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Décisions

Conseil Conc., 21 octobre 1997, n° 97-D-76

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques relevées dans le secteur des pompes funèbres à Gonesse et dans les communes limitrophes et dans le secteur de la marbrerie funéraire dans le département du Val-d'Oise

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport de M. Henri Gérin, par M. Cortesse, vice-président, présidant la séance, Mme Hagelsteen, MM. Bou, Callu, Marleix, Rocca, membres.

Conseil Conc. n° 97-D-76

21 octobre 1997

Le Conseil de la concurrence (section I),

Vu la lettre en date du 22 avril 1994, enregistrée sous le numéro F 675, par laquelle le ministre de l'économie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques relevées dans le secteur des pompes funèbres dans le département du Val d'Oise ; Vu la lettre en date du 26 juillet 1995, enregistrée sous le numéro F 781, par laquelle l'Union nationale des entreprises de services funéraires, la SA De Memoris, la SA Les Marbreries Régis et fils, la SARL Les Marbreries Lescarcelle et la SARL AR Régis ont saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société PFG Ile­de­France, le GIE GMR 95 et ses adhérents dans le même département ; Vu l'ordonnance n° 86­1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86­1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu le Code général des collectivités territoriales et le Code des communes ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants de l'Union nationale des entreprises de services funéraires, des sociétés De Memoris, Les Marbreries Régis et fils, Les Marbreries Lescarcelle, AR Régis, de la société des Pompes Funèbres Générales Ile­de­France, des entreprises ou des sociétés Gilles, Girard, Guérin Buy, Miny Mabres, Oliveira, Turpin, Viardot, Virey, Viardot SARL et du GIE GMR 95 entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci­après exposés :

I­ CONSTATATIONS

A- L'organisation du service des pompes funèbres et le marché de la marbrerie funéraire

1. La réglementation du service des pompes funèbres

Le service des pompes funèbres comprend le service intérieur, le service extérieur et le service des prestations libres.

Le service extérieur est un service public qui, jusqu'en 1993, en application de la loi du 28 décembre 1904, appartenait aux communes. Il comprenait différentes prestations limitativement énumérées : le transport des corps après mise en bière, la fourniture des corbillards, des cercueils, des tentures extérieures des maisons mortuaires, les voitures de deuil ainsi que les fournitures et le personnel nécessaires aux inhumations, exhumations et crémations. Le contenu actuel de ce service est défini par l'article L. 2223­19 du Code général des collectivités territoriales (ancien article L. 362­1 du Code des communes) dans sa rédaction issue de la loi n° 93­23 du 8 janvier 1993 relative à la législation dans le domaine funéraire. Les prestations relevant du service extérieur comprennent désormais :

- le transport des corps avant et après mise en bière ;

- l'organisation des obsèques ;

- les soins de conservation ;

- la fourniture des housses, des cercueils et de leurs accessoires intérieurs et extérieurs ainsi que des urnes cinéraires ;

- la gestion et l'utilisation des chambres funéraires ;

- la fourniture des corbillards et des voitures de deuil ;

- la fourniture du personnel et des objets et prestations nécessaires aux obsèques, inhumations, exhumations et crémations, à l'exception des plaques funéraires, emblèmes religieux, fleurs, travaux divers d'imprimerie et de la marbrerie funéraire.

Les communes, qui avaient le monopole du service extérieur en application de la loi du 28 décembre 1904, pouvaient assurer ce service, soit directement, soit par entreprise, en se conformant aux lois et règlements sur les marchés de gré à gré et adjudications. Depuis la loi du 8 janvier 1993 précitée, les communes n'ont plus de monopole sur ces activités qui peuvent être assurées non seulement par les communes ou leurs délégataires, mais aussi par toute entreprise ou association bénéficiaire d'une habilitation délivrée par le représentant de l'Etat dans le département. Toutefois, une disposition de la loi a prévu que pendant une période de trois ans, soit jusqu'au 8 janvier 1996, les contrats de concession conclus avant la date de publication de la loi continueraient à produire effet jusqu'à leur terme, ceux venant à échéance durant cette période ne pouvant être ni prorogés ni renouvelés.

Jusqu'à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1987, de la loi n° 86­29 du 9 janvier 1986, les familles ne pouvaient recourir, pour les prestations du service extérieur, qu'à l'entreprise implantée dans la commune de mise en bière lorsque celle­ci avait organisé ce service. Pour accroître les possibilités de choix des familles, la loi susmentionnée (article R. 362­4­1 du Code des communes) a assoupli les conditions d'exercice du service extérieur des pompes funèbres en prévoyant que "lorsque la commune du lieu de mise en bière n'est pas celle du domicile du défunt ou du lieu d'inhumation ou de crémation, la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles ou son mandataire, si elle ne fait pas appel à la régie ou au concessionnaire de la commune du lieu de mise en bière, (...) peut s'adresser à la régie, au concessionnaire ou, en l'absence d'organisation du service, à toute entreprise de pompes funèbres soit de la commune du lieu d'inhumation ou de crémation, soit de la commune du domicile du défunt". La loi du 8 janvier 1993 a abrogé cet article et supprimé toute restriction imposée aux familles quant au choix de l'entreprise de pompes funèbres.

Aux termes de l'article R. 361­35 du Code des communes, dans sa rédaction antérieure à la réforme de 1993, les chambres funéraires étaient définies comme les lieux destinés à recevoir, avant l'inhumation ou la crémation, le corps des personnes dont le décès n'a pas été causé par une maladie contagieuse. Depuis la loi du 8 janvier 1993, la gestion des chambres funéraires fait partie intégrante du service extérieur. Leur création ou leur extension est autorisée par décision préfectorale après avis du conseil municipal (décret n° 94­1024 du 23 novembre 1994). L'autorisation ne peut être refusée qu'en cas d'atteinte à l'ordre public ou de danger pour la salubrité publique.

Les funérariums, terme qui correspond à une marque déposée par la société Roblot en 1965, sont des lieux qui abritent l'activité privée d'une entreprise de pompes funèbres, celle­ci comprenant aussi bien, selon les cas, des activités liées aux soins de conservation des corps que la mise à disposition des familles de salons privés.

2. Les caractéristiques du marché des pompes funèbres dans le département du Val-d'Oise

La situation de la concurrence dans le département du Val-d'Oise et dans les communes concernées par les saisines doit s'apprécier au moment des faits qui ont été constatés et qui datent, pour les plus anciens, du mois d'avril 1991 et, pour les plus récents, du mois de juillet 1995 ;

Le département du Val-d'Oise compte environ 1 050 000 habitants ; le nombre de décès enregistrés dans les 185 communes du département s'élève à environ 6 600 par an.

Le département du Val-d'Oise compte plusieurs entreprises de pompes funèbres dont les plus importantes sont : les Pompes Funèbres Générales (PFG), l'entreprise De Memoris SA et les sociétés du groupe Leclerc (Roc'Eclerc).

La société PFG est la plus anciennement implantée dans le département, et la mieux représentée sur tout son territoire. En 1991, elle était concessionnaire du service extérieur dans les cinquante communes suivantes : Andilly, La­Frette­sur­Seine, Argenteuil, Le Thillay, Arnouville­lès­Gonesse, Margency, Auvers­sur­Oise, Marines, Beauchamp, Mery­sur­Oise, Bessancourt, Montigny­lès­Cormeilles, Bezons, Montlignon, Bouffemont, Montmagny, Cormeilles­en­Parisis, Montmorency, Deuil­la­Barre, Osny, Eaubonne, Pierrelaye, Ecouen, Plessis­Bouchard, Enghien­les­Bains, Pontoise, Ermont, Saint­Gratien, Ezanville, Saint­Brice­sous­Forêt, Fosses, Saint­Leu­la­Forêt, Franconville, Saint­Ouen­l'Aumône, Fremecourt, Saint­Prix, Garges­lès­Gonesse, Sannois, Gonesse, Sarcelles, Goussainville, Soisy­sous­Montmorency, Groslay, Taverny, Herblay, Us, Jouy­le­Moutier, Vigny, Boismont, Villiers­le­Bel. Ces communes rassemblent 796 600 habitants soit environ 75 % de la population du département.

La société PFG était également le gestionnaire exclusif de deux chambres funéraires dans le département, à Gonesse et à Montmorency. Ces chambres funéraires servent de morgue aux hôpitaux de ces villes. Les corps des personnes décédées dans ces établissements y sont directement transférés, ainsi que les corps relevés sur la voie publique et dans l'enceinte de l'aéroport de Roissy. En outre, le directeur du funérarium de Gonesse a déclaré qu'en application d'accords verbaux, les directeurs de deux maisons de retraite et de l'hôpital privé du Nord-Parisien situés à Sarcelles s'adressaient au funérarium de Gonesse pour recevoir les corps des personnes décédées dans leurs établissements.

Aux termes d'une convention signée le 18 août 1969 avec la société PFG, la ville de Gonesse a concédé à ladite société "le droit d'assurer dans la ville la gestion d'une chambre funéraire répondant aux définitions de l'article 5 du décret du 27 avril 1889" pour une durée de 30 ans renouvelable par tacite reconduction et pour des périodes de 10 ans. La ville s'est engagée à ne pas créer ou laisser créer d'autres chambres funéraires sur le territoire communal, pendant la durée de la concession. Le funérarium de Gonesse comprend, ainsi, une chambre funéraire (service municipal concédé aux PFG), un dépôt mortuaire pouvant recevoir les corps après mise en bière et une chapelle omniculte, exploités librement par la société concessionnaire.

La provenance des corps déposés au funérarium de Gonesse se répartit de la façon suivante :

EMPLACEMENT TABLEAU

Selon les déclarations du directeur du funérarium de Gonesse, déclarations recueillies au vu du registre de police de l'établissement par procès­verbal le 13 septembre 1993, trois entreprises, les sociétés PFG, De Memoris et Leclerc, ont assuré la presque totalité des obsèques des personnes dont les corps ont été déposés dans ce funérarium en 1992 :

EMPLACEMENT TABLEAU

En outre, la société PFG a déclaré, au cours de la séance du conseil du 21 octobre 1997, que ses agences réalisaient 66 % des convois sur l'agglomération constituée par les sept communes de Gonesse, Sarcelles, Garges­lès­Gonesse, Goussainville, Villiers­le­Bel, Arnouville et Tremblay­en­France.

La société Pompes Funèbres Générales et la société Omnium de Gestion et de Financement (OGF), sa société mère, qui faisaient partie du groupe Lyonnaise des Eaux­Dumez, ont été acquises en septembre 1995 par la société SCI France, filiale à 100 % de la société Service Corporation International, société américaine spécialisée dans le domaine funéraire. En juin 1996, la société PFG a fait apport de ses actifs liés à son activité funéraire en Ile­de­France à la société PRIN, qui, par changement de dénomination sociale est devenue la société PFG­Ile­de­France. La société PFG a, ensuite, été absorbée par la société OGF et dissoute.

3. L'activité des marbriers funéraires

Les prestations de marbrerie funéraire recouvrent la fourniture, la pose et l'entretien des caveaux, monuments et tombeaux construits sur les concessions que les communes accordent dans les cimetières ainsi que les travaux d'ouverture et de fermeture des monuments funéraires à l'occasion des inhumations ou des exhumations.

Trente­six entreprises de marbrerie sont recensées dans le Val-d'Oise. Il s'agit le plus souvent de petites entreprises artisanales implantées à proximité des cimetières. Elles peuvent être regroupées en quatre ensembles : les marbriers du groupe OGF­PFG, les établissements Régis et Lescarcelle, les marbriers adhérents au GMR 95 et, enfin, les autres marbriers.

B- Les pratiques relevées

1. L'agencement du funérarium de Gonesse

Le local commercial de la société PFG de Gonesse et la chambre funéraire de la commune de Gonesse sont abrités dans le même bâtiment, dit funérarium, et disposent d'un numéro de téléphone commun. Il existe donc dans ce funérarium, d'une part, une chambre funéraire et des salons d'exposition, d'autre part, des bureaux pour permettre la négociation des devis et le règlement des convois, ainsi que des pièces réservées à l'exposition de cercueils et autres articles funéraires. Aucune signalisation extérieure ne permet de distinguer ce qui relève de la chambre funéraire et ce qui ressort de l'activité privée de l'entreprise PFG, et notamment de son agence. Ainsi, il a été constaté le 9 septembre 1993 par procès­verbal qu'il existait à gauche de l'entrée principale du bâtiment commun une porte maintenue ouverte portant le panonceau "bureau", sans autre précision. Cette porte donne accès à un couloir desservant quatre pièces utilisées par les PFG pour accueillir les familles. L'un des salons du funérarium avait été transformé pour servir de lieu d'exposition à huit cercueils.

2. La facturation des prestations par l'agence des PFG de Gonesse

Le bureau des PFG de Gonesse procède à une facturation unique des prestations relevant de son activité d'entrepreneur de pompes funèbres (prestations libres et monopolisées) et de celles relevant de la gestion privée du funérarium. L'entête de ces documents mentionne l'adresse et le numéro de téléphone du funérarium. Cette pratique a été confirmée par le directeur de l'agence des PFG de Gonesse qui a déclaré : "Nous centralisons la facturation de l'activité services extérieurs, du funérarium, des services libres et des tiers sur un même document".

3. La présentation des cercueils au funérarium de Gonesse

En application des obligations mises à la charge de l'entreprise concessionnaire du service extérieur, les PFG sont tenues de présenter aux familles un certain nombre de cercueils répondant aux caractéristiques et aux prix définis par la convention. En l'occurrence six modèles pour adultes sont décrits dans le bordereau des tarifs du service concédé annexé à la convention. Ces fournitures correspondent aux "prestations monopolisées" par opposition aux prestations libres. En outre, le contrat de concession du service extérieur de la ville de Gonesse prévoit expressément que : "Le concessionnaire est tenu de présenter aux familles le bordereau des fournitures et prestations monopolisées telles qu'elles résultent de l'application du présent contrat. Le concessionnaire fera une présentation indépendante du bordereau des fournitures et prestations non monopolisées". L'instruction a révélé que, dans le salon du funérarium transformé en salle d'exposition, huit modèles de cercueils étaient exposés dont les quatre modèles les plus chers référencés dans le contrat de concession et quatre modèles haut de gamme hors contrat de concession. Les quatre modèles les moins chers prévus au contrat n'étaient pas présentés au public. En outre, les cercueils étaient exposés équipés non seulement des accessoires obligatoires prévus au contrat mais également de fournitures libres : poignées supplémentaires, croix, capitons et équipements facultatifs divers. Les affichettes placées devant les cercueils n'offraient pas une information permettant de distinguer entre les deux types d'accessoires. En effet, si le prix des prestations libres était indiqué de façon détaillée à la suite du prix du cercueil relevant du service extérieur, rien n'indiquait clairement la nature facultative ou obligatoire des diverses prestations. Les deux types de prestations faisaient l'objet d'une tarification unique. Un document affiché dans le couloir du funérarium intitulé tarif 1993 des "cercueils adultes complets" proposant six modèles de cercueils relevant du service extérieur indiquait des prix qui englobent des accessoires libres.

4. L'accès des entreprises de pompes funèbres concurrentes au funérarium de Gonesse

Le directeur des PFG pour le secteur du Val-d'Oise, dans une note du 4 mars 1991, et la direction générale des PFG, dans une directive du 5 mars 1991, ont défini les règles commerciales à appliquer dans les relations avec les concurrents, principalement avec l'entreprise De Memoris, à l'occasion de leur accès au funérarium de Gonesse. Ces notes prévoient qu'à l'occasion d'une levée de corps au funérarium par une entreprise concurrente : "La retenue des horaires par téléphone [est acceptée] mais la confirmation doit être faite à nos bureaux la veille du convoi avant midi (...) Interdiction d'utiliser le télécopieur (il reste à usage interne)". Le paiement d'avance est en outre exigé. "Le paiement d'avance reste obligatoire (la veille du service avant midi). Le concessionnaire peut exiger le paiement d'avance (article 24 du traité de concession)".

5. Les clauses de non­concurrence contenues dans les contrats de représentation conclus par la société PFG

La société PFG a mis en œuvre une politique de "partenariat" avec les entreprises exerçant leurs activités dans des domaines voisins ou connexes des pompes funèbres pour développer son activité au moyen de contrats de représentation, comportant des clauses d'exclusivité et de non­concurrence. Au cours de réunions du comité d'établissement régional d'Ile­de­France des PFG, ces clauses ont fait l'objet de communications de la part des cadres de la société comme en attestent les comptes rendus du 14 février 1990 et du 11 septembre 1991 qui rapportent notamment que : "... M. Le Pichon souhaite, pour éviter aux sous­traitants la tentation de s'installer en concurrence, que leur soit maintenue une certaine activité" et que "M. Vrignaud précise que le but est de faire vivre les filiales, d'éviter des développements ou créations de concurrence ...". Au total, dans le département du Val-d'Oise entre 1988 et 1993, 38 contrats de cette nature ont été signés avec des fleuristes, des maçons, des menuisiers, des marbriers et même un assureur. Ces accords contiennent des clauses de non­concurrence prenant effet à l'expiration du contrat. Quelques exemples des modalités de ces clauses quant à leur durée et leur étendue géographique sont présentés dans le tableau suivant :

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6. Les pratiques relevées dans le secteur de la marbrerie funéraire

Ce secteur comprend des prestations qui relèvent soit du service extérieur, dites prestations de cimetière obligatoires, soit des prestations libres : aménagement de caveaux, monuments funéraires.

Face à la concurrence de la société De Memoris et des établissements Régis et Lescarcelle, les marbriers Gilles, Girard, Guérin Buy, Miny Marbres, Oliveira, Turpin, Viardot, Virey, Viardot SARL implantés dans 22 communes du département du Val-d'Oise se sont regroupés au sein d'un GIE, le GMR 95. La marbrerie Turpin a quitté le groupement en décembre 1992. Les objectifs du GIE sont exposés par son administrateur qui a déclaré qu'il s'agissait de : "contrer la société De Memoris lorsqu'elle fut créée par les marbriers Régis et Lescarcelle pour faire des pompes funèbres. En effet, avant la création de cette entreprise, il existait un accord entre les marbriers et les entrepreneurs de pompes funèbres. Lorsqu'une famille avait un marbrier, ce marbrier récupérait le marché. Ainsi PFG pouvait à la demande des familles nous transmettre une pose de monument. La société De Memoris dès sa création n'a plus respecté cette règle. Elle ne respectait pas les voeux des familles et transmettait directement les commandes à ses membres fondateurs. Les marbriers du Val-d'Oise victimes de ce pratiques se sont donc réunis pour contrer De Memoris et être plus fort". La poursuite de ces objectifs a conduit le groupement à rechercher un partenaire dans le secteur des pompes funèbres pour obtenir notamment "une assistance technique en matière de convois funèbres". Ce choix s'est porté sur la société PFG.

Pour réagir à l'érosion de ses parts de marché au plan national et après avoir constaté que les marbriers nouvellement implantés dans le secteur des prestations de pompes funèbres, notamment la société De Memoris, constituaient une menace réelle pour ses activités dans ce domaine, la société PFG a considéré, à partir de 1990, qu'il convenait d'offrir aux familles une prestation funéraire globale. La société a alors décidé d'étendre à son tour ses activités au secteur de la marbrerie par une politique de partenariat avec des marbriers implantés dans la région. Dans cette perspective, la société des PFG a évalué les parts de marché de ses concurrents dans le département et a procédé à une estimation des besoins d'implantations locales pour faire face à l'activité de la société De Memoris. Plusieurs études ont ainsi été réalisées. La plus précise a été effectuée en mars 1991 dans un secteur de quinze communes, la société PFG étant concessionnaire exclusif du service extérieur dans douze d'entre elles. Dans chaque cas, un marbrier a été retenu pour devenir le mandataire de la société PFG.

Ainsi, les intérêts convergents des adhérents du GIE et de la société PFG les ont conduits à signer, individuellement, en août 1993, un contrat avec la société PFG aux termes duquel une représentation mutuelle était prévue. Pour la commercialisation des prestations de pompes funèbres, le marbrier est institué mandataire des PFG à l'égard de la clientèle qui se présente à son établissement lequel devient un "Point accueil PFG". La rémunération de ses services est fixée à 10 % du montant hors taxes du cercueil. Inversement, pour la commercialisation des produits et services de marbrerie, la société PFG est représentante du marbrier pour la clientèle souhaitant réaliser un monument funéraire. La rémunération des PFG est fixée à 5 % du montant hors taxes du monument vendu. Enfin, le marbrier intervient comme "sous­traitant" pour les travaux de cimetière. Les déclarations des marbriers attestent de l'efficacité de ces conventions qui leur apportent une part importante de leur clientèle et qui seraient ainsi à l'origine de 40 à 50 % de leur chiffre d'affaires. Ainsi, le montant des travaux de marbrerie sous­traités par les PFG au profit du GMR 95 au cours des huit premiers mois de l'année 1993 s'est élevé à la somme globale de 745 631,89 F.

C'est dans le cadre du GIE GMR 95 et à la faveur du rapprochement entre les PFG et ce groupement de marbriers que des pratiques ont été mises en œuvre de part et d'autre. Elles portent sur les tarifications des prestations de marbrerie funéraire et des prestations de cimetière, sur les tarifs de vente des monuments et sur la répartition du marché opérée en fonction d'une sectorisation géographique.

a) La tarification des prestations de cimetière effectuées en sous­traitance par des entreprises du GIE GMR 95 pour le compte des PFG

En février et mars 1991, les services techniques des PFG ont étudié et comparé les prix pratiqués par les entreprises de marbrerie de la région, particulièrement ceux des membres du GIE et des sociétés Régis et Lescarcelle. Ces études comparatives ont conduit la société PFG à proposer l'application par le GIE d'un prix plus attractif inférieur d'environ 10 % à celui des concurrents. Le directeur général adjoint des PFG a déclaré par procès­verbal d'audition : "J'ai à l'époque fixé un principe : connaissant les tarifs en marbrerie appliqués par Régis lorsqu'il travaillait pour nous, j'ai demandé que les nouveaux tarifs des marbriers du GMR 95 soient inférieurs à ceux de Lescarcelle Régis. Ces tarifs ont été ensuite négociés localement sur la base de ce principe (...) PFG a appliqué un tarif généralement inférieur de l'ordre de 10 % par rapport à celui pratiqué par notre concurrent direct...". Le respect de ces exigences tarifaires a conduit l'administrateur du GIE à solliciter, dès le 27 juin 1991, une révision à la hausse du prix des caveaux. Il indiquait en effet dans une lettre adressée à la direction régionale des PFG : "Nous nous sommes aperçus (...) que les prix des caveaux qui vous ont été remis et qui servent actuellement de base à nos collaborateurs sont un peu justes. Aussi nous vous serions reconnaissants de bien vouloir, sans changer les prix, de dire que ces caveaux s'entendent construits sans semelles. Ce qui nous permettrait d'avoir une marge plus importante pour les caveaux d'une ou deux cases..." A la suite de cette lettre, la direction générale d'Ile­de­France des PFG adressait, par lettre en date du 1er juillet 1991, la recommandation suivante à ses représentants dans le département du Val-d'Oise : "Nous devons, dès à présent, appliquer des tarifs de facturation différents d'un marbrier à l'autre, afin de ne pas être condamnable vis-à-vis de la loi, une telle attitude de votre part serait qualifiée d'entente entre sociétés et cela est formellement interdit".

Les tarifs établis par les membres du GIE pour les travaux de cimetière sous­traités pour le compte des PFG dans le cadre des conventions susmentionnées, et qui étaient détenus par l'administrateur du GIE, étaient les suivants :

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b) La fixation du prix des monuments funéraires vendus par les entreprises membres du GIE

Le GMR 95 a établi pour la vente des monuments funéraires un catalogue commun aux entreprises adhérentes afin d'offrir à la clientèle un choix plus large grâce à un mécanisme de rétrocession interne. Chaque entreprise propose les modèles de son propre stock mais également les modèles détenus par ses concurrents figurant au catalogue du GIE. Le prix de vente d'un monument figurant au catalogue, mais faisant partie du stock d'un autre marbrier, est celui qui se trouve affiché par ce dernier. M. Oliveira a déclaré en ce sens : "Lorsque nous vendons un monument référencé nous travaillons de la manière suivante : chaque marbrier définit un prix de vente pour les monuments exposés, lorsqu'une famille veut un monument exposé chez un confrère nous lui vendons au prix affiché [par ce confrère]". Le prix d'achat des monuments par les marbriers entre eux, défini par le règlement interne du GIE, se compose du prix d'achat hors taxes au fournisseurs des marbriers, des frais forfaitaires de transport d'un montant de 650 F et des frais forfaitaires d'exposition d'un montant de 300 F. Monsieur Fabrizio a confirmé que ces dispositions étaient effectivement respectées dans la pratique : "Lorsqu'un client nous demande un monument détenu par un autre marbrier du groupement, ce dernier nous le revend au prix d'achat". Enfin, au cours de réunions périodiques des marbriers du GIE, le catalogue des monuments est remis à jour et des informations sur les prix d'achat des monuments sont échangées. Un marbrier, M. Oliveira, a déclaré que les marges pratiquées par chaque entreprise étaient définies de façon concertée entre les membres du GIE : "Nous sommes d'accord entre nous pour avoir des coefficients compris entre 2 et 2,5".

c) Les tarifs des prestations de cimetière au public par les entreprises membres du GIE

Le gérant de la SARL Miny Marbres, M. Fabrizio, a déclaré : [au sein du groupement] "...Nous avons harmonisé nos tarifs et nous les avons adaptés en fonction des cimetières dans lesquels nous intervenons...". Cette déclaration est confirmée par une étude comparative des "tarifs clientèle" pratiqués par les marbriers du groupement pour les divers travaux susceptibles de leur être commandés, laquelle fait effectivement apparaître une uniformisation des prix. Les entreprises Guérin Buy, Virey, Gilles et Miny Marbres pratiquaient les prix suivants :

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d) Le tarif du GIE des prestations de cimetière exécutées en sous­traitance pour le compte d'une autre entreprise membre du GIE

Le GMR a établi un tarif interne de sous­traitance. Ce tarif s'applique à toutes les prestations de cimetière courantes. Il en est fait application par les entreprises du GIE à l'occasion des travaux qu'elles effectuent dans des communes situées hors de leur secteur d'intervention habituel pour le compte d'une autre entreprise membre du GIE. Il se présente de la façon suivante :

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e) La répartition géographique du marché et l'orientation des familles vers les marbriers du GIE GMR 95

Les entreprises du GMR 95, qui exploitent chacune un ou plusieurs magasins dans différentes communes du département, se sont réparti des "secteurs d'intervention", comprenant de trois à dix communes, en fonction de leurs implantations respectives. Une liste des communes délimitant ces zones a été établie par le GIE et contresignée par l'ensemble de ses membres. Chaque marbrier bénéficie de l'exclusivité du marché des travaux à effectuer dans les cimetières qui lui ont été attribués et s'engage à réorienter, le cas échéant, la clientèle qui relèverait d'un autre secteur que le sien. En ce sens, M. Gonçalves a déclaré : "Nous avons eu dès le départ une réunion pour nous partager le marché, les communes où nous aurions des magasins. Nous ne cherchons pas aller dans les communes attribuées aux autres membres du groupement". Et M. Viardot a indiqué : "Nous avons fait en sorte que chaque marbrier reste sur les communes où il avait une implantation pour éviter la zizanie". La publicité de cette sectorisation géographique a été organisée pour que soit effectivement assurée la répartition territoriale de la clientèle entre les membres du groupement. L'information du public a été réalisée au moyen d'un "numéro vert" dont le règlement prévoit que : "Les clients potentiels seront orientés en priorité au confrère le plus proche dans un secteur défini préalablement d'après la carte du Val-d'Oise et des départements voisins".

Les contrats de représentation et de sous­traitance passés par la société PFG avec les membres du GIE organisent le respect de cette sectorisation du marché. Il est en effet précisé à l'article 10 desdites conventions : "PFG est le représentant du marbrier pour la clientèle souhaitant réaliser un monument funéraire dans le cimetière de la (ou des) commune(s) stipulée(s) aux conditions particulières". Les conditions particulières figurant en annexe de chaque contrat mentionnent la liste des communes attribuées au marbrier signataire. La société PFG s'engage par conséquent expressément à orienter la clientèle vers les marbriers ainsi désignés.

II­ SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,

Sur la procédure :

En ce qui concerne les moyens de procédure soulevés par la société PFG :

Considérant que la société PFG soulève la nullité des procès­verbaux établis les 9, 13, 21, 22, 24 et 27 septembre 1993 au motif que l'enquêteur aurait méconnu le principe de loyauté qui doit présider à la recherche des preuves, et sollicite en conséquence que soient écartées du dossier les déclarations recueillies et les pièces communiquées à cette occasion, ainsi que tous les actes subséquents qui se fondent sur ces déclarations ou pièces, notamment l'ensemble des passages du rapport administratif d'enquête et de la notification de griefs ; qu'elle soutient ainsi, en premier lieu, que les procès­verbaux de constatation, de communication de documents et d'audition de M. Gérard Jean au funérarium et à l'agence commerciale de Gonesse en date des 9, 13, 21, 22, 24 et 27 septembre 1993 comporteraient chacun une mention erronée sur le fait que l'objet de l'enquête aurait été indiqué à M. Jean, alors qu'il ne l'aurait pas été de façon explicite, et verse à l'appui de ses allégations une attestation rédigée par M. Jean en date du 18 juillet 1996 aux termes de laquelle il indique : "En fait d'objet de son enquête, M. Ramonet m'a simplement dit, et à plusieurs reprises lors de différentes conversations que nous avons eues ensuite, qu'il s'agissait d'une enquête administrative de caractère général et sans but précis et défini sur la profession et l'exercice que nous en faisions et que d'ailleurs son enquête se faisait également dans d'autres endroits" ; qu'il est également fait état d'une télécopie adressée le 10 septembre 1993 par l'enquêteur à M. Jean faisant simplement référence à "une enquête administrative selon les dispositions de l'ordonnance n° 86­1243" ;

Mais considérant que la preuve que les enquêteurs ont fait connaître clairement aux personnes interrogées l'objet de leur enquête peut être rapportée par la mention "faisant foi jusqu'à preuve du contraire", que les agents de contrôle ont fait connaître cet objet à l'intéressé, sans qu'il y ait lieu de décrire cet objet; qu'en l'espèce, les procès­verbaux se réfèrent expressément aux dispositions de l'ordonnance n° 86­1243 du 1er décembre 1986 et mentionnent bien que l'enquêteur a "indiqué" à M. Jean "l'objet de son enquête"; qu'en outre, et aux dires mêmes de ce dernier, l'enquêteur lui ayant notifié dès leur première rencontre l'éventualité d'une "convocation" en vue d'une audition au siège de la Direction nationale des enquêtes de concurrence à Paris, M. Jean ne pouvait se méprendre sur la nature de l'enquête ; qu'enfin, il résulte clairement des déclarations de M. Jean consignées dans le procès­verbal du 13 septembre 1993 que les questions qui lui ont été posées avaient trait à la situation de la concurrence sur le marché des services funéraires puisque celui­ci a déclaré notamment : "A ma connaissance, il n'y a qu'une seule entreprise concurrente intervenant dans le domaine des pompes funèbres et implantées dans la zone de rayonnement du funérarium, il s'agit de la société De Memoris" ; que dans ces conditions, les procès­verbaux en cause, faisant foi jusqu'à preuve du contraire, ne peuvent être combattus par la seule attestation de la personne concernée ; qu'en conséquence, le moyen doit être écarté ;

Considérant que la société PFG soutient, en deuxième lieu, que les procès­verbaux de constatation, de communication de documents et de déclaration de M. Gérard Jean au funérarium de Gonesse en date des 9 et 13 septembre 1993 ne relateraient pas l'ensemble des opérations effectuées et que les termes utilisés pour relater les déclarations de M. Jean seraient ceux de l'enquêteur et non les propos réellement tenus par la personne interrogée ;

Mais considérant que les dispositions de l'article 31 du décret du 29 décembre 1986 précisent que les procès­verbaux prévus à l'article 46 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 doivent énoncer la nature, la date et le lieu des constatations ou des contrôles effectués et qu'ils sont signés de l'enquêteur et de la personne concernée par les investigations ; que, dans ces conditions, l'enquêteur transcrit librement dans son procès­verbal la teneur de ses constatations et des déclarations recueillies ; que la sincérité du procès­verbal est suffisamment attestée par les signatures de l'enquêteur et de la personne concernée ; qu'en outre, la personne entendue peut toujours formuler des observations complémentaires et les faire consigner dans le procès­verbal avant d'y apposer sa signature ; qu'en l'espèce le procès­verbal du 13 septembre 1993 a été régulièrement signé par M. Jean qui, après l'avoir relu, a formulé deux observations qui ont été régulièrement consignées par l'enquêteur ; que celui du 9 septembre 1993 a été signé sans réserves, alors que la faculté de formuler des observations lui a été expressément offerte, comme en atteste une mention particulière du procès­verbal ; qu'en tout état de cause, il n'est pas rapporté que l'enquêteur se soit livré à des constatations autres que celles consignées dans les procès­verbaux ou qu'il se soit emparé de documents autres que ceux dont la remise a été attestée par l'intéressé et qui auraient pu servir de fondement aux griefs notifiés ; que, dans ces conditions, le moyen doit être rejeté ;

Considérant que la société PFG soutient, en troisième lieu, que le procès­verbal du 9 septembre 1993 aurait dû être signé par Mme Arnaud et M. Tronyo qui se trouvaient sur les lieux à l'arrivée de l'enquêteur le 9 septembre 1993 à 11 heures 10 et, qu'en l'état, ce procès­verbal serait incomplet et ne permettrait pas de contrôler si le commencement de l'intervention au sein de l'entreprise a excédé les limites de l'article 47 de l'ordonnance ;

Mais considérant qu'il résulte du même procès­verbal, d'une part, que M. Jean est arrivé à 11 heures 25 et que l'enquêteur lui a aussitôt justifié de sa qualité, lui a notifié l'objet de l'enquête et a procédé en sa présence aux constatations consignées dans le procès­verbal ; d'autre part, que M. Jean a ensuite remis personnellement à l'enquêteur divers documents avant de signer, sans formuler d'observations particulières, ledit procès­verbal ; que, dans ces conditions, il apparaît que l'ensemble des prescriptions requises aux termes des articles 46 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 31 du décret du 29 décembre 1986 ont bien été respectées puisque la "personne concernée" s'est vue notifier l'objet de l'enquête, a assisté personnellement au déroulement des constatations relatées, a remis les documents et a attesté de l'ensemble de ces opérations par la signature du procès­verbal sans formuler de réserves ;

Considérant que la société PFG estime, en quatrième lieu, que compte tenu des circonstances de la communication des documents sollicitée par l'enquêteur les 13, 21, 22, 24 et 27 septembre 1993, telles que les relate M. Jean dans l'attestation précitée, les copies de ces documents ne sauraient être considérées comme ayant été obtenues au terme d'une remise volontaire et que dès lors l'enquêteur aurait excédé les pouvoirs que lui confère l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 en se livrant à une véritable perquisition ; qu'en outre, les demandes de communication de pièces auraient été formulées en termes généraux et imprécis ; qu'elle invoque à l'appui de ses allégations les termes de l'attestation établie par M. Jean qui indique : "Passant dans mes bureaux l'enquêteur a regardé les rubriques de classement d'un tiroir ouvert par ma secrétaire pour une recherche en disant : "je veux ça, ça et ça..." de même en regardant les titres figurant sur les portes des armoires de rangements il m'a demandé "je veux tout ce qu'il y a là, là et là..." Tout cela en à peine 10 secondes" ;

Mais considérant qu'il résulte des différents procès­verbaux d'audition de M. Jean que celui­ci a bien remis personnellement les copies des documents sollicités par l'enquêteur ; que le caractère précis des demandes de communication de pièces est confirmé par les explications fournies par M. Jean lui même dans son attestation lorsqu'il mentionne : "Le 10 septembre 1993, M. R[...] m'a envoyé un fax signé de sa main me demandant, en se référant à une "enquête administrative", divers documents à préparer pour notre rendez­vous du 13 septembre. Suite à la réception de ce fax, j'ai demandé par téléphone des précisions à M. R[...] sur ces documents qu'il me demandait de lui fournir" ; qu'il convient, enfin, de relever que les documents dont la communication a été sollicitée sont des factures, des contrats et d'autres documents à caractère purement professionnel ayant un lien direct avec l'activité de l'entreprise et l'objet de l'enquête ; qu'en conséquence, le moyen doit être rejeté ;

Considérant que la société PFG soutient, en cinquième lieu, que les procès­verbaux de communication de documents de M. Jean à l'agence PFG en date des 21, 22 et 24 septembre 1993 et le procès­verbal de déclaration et de communication de documents de M. Jean à l'agence PFG située 58, rue de Paris à Gonesse, en date du 27 septembre 1993, seraient irréguliers, en raison du fait que les opérations décrites se seraient déroulées pour partie en dehors des heures normales d'ouverture de l'entreprise et hors la présence de son représentant ; qu'aux termes de l'attestation fournie, M. Jean aurait autorisé l'enquêteur à rester seul dans les locaux du funérarium de Gonesse de 12 heures à 14 heures et lui aurait même remis une clé du local pour lui permettre d'y demeurer et d'en sortir librement pour aller déjeuner ;

Mais considérant qu'il convient de relever que cette circonstance ne résulte nullement des énonciations des procès­verbaux signés sans réserve par l'intéressé ; que, quand bien même cette circonstance serait établie, elle ne serait pas de nature à mettre en doute l'assentiment du directeur de l'agence aux actes d'enquête diligentés par le représentant de l'administration dans le cadre des pouvoirs que lui confère l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et notamment à la communication de copies des pièces ; qu'il convient, en outre, de préciser qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'impose à l'enquêteur l'obligation de se conformer aux heures d'ouverture au public de l'établissement, dès lors que son responsable accepte sa présence dans ses locaux en dehors de ces heures; que, dans ces conditions, ce moyen doit être écarté ;

Considérant, en sixième lieu, que les PFG dénoncent les pressions et intimidations dont M. Jean, directeur du funérarium de Gonesse aurait fait l'objet de la part du commissaire de la Direction nationale des enquêtes de concurrence à l'occasion de la fixation d'un rendez­vous ; qu'aux termes de l'attestation de M. Jean versée au dossier, ce dernier aurait refusé dans un premier temps la date d'un rendez­vous qui lui était proposé puis l'aurait finalement acceptée lorsque l'enquêteur lui aurait déclaré : "M. Jean ou vous acceptez mes rendez­vous ou je vous convoque pour vous auditionner dans mes bureaux à Paris" ;

Mais considérant que la teneur de ces propos ne saurait être considérée comme établie au vu de la seule attestation produite ; que, même à les supposer établis, il n'apparaît pas que, par de tels propos, l'enquêteur aurait outrepassé les pouvoirs que lui confèrent l'ordonnance du 1er décembre 1986 et son statut ou enfreint le principe de loyauté qui doit présider à la recherche des preuves ; qu'en proposant à M. Jean de l'entendre soit à Gonesse, soit à Paris, il n'est pas allé au­delà des dispositions de l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui lui confère la faculté de "recueillir sur convocation, ou sur place, les renseignements ou justifications" ; que par suite, le moyen doit être écarté ;

Considérant, enfin, que, selon la société PFG, l'enquêteur aurait mené ses investigations auprès d'une personne qui n'était pas en mesure d'apprécier la portée de ses déclarations en raison de son affectation récente en qualité de directeur à l'agence des PFG de Gonesse et de responsable du funérarium ; que cette circonstance ne lui conférait pas une connaissance suffisante du secteur lui permettant d'apprécier la portée de ses déclarations et de la remise des documents qui lui étaient demandés ;

Mais considérant que M. Jean, en sa qualité de directeur d'agence, a accepté, librement et à plusieurs reprises, de répondre aux questions de l'enquêteur et de lui communiquer les documents demandés sans formuler la moindre réserve ; que, de surcroît, il lui était loisible, au cours du déroulement de l'enquête entre le 9 et le 27 septembre 1993, de rendre compte des visites de l'enquêteur à sa direction et de solliciter, le cas échéant, toutes instructions utiles ; que, par suite, le moyen invoqué doit être écarté ;

En ce qui concerne les moyens de procédure soulevés par le GIE GMR 95 et les membres de ce groupement :

Considérant que le GIE GMR 95 et les entreprises membres de ce groupement soulèvent la nullité des procès­verbaux de déclaration et de communication de documents des 21 octobre, 4, 10, 17, 18, 19 et 23 novembre 1993 et sollicitent, en conséquence, le retrait de ces pièces du dossier, ainsi que celui de tous les actes subséquents au motif que les représentants des entreprises se seraient vus préciser l'objet de l'enquête dans le cadre de laquelle ils ont été auditionnés par simple référence à une "enquête administrative" ; que cette affirmation serait corroborée par la mention préimprimée figurant sur les procès­verbaux et par la production de six attestations rédigées par les personnes entendues ; qu'il est également fait état d'une lettre adressée par l'enquêteur à M. Rousset postérieurement à son audition qui précise : "Comme suite à notre entrevue du 21 octobre 1993 et dans le cadre d'une enquête administrative diligentée à la demande du ministère de l'économie..." ;

Mais considérant que la preuve que les enquêteurs ont fait connaître clairement aux personnes interrogées l'objet de leur enquête peut être rapportée par la mention "faisant foi jusqu'à preuve du contraire", que les agents de contrôle ont fait connaître cet objet à l'intéressé, sans qu'il y ait lieu de décrire cet objet ; qu'en l'espèce, les procès­verbaux se réfèrent expressément aux dispositions de l'ordonnance n° 86­1243 du 1er décembre 1986 et mentionnent que l'enquêteur a "indiqué" aux personnes concernées "l'objet de son enquête" ; que, dans ces conditions, les procès­verbaux en cause faisant foi jusqu'à preuve du contraire ne peuvent être combattus par la seule attestation de la personne concernée ; que par suite, il n'est pas rapporté que l'obligation de loyauté devant présider à la recherche des preuves n'aurait pas été respectée ;

En ce qui concerne le défaut d'audition de deux entreprises du GMR 95 :

Considérant que l'entreprise Viardot de Sannois et la marbrerie Girard font valoir qu'aucun de leurs représentants n'ayant été entendu dans le cadre de l'enquête administrative et de l'instruction, les droits de la défense n'auraient pas été respectés, entachant ainsi la procédure suivie à leur encontre d'irrégularité ;

Mais considérant qu'aucune disposition de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'oblige le rapporteur à entendre la partie poursuivie dans le cadre de son instruction ; qu'aucune des règles qui régissent les enquêtes ne font obligation aux agents qui y procèdent ou au rapporteur du conseil de confronter immédiatement les responsables des entreprises impliquées avec les auteurs de déclarations qui les mettent en cause ou de les interroger sur les pièces appréhendées chez des tiers ; qu'il ne peut en être tiré ni violation du principe du contradictoire ni atteinte aux droits de la défense, dès lors que les déclarations des entreprises concernées ont été recueillies en temps utile, après communication de l'ensemble du dossier, lors de la notification des griefs, conformément aux dispositions des articles 18 et 22 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'en l'espèce, les entreprises Viardot et Girard ont été à même de faire valoir leurs arguments dans leurs observations à la notification des griefs puis à l'occasion de la notification du rapport et ont été entendues lors de la séance ; que par suite, le moyen doit être écarté ;

Sur la délimitation des marchés pertinents :

Considérant, en premier lieu, que les prestations funéraires comportent les prestations du service extérieur, celles qui relèvent du service intérieur dans les édifices religieux et, enfin, des prestations libres; que ces diverses prestations, compte tenu des circonstances, du comportement des familles et des conditions dans lesquelles les entreprises répondent à leurs demandes, sont indissociables ;

Considérant, en second lieu, que si la loi du 9 janvier 1986 susmentionnée a eu pour objet d'élargir les possibilités de choix des familles, antérieurement limitées à l'offre émanant du concessionnaire local ou de la régie municipale, il ressort de l'instruction que, d'une part les décès survenus dans la zone délimitée par la commune de Gonesse et les six communes environnantes de Sarcelles, Garges­lès­Gonesse, Goussainville, Villiers­le­Bel, Arnouville et Tremblay­en­France ayant recours aux services de la chambre funéraire municipale de Gonesse, concernent presque exclusivement des personnes domiciliées dans cette zone et, d'autre part, que les familles font appel dans la majorité des cas aux entreprises locales ;

Considérant que la société PFG était concessionnaire du service extérieur dans ces sept communes du département pour lesquelles il est constaté qu'une part significative des décès survenus dans leur ressort était suivie d'un transfert de corps au funérarium de Gonesse ; que, de ce fait, la société PFG pouvait intervenir dans toutes les communes de cette zone ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que, sur le territoire formé par la commune de Gonesse et les six communes avoisinantes ci­dessus citées, le marché des prestations funéraires présente des caractéristiques telles que l'offre qui émane d'entreprises ou de régies municipales extérieures à cette zone n'est pas substituable, en droit ou en fait, à celle des entreprises locales; qu'il s'ensuit que le marché géographique à prendre en considération coïncide en l'espèce avec les limites territoriales des communes de Gonesse, Sarcelles, Garges­lès­Gonesse, Goussainville, Villiers­le­Bel, Arnouville et Tremblay en France constituant la zone dans laquelle les familles s'adressent au funérarium de Gonesse ;

Sur la position dominante de la société PFG Ile de France :

Considérant que dans le territoire ainsi défini, la société PFG, selon ses déclarations au cours de la séance devant le conseil, a réalisé 66 % des convois funéraires; qu'elle est en outre chargée de l'exploitation du funérarium de Gonesse qui recueille la quasi totalité des corps des personnes décédées dans la commune, la totalité des corps des personnes décédées au centre hospitalier de cette ville, ainsi qu'une part significative des corps des personnes décédées dans les sept communes limitrophes précitées;

Considérant qu'il résulte des déclarations du directeur du funérarium de Gonesse recueillies par procès­verbal le 13 septembre 1993, que la société PFG a réalisé en 1992, 907 convois funéraires au départ du funérarium, soit 96,28 % des 942 admissions ;

Considérant que la société PFG conteste ces chiffres et affirme que : "Sur les 942 admissions au funérarium, la société PFG Ile­de­France a recueilli 486 commandes d'obsèques dans les locaux commerciaux situés à côté du funérarium" ; qu'elle a précisé, en séance, que ce chiffre résultait de l'examen de la facturation de son agence de Gonesse ;

Mais considérant que les données chiffrées fournies par la société PFG dans ses observations ne sont qu'en contradiction apparente avec celles extraites du registre de police et communiquées par le directeur du funérarium au cours de l'enquête, puisqu'elles ne tiennent pas compte des commandes d'obsèques recueillies par la société PFG dans ses locaux extérieurs à l'agence du funérarium de Gonesse ; qu'en effet, le directeur du funérarium a précisé que les 5 convois réalisés par d'autres entreprises de pompes funèbres l'avaient été par des sociétés "hors groupe OGF­PFG" ; qu'ainsi il apparaît que sur les 907 convois réalisés par la société PFG, 486 résultent de commandes d'obsèques passées dans les locaux du funérarium de Gonesse, soit 51,59 % des admissions;

Considérant, enfin, que la société PFG appartenait au groupe OGF­PFG, premier groupe de pompes funèbres en France, qui faisait lui aussi partie au moment des faits d'un groupe important;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société PFG occupait, à l'époque des faits, une position dominante sur le marché ci­dessus défini ;

Sur les griefs notifiés à la société PFG :

En ce qui concerne la confusion des activités de la chambre funéraire municipale de Gonesse et de celles de l'entreprise de pompes funèbres :

Considérant que les constatations effectuées dans les locaux du funérarium de Gonesse ont révélé une imbrication des activités de la gestion de la chambre funéraire avec les activités commerciales exercées par la société PFG relevant du service extérieur et des prestations libres ; qu'il a été notamment constaté qu'une porte était maintenue ouverte permettant la communication entre la chambre funéraire et les bureaux de l'agence commerciale des PFG destinés à l'accueil des familles et que l'un des salons du funérarium était transformé en salle d'exposition des cercueils ;

Considérant que la société PFG fait valoir que la porte donnant accès au bureau de l'agence commerciale des PFG implantée dans les locaux du funérarium, était clairement identifiée par un panonceau portant la mention "bureau" et que des raisons purement circonstancielles liées à l'aération de la pièce pouvaient expliquer que la porte ait été maintenue ouverte lors des constatations effectuées par l'enquêteur ;

Mais considérant que la séparation des locaux affectés à la gestion de la chambre funéraire de ceux occupés par l'agence commerciale des PFG ne pouvait être effective puisque des nécessités de ventilation, impérieuses dans un local recevant du public, contraignaient le gestionnaire du funérarium à maintenir ouvertes les portes de communication entre les pièces ; que la simple mention "bureau" figurant sur un panonceau ne pouvait suffire à informer les familles de la séparation des activités relevant du monopole de celles pour lesquelles elles avaient des possibilités de choix ; que les familles étaient ainsi incitées à se tourner de préférence vers les PFG pour organiser les obsèques des défunts dont le corps était déposé dans la chambre funéraire municipale;

Considérant, dans ces conditions, que l'aménagement du funérarium de Gonesse ne permettait pas aux familles de distinguer les activités relevant du monopole du service extérieur des pompes funèbres de celles relevant des prestations libres;

Considérant, en outre, que l'examen des factures et devis établis par l'agence des PFG de Gonesse fait apparaître que les prestations relevant de l'activité d'entrepreneur de pompes funèbres (prestations libres et celles qui relèvent du service concédé) et celles relevant de la gestion privée du funérarium étaient portées sur un même document sur lequel figuraient, en en­tête, l'adresse et le numéro de téléphone du funérarium ;

Considérant que la société PFG fait valoir que la facturation distingue clairement les prestations relevant du service concédé et les prestations libres conformément aux dispositions de l'arrêté n° 85­24/A du 18 mars 1985 relatif aux prix et tarifs des pompes funèbres et de l'arrêté du 19 janvier 1994 relatif à l'information sur les prix des prestations funéraires et, qu'en tout état de cause, le règlement des frais d'obsèques n'intervenant qu'après l'inhumation cette facturation unique ne pouvait avoir aucune conséquence du point de vue du fonctionnement de la concurrence ;

Mais considérant, d'une part, qu'il n'est pas contesté par la société PFG qu'elle procédait non pas à la facturation groupée des diverses prestations relevant de son activité de pompes funèbres, mais à une facturation unique des prestations relevant de son activité d'entrepreneur de pompes funèbres et de celles relevant de la gestion privée du funérarium et, d'autre part, que l'établissement des devis s'effectuait selon la même présentation que celle des factures en utilisant le même document ; que, dans ces conditions, ce mode d'établissement des devis était de nature à faire naître la confusion dans l'esprit des familles réduisant ainsi leur faculté d'exercer un choix entre les PFG et d'autres offreurs et était donc préjudiciable à l'exercice de la libre concurrence entre les entreprises de pompes funèbres ;

Considérant, dans ces conditions, que l'agencement des locaux du funérarium de Gonesse associé à l'établissement de devis regroupant les prestations fournies par la société des PFG, en sa qualité de gestionnaire exclusif de la chambre funéraire et en sa qualité d'entreprise de pompes funèbres, étaient de nature à faire naître la confusion entre les différentes institutions et leur gestionnaire en conduisant les familles à associer le service public de la chambre funéraire à l'entreprise de funérailles concessionnaire ; que, dès lors, les familles n'étant pas en mesure de distinguer les fournitures relevant du service concédé des prestations libres, ne pouvaient exercer un choix éclairé et se trouvaient en définitive dissuadées de s'adresser à des entreprises de pompes funèbres concurrentes ; que ces pratiques, mises en œuvre par une société en position dominante sur le marché des prestations funéraires dans la commune de Gonesse et dans sept communes avoisinantes, ont eu pour objet et ont pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence et sont par suite prohibées par les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

En ce qui concerne l'information du public relative aux cercueils :

Considérant que l'instruction a établi que les cercueils exposés dans les locaux du funérarium de Gonesse par l'agence des PFG étaient équipés non seulement des accessoires obligatoires mais encore de fournitures facultatives de nature à entraîner une majoration du prix des cercueils dans des proportions importantes ; que les affichettes placées devant les cercueils, bien que détaillant les prestations fournies, n'informaient pas clairement les familles de la nature facultative ou obligatoire des accessoires proposés ; qu'enfin, le document intitulé "tarif général" affiché dans le couloir du funérarium proposait six modèles de cercueils relevant du service extérieur dont les prix indiqués englobait des accessoires facultatifs ; que, dans ces conditions, les familles, n'étant pas en mesure de distinguer les fournitures relevant du service concédé de celles relevant des prestations libres, ne pouvaient exercer un choix éclairé en ce qui concerne les prestations et fournitures ; que ces pratiques, mises en œuvre par une société en position dominante, ont eu pour objet et ont pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur le marché considéré et sont par suite prohibées par les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

En ce qui concerne le traitement des entreprises de pompes funèbres concurrentes à l'occasion de leur accès à l'intérieur du funérarium de Gonesse :

Considérant que les entreprises de pompes funèbres concurrentes, à l'occasion d'une levée de corps au funérarium de Gonesse, étaient impérativement tenues de confirmer la date et l'heure de leur intervention auprès du bureau du funérarium et se voyaient, dans ce cas, refuser l'usage de la télécopie ; qu'en outre, les frais de funérarium devaient être acquittés d'avance ;

Considérant que la société PFG fait valoir que le refus opposé à l'utilisation du télécopieur par les entreprises de pompes funèbres concurrentes pour confirmer les levées de corps au funérarium n'est nullement anticoncurrentielle, dans la mesure où aucun "usage commercial" ne l'obligerait à accepter ce mode de communication ;

Mais considérant que la société PFG ne fournit aucune justification convaincante à ce refus qui déroge à une pratique usuelle ; que ce refus est discriminatoire puisqu'il est opposé aux seules agences de pompes funèbres concurrentes, voire à la seule société concurrente De Memoris comme l'indique l'intitulé de la note de service du 4 mars 1991 qui précise : "Règles principales à appliquer à la concurrence De Memoris" obligeant celle­ci à envoyer un agent au funérarium pour confirmer la levée de corps, alors que les agences PFG ne sont pas soumises aux même exigences ; que, dans ces conditions, cette pratique, ayant pour objet et ayant pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, mise en œuvre par une société en position dominante sur le marché, est prohibée par les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant que la société PFG fait valoir qu'il lui apparaît normal d'exiger de la part des entreprises de pompes funèbres concurrentes, avant les obsèques, le règlement des prestations liées à l'utilisation de la chambre funéraire pour ne pas supporter le risque de l'insolvabilité des familles ;

Considérant que le gestionnaire de la chambre funéraire n'est pas tenu de faire l'avance de ces frais à l'entreprise de pompes funèbres chargée par les familles d'organiser les obsèques ; qu'en effet, l'agence chargée des funérailles est seule tenue, par les usages de la profession, de différer la facturation à la famille de ses prestations après l'inhumation ; que, dans ces conditions, la pratique dénoncée n'est pas constitutive d'un abus de position dominante, au sens de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

En ce qui concerne les clauses de non­concurrence des contrats de mandat :

Considérant que de 1989 à 1993, la société PFG a passé des contrats de représentation avec 38 commerçants du département du Val-d'Oise, notamment des marbriers et des fleuristes, contrats qui comportaient des clauses de non­concurrence prenant effet à l'expiration desdits contrats pour une durée comprise entre trois et dix ans et applicables dans un rayon pouvant s'étendre jusqu'à 50 kilomètres, recouvrant ainsi la totalité de la superficie du département voire davantage ; que la stipulation de ces clauses était motivée par la volonté des dirigeants sociaux "d'éviter aux sous­traitants la tentation de s'installer en concurrence" exprimée, notamment, à l'occasion d'une réunion du comité d'établissement d'Ile­de­France de la société PFG le 14 février 1990 ;

Considérant que cette société fait valoir qu'elle est prête à renoncer à ces clauses au cas où "elles poseraient aujourd'hui problème compte tenu des évolutions de la jurisprudence des tribunaux" et précise que ces dispositions contractuelles n'ont jamais été appliquées ni même invoquées et n'ont donc pu avoir le moindre effet sur la concurrence ;

Mais considérant qu'une pratique peut être anticoncurrentielle par son seul objet ou sa potentialité d'effet sur la concurrence; qu'en l'espèce, la durée excessive de ces clauses, pouvant atteindre dix ans, et leur extension à une zone définie par un rayon pouvant atteindre cinquante kilomètres, étaient de nature à empêcher les commerçants de s'installer à leur compte pour exercer une activité de pompes funèbres ou de s'associer à une autre entreprise de pompes funèbres; qu'en outre, la stipulation de ces clauses s'inscrivait dans une politique contractuelle délibérée mise en œuvre par la société PFG précisément au cours de la période d'entrée en vigueur des réformes législatives de 1986 et 1993 ouvrant progressivement le marché à la concurrence ; que la circonstance qu'aucun contentieux n'aurait opposé la société PFG aux entreprises en ce qui concerne l'application de ces clauses est sans effet sur la qualification de la pratique ; que cette pratique, mise en œuvre par une société en position dominante sur le marché, a eu pour objet et a pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur le marché concerné, est prohibée par les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

En ce qui concerne la tarification des prestations de cimetière et de marbrerie funéraire exécutées en sous­traitance pour le compte des PFG par les marbriers du GIE GMR 95 :

Considérant que l'instruction a établi que la société PFG avait élaboré une tarification pour les prestations de cimetière et de marbrerie, systématiquement inférieure d'environ 10 % à ceux pratiqués par les entreprises concurrentes et notamment les établissements Régis et Lescarcelle dont elle avait connaissance, pour servir de base à des négociations avec chacun des marbriers sous­traitants membres du GIE GMR 95 ; que l'administrateur du GIE était en possession des tarifs de sous­traitance de chacune des entreprises du groupement ; que les entreprises membres du GIE, estimant que les tarifs ainsi élaborés étaient insuffisants, compte tenu de leurs coûts, pour leur assurer une rémunération acceptable, avaient sollicité des PFG par l'intermédiaire de l'administrateur du GIE une revalorisation indirecte de ces tarifs en proposant de convenir que le prix des caveaux "s'entendent construits sans semelle" ; qu'enfin, la direction générale Ile­de­France des PFG avait recommandé à ses représentants dans le département du Val-d'Oise d'appliquer des tarifs de sous­traitance différents d'un marbrier à l'autre "afin de pas être condamnable vis­à­vis de la loi" ;

Considérant que le GIE GMR 95 et la société PFG font valoir que la preuve d'une concertation en vue de l'adoption de ces tarifs de sous­traitance ne serait pas rapportée, pas plus que leur caractère uniformisé ; qu'ils affirment que cette tarification relative à des prix de sous­traitance, et non aux prix pratiqués par les marbriers à l'égard de leur clientèle ou par la société PFG à l'égard de la sienne, n'ont pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur le marché et ne sauraient relever des dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que la société PFG indique, enfin, qu'il n'est pas établi que ces prix soient inférieurs aux coûts variables moyens des prestations proposées et qu'il ne saurait, dans ces conditions, lui être tenu grief d'une pratique de prix abusivement bas ;

Mais considérant, en premier lieu, que l'examen des tarifs des entreprises Guérin Buy, Miny Marbres, Virey, Turpin, Girard et Viardot remis par l'administrateur du GIE à l'enquêteur et reproduits dans le tableau comparatif au I B 6 a) de la présente décision, fait apparaître une identité complète de prix pour l'ensemble des prestations fournies par les sociétés Girard et Viardot ; que les prix pratiqués par les sociétés Guérin Buy et Miny Marbres présentent des variations inférieures à 1 % ; qu'aucun élément n'est apporté à l'appui de l'allégation selon laquelle ces variations minimes seraient l'expression de l'autonomie des entreprises de marbrerie qui établiraient leurs prix en se fondant sur l'analyse de leurs propres coûts ; qu'au contraire, la société PFG, par lettre du 1er juillet 1991, soucieuse de préserver les apparences de la concurrence, avait recommandé aux marbriers de pratiquer des tarifs différents ;

Considérant, en deuxième lieu, que les marbriers du GIE GMR 95 et la société PFG se sont concertés pour résister à la concurrence de la société De Memoris et des établissements Régis et Lescarcelle, notamment par une stratégie tarifaire commune, comme en attestent, d'une part, la lettre en date du 27 juin 1991 de l'administrateur du GIE aux PFG qui indique : "Depuis notre réunion du 20 février, à laquelle vous avez assisté, nous avons tenu deux autres assemblées afin, notamment, de discuter de la manière dont ont été vécus ces quelques mois d'expérience depuis la création des PFG De Memoris [...] au cours des dernières semaines la nouvelle entité funéraire ne semble pas avoir pris la part de marché qu'elle aurait souhaité pour ce qui concerne l'organisation des convois, et que vous avez pris aux marbriers tenant de la nouvelle entité [NDLR les établissements Régis et Lescarcelle] une part du marché de marbrerie non négligeable ce qui a profité à notre entreprise et à nos confrères associés dans l'aventure commune", d'autre part, les déclarations du directeur adjoint de la société PFG définissant la politique du groupe qui indiquait : "Connaissant les tarifs en marbrerie appliqués par Régis lorsqu'il travaillait pour nous, j'ai demandé que les nouveaux tarifs des marbriers du GMR 95 soient inférieurs à ceux de Lescarcelle Régis. [...] PFG a appliqué un tarif généralement inférieur de l'ordre de 10 % par rapport à celui pratiqué par notre concurrent direct..", et celles de l'administrateur du GIE exprimant la volonté de "contrer" De Memoris ; qu'il est établi que l'administrateur du groupement a été mandaté pour négocier avec la société PFG une revalorisation de certaines prestations pour le compte de tous les marbriers adhérents ; que dans ces conditions, il est établi que les entreprises membres du GIE et la société PFG se sont concertées sur ces tarifs ;

Considérant que, s'il est loisible à des entreprises de s'associer dans un GIE pour mettre en œuvre des actions communes, en revanche une concertation tendant à harmoniser et minorer artificiellement les tarifs des membres du groupement, en vue de limiter l'accès au marché de leurs concurrents, qui a pour effet une harmonisation et une baisse des prix effectivement pratiqués par ces entreprises, est anticoncurrentielle; que la circonstance que les tarifs concertés s'appliquent à des activités de sous­traitance est sans incidence sur la qualification de la pratique;

Considérant qu'il est établi que la société PFG et les entreprises Gilles, Girard, Guérin Buy, Miny Marbres, Oliveira, Turpin, Viardot, Virey, Viardot SARL, par l'intermédiaire de l'administrateur du GIE GMR 95, se sont entendues pour pratiquer une harmonisation et une baisse de leurs tarifs de sous­traitance en vue de limiter l'accès de leurs concurrents au marché des prestations de cimetière et de marbrerie dans le Val-d'Oise ; que ces pratiques sont prohibées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant, en revanche, qu'il n'est pas établi que la société PFG ait abusé de sa position dominante sur le marché des pompes funèbres et de la marbrerie funéraire en cherchant à obtenir de ses sous­traitants les meilleures conditions tarifaires ou en pratiquant des prix anormalement bas ;

En ce qui concerne le prix des monuments funéraires vendus par les entreprises membres du GIE GMR 95 :

Considérant que l'utilisation d'un catalogue commun, décrit au I B 6 a) de la présente décision, par les entreprises du GIE pour la vente des monuments funéraires conduisait à la communication systématique entre les marbriers des prix d'achat des monuments aux fournisseurs ; que, de plus, la fixation de ces prix s'accompagnait d'une concertation sur les coefficients tarifaires appliqués aux prix d'achat par chaque entrepreneur pour déterminer ses prix de vente ;

Considérant que le GIE fait valoir que la formule du catalogue commun des monuments funéraires n'a généré aucune augmentation des prix, ni retiré à chaque entreprise adhérente son entière liberté d'appliquer à ses coûts la marge qu'il avait choisie en fonction de ses paramètres d'exploitation pour fixer ses prix ;

Mais considérant que ces affirmations ne sont pas de nature à remettre en cause les constatations de l'enquête, au demeurant non contestées, étayées par les déclarations de plusieurs marbriers ; que le mécanisme décrit, qui met en évidence une concertation des entreprises, porte atteinte à l'autonomie des entreprises dans leurs décisions de fixation de prix et apparaît en l'occurrence de nature à générer une rigidité des prix à la baisse ; que, dans ces conditions, ces pratiques, ayant pour objet et ayant pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, mises en œuvre par le GIE GMR 95 et les entreprises Gilles, Girard, Guérin Buy, Miny Marbres, Oliveira, Turpin, Viardot, Virey, Viardot SARL, sont prohibées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

En ce qui concerne les tarifs des prestations de cimetière pratiqués par les entreprises membres du GIE GMR 95 :

Considérant que l'examen des tarifs pratiqués par les entreprises membres du GIE pour les prestations de cimetière fait apparaître une uniformisation, voire dans certains cas une identité des prix comme il a été indiqué au I B 6 c) de la présente décision ;

Considérant que le GIE fait valoir, en s'appuyant sur l'existence d'écarts de prix compris entre 3 et 48 % selon les prestations offertes par ses membres, que l'uniformisation des prix n'est pas établie et que, dès lors, la preuve de l'entente ne serait pas rapportée ; que ces variations de prix s'expliqueraient par la prise en compte par le GIE des particularités du sol et de la topographie des cimetières rendant les travaux plus ou moins complexes ;

Mais considérant, en premier lieu, que les données non contestées figurant dans le tableau comparatif des tarifs pour l'année 1992 pratiqués par les membres du GIE reproduit au I B 6) de la présente décision font apparaître pour trois d'entre eux, les entreprises Guérin Buy, Virey et Miny Marbres, une identité de prix complète ou des différences insignifiantes, inférieures à 0,2 % ; qu'en second lieu, le gérant de la SARL Miny Marbres a expressément déclaré : "Nous avons harmonisé nos tarifs et nous les avons adaptés en fonction des cimetières dans lesquels nous intervenons" ; que cette affirmation n'a pas été démentie ; que, dans ces conditions, la preuve d'une concertation sur les prix des prestations de cimetière entre six entreprises adhérentes au groupement sous l'égide de celui­ci est établie ; que cette pratique, ayant pour objet et ayant pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, mises en œuvre par le GIE GMR 95 et les entreprises Gilles, Girard, Guérin Buy, Miny Marbres, Oliveira, Turpin, Viardot, Virey, Viardot SARL, est prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

En ce qui concerne le tarif des prestations de cimetière exécutées en sous­traitance pour le compte d'une entreprise membre du GIE GMR 95 :

Considérant que le GIE GMR 95 a établi un tarif commun de sous­traitance destiné à s'appliquer à toutes les prestations de marbrerie courantes exécutées par les entreprises du GIE dans des communes situées hors de leur secteur d'intervention habituel pour le compte d'une autre entreprise membre du GIE ;

Considérant que le GIE fait remarquer que cette tarification ne concerne que des travaux obligatoires exécutés en sous­traitance qui ne constitue donc qu'un élément composant le prix proposé et librement négocié par chacune des entreprises avec sa clientèle en fonction de ses propres coûts d'exploitation ; que, dans ces conditions, ce tarif, négocié entre les membres du GIE, ne présenterait pas les caractères d'une entente anticoncurrentielle au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 puisqu'il préserve en définitive la liberté des prix ;

Mais considérant que la diffusion d'un tarif par un groupement professionnel, applicable aux prestations sous­traitées par les membres de ce groupement, est anticoncurrentielle dès lors que ce tarif a pour objet d'uniformiser les prix de toutes les entreprises appartenant au groupement et a pu les inciter à s'aligner sur le tarif diffusé au lieu d'établir leurs propres prix en fonction de leurs coûts; qu'en l'espèce, le tarif unique des prestations exécutées en sous­traitance par les entreprises du GIE participe, en outre, à l'entente tarifaire décrite précédemment et renforce, en définitive, l'efficacité de cette concertation sur les prix publics ; que cette pratique, ayant pour objet et ayant pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, mises en œuvre par le GIE GMR 95 et les entreprises Gilles, Girard, Guérin Buy, Miny Marbres, Oliveira, Turpin, Viardot, Virey, Viardot SARL est prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

En ce qui concerne la répartition géographique du marché et l'orientation des familles vers les marbriers membres du GIE GMR 95 :

Considérant que les marbriers adhérents au GIE se sont entendus pour se répartir des secteurs d'intervention, recouvrant trois à dix communes du département et ne pas intervenir hors de leur secteur réservé, et se sont engagés réciproquement à réorienter la clientèle qui s'adresserait à l'un d'entre eux vers l'entreprise dans le secteur de laquelle les travaux devaient être réalisés ; que le document dressant la liste des communes affectées à chaque entreprise a été contresigné par l'ensemble des marbriers du GIE ; que l'efficacité de la mise en œuvre de cette sectorisation a été renforcée au moyen d'un "numéro vert" orientant les clients vers le marbrier attributaire du secteur ;

Considérant que le GIE GMR 95 fait valoir que cette sectorisation était purement indicative et correspondait en réalité au comportement spontané des familles, lesquelles en définitive demeuraient libres de leur choix ;

Mais considérant au contraire qu'il est établi que cette organisation du marché résultait d'un engagement délibéré des entrepreneurs; qu'elle était contraignanteet qu'elle avait pour objectif déclaré d'éviter toute concurrence entre marbriers à l'intérieur de leurs zones d'intervention respectives; que cette sectorisation avait donc bien pour objet et pour effet d'orienter le choix des familles et d'assurer à chacun des signataires de cette liste, dans la zone géographique qui lui était dévolue, une protection contre la concurrence des autres entreprises signataires pour des prestations et produits identiques ; qu'ainsi, ces pratiques, ayant pour objet et ayant pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, mises en œuvre par le GIE GMR 95 et les entreprises Gilles, Girard, Guérin Buy, Miny Marbres, Oliveira, Turpin, Viardot, Virey, Viardot SARL, sont prohibées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant, en outre, que les contrats de représentation et de sous­traitance passés par les PFG avec les membres du GIE en 1993 comportaient en annexe la liste des communes attribuées au marbrier en application de l'accord conclu entre les membres du GIE ; que, dès le 27 juin 1991, la liste de ces secteurs géographiques avait été communiquée par l'administrateur du GIE aux PFG ;

Considérant, en premier lieu, que la société PFG fait valoir que ces listes lui étaient transmises pour information et qu'en aucun cas elle ne s'était engagée à les respecter ;

Mais considérant que les articles 10 et 18 des conventions de représentation et de sous­traitance signées entre la société PFG et les marbriers du GIE renvoyaient expressément aux "conditions particulières" annexées auxdites conventions dans lesquelles figurait la liste des communes attribuées au marbrier ; qu'elle s'engageait par conséquent, contractuellement, à respecter cette sectorisation dans ses relations de sous­traitance avec les marbriers pour les prestations effectuées dans les cimetières et à orienter la clientèle vers les marbriers ainsi désignés en sa qualité de mandataire de ces derniers pour les travaux de marbrerie ;

Considérant, en second lieu, que la société PFG fait valoir qu'elle disposait de la liberté du choix de ses sous­traitants pour la réalisation de ces prestations et de ses mandants pour les prestations de marbrerie et précise que, pour des raisons pratiques évidentes, son choix s'est porté de préférence sur les marbriers locaux, qui, en raison de leur connaissance de l'implantation des concessions à l'intérieur du cimetière, pouvaient intervenir dans les meilleures conditions de délais et de sécurité ; qu'ainsi la sélection opérée ne reposait sur aucun critère discriminatoire ; qu'en outre, en ce qui concerne les prestations de marbrerie, dans la mesure où elle n'intervenait pas pour le compte des familles auprès des marbriers en tant qu'agence de funérailles mais en qualité de mandataire de ces derniers, elle pouvait librement préconiser l'entreprise de marbrerie de son choix à ses clients sans être tenue de faire jouer la concurrence entre elles ;

Mais considérant que, si la société PFG dispose de la liberté du choix de ses co-contractants, elle ne saurait en faire usage dans des conditions qui portent atteinte à la libre concurrence ; qu'en l'espèce, en prévoyant dans les conventions signées avec les marbriers que "la société PFG est le représentant du marbrier pour la clientèle souhaitant réaliser un monument funéraire dans le cimetière de la (ou des) communes stipulée(s) aux conditions particulières" et que "le marbrier intervient pour la réalisation [des travaux obligatoires de cimetière] comme sous­traitant de la société PFG sur le territoire de la (des) commune(s) tel que stipulé aux conditions particulières", lesdites conditions particulières se conformant exactement à la répartition des communes opérée entre les marbriers du GIE et préalablement communiquée à la société PFG, cette dernière a adhéré à l'entente du GIE et de ses membres pour organiser un cloisonnement géographique du marché et a contribué à sa mise en œuvre ; que ces pratiques, ayant pour objet et ayant pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur le marché de la marbrerie funéraire, sont prohibées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant, en revanche, qu'il n'est pas établi que la société PFG ait abusé de sa position dominante en orientant systématiquement les familles s'adressant à ses représentants vers les marbriers membres du GIE GMR 95 ;

En ce qui concerne les autres pratiques :

Considérant que les entreprises saisissantes alléguaient que : "Le système funérarium de Gonesse ­ hôpital de Gonesse conduit [...] à un détournement méthodique de la clientèle en marbrerie funéraire [...] par la création d'un réseau maison PFG en marbrerie alimenté par les mêmes procédés de prescription­pressions que pour les prestations de pompes funèbres, à partir du funérarium. [...] De multiples informations encore confidentielles révèlent que les prix pratiqués au funérarium varient largement en fonction de l'apporteur du dossier [...]. Des informations ou témoignages révèlent des pratiques de subordination de ventes, lorsque l'accord pour transporter un corps du lieu du décès au funérarium est conditionné par la signature d'un contrat prestations pompes funèbres (en particulier lorsque cette prestation doit être exécutée un dimanche, jour où PFG est seule en mesure d'intervenir dans la zone considérée)" ; qu'elles versent plusieurs attestations de familles ;

Mais considérant que, si ces attestations confirment bien la confusion entretenue dans l'esprit du public entre les activités du funérarium de Gonesse et les activités de pompes funèbres de l'agence des PFG, en revanche, les pratiques de prix discriminatoires ou de "subordination de ventes" ne peuvent être établies à partir de ces seuls témoignages et n'ont pas été, par ailleurs, établies par l'instruction ; que, dans ces conditions, la preuve de telles pratiques n'ayant pas été rapportée, il n'y a pas lieu de notifier un grief supplémentaire de ce chef ;

Sur l'application du 2 de l'article 10 :

Considérant que le GIE GMR 95 et ses adhérents invoquent, à titre subsidiaire, le bénéfice des dispositions du 2 de l'article 10 de l'ordonnance de 1986 et font valoir que les conventions et pratiques retenues à leur encontre ont eu pour effet d'assurer globalement un progrès économique sur le marché en cause ; qu'elles auraient permis, selon eux, d'une part, d'offrir un éventail plus large de prestations aux familles et, d'autre part, de maintenir l'activité de ses membres dans un secteur économique en crise ; qu'elles étaient indispensables pour atteindre l'objectif de progrès économique et qu'une partie équitable du profit qui a pu en résulter a été réservée aux familles ;

Mais considérant que selon les dispositions du 2 de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 les pratiques anticoncurrentielles ne sont pas soumises aux prohibitions édictées par l'article 7 ou 8 de l'ordonnance lorsque leurs auteurs peuvent justifier qu'elles ont pour effet d'assurer un progrès économique et qu'elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits ou prestations de services en cause ; que le progrès invoqué doit constituer un progrès pour la collectivité dans son ensemble et non simplement permettre une amélioration conjoncturelle de la situation des entreprises intéressées ; qu'il doit, notamment, être établi que le progrès économique allégué est la conséquence directe des pratiques en cause et n'aurait pu être obtenu par d'autres voies ; que la preuve doit également être rapportée que ce progrès est suffisamment important pour justifier les atteintes à la concurrence observées ;

Considérant qu'à supposer que le maintien de l'activité des marbriers membres du GIE puisse être considéré comme un progrès économique au sens du 2 de l'article 10 susmentionné, aucun élément figurant au dossier n'indique que les prix des prestations de marbrerie élaborés dans le cadre du GIE GMR 95 aient été calculés à un niveau juste suffisant pour assurer le maintien de l'activité desdits marbriers, au demeurant dans des situations différentes quant à leur rentabilité financière ; qu'il n'est, par ailleurs, nullement démontré que le maintien de l'activité des marbriers ne pouvait être assuré par un autre moyen que celui d'une fixation concertée des prix et d'une répartition géographique du marché ; qu'il n'est donc pas établi que l'objectif de stabilisation ou d'harmonisation des prix poursuivi par les ententes tarifaires mises en œuvre constitue une contribution au progrès économique ; qu'en outre il n'est pas établi que de telles pratiques auraient été indispensables pour garantir une diversité de l'offre ; qu'en conséquence les conditions d'application des dispositions du 2 de l'article 10 de l'ordonnance susvisée ne sont pas réunies ;

Sur l'imputabilité des pratiques :

Considérant que les pratiques reprochées ont été le fait de la société Pompes Funèbres Générales qui a été dissoute à la suite de son absorption par la société Omnium de Gestion et de Financement le 28 juin 1996 ; qu'avant cette absorption, elle avait fait apport de l'ensemble de sa branche d'activité relative au secteur funéraire en Ile­de­France à la société PRIN, devenue, par changement de dénomination, la société PFG-Ile­de­France, société à laquelle ont été notifiés les griefs ; qu'en conséquence les pratiques doivent être imputées à la société PFG-Ile­de­France ;

Sur les suites à donner :

Considérant que le groupement des marbriers réunis du Val-d'Oise (GIE GMR 95), immatriculé au registre du commerce et des sociétés le 19 novembre 1991, a été dissout à compter du 30 septembre 1994 et radié le 19 décembre 1994 ; qu'en conséquence, les griefs retenus à son encontre ne peuvent plus donner lieu au prononcé de sanctions ;

Considérant que l'entreprise Turpin, domiciliée 23, rue de la Coussaye à Enghien-Les-Bains, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Pontoise sous la dénomination "Gouaches­Turpin Bernard Léon Emile" sous le n° A 319 232 195 a été placée en redressement judiciaire par jugement du 3 octobre 1994 et a cessé toute activité depuis le 17 février 1995 ; qu'en conséquence, les griefs retenus à son encontre ne peuvent plus donner lieu au prononcé de sanctions ;

En ce qui concerne la demande d'injonctions présentée par les parties saisissantes :

Considérant que les parties saisissantes sollicitent le prononcé de diverses mesures d'injonction afin de rétablir le libre jeu de la concurrence dans le domaine des pompes funèbres dans le département du Val-d'Oise ;

Mais considérant que la société PFG a transféré son agence commerciale à l'extérieur des locaux du funérarium de Gonesse le 4 janvier 1995 et a dénoncé, par lettres en date du 28 février 1996, les contrats de représentation et de sous­traitance la liant aux marbriers du GIE GMR 95, lequel a été dissout le 30 septembre 1994 ; que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'enjoindre au parties de cesser les pratiques qui leur sont reprochées ;

Sur les sanctions :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. 100 du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos" ;

En ce qui concerne la société PFG :

Considérant que la gravité des pratiques doit être appréciée en prenant en considération le fait que la société PFG était concessionnaire d'un service public et occupait une position prééminente sur le marché des prestations funéraires ; qu'elle a tenté, dans la période où la loi n° 93­23 du 8 janvier 1993 entrait en application et organisait l'ouverture du marché, de faire obstacle, en abusant de sa position dominante dans la zone de Gonesse et des communes avoisinantes et en se concertant avec le GMR 95, à la création, au développement ou au maintien d'entreprises concurrentes, notamment de la société De Memoris ; qu'il y a lieu également de prendre en considération le fait que la société PFG, ainsi que certaines de ses filiales, ont été sanctionnées par décisions devenues définitives du Conseil de la concurrence n° 90­D­06 du 16 janvier 1990 et n° 93­D­14 du 18 mai 1993, pour avoir abusé de leur position dominante en restreignant l'accès au marché de leurs concurrents, notamment en entretenant la confusion dans l'esprit des familles entre les prestations du service extérieur et les prestations libres offertes dans les locaux d'un funérarium ;

Que, pour apprécier le dommage à l'économie, il y a lieu de tenir compte du fait que toutes les familles, y compris les plus modestes et les plus démunies, sont concernées par ces pratiques ; que les familles des défunts se trouvent au moment où elles accordent leur confiance à une entreprise de pompes funèbres dans un état de dépendance lié d'une part à la nécessité d'organiser les funérailles dans un délai souvent très bref, d'autre part au désarroi que le deuil est de nature à causer ; qu'elles se trouvent ainsi dans une position de faiblesse vis­à­vis des offreurs ;

Considérant que, s'il y a lieu de tenir compte de la fermeture de l'agence commerciale des PFG du funérarium de Gonesse le 4 janvier 1995 et de la rupture de ses relations contractuelles avec les marbriers réunis dans le GIE GMR le 28 février 1996, il y a lieu d'observer que ces deux mesures ne sont intervenues que postérieurement à l'engagement de la présente procédure ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'infliger à la société PFG-Ile­de­France, dont le chiffre d'affaires, pour le dernier exercice clos disponible, est de 653 752 592 F, une sanction pécuniaire de 5 000 000 F ; qu'en outre, pour prévenir efficacement toute nouvelle tentative de sa part pour freiner ou restreindre l'ouverture du marché à la concurrence, il convient de porter à la connaissance du public le caractère illicite de ces pratiques et les sanctions prononcées par la publication de la présente décision dans la presse ; qu'il y a donc lieu d'enjoindre à la société PFG-Ile de France la publication de la présente décision, à ses frais, dans le journal Le Parisien (édition du Val-d'Oise) ;

En ce qui concerne les entreprises de marbrerie :

Considérant que, pour apprécier la gravité des faits, il y a lieu de tenir compte du fait que les entreprises Gilles, Girard, Guérin Buy, Miny Marbres, Oliveira, Turpin, Viardot, Virey, Viardot SARL ont pris une part active dans la réalisation de l'entente de prix et se sont concertées avec les PFG qui occupaient une position dominante dans la zone géographique concernée et se sont réparti le marché des prestations de cimetière ; qu'elles ont mis en œuvre ces pratiques individuellement ; que, pour apprécier le dommage à l'économie, il y a lieu de prendre en considération le fait que l'aménagement d'une tombe représente une dépense d'un montant élevé dont une partie au moins de ces dépenses est obligatoire ; que la plupart des familles appartenant à toutes les catégories sociales considèrent comme un devoir l'édification d'une pierre tombale ou d'un monument funéraire ; qu'il y a lieu de tenir compte de l'étendue géographique du marché et du fait que les contrats de représentation et de sous­traitance des travaux ont été dénoncés le 28 février 1996 ;

En ce qui concerne la SARL Gilles :

Considérant que cette société a réalisé en 1996, dernier exercice clos, un chiffre d'affaires en France de 2 201 774 F ; qu'en fonction des éléments tels qu'appréciés ci­dessus il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 10 000 F ;

En ce qui concerne la SARL Marbrerie Girard :

Considérant que cette société a réalisé en 1996, dernier exercice clos, un chiffre d'affaires en France de 2 303 436 F ; qu'en fonction des éléments tels qu'appréciés ci­dessus il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 10 000 F ;

En ce qui concerne la SA Marbrerie funéraire Guérin Buy :

Considérant que cette société a réalisé en 1996, dernier exercice clos, un chiffre d'affaires en France de 9 104 003 F ; qu'en fonction des éléments tels qu'appréciés ci­dessus il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 50 000 F ;

En ce qui concerne la SARL Miny Marbres :

Considérant que cette société a réalisé en 1996, dernier exercice clos, un chiffre d'affaires en France de 2 062 127 F ; qu'en fonction des éléments tels qu'appréciés ci­dessus il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 10 000 F ;

En ce qui concerne M. Manuel De Oliveira :

Considérant que M. Manuel De Oliveira, exploitant de l'entreprise Marbrerie Funéraire De Oliveira, a réalisé en 1996, dernier exercice clos, un chiffre d'affaires en France de 2 176 511 F ; qu'en fonction des éléments tels qu'appréciés ci­dessus il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 10 000 F ;

En ce qui concerne M. Jean­Jacques Viardot :

Considérant que M. Jean­Jacques Viardot, exploitant de l'entreprise Marbrerie Funéraire Viardot, a réalisé en 1996, dernier exercice clos, un chiffre d'affaires en France de 3 931 976 F ; qu'en fonction des éléments tels qu'appréciés ci­dessus il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 20 000 F ;

En ce qui concerne la SARL CMV Virey :

Considérant que cette société a réalisé en 1996, dernier exercice clos, un chiffre d'affaires en France de 2 977 535 F ; qu'en fonction des éléments tels qu'appréciés ci­dessus il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 15 000 F ;

En ce qui concerne la SARL Marbrerie Funéraire Viardot :

Considérant que cette société a réalisé en 1996, dernier exercice clos, un chiffre d'affaires en France de 3 371 108 F ; qu'en fonction des éléments tels qu'appréciés ci­dessus il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 15 000 F,

Décide :

Article 1er : Il est établi que la société PFG-Ile­de­France a enfreint les disposions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Article 2 : Il est établi que les entreprises Gilles, Girard, Guérin Buy, Miny Marbres, Oliveira, Viardot, Virey et Viardot SARL ont enfreint les disposions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Article 3 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

- 5 000 000 F à la société PFG-Ile­de­France ;

- 10 000 F à la société Gilles ;

- 10 000 F à la société Girard ;

- 50 000 F à la société Guérin Buy ;

- 10 000 F à la société Miny Marbres ;

- 10 000 F à M. Manuel De Oliveira (Marbrerie Funéraire De Oliveira) ;

- 20 000 F à M. Jean­Jacques Viardot (Marbrerie Funéraire Viardot)

- 15 000 F à la société CMV Virey ;

- 15 000 F à la SARL Marbrerie Funéraire Viardot.

Article 4 : Dans un délai maximum de trois mois suivant sa notification, le texte intégral de la présente décision sera publié, aux frais de la société PFG-Ile­de­France dans le journal Le Parisien (édition du Val-d'Oise). Cette publication sera précédée de la mention : "Décision du Conseil de la concurrence du 21 octobre 1997 relative à des pratiques de la société PFG-Ile­de­France dans la commune de Gonesse et dans les communes limitrophes".