d'affaires au financement du cinéma français ;

Considérant, enfin, que la CSA a indiqué, d'une part, dans l'avis qu'il a rendu à la demande du Conseil qu'il " est fortement attaché à une meilleure circulation des droits qui permet d'alimenter les nouvelles chaînes en programmes européens et valorise au mieux les investissements annuels dans la production " et, d'autre part, dans son rapport de mai 1997 effectué à la demande de la commission des finances du Sénat et intitulé " Les risques de position dominante dans la télévision à péage par satellite " qu'afin " de faire évoluer la situation il serait souhaitable que Canal Plus accepte de " laisser vendre " les droits de paiement à la séance des films qu'elle a préachetés. En effet, cela pénalise les films français, les majors américaines ayant toujours vendu séparément est simultanément leurs films récents aux chaînes de pay per view et aux télévisions payantes ;

Sur l'injonction et la sanction :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : " Le conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos (...) " ;

Considérant que la société Canal Plus, qui détient une position dominante sur le marché de la télévision à péage et sur le marché des droits de diffusion des films français récents, a abusé de sa position dominante en imposant aux producteurs la conclusion de contrats de préachat de droits de diffusion lui accordant une priorité et une exclusivité de diffusion payante interdisant aux producteurs de vendre les droits de leurs films pour une diffusion en paiement à la séance ; que, pour les films pouvant avoir un fort potentiel commercial, la société Canal Plus a allongé la durée de son droit de priorité et d'exclusivité ; que, dès lors, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance précitée en enjoignant à la société Canal Plus de modifier les dispositions du contrat type qu'elle propose aux producteurs de films, en renonçant à toute clause lui conférant une exclusivité qui, liée à une priorité absolue, aboutit à un gel des droits de diffusion pour les autres modes de distribution payants ;

Considérant que les pratiques d'exclusion sont par leur nature même particulièrement graves ; qu'elles émanent d'une société qui bénéficie d'une forte notoriété ; que, pour apprécier le dommage à l'économie en résultant, il y a lieu de tenir compte du fait que ces pratiques, si elles ont commencé à produire leurs effets à partir du moment où le paiement à la séance s'est développé, ont néanmoins empêché l'émergence ou le développement d'acteurs sur le segment du marché de la télévision à péage qui porte sur le paiement à la séance et privé les téléspectateurs d'un service de télévision alternatif lui offrant la possibilité de voir des films français récents ;

Considérant que la société Canal Plus a réalisé en France, au cours de l'exercice 1997, dernier exercice clos disponible, un chiffre d'affaires hors taxes de 9 233 218 813 francs ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels, tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 10 millions de francs,

Décide :

Art. 1er . : - Il est établi que la société Canal Plus a enfreint les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Art. 2. : - Il est enjoint à la société Canal Plus de cesser de lier le préachat de droits exclusifs de diffusion télévisuelle par abonnement des films cinématographiques français à la condition que le producteur renonce à céder à tout autre opérateur les droits de diffusion télévisuelle de ces films pour le paiement à la séance avant ou au cours de la période pour laquelle Canal Plus peut mettre en œuvre l'exclusivité de la diffusion par abonnement.

Art. 3. : - Il est enjoint à la société Canal Plus de mettre son contrat type de préachat de droits exclusifs de diffusion télévisuelle par abonnement qu'elle propose aux producteurs de films en conformité avec les dispositions de l'article 2 ci-dessus en modifiant, notamment, les articles 2, 6 et 7 de ce contrat type.

Art. 4. : - Il est infligé à Canal Plus une sanction pécuniaire de 10 million de francs.

(1) Le terme de " fenêtre " est la transposition française du terme utilisé dans les contrats américains.