Conseil Conc., 12 octobre 1993, n° 93-D-40
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques mises en œuvre par la société Stanley Mabo devenue Sifco-Stanley
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport de M. Jean-Pierre Lechman, par MM. Barbeau, président, Cortesse, Jenny, vice-présidents, Blaise, Robin, Thilion, Urbain, membres.
Le Conseil de la concurrence (section III),
Vu la lettre enregistrée le 5 mai 1989 sous le numéro F. 244, par laquelle la société Toutes les pièces détachées Jac Jobriane (ci-après dénommée TLPD), a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en ouvre par la société Stanley Mabo devenue Sifco-Stanley ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence, ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement et les parties ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés TLPD et Sifco-Stanley entendus ;
I. - CONSTATATIONS
1. - Le secteur d'activité et les entreprises :
Le secteur de l'outillage à main se divise en plusieurs marchés distincts qui sont déterminés, d'une part, par les caractéristiques de la demande (utilisateurs professionnels ou amateurs, dont les besoins et les motivations diffèrent) et, d'autre part, par des familles de produits non substituables entre eux (scies à bois et martellerie par exemple).
En 1988, les producteurs d'outillage à main ont vendu pour 2,4 milliards de francs sur le territoire national, ils ont exporté pour 1,4 milliard de francs alors que parallèlement les importations s'élevaient à 2 milliards de francs. La consommation nationale en outillage à main s'est élevée à 3 milliards de francs.
Ce secteur est caractérisé par une technologie simple, le nombre très important des familles de produits et des structures industrielles peu concentrées. Le Syndicat de l'outillage à main et des machines électroportatives compte plus de 160 entreprises adhérentes parmi lesquelles figurent notamment six entreprises de taille nationale : Facom, Sam, Muller, Guex, Vachette et Sifco-Stanley.
La société Sifco-Stanley, dont le chiffre d'affaires total hors taxes réalisé en France s'élevait à 390 millions de francs au cours du dernier exercice clos, proposait en 1988, sous les marques Stanley, Peugeot et Goldenberg, 2 573 références d'outillage à main réparties en 26 familles. Les parts de marché de la société Sifco-Stanley sont supérieures à 10 p. 100 pour au moins quatre familles de produits instruments de mesure et de contrôle (33 p. 100), outils à bois autres que les scies (24 p. 100), les scies à bois (14 p. 100), la martellerie (11 p. 100).
La société TLPD commercialise de l'outillage à main et des articles de serrurerie auprès de la grande distribution. En 1988, son chiffre d'affaires était supérieur à 20 millions de francs. Au cours des cinq années précédant la date de la saisine, la société TLPD a élargi sa gamme de produits en entamant des relations commerciales avec de nouveaux fournisseurs Sam, Muller, Guex et Vachette. Les achats tant auprès des anciens fournisseurs tels Facom et Sifco-Stanley que des nouveaux ont connu une progression très rapide jusqu'en 1987. En 1988, la société Vachette est devenue le premier fournisseur de la société TLPD, Sifco-Stanley et Facom représentant chacun un peu plus de 20 p. 100 des achats de la société TLPD.
2. - Les pratiques en cause
1. Le réseau de distribution sélective de la société Sifco-Stanley
a) Les options
Pour commercialiser son outillage, la société Sifco-Stanley propose à sa clientèle quatre options commerciales :
- option 1 : " à la commande ". La remise de base et le bonus contractuel sont fonction du montant net hors taxes de la commande ;
- option 2 " contractuelle distributeur ". Cette option implique un engagement, de la part du distributeur, sur un chiffre d'affaires net hors taxes annuel facturé ;
- option 3 " contractuelle distributeur stockiste ou stockiste-pilote ". Outre un engagement sur un chiffre d'affaires annuel, le distributeur s'engage à maintenir un stock minimum permanent de 200 références ;
- option 9 : "contractuelle distributeur-stockiste-dépôt régional ". Les distributeurs-stockistes-dépôts régionaux sont tenus de satisfaire à différents critères quantitatifs et qualitatifs. Ils ont un statut à part dans la clientèle de la société Sifco-Stanley puisqu'ils sont habilités à livrer, gérer et facturer la clientèle des centrales d'achat référencée par la société Sifco-Stanley.
L'article 6 du contrat " option 9 " dispose : "Dans le cas de négociation par Stanley avec des clients nationaux ayant des implantations régionales, la société ... s'oblige à tenir au service de Stanley son organisation de vente VRP et de livraison pour gérer, développer cette clientèle et ce jusqu'à la limite maximale de négociation par Stanley avec ces clients sur la base de la grille suivante :
"Ce niveau de négociation impliquerait pour chacun de ces clients un minimum de chiffre d'affaires annuel de 1 500 000 F net hors taxes à réaliser nationalement avec divers points de vente par l'intermédiaire d'un ou plusieurs dépôts régionaux.
"Pour permettre la synthèse des chiffres au niveau des centrales d'achats, la société ... adressera régulièrement à Stanley Mabo un état des chiffres d'affaires réalisés avec chaque point de vente (sur demande Stanley). "
Le réseau de distributeurs d'outillage à main de la société Sifco-Stanley comprend donc des revendeurs occasionnels (option 1) et des distributeurs membres du réseau de distribution sélective, qui sont des revendeurs traditionnels (option 2) et des grossistes (options 3 et 9).
En 1988, plus de 94 p. 100 des ventes de la Société Sifco-Stanley s'effectuaient avec des distributeurs relevant des options commerciales 3 (pour 41 p. 100) et 9 (pour 53 p. 100).
b) Les pratiques :
- Les remises de fin d'année :
La détermination du montant de la remise de fin d'année, accordée par le grossiste au distributeur, fait l'objet d'un échange d'informations entre la société Sifco-Stanley et les grossistes disposant du statut de " dépôt régional distributeur-stockiste pilote ". En effet un télex du 27 juillet 1987 adressé, par Sifco-Stanley, à la centrale Brico France, cliente des dépôts régionaux Fievet et Eurodis-CBD, et qui a pour objet " notre collaboration 1987" indique "d'autre part, vous recevrez une proposition de bonification de fin d'année de la part de nos dépôts régionaux ". Ce même document comporte également les mentions manuscrites " sont d'accord pour verser une bonification de fin d'année de 2 p. 100 Fievet Eurodis-CBD (Centre Bretagne Diffusion) ".
- L'engagement quantitatif du contrat " option 9 " :
Pour pouvoir bénéficier du contrat " option 9 ", les grossistes s'engagent à maintenir en stock 600 références au minimum. A la clôture de l'exercice 1989, il apparaît que les sociétés Auverdic, Burdin-Bossert et Andrez Brajon ne remplissaient pas cette condition ; la Quincaillerie aixoise n'a acheté que 477 références, la société QM Stockvis, qui a bénéficié en 1988 du contrat " option 9 ", après reprise de la société Quercy Métal, n'a acheté que 373 références en 1989 (Quercy Métal n'en avait acheté que 472 en 1988). Sur les 26 dépôts régionaux, 6 dont une société nouvellement habilitée, n'ont donc, en 1989, pas rempli la condition ci-dessus spécifiée.
- L'engagement qualitatif du contrat "option 9" :
Entendu par les enquêteurs le 8 décembre 1989, M. Fornage, alors président-directeur général de la société Sifco-Stanley, déclare que : " A deux reprises, M. Arama a demandé à pouvoir adhérer au contrat dit "option 9". Nous le lui avons refusé en lui indiquant qu'il ne satisfaisait pas aux conditions notamment par l'absence de VRP ... ". M. Arama, entendu par procès-verbal en date du 9 janvier 1990, indique qu'il anime une équipe de deux VRP exclusifs et de deux représentants multicartes. Ce critère relatif à l'existence de VRP ayant été déterminant dans le litige opposant les deux sociétés, il a été procédé à l'examen du nombre de VRP dont disposait chaque dépôt régional. Il apparaît qu'il n'existe aucune détermination exacte du nombre de VRP nécessaire à une représentation correcte des marques Stanley-Peugeot-Goldenberg, et notamment aucun lien entre le chiffre d'affaires et le nombre de VRP. Des exemples particulièrement significatifs concernant les sociétés Mécanum (trois VRP pour un montant d'achats de 3 242 489 F), Guermont Weber (deux VRP pour des achats de 3 596 346 F) et Fievet (trois VRP pour des achats de 13 409 317 F) montrent bien l'inexistence de ces liens.
2. Les relations commerciales entre la société Sifco-Stanlev et la société TLPD :
Le contrat initial proposé à la société TLPD par la société Sifco-Stanley lui conférait la position de " distributeur-stockiste pilote " (option 3). Ce contrat, signé le 21 mars 1983, comportait les engagements suivants suivi au minimum de 125 références, remise de base de 45 p. 100 plus bonus contractuel de 10 p. 100.
Le 2 novembre 1983, la société Sifco-Stanley adressait à la société TLPD " un avenant à l'accord contractuel matérialisant le renforcement de notre collaboration ". Cet avenant accordait à la société TLPD une remise supplémentaire de 5 p. 100 en contrepartie de la réalisation, en 1984, de 1 500 000 F net hors taxes d'achats de produits Stanley.
Le 1er septembre 1986, un nouvel accord contractuel était proposé à la société TLPD pour l'ensemble des marques Stanley, Peugeot et Goldenberg. Ce nouvel accord ne modifiait pas les conditions accordées à la société TLPD " option 3" avec remise de base de 45 p. 100 et bonus contractuel de 10 p. 100. A la même date, un avenant était annexé au contrat et prévoyait une remise spéciale de 5 p. 100 pour toute commande supérieure à 200 000 F net hors taxes et à partir d'un chiffre d'affaires net hors taxes annuel de 2 000 000 F minimum. Cet accord contractuel était renouvelable chaque année par tacite reconduction.
En 1987, M. Arama, président-directeur général de la société TLPD, demande à la société Sifco-Stanley d'accéder à la catégorie " grossiste-dépôt régional (option 9) ". Cette demande est rejetée, par lettre du 26 septembre 1988, dans laquelle la société Sifco-Stanley indique à la société TLPD :
"Conformément à l'article 6 de l'accord contractuel liant nos deux sociétés, nous vous informons que nous dénonçons cet accord ainsi que l'annexe du 28 mai 1986 qui l'accompagne. Vous continuerez à bénéficier de vos conditions d'achat actuelles jusqu'à la fin de l'année 1988. D'ici là, nous reprendrons contact avec vous pour étudier les modalités de notre collaboration 1989, qui sera matérialisée par un nouvel accord contractuel. "
M. Fornage justifie la résiliation de ce contrat par ces termes :
"En septembre 1988, nous avons résilié le contrat option 3, pour mettre fin à la remise supplémentaire de 5 p. 100 qui était discriminatoire à l'égard des autres distributeurs placés dans les mêmes conditions contractuelles. "
En décembre 1988, M. Arama demande à nouveau à bénéficier du contrat " option 9 ". La société Sifco-Stanley lui répond le 16 janvier 1989 :
" Pour faire suite à votre demande concernant les conditions de vente que nous appliquerions pour l'année 1989, nous vous informons que nous sommes disposés à poursuivre les relations commerciales avec votre société sur la base du contrat "option 3" que nous vous avons adressé en date du 14 décembre 1988 et ce, sous réserve de nos droits respectifs, compte tenu de la situation juridique actuelle. "
Une nouvelle demande, en date du 27 avril 1989, se heurte au même refus. Entre janvier 1989 et le 14 août 1991, les relations entre la société TLPD et la société Sifco-Stanley se poursuivent sur la base du contrat " option 3 " (remise 45 p. 100 et bonus contractuel de 10 p. 100) sans remise supplémentaire.
Depuis le 14 août 1991, en dépit de différentes procédures engagées devant les tribunaux de commerce et de la saisine du Conseil de la concurrence, les deux parties ont trouvé un accord : la société TLPD bénéficie désormais du contrat " option 9 ".
II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL
Sur la compétence :
Considérant que la société Sifco-Stanley soutient dans ses observations écrites que le litige soumis à l'examen du Conseil de la concurrence est avant tout un litige commercial opposant un fabricant d'outillage à main à l'un de ses distributeurs et qu'en conséquence le Conseil de la concurrence doit considérer que ce litige relève, en raison de son objet, de la seule compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
Considérant que, d'une part, les conditions générales de vente et les avantages tarifaires proposés par un fournisseur à des distributeurs, explicitement ou tacitement acceptés par ceux-ci, constituent des conventions au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et que, d'autre part, les pratiques tarifaires discriminatoires d'un producteur à l'égard de ses revendeurs peuvent constituer un abus au sens de l'article 8 de la même ordonnance; qu'en conséquence, le Conseil de la concurrence est compétent, indépendamment des actions engagées ou susceptibles de l'être devant les juridictions de l'ordre judiciaire, comme l'a reconnu en séance le conseil de la société Sifco-Stanley, pour apprécier si les pratiques dont il est saisi revêtent un caractère anticoncurrentiel au sens des dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
Au fond :
En ce qui concerne les interventions de la société Sifco-Stanley en matière de remises pratiquées par les grossistes ;
Considérant que les clauses figurant dans les conditions générales de vente et les avantages tarifaires proposés par un fournisseur à des distributeurs et explicitement ou tacitement acceptés par ceux-ci, ainsi que l'application de ces conventions sont prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché ; que s'il est loisible à un producteur de commercialiser directement ses produits ou de se réserver une partie de la clientèle, les contrats qui le lient à des grossistes ne peuvent contenir de clauses limitant la capacité commerciale de ces derniers en plafonnant le niveau des remises qu'ils sont susceptibles d'accorder aux distributeurs;
Considérant en premier lieu que, dans le système de distribution adopté par fa société Sifco-Stanley, le distributeur " dépôt régional distributeur-stockiste pilote " doit, pour bénéficier des remises prévues par le contrat " option 9 ", appliquer la remise directement négociée par la société Sifco-Stanley avec les clients de taille nationale ; que cette clause limite leur liberté commerciale et revêt dans ces conditions un caractère anticoncurrentiel au sens des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Considérant en second lieu qu'il ressort du dossier que la détermination du montant de la remise de fin d'année, accordée par les grossistes aux distributeurs, fait l'objet d'un échange d'informations entre la société Sifco-Stanley et les grossistes disposant du statut de " dépôt régional distributeur-stockiste pilote " que cet échange d'informations permet à la société Sifco-Stanley de contrôler directement le niveau des remises de fin d'année proposées par ses grossistes ; que le contrôle des bonifications de fin d'année est de nature à entraver la liberté commerciale de ces derniers et à fausser le libre exercice de la concurrence sur le marché; qu'en conséquence cette pratique est prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
En ce qui concerne le refus de la société Sifco-Stanley d'accorder le contrat " option 9 " à la société TLPD :
Considérant que dans le secteur de l'outillage à main, il existe différentes familles de produits ; que, pour chaque famille de produits, la demande émane à la fois d'une clientèle professionnelle et d'une clientèle d'amateurs, chacune ayant des besoins différents ; que les fabricants d'outillage adoptent des politiques commerciales différentes selon le type de clientèle à laquelle ils s'adressent; que la société Sifco-Stanley réalise plus de la moitié de son chiffre d'affaires avec une clientèle d'amateurs, alors que son concurrent, la société Facom, répond essentiellement à la demande des professionnels, grâce à des distributeurs à vocation industrielle avec lesquels elle réalise plus de 90 p. 100 de son chiffre d'affaires ; que, dans ces conditions, il existe des marchés distincts par famille de produits, pour chacun des deux types de clientèle;
Considérant que la société Sifco-Stanley estime que ses parts de marché par famille de produits à destination du grand public, en 1987, étaient les suivantes : mesure contrôle-traçage : 65 p. 100 (part quatre fois supérieure à celle de son concurrent le plus important) ; outils bâtiment : 70 p. 100 ; outils revêtements sols et murs : 60 p. 100 pour les cutters, couteaux et lames (part quatre fois supérieure à celle de son concurrent le plus important) ; scies à bois : 60 p. 100 pour les égoïnes (part 4 fois supérieure à celle de son concurrent le plus important) ; autres outils à bois : 50 p. 100; que, de plus, selon une étude de notoriété réalisée par la Sofres sur l'année 1986, le pourcentage de notoriété de la marque Peugeot avoisinait 90 p. 100, celui de la marque Stanley 60 p. 100; que les ventes de la société Sifco-Stanley pour ces deux marques représentaient, cette même année, plus de 75 p. 100 de son chiffre d'affaires;
Considérant, en outre, qu'un grossiste, pour pouvoir distribuer les produits de la société Sifco-Stanley, doit pouvoir présenter aux distributeurs un assortiment complet d'outils à main ; qu'un grossiste n'a donc pas la possibilité de ne retenir qu'une partie des références proposées par la société Sifco-Stanley à sa clientèle ;
Considérant enfin que la société Sifco-Stanley ne peut valablement soutenir, dans ses observations orales, qu'elle serait concurrencée par des produits d'importation, alors qu'elle reconnaît dans ses observations écrites, que ces produits " sont des produits de bas de gamme et donc de faible prix " et qu'il " existe des différences notables de qualité qui se traduisent par des écarts de prix "; qu'en conséquence, les produits d'importation ne sont pas substituables à ceux qu'elle commercialise;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Sifco-Stanley détient une position dominante sur les marchés en cause;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en 1987 et 1991 la société Sifco-Stanley a refusé le bénéfice du contrat "option 9 " à la société TLPD en dépit des demandes répétées de cette dernière ; que la société Sifco-Stanley allègue que la société TLPD ne détenait pas en stock permanent le nombre minimum de références prévu par les clauses du contrat " option 9 " ; qu'elle n'avait pas non plus une équipe de VRP constituant une force de vente qualifiée ;
Mais considérant, en premier lieu, qu'il n'est pas contesté que la société Sifco-Stanley a accordé à des sociétés qui ne détenaient pas en stock 600 références le bénéfice du contrat " option 9 " et, en second lieu, qu'il n'est pas établi que le nombre de VRP de la société TLPD ait été modifié entre 1990 et 1991 ;
Considérant que, mis en ouvre par une société disposant d'une position dominante sur différents marchés de l'outillage à main, à laquelle sont obligés de s'adresser les grossistes alimentant les circuits de la grande distribution et ayant besoin d'offrir à leur clientèle un assortiment d'outils à main, le refus discriminatoire opposé par la société Sifco-Stanley à la société TLPD a pu limiter sa capacité concurrentielle et restreindre le jeu de la concurrence entre les grossistes; que cette pratique constitue une exploitation abusive de la position dominante de la société Sifco-Stanley tombant sous le coup des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Sur la sanction :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le Conseil de la concurrence peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. 100 du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos ... " ;
Considérant qu'en ce qui concerne les pratiques prohibées par l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, il y a lieu de relever que la société TLPD a finalement bénéficié du contrat " option 9" à partir du 14 août 1991 et qu'avant cette date, ces pratiques n'ont pas empêché cette société d'être approvisionnée par la société Sifco-Stanley; que dans ces conditions ces pratiques n'appellent pas à elles seules de sanction pécuniaire à l'encontre de cette dernière;
Mais considérant que les distorsions de concurrence imputables à la société Sifco-Stanley en ce qui concerne les pratiques prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ont porté sur 14 p. 100 du chiffre d'affaires de l'ensemble du secteur de l'outillage à main ; que, par ces pratiques, la société Sifco-Stanley, qui a choisi d'orienter la commercialisation de ses produits vers le grand public, a, en limitant la concurrence entre ses grossistes, empêché le consommateur final de profiter de baisses de prix susceptibles de résulter d'un jeu normal de la concurrence ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et d'infliger une sanction pécuniaire de 200 000 F à la société Sifco-Stanley, à raison des pratiques relevant de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Décide :
Article unique. Il est infligé une sanction pécuniaire de 200 000 F à la société Sifco-Stanley.