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Décisions

Conseil Conc., 28 novembre 1989, n° 89-D-41

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Situation de la concurrence dans le secteur de la vente de livres par clubs

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré en section, sur le rapport de M. Jean-Marie Somny, dans sa séance du 28 novembre 1989 où siégeaient : M. Laurent, président ; MM Béteille, Pineau, vice-présidents, MM. Azéma, Flécheux, Schmidt, Urbain, membres.

Conseil Conc. n° 89-D-41

28 novembre 1989

Le Conseil de la concurrence,

Vu la lettre enregistrée le 12 avril 1988 sous le numéro F 154 (C 167) par laquelle le ministre d'État, ministre de l'Economie, des Finances et de la Privatisation a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la vente de livres par clubs ; Vu les ordonnances n° 45-1483 et n° 45-1484 du 30 juin 1945, modifiées, relatives respectivement aux prix et à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié, pris pour son application ; Vu la loi n° 57-298 du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique ; Vu la loi n° 87-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre ; Vu la lettre en date du 7 avril 1989 par laquelle la société France-Loisirs a demandé, par application du premier alinéa de l'article 22 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, " le renvoi au Conseil " ; Vu les observations de la société France-Loisirs ; Vu les observations de la société Le Grand Livre du mois; Vu les observations de la société des éditions Gallimard; Vu les observations du commissaire du Gouvernement; Vu les autres pièces du dossier; Le rapporteur, le rapporteur général suppléant, le commissaire du Gouvernement et les représentants de la société France-Loisirs, de la société Le Grand Livre du mois et de la société des éditions Gallimard entendus; Retient les constatations (I) et adopte la décision (II) ci-après exposées :

I. - CONSTATATIONS

Les caractéristiques du marché

Les éditeurs ont recours, pour commercialiser le livre, à divers canaux de distribution :

- les ventes directes auprès des consommateurs par correspondance ou par courtage ;

- les ventes par l'intermédiaire de clubs ;

- les ventes par l'intermédiaire de grossistes et de détaillants : librairies, grandes surfaces, magasins populaires ;

- les ventes par des circuits particuliers, notamment aux collectivités et aux administrations.

Pour l'année 1987 si l'on se réfère aux chiffres présentés par l'enquête du Syndicat national de l'édition, la répartition finale des ventes par circuits de distribution s'établirait comme suit :

Les études effectuées sur l'évolution depuis 1981 des parts de marché de ces diverses formes de distribution font ressortir une stagnation de la part de la librairie traditionnelle, une reprise sensible de la part allouée aux grandes surfaces à partir de 1984 et un développement des formes de vente directe, en particulier par l'intermédiaire des clubs, ces derniers disposant aujourd'hui d'une part de marché généralement estimé à 10 ou 12 p. 100.

La vente par l'intermédiaire des clubs concerne pour l'essentiel le secteur particulier des ouvrages de littérature générale, lequel représente 25 p. 100 environ des ventes de livres. En 1987, les ventes de livres de cette catégorie se montaient pour les missions d'édition à 2,3 milliards de francs. Les clubs réalisaient parallèlement la même année un chiffre de ventes de 1,9 milliard de francs.

La commercialisation du livre s'inscrit dans un contexte dérogatoire à la libre détermination du prix par le jeu de la concurrence en raison de l'application de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre, qui fait une place à part au canal où interviennent les clubs.

Le contexte légal de la commercialisation du livre

Aux termes de la loi du 10 août 1981 précitée, le prix de vente du livre au public est fixé par l'éditeur. Les détaillants doivent respecter un prix effectif de vente compris entre 95 p. 100 et 100 p. 100 de ce prix. Ils ne peuvent pratiquer des prix inférieurs que sur des livres édités depuis plus de deux ans et dont le dernier approvisionnement remonte à plus de six mois.

Toutefois les entreprises qui diffusent des livres par courtage, abonnement ou correspondance ne sont tenues de respecter le prix unique que pendant les neuf mois qui suivent la mise en vente de la première édition et elles ont la faculté de pratiquer des ventes à prime.

Ces dispositions ont contribué à un étalement de la vie du livre sur plusieurs séquences de commercialisation offrant chacune aux clubs des possibilités spécifiques de développement de leurs formes de vente.

La première s'établit sur les neuf premiers mois de la publication du titre qui est la période de lancement de l'ouvrage et de son exploitation en librairie. Le prix fixé par l'éditeur doit être respecté. Les clubs peuvent effectuer des ventes à prime au bénéfice de leurs adhérents.

La deuxième s'étend du dixième au vingt-quatrième mois et, avec la possibilité que leur offre la loi de vendre à un prix inférieur à celui de la première édition, les clubs peuvent relancer l'exploitation du titre.

Au-delà du vingt-quatrième mois, l'obligation du prix imposé disparaît pour tous les distributeurs. C'est aussi, généralement, le moment de la publication des éditions de poche vendues à faible prix.

La spécificité du marché de la vente de livres par club

a) Le produit

Les clubs opèrent une sélection sur un nombre de titres relativement restreint choisis en fonction de leurs clientèles respectives, principalement parmi les ouvrages de littérature générale et accessoirement d'histoire, de vie pratique, de bandes dessinées.

Le " produit " est donc caractérisé en premier lieu par cette sélection. Il se distingue également par une présentation particulière. Le " bloc " du livre réalisé par l'éditeur est conservé, mais il est offert par les clubs sous une couverture reliée portant leurs références.

b) La clientèle

Les clubs ne vendent qu'aux adhérents qu'ils ont préalablement recrutés. Le contrat que souscrivent ceux-ci comporte l'engagement d'acquérir un certain nombre de livres au cours de la durée de ce contrat, quatre livres sur une durée de deux ans pour Le Grand Livre du mois, un livre par trimestre pour France-Loisirs. Les titres sélectionnés par les clubs sont présentés aux adhérents sur catalogue et vendus par correspondance. Le principal club, France-Loisirs, a en outre constitué un réseau de vente au détail comportant 110 magasins et 77 points de vente implantés chez les libraires. ce club réalise aujourd'hui 60 p. 100 de son chiffre d'affaires par ce réseau de vente.

Les caractéristiques de la clientèle ainsi touchée par les clubs la distinguent de celle de la librairie traditionnelle. Alors que le client de la librairie traditionnelle apprécie un large éventail de titres parmi lesquels il peut opérer un choix personnel, celui des clubs est surtout sensible au fait qu'une sélection lui soit déjà proposée sur catalogue pour le guider dans ses lectures. Le recrutement des adhérents et la diffusion du catalogue permettent ainsi d'atteindre, à l'échelon national, une clientèle mal desservie par le réseau de librairies ou qui ne les fréquentait pas et que les clubs contribuent à attirer vers la lecture. Cette forme de vente touche aujourd'hui 5 000 000 d'adhérents, ce qui représente un foyer sur quatre, répartis sur 34 000 communes.

Selon un sondage réalisé auprès des adhérents de France-Loisirs, le critère principal motivant l'achat des livres est, pour 37 p. 100 des adhérents le prix, pour 67 p. 100 la description faite dans le catalogue, pour 44 p. 100 l'auteur, pour 18 p. 100 le titre, et pour 6 p. 100 l'aspect de l'ouvrage, sa reliure.

Si le régime dérogatoire institué par le législateur en faveur des clubs en leur permettant de vendre avec un rabais sur le prix fixé par l'éditeur après le neuvième mois de la publication du livre a pu contribuer au développement de cette forme de vente, le prix ne constitue cependant pas l'argument de vente principal qui les mettrait directement en concurrence avec les autres canaux de distribution du livre et en particulier la librairie traditionnelle ou les grandes surfaces spécialisées ou non.

Il apparaît ainsi que les clubs du livre ont mis en place un circuit de distribution original.

En présence du raccourcissement de la période de temps durant laquelle un livre est diffusé en librairie, les éditeurs s'attachent à rechercher tous les moyens pour prolonger la vie du livre. A cette fin, ils font appel aux cessions de droits qui intéressent d'une part, les clubs, d'autre part les éditions de poche. Par ces contrats de cession de droits les éditeurs titulaires du droit de publication d'un ouvrage autorisent le cessionnaire à imprimer, publier et vendre une édition de cet ouvrage.

Les contrats souscrits avec les clubs comportent la garantie d'un tirage minimum qui assure l'éditeur de recevoir la rémunération correspondante sans subir les aléas de la vente.

Si, pour l'éditeur et l'auteur, l'essentiel des produits financiers de l'exploitation du livre reste tiré de la vente en librairie de la première édition, la contribution importante qu'apportent les clubs à la commercialisation de la production éditoriale souligne la spécificité du " marché du livre club ".

Les intervenants sur le marché

Seuls trois clubs interviennent sur le " marché du livre club ".

Deux d'entre eux publient des ouvrages sur la période qui s'étend jusqu'au neuvième mois suivant la publication : Le Grand Livre du mois et Le Cercle du nouveau livre.

Le Grand Livre du mois dont le capital est réparti entre le Club français du livre, les Éditions Robert Laffont et les Editions Albin Michel comptait en 1986 638 000 adhérents et réalisait un chiffre d'affaires de 291 millions de francs. Les livres sont vendus au prix fixé par l'éditeur, mais avec des primes permettant l'acquisition d'autres ouvrages à des conditions avantageuses. Après le neuvième mois de la première publication du titre, Le Grand Livre du mois utilise depuis quelques années les livres qui demeurent en stock pour les proposer à ses adhérents à prix réduits ou pour des offres de recrutement à des prix sympathiques.

Le Cercle du nouveau livre, département des Editions Tallandier SA, comptait en 1987 5 500 adhérents et réalisait un chiffre d'affaires de 2,7 millions de francs.

France-Loisirs, pour sa part, n'intervient qu'après le neuvième mois qui suit la première publication du titre. Filiale paritaire du groupe de La Cité et du groupe Bertelsmann (RFA), ce club compte aujourd'hui 4 300 000 adhérents et a réalisé un chiffre d'affaires de 1,97 milliard de francs hors taxe en 1987, son chiffre d'affaires " livres " s'élevant à 1,47 milliard de francs hors taxe. Les ouvrages sont vendus à un prix correspondant à 75 p. 100 de celui de l'édition ordinaire.

La position de ces clubs a été récemment attaquée par l'opération " Succès du livre " lancée en octobre 1987 et qui était officiellement conçue par le groupe Hachette pour prendre place sur le " marché des ouvrages de type club ".

L'opération consistait à faire rééditer en version cartonnée, par une filiale d'Hachette, Les Editions de la Seine, des ouvrages à succès parus généralement depuis plus de neuf mois et à les proposer pour un prix inférieur d'environ 30 p. 100 à celui de l'édition ordinaire. " Succès du livre " se présentait comme un club sans obligation d'achat.

Il ne semble cependant pas que l'opération " Succès du livre ", dont le groupe Hachette s'est désengagée au bout d'un an, soit parvenue à entamer la clientèle spécifique des clubs.

La position de France-Loisirs sur le marché du livre club

France-Loisirs a réalisé en 1987, un chiffre d'affaires " livres " de près de 1,5 milliard de francs sur les 1,9 milliard de francs qui représentent le montant total des ventes effectuées par l'intermédiaire des clubs soit 78 p. 100 des ventes sur le marché concerné.

Le chiffre d'affaires des livres de France-Loisirs doit être rapproché également de celui réalisé dans le secteur de la littérature générale par l'ensemble des maisons d'édition, qui était de 2,3 milliards en 1987. France-Loisirs distance de très loin Le Grand Livre du mois, qui vient en seconde position sur le marché.

A elle seule, la société France-Loisirs détient 7 à 9 p. 100 de l'ensemble du marché de la vente de livres au détail et dans les résultats financiers de l'édition son poids est devenu considérable.

La puissance économique représentée par la société France-Loisirs est soulignée par celle des groupes qui contrôlent cette société à parts égales : le groupe de La Cité et le groupe Bertelsmann.

La position de la société France-Loisirs est confortée par les difficultés d'accès au marché de la vente de livres par clubs. Le lancement d'un club exige en effet un investissement considérable pour la constitution et la gestion d'un fichier d'adhérents.

Les faits susceptibles d'être qualifiés

a) Les clauses d'exclusivité contenues dans les contrats de cession de droits à France-Loisirs

Les clubs font figurer dans le contrat type de cession de droits qu'ils proposent aux éditeurs une clause d'exclusivité aux termes de laquelle " l'éditeur s'engage à ne pas céder ou concéder de droits de reproduction ou de diffusion de l'ouvrage en vue de sa vente par abonnement, par correspondance ou par courtage et à ne pas vendre lui-même l'ouvrage sous ces formes ". La durée de cette clause d'exclusivité, généralement de six mois, est portée à douze mois pour les livres à succès. Les clubs justifient cette clause d'exclusivité comme étant la contrepartie des garanties de tirage qu'ils offrent.

Mais au-delà des clauses d'exclusivité portant sur des formes de vente comparables à celles de clubs telles que la vente par correspondance, courtage et abonnement, les contrats proposés par la société France-Loisirs ont été assortis depuis quelques années de clauses d'exclusivité élargies à toutes les formes de distribution du livre.

Dans un premier temps, certains contrats portant sur des livres à succès, qui comportaient dans le corps de l'acte la clause habituelle d'exclusivité, ont été complétés d'une annexe contenant ces clauses. c'est ainsi que trois contrats de cession de droits souscrits respectivement par la société d'Édition Lattès le 2 octobre 1986, par les Editions n° 1 le 22 janvier 1987 comportent une annexe ainsi conçues :

" L'éditeur garantit qu'aucune édition en livre de poche ne sera autorisée pendant une période de douze mois à partir du premier jour du trimestre de parution au catalogue France-Loisirs, soit du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1987.

" De même l'éditeur s'engage à n'autoriser durant la même période aucune édition susceptible, soit par sa présentation, soit par son prix, de faire concurrence à l'édition France-Loisirs " (cf pièces n° 23, 38 et 9).

Dans un deuxième temps, de telles clauses ont été depuis le début de l'année 1987 insérées dans le corps du contrat type et ont concerné tous les ouvrages. Tel est le sens de l'article 3, paragraphe E, du contrat type ainsi rédigé par France-Loisirs :

" L'éditeur s'engage à ne pas céder à un tiers ou à exploiter personnellement les droits d'une édition du présent titre susceptible d'être vendue par correspondance, par courtage, par abonnement, ou au détail et qui pourrait faire concurrence directement ou indirectement à l'édition de France-Loisirs, qu'il agisse d'une édition de poche ou d'une édition reliée.

" Cet engagement est d'une durée d'un an à compter du premier jour, du trimestre de parution du présent titre au catalogue de France-Loisirs, soit le...

" Toute dérogation à cet engagement fera l'objet d'un accord formel et exprès de la part de France-Loisirs ".

Selon le directeur du " Programme livre " de France-Loisirs, " l'introduction de ces clauses dans les contrats a été motivée par le projet puis le lancement de l'opération " Succès du livre " qui a été présentée et ressentie comme une véritable agression contre France-Loisirs ".

b) La clause des contrats de cession de droits à France-Loisirs par laquelle l'éditeur s'engage à refuser toute demande de solde ou d'offre publicitaire de bienvenue émanant d'un autre club ou d'une organisation concurrente pendant la période d'exclusivité

Le contrat type de cession de droits présenté aux éditeurs par France-Loisirs comporte en son article 3, paragraphe E, une disposition ainsi conçue :

" Si l'ouvrage a déjà fait l'objet d'une cession en vue d'une édition de poche, d'une édition concurrente ou d'une édition club, l'éditeur s'engage à en avertir France-Loisirs sur le présent contrat.

" De même pendant la même période (période d'exclusivité) l'éditeur refusera toute demande de solde ou d'offre publicitaire de bienvenue émanant d'un autre club ou d'une organisation concurrente. "

Ces clauses introduites dans le corps du contrat type figuraient jusqu'au début de l'année 1987 en annexe aux contrats concernant uniquement les grandes sélections.

C'est ainsi qu'on les trouve en annexe au contrat souscrit le 22 octobre 1986 avec les Editions Lathès (pièce n° 23), au contrat souscrit le 23 octobre 1986 avec les Editions Arthème Fayard (pièce n° 38) et au courant souscrit le 22 janvier 1987 avec la Société d'Édition n° 1 (pièce n° 9).

Selon le directeur du " Programme livre " de France-Loisirs " cette clause vise les ventes à prix réduit et les offres publicitaires du Grand Livre du mois ". Il précise que " les éditeurs souvent ne nous signalaient pas que le titre avait antérieurement été cédé au Grand Livre du mois et au Poche " et que " cette clause était conçue pour attirer l'attention sur la gêne susceptible de provenir de ces ventes et offres à prix réduit, alors que France-Loisirs garantit un volume de tirages important ".

La société France-Loisirs est intervenue à deux reprises, le 13 octobre 1986 et le 24 avril 1987, auprès des éditeurs pour faire assurer le respect effectif de ces clauses (cf. pièces n° 44 et 35).

Le directeur du " Programme livre " de la société France-Loisirs a fait ressortir que ces interventions n'avaient d'autre but que " de faire respecter les clauses de nos contrats par l'éditeur qui est fautif s'il signe successivement deux clauses incompatibles ". Il a souligné que France-Loisirs vend avec garantie 26 000 000 de volumes par an alors que l'espace de temps qui est laissé pour son intervention est entamé en amont par les publicités et les offres à prix réduits du grand Livre du mois et, en aval, par les éditons de poche qui paraissent maintenant vers le quinzième mois. Il a précisé en outre que la moitié des titres du Grand Livre du mois ne sont pas ceux de France-Loisirs.

c) Les interventions de France-Loisirs, auprès des éditeurs pour empêcher Le Grand Livre du mois à vendre à prix réduits à ses adhérents des ouvrages également publiés par France-Loisirs

La société France-Loisirs, afin de se prémunir contre les ventes à prix réduit et les offres de recrutement du grand Livre du mois, est également intervenue auprès des éditeurs en dehors de toute disponibilité contractuelle.

Par une correspondance en date du 14 octobre 1986 (pièce n° 39) France-Loisirs signalait à l'attention des Editions Gallimard l'offre aux adhérents du Grand Livre du mois, à prix dégressifs, d'un ouvrage que France-Loisirs faisait paraître au même moment en grande sélection. Par lettre du 27 octobre 1986, la société des Editions Gallimard répercutait sur Le Grand livre du mois l'intervention de France-Loisirs.

Le directeur du " Programme livre " de France-Loisirs expliquait son intervention auprès des Editions Gallimard en indiquant que cet éditeur, contrairement aux stipulations de son contrat, n'avait pas signalé la cession antérieure du titre au Grand Livre du mois.

Dans la lettre du 14 octobre 1986 France-Loisirs appuyait son intervention sur une interprétation de la loi du 10 août 1981 sur le prix du livre, exposée en ces termes :

" La loi en vigueur permet de choisir entre deux attitudes possibles :

" - ou bien on est un club simultané et on tombe sous le système du prix imposé avec un écart de 5 p. 100 comme seule remise acceptée ;

" - ou bien on est un club différé qui, passé un délai de neuf mois, peut commercialiser un produit différent à un prix différent.

" Le fait d'adopter une position, puis l'autre, constitue une sorte de " double jeu " qui nous pose un réel problème de crédibilité et de confiance vis-à-vis de nos adhérents. "

La même argumentation était reprise dans une correspondance en date du 5 novembre 1986 adressée au président de la société des Editions Albin Michel, actionnaire du Grand Livre du mois, dans laquelle le représentant de France-Loisirs relevait que " Le grand Livre du mois semblait avoir érigé en politique de présenter dans ses catalogues mensuels un nombre important de livres dont les prix sont autant de dérogations à la loi sur le prix imposé ". Le directeur du " Programme livre " de France-Loisirs considère que cette lettre se bornait à donner une interprétation de la loi et qu'il ne s'agissait nullement d'une pression.

d) Les clauses de contrats de cession de droit obligeant le Grand Livre du mois à vendre l'ouvrage au prix éditeur au-delà du neuvième mois après la première publication

Les contrats de cession de droits au Grand Livre du mois fixent le prix de vente de l'ouvrage. Comme le Grand Livre du mois publie en même temps que l'édition première, cette fixation du prix découle de l'application de la loi du 10 août 1981 qui oblige ceux qui vendent l'ouvrage par correspondance ou abonnement pendant la période de neuf mois qui suit la première mise en vente de l'édition à respecter le prix fixé par l'éditeur.

Cependant, selon les responsables du Grand Livre du mois, certains contrats de cession de droits l'obligeraient à vendre au prix éditeur au-delà du neuvième mois.

C'est ainsi que, souscrit le 1er octobre 1986 par Le Grand Livre du mois et la société Gallimard, le contrat de publication d'un ouvrage littéraire stipulait que " le prix de vente pratiqué par le club, port et emballage compris sera de 75 francs TTC et ce pendant douze mois à dater de la mise en vente par Le Grand Livre du mois ".

La société des Editions Gallimard justifie les clauses prolongeant la durée d'application du prix éditeur en indiquant qu'elles se situent dans le sens des objectifs recherchés par la loi du 10 août 1981. Si les dispositions de celle-ci permettent aux clubs de baisser le prix après un délai de neuf mois, cette durée de neuf mois, selon eux, peut paraître courte pour assurer la protection de la vente en librairie. La société des Editions Gallimard a fait également ressortir que la publicité sur la vente à faible prix du Grand Livre du mois pourrait faire un tort considérable à la commercialisation du titre qui débute au même moment chez France-Loisirs.

II. - A LA LUMIÈRE DES CONSTATATIONS QUI PRÉCÈDENT, LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE

SUR LA PROCÉDURE

Considérant en premier lieu que les sociétés France-Loisirs et les Editions Gallimard font valoir que les faits antérieurs à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne peuvent être qualifiés par le Conseil de la concurrence au regard de l'article 50 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, n'ayant fait l'objet d'aucun acte de constatation et de procédure établi conformément aux dispositions des ordonnances du 30 juin 1945 ; qu'à l'appui de leur thèse ces sociétés invoquent l'article 59 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui dispose que " les pouvoirs dévolus au ministre chargé de l'Economie en application des articles 53 et 54 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 sont exercés..., à compter de son installation par le Conseil de la concurrence " et que " demeurent valables les actes de constatation et de procédure établis conformément aux dispositions de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, et notamment ses articles 52 à 55, et de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945 " ; que lesdites sociétés soutiennent que ce texte doit être interprété comme ne transférant au Conseil de la concurrence l'exercice des pouvoirs antérieurement dévolus au ministre chargé de l'Economie et des Finances que pour les seules affaires ayant donné lieu, antérieurement à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à des actes de constatation et de procédure établis conformément aux dispositions des ordonnances du 30 juin 1945 ; que cette interprétation serait confortée par les dispositions de l'article 45 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, aux termes desquelles les fonctionnaires habilités et les rapporteurs du Conseil de la concurrence, qui disposent des mêmes pouvoirs, " peuvent procéder aux enquêtes nécessaires à l'application de la présente ordonnance ", et dont il résulterait que ces mêmes fonctionnaires et rapporteurs n'ont pas compétence pour les faits antérieurs ;

Mais considérant que, dans le cas où les faits constatés sont antérieurs à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 1er décembre 1986, l'absence de vide juridique résulte de l'application des règles de fond contenues dans l'ordonnance du 30 juin 1945 dans la mesure où les qualifications énoncées par celles-ci sont reprises par le nouveau texte ; que l'ordonnance du 1er décembre 1986 dispose que les pouvoirs de qualification des pratiques anticoncurrentielles et de décision, antérieurement dévolus au ministre chargé de l'Economie, sont confiés au Conseil de la concurrence ; que si, aux termes du dernier alinéa de l'article 59 de cette ordonnance, demeurent valables les actes de constatation et de procédure établis conformément aux ordonnances du 30 juin 1945, on ne saurait déduire de ce texte, par a contrario, l'équivalent d'une péremption ou d'une prescription des faits antérieurs à la date d'entrée en vigueur de ladite ordonnance ; qu'en l'absence d'actes de constatations antérieures à cette date l'administration est habilitée à constater, sur la base du nouveau texte, l'existence de faits non prescrits et le Conseil de la concurrence est compétent pour procéder aux qualifications correspondantes, dès lors que les pratiques relevées sont afférentes à une période exempte de la prescription instituée par l'article 27 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et qu'elles tombent sous le coup de prohibitions édictées à la fois par cette ordonnance et par l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 susvisée ;

Considérant en second lieu que la société France-Loisirs allègue la méconnaissance de l'article 18 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 en soutenant que le rapporteur a convoqué et entendu ses représentants sur les griefs sans qu'il leur ait été préalablement possible de consulter le dossier de la saisine ministérielle ; que la société France-Loisirs estime en outre que " cette audition porte atteinte aux droits de la défense, le rapporteur n'hésitant pas dans son rapport à se baser sur (ladite audition) pour fonder ses griefs " ;

Considérant d'une part, que les dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui fixent les modalités et garanties des auditions recueillies dans le cadre de l'enquête à laquelle les rapporteurs du Conseil de la concurrence ont le pouvoir de procéder pour les affaires dont celui-ci est saisi, n'imposent pas de communication préalable de la procédure, cette formalité n'étant prévue, aux termes de l'article 21 de l'ordonnance, lorsque la saisine est suivie d'une notification de griefs, que corrélativement à cet acte de procédure ; que, dès lors, aucune cause de nullité ne peut résulter, par référence à l'article 18 de ladite ordonnance, de ce que l'audition des représentants de France-Loisirs n'ait été précédée d'une communication du dossier ;

Considérant d'autre part, que si les représentants de France-Loisirs ont été entendus par le rapporteur le 28 novembre 1988, cette audition a eu pour seul objet de recueillir des informations préalables à l'instruction du dossier ; qu'à la lettre de convocation était jointe à une copie de la lettre de saisine ministérielle ; que les intéressés ont pu notamment exposer les caractéristiques du marché et commenter les clauses des contrats au vu de documents dont il leur a été donné connaissance et dont il a d'ailleurs été fait mention dans les réponses ; que la circonstance que ces déclarations, recueillies par procès-verbal, ont été rappelées dans la notification de griefs et dans le rapport ne saurait entacher la procédure d'une quelconque irrégularité ;

SUR LE FOND

En ce qui concerne la définition du marché :

Considérant que la société France-Loisirs conteste que le marché de la vente de livres par clubs constitue un marché spécifique et considére que son secteur d'activité est principalement celui de " l'édition hors livres scolaires ", en faisant valoir que quels que soient ses modes de distribution le produit, en l'espèce le livre, reste le même, que les diverses séquences de commercialisation du livre ne seraient plus aussi nettement distinctes qu'au moment de l'entrée en vigueur de la loi du 10 août 1981, que la notion de club est juridiquement imprécise et que les méthodes commerciales des clubs sont variables ;

Considérant que, si, dans son acception courante, le terme de club peut recouvrir une grande variété d'activités et d'organisations, il ressort de l'instruction que les méthodes de commercialisation du livre utilisées par les clubs présentent un caractère spécifique qui a permis la constitution d'un marché particulier tant au regard du produit que la clientèle à laquelle il est destiné; que les clubs ne vendent qu'à des acheteurs adhérents, par correspondance ou dans des points de vente qui leur sont exclusivement réservés, des ouvrages sélectionnés présentés sous une forme particulière et offerts à leur choix par catalogues ; que les adhérents doivent souscrire un contrat comportant l'engagement d'un minimum d'achats ; qu'aux yeux de cette clientèle les ouvrages distribués par les clubs avec les services qui les accompagnent présentent une image propre qui permet de les considérer comme non substituables à ceux offerts par d'autres canaux de distribution ;

Considérant qu'il résulte des constatations consignées dans la partie I de la présente décision que, sur le marché ainsi défini, la société France-Loisirs détient une position dominante;

En ce qui concerne les pratiques de la société France-Loisirs :

Sur l'extension de la clause d'exclusivité contenue dans les contrats de cession de droits à France-Loisirs à toutes les formes de commercialisation du livre :

Considérant que, si les clauses des contrats de cession accordant un droit exclusif de reproduction ou de diffusion d'un ouvrage ne sont pas illicites dans leur principe, il y a lieu d'apprécier, dans chaque cas d'espèce, si les modalités d'exercice de droit n'ont pas pour objet ou ne peuvent pas avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence ;

Considérant que les contrats proposés par la société France-Loisirs ont été assortis depuis quelques années de clauses d'exclusivité élargies à toutes les formes de distribution du livre et incorporées à partir de l'année 1987 dans son contrat type ; que l'introduction de ces dispositions dans les contrats, motivée selon des responsables de la société France-Loisirs par le projet puis le lancement de l'opération " Succès du livre ", a un objet manifestement anticoncurrentiel qui s'étend de plus à l'ensemble du marché de l'édition puisque, en particulier, elle vise les éditions de poche dont elle peut retarder la sortie ; que France-Loisirs a ainsi cherché à éliminer toute forme de concurrence jusque sur les marchés voisins ; que la circonstance que cette clause n'ait pu être appliquée qu'à la publication d'un nombre de titres limité, comme le relève France-Loisirs, n'en efface pas en tout état de cause l'objet anticoncurrentiel: que, si une entreprise en position dominante ne saurait être privée de la faculté de préserver ses intérêts commerciaux, l'usage de cette faculté ne peut justifier une limitation de l'exercice de la concurrence par d'autres opérateurs, ce qui constituerait une exploitation abusive de cette position dominante ;

Sur la clause des contrats de cession de droits à France-Loisirs par laquelle l'éditeur s'engage à refuser pendant la période d'exclusivité " toute demande de solde ou d'offre publicitaire de bienvenue émanant d'un autre club ou d'une organisation concurrente " ;

Considérant que cette clause, qui figurait auparavant en annexe aux contrats concernant uniquement les grandes sélections, a été également introduite par France-Loisirs dans le corps de son contrat type au cours de l'année 1987 ;

Considérant que ladite clause, ouvertement dirigée contre les clubs concurrents, et partiellement contre Le Grand Livre du mois, a pour but, selon la société France-Loisirs, " d'éviter que la sélection trimestrielle du catalogue France-Loisirs... ne fasse l'objet dès son apparition d'offres à prix symboliques quasiment gratuitement... du Grand Livre du mois qui pourrait ainsi mettre en échec la diffusion de cet ouvrage et porter en conséquence préjudice aux intérêts des auteurs " ; qu'elle a un objet et un effet manifestement anticoncurentiels qu'atteste le comportement de France-Loisirs qui est intervenue à plusieurs reprises auprès des éditeurs pour en assurer l'application ; que la circonstance que des éditeurs ayant accordé successivement des droits à l'exploitation d'un titre au Grand Livre du mois puis à France-Loisirs aient, selon France-Loisirs, pris la responsabilité de signer des clauses incompatibles, n'enlève rien au comportement anticoncurrentiel de cette dernière, qui a fait de la position dominante qu'elle détient un usage abusif ;

Sur les interventions de la société France-Loisirs auprès des éditeurs pour empêcher Le Grand Livre du mois de vendre à prix réduit à ses adhérents des ouvrages également publiés par France-Loisirs :

Considérant que, selon France-Loisirs ses interventions auprès des éditeurs ne sauraient s'analyser comme des menaces ou pressions, s'agissant en ce qui concerne la société Gallimard de faire respecter les dispositions d'un contrat de cession de droits, et quant à la référence à la loi du 10 août 1981 d'en proposer une simple interprétation ; qu'il résulte cependant de l'instruction que l'offre à prix réduit par Le Grand Livre du mois de l'ouvrage mentionné dans la lettre du 14 octobre 1986 (pièce n° 39) n'entre pas dans le champ d'application du contrat invoqué par France-Loisirs ; qu'en intervenant ainsi pour empêcher Le Grand Livre du mois d'effectuer des ventes avec rabais, ou en présentant cette politique de prix comme contraire, sinon à la lettre, du moins à l'esprit de la loi du 10 août 1981, la société France-Loisirs a entendu éliminer toute concurrence par les prix en incitant les éditeurs à y faire obstacle ; qu'en raison de la suprématie de France-Loisirs sur le marché, semblables interventions, même si elles ne sont assorties d'aucune menace explicite, constituent, en empêchant le jeu de la concurrence, un abus de position dominante ;

Sur l'application de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et de l'article 51 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 :

Considérant, d'une part, que la société France-Loisirs ne saurait tirer argument des dispositions des articles 54 et 57 de la loi du 11 mars 1957 susvisée pour soutenir que l'exclusivité qu'elle impose à son profit aux éditeurs par les contrats types qu'elle leur propose " résulte de l'application d'un texte législatif " ; qu'en effet si l'article 54 dispose que l'auteur doit garantir à l'éditeur " l'exercice paisible et, sauf convention contraire, exclusif du droit " et si aux termes de l'article 57 " l'éditeur est tenu d'assurer à l'œuvre une exploitation permanente et suivie ", ces dispositions, qui régissent les rapports entre auteurs et éditeurs, n'ont ni pour objet ni pour effet d'habiliter les clubs, qui sont des distributeurs et non pas des éditeurs, à imposer aux éditeurs une obligation d'exclusivité portant sur toutes les formes de distribution du livre et inspirée par un souci de protection commerciale ; que dès lors la société France-Loisirs ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 1° de l'article 51 de l'ordonnance de 1945 ni de celles du 1 de l'article 10 de l'ordonnance de 1986 ;

Considérant, d'autre part, que ni la contribution au progrès économique que constituerait la diffusion par France-Loisirs d'un nombre d'ouvrages important avec un tirage garanti, ni l'intérêt qui en résulterait pour les auteurs, les éditeurs et le public ne sauraient justifier des restrictions à la concurrence telles que des clauses d'exclusivité généralisées ou des limitations au droit d'autres clubs de vendre avec rabais, dont il n'est nullement démontré qu'elles soient indispensable pour atteindre de tels objectifs ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les pratiques mises en œuvre par la société France-Loisirs tombent sous le coup des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, sans qu'aucun fait les justifie au regard de l'article 10 de ce texte et, pour les faits antérieurs à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 1er décembre 1986, sous le coup de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 sans pouvoir être justifiées au regard de son article 51 ;

En ce qui concerne la clause d'un contrat de cession de droits conclu entre la société des Editions Gallimard et Le Grand Livre du mois obligeant ce club à vendre l'ouvrage au prix fixé par l'éditeur au-delà du 9e mois après la première publication :

Considérant que l'introduction de cette semblable clause dans un contrat de cession de droits, qu'elle soit motivée, comme l'explique la société des Editions Gallimard, par le souci d'éviter une concurrence avec l'ouvrage vendu en librairie ou par celui de ne pas compromettre par des offres promotionnelles du Grand Livre du mois entre le 10° et le 12° mois l'exploitation du même ouvrage publié au même moment par France-Loisirs, a pour objet d'empêcher une concurrence par les prix au moment où la loi du 10 août 1981 l'autorise en permettant notamment aux clubs de pratiquer un prix inférieur à celui de la première édition neuf mois après la première mise en vente de celle-ci ; que cette pratique, même si elle n'apparaît au dossier que dans un seul contrat, revêt un caractère manifestement anticoncurrentiel;

Sur l'application de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et de l'article 51 de l'ordonnance du 30 juin 1945 :

Considérant que si la société des Editions Gallimard se prévaut du souci d'éviter des chevauchements entre les diverses phases de commercialisation, dont chacune peut être considérée comme contribuant au progrès économique en favorisant dans le temps et à destination de divers publics la diffusion du livre, il n'est nullement établi que l'adoption de la pratique restrictive de concurrence ci-dessus analysée soit indispensable pour atteindre cet objectif de progrès ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la pratique mise en œuvre par la société des Editions Gallimard tombe sous le coup de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986sans qu'aucun fait la justifie au regard de l'article 10 de ce texte et, pour les faits antérieurs à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 30 juin 1945, sans pouvoir être justifiée de son article 51 ;

Considérant qu'il y a lieu de faire application de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée,

Décide :

Art. 1er. - Il est enjoint :

1° A France-Loisirs société à responsabilité limitée, de modifier les contrats de cession de droits afin de :

a) Limiter l'application de la clause d'exclusivité aux seules ventes par abonnement, correspondance et courtage ;

b) Supprimer la clause par laquelle l'éditeur s'engage à refuser toute demande de solde et d'offre publicitaire émanant d'un autre club pendant la période d'exclusivité ;

2° A la société des Editions Gallimard de supprimer toute clause contractuelle obligeant un club à vendre un ouvrage au prix éditeur au-delà du neuvième mois après la première publication.

Art. 2. - Il est infligé à France-Loisirs, société à responsabilité limitée, une sanction pécuniaire de vingt millions de francs.

Art. 3. - Dans un délai de six semaines à compter de la date de notification de la présente décision, le texte intégral de celle-ci sera publié :

a) Aux frais de France-Loisirs dans les quotidiens Le Figaro et Le Monde ;

b) Aux frais de la société des Editions Gallimard dans le périodique Livre-Hebdo.