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Décisions

Conseil Conc., 9 septembre 1998, n° 98-D-55

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques relevées dans le secteur du transport scolaire de handicapés dans les Alpes-Maritimes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport de M. Jean Alzamora, par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Pasturel, MM. Cortesse, Jenny, vice-présidents.

Conseil Conc. n° 98-D-55

9 septembre 1998

Le Conseil de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre enregistrée le 20 décembre 1996 sous le numéro F 927, par laquelle le ministre délégué aux Finances et au Commerce extérieur a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques relevées dans le secteur du transport scolaire de handicapés dans les Alpes-Maritimes ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu les lettres du président du Conseil de la concurrence en date du 25 mars 1998 notifiant aux parties intéressées et au commissaire du Gouvernement sa décision de porter l'affaire devant la commission permanente, conformément aux dispositions de l'article 22 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; Vu les observations présentées par la fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes, le syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants de la fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes et du syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes entendus, la fédération nationale des taxis indépendantes des Alpes-Maritimes - Cannes ayant été régulièrement convoquée ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :

I. - CONSTATATIONS

A. - Le cadre juridique du transport des élèves et étudiants handicapés

La loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées disposait en son article 8, alinéa 1 : "Les frais de transport individuel des élèves et étudiants handicapés vers les établissements scolaires et universitaires, rendus nécessaires du fait de leur handicap, seront supportés par l'Etat."

En application des lois n° 83-8 du 7 janvier 1983 et n° 83-663 du 22 juillet 1983 relatives à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat (lois de décentralisation), l'organisation et le fonctionnement des transports scolaires ont été décentralisés à compter du 1er septembre 1984. En particulier, la prise en charge des frais de transport des élèves et étudiants handicapés ne relève plus de la compétence de l'Etat, mais de celle des départements. Les conditions de cette prise en charge ont été précisées par le décret n° 84-478 du 19 juin 1984 et par la circulaire du 5 juillet 1984 :

- dans tous les cas, c'est le département du domicile des intéressés qui assure la prise en charge des frais de transport des élèves et étudiants handicapés ;

- lorsque l'élève ou l'étudiant est transporté dans un véhicule appartenant à sa famille ou à lui-même, le remboursement des frais s'opère sur la base d'un tarif fixé par le conseil général ;

- lorsque l'élève ou l'étudiant est transporté dans un véhicule exploité par un tiers rémunéré à ce titre, le remboursement s'effectue sur la base des dépenses réelles dûment justifiées.

De nombreux départements ont choisi d'organiser eux-mêmes les transports en cause. C'est notamment le cas dans les Alpes-Maritimes depuis plusieurs années.

Alors qu'auparavant les marchés étaient passés de gré à gré, le conseil général des Alpes-Maritimes a décidé, en application de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ("loi Sapin"), de lancer un appel public à candidatures auprès des entreprises de transport de voyageurs en vue de leur déléguer l'exécution du transport scolaire des élèves et étudiants handicapés à compter de la rentrée scolaire 1994.

B. - Les appels à candidatures lancés par le conseil général des Alpes-Maritimes

1. Appel à candidatures concernant l'année scolaire 1994-1995

Dans le quotidien Nice Matin du 8 avril 1994, le conseil général des Alpes-Maritimes a publié un "avis d'appel de candidature" se référant à la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, concernant une "délégation de service public pour l'exécution de transports scolaires d'élèves et étudiants gravement handicapés pour l'année scolaire 1994-1995".

Il s'agissait d'exécuter des circuits domicile-établissement scolaire du département des Alpes-Maritimes ou exceptionnellement d'un département limitrophe (art. 4) sur la base d'"un prix forfaitaire journalier non soumis à variation établi pour la durée de l'année scolaire 1994-1995 suivant barème kilométrique, la sous-traitance étant autorisée à titre exceptionnel pour une période limitée" (art. 6). L'article 7 indiquait que l'appel à candidatures était ouvert à "toute entreprise habilitée au transport des voyageurs, y compris taxis, ambulances, VSL et véhicules de petite remise. Le regroupement d'entreprises est possible, mais une entreprise ne peut faire acte de candidature qu'une seule fois, soit à titre individuel, soit au titre d'un regroupement. La composition d'un regroupement doit être indiquée (liste des entreprises le composant)." L'article 8 précisait : "Les propositions financières devront être constituées par un coût fixe considéré comme une prise en charge et un coût variable (kilométrique) rapporté au trajet total parcouru en charge. Les propositions doivent donc mentionner :

- un coût fixe HT journalier pour : un élève ou étudiant assis ou couché ; par élève ou étudiant supplémentaire ;

- un coût kilométrique HT exprimé en fonction de la distance parcourue journellement en charge, selon les tranches suivantes : trajet journalier jusqu'à 10 km ; trajet journalier supérieur à 10 km et jusqu'à 30 km ; trajet journalier supérieur à 30 km et jusqu'à 50 km ; trajet journalier supérieur à 50 km et jusqu'à 100 km ; trajet journalier supérieur à 100 km.

La partie variable sera calculée sur la base d'un trajet journalier minimum de 5 km."

L'article 9 fixait au 16 mai 1994, à 16 heures, la date limite de présentation des candidatures.

La commission d'ouverture des plis s'est réunie le 15 juin 1994. Elle a examiné les 35 propositions reçues et a constaté que la plupart d'entre elles n'avaient pas respecté les termes de l'appel à candidatures publié par voie de presse, ce qui rendait impossible la comparaison des coûts. En conséquence, le chef du bureau des transports non urbains a envoyé à chacune des entreprises - ou des groupements d'entreprises - ayant présenté une candidature, une lettre en date du 29 juillet 1994 l'informant que sa proposition financière n'avait pu être prise en considération et lui demandant de compléter de façon très précise un bordereau joint et de le retourner avant le 1er septembre 1994 sous pli recommandé avec avis de réception. Les entreprises ont donc déposé de nouvelles propositions financières conformes à la présentation qui leur était demandée.

La commission permanente du conseil général s'est réunie à nouveau le 2 décembre 1994. Elle a approuvé une liste de 31 candidats retenus (dont deux sur une liste complémentaire), incluant 18 entreprises ou groupement d'entreprises de taxis, sept d'ambulances et véhicules sanitaires légers (VSL), deux d'ambulances, un de taxi et ambulance, trois de minibus, et a autorisé le président du conseil général à signer, au nom du département, les conventions et avenants correspondants relatifs à la délégation de service public pour le transport d'élèves et étudiants gravement handicapés.

Sur cette liste figurent des exploitants individuels, dont 26 exploitants de taxis ou assimilés, ainsi que trois organisations professionnelles de taxis, regroupant chacune un nombre plus ou moins important d'entreprises (la fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes, le syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes et la fédération nationale des taxis indépendants des Alpes-Maritimes).

Sur la base de cette liste des candidats retenus, le département a attribué les transports en tenant compte des éléments suivants : nombre de handicapés concernés, moyens de transport adaptés à leur degré de handicap respectif, trajet à effectuer, zone géographique souhaitée par les transporteurs et, au cas où plusieurs candidats seraient susceptibles d'assurer un même transport, attribution dudit trajet à celui ayant proposé le tarif le moins élevé.

Pour chaque trajet concernant un élève ou un étudiant, une convention a été passée entre le conseil général et le transporteur concerné, précisant le nom de l'élève ou de l'étudiant, le trajet quotidien à effectuer, le nombre maximum de trajets annuels, la somme à verser au transporteur pour chaque trajet effectué.

Durant l'année scolaire 1994-1995, dans le cadre de l'appel à candidatures du 8 avril 1994, 202 handicapés ont été transportés :

11 handicapés sur 11 circuits assurés par des ambulances ;

34 handicapés sur 23 circuits assurés par véhicules sanitaires légers ;

157 handicapés sur 97 circuits assurés par taxis.

2. Appel à candidatures concernant l'année scolaire 1995-1996

Un nouvel avis d'appel à candidatures, émanant du conseil général des Alpes-Maritimes, concernant une délégation de service public pour l'exécution de trois types de transports, a été publié dans le quotidien Nice Matin du 28 avril 1995. Cet avis concerne les trois types de transports suivants :

- transports scolaires d'élèves et d'étudiants handicapés pour l'année scolaire 1995-1996 ;

- transports publics non urbains de voyageurs à vocation principale scolaire ;

- desserte interne du centre administratif départemental.

S'agissant du transport des élèves ou étudiants handicapés, il est précisé que l'appel à candidatures était ouvert à "toute entreprise habilitée au transport des voyageurs, y compris taxis, ambulances, VSL et véhicules de petite remise. Le regroupement d'entreprises est possible, mais une entreprise ne peut faire acte de candidature qu'une seule fois, soit au titre individuel, soit au titre d'un regroupement" (art. 6).

L'article 8 indiquait que la date limite de présentation des candidatures était fixée au 15 mai 1995 à 16 heures.

Une première réunion de la commission d'ouverture des plis a eu lieu le 24 mai 1995 et a constaté que la plupart des dossiers étaient incomplets. La commission s'est réunie à nouveau le 14 juin 1995 et a retenu 33 candidatures, dont 16 d'exploitants de taxis individuels, deux de groupements d'entreprises de taxis sous l'égide respectivement de la fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes et du Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes, huit d'ambulances et VSL, quatre d'ambulances et trois de minibus aménagés.

La commission permanente du conseil général a entériné ce choix le 29 février 1996.

Début 1996, dans le cadre de l'appel à candidatures du 28 avril 1995, 200 handicapés étaient transportés :

10 handicapés transportés par ambulance ;

40 handicapés transportés par VSL ou minibus ;

150 handicapés transportés par taxis.

C. - Organisation de la profession concernée

Le département des Alpes-Maritimes compte 1 080 licences de taxis dont la grande majorité se répartit entre les principales agglomérations côtières : Nice : 437 licences ; Cannes : 155 ; Antibes : 37 ; Menton : 35, etc.

La profession d'artisan taxi est largement syndicalisée : dans les Alpes-Maritimes, il existe trois organisations syndicales.

1. La fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes (FDTAM).

Son siège est situé 8, descente Crotti, à Nice. Elle a pour président M. Jean-Paul Salla. Elle regroupe plus de 500 artisans taxis. Sa composante principale est la chambre syndicale des maîtres cochers et taxis de la ville de Nice, comptant plus de 400 adhérents, dont le siège est situé à la même adresse que la fédération départementale et dont le président est également M. Salla.

2. Le syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes (SDATAM).

Son siège est situé 114, boulevard Carnot, 06110 Le Cannet. Il est présidé par M. Vincent Fiorentino. Il regroupe environ 280 artisans taxis, dont 150 appartiennent aux syndicats locaux de Grasse, du Cannet (président : M. Fiorentino), de Cagnes-sur-Mer, etc., mais adhèrent au syndicat départemental de manière individuelle : 30 appartiennent au syndicat de Cannes qui adhère en tant que tel au syndicat départemental.

3. La fédération nationale des taxis indépendants des Alpes-Maritimes - Cannes (FNTI).

Ses locaux sont situés 160, chemin de la Foux, 06370 Mouans-Sartoux. Elle est présidée par M. Constant Allemandi. Implantée à Cannes, elle compte une demi-douzaine d'adhérents. Cette fédération a prononcé sa dissolution au cours de l'année 1997.

D. - Les pratiques relevées

1. Appel à candidatures concernant l'année scolaire 1994-1995

Les trois syndicats de taxis existant dans le département des Alpes-Maritimes ont présenté des offres groupées au nom de leurs adhérents respectifs.

1.1. Offre groupée de la fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes

Par courrier du 27 avril 1994, la fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes a déposé un dossier de candidature, comprenant (en annexe I) une liste de 76 "taxis soumissionnaires", des "propositions de tarifs" (en annexe II) et un relevé d'identité bancaire de la fédération.

Selon les déclarations de M. Salla, président de la fédération, faites le 30 janvier 1996, "les tarifs kilométriques constituant la base des propositions tarifaires de nos organisations ont été déterminés en prenant pour base le tarif C de l'arrêté préfectoral taxi en vigueur pour la période considérée. En effet, pour les circuits courts, il n'aurait pas été rentable pour les adhérents concernés de travailler au tarif A moins élevé".

Le tarif C s'applique aux courses de nuit ou effectuées un dimanche ou un jour férié. Il a été fixé, par l'arrêté préfectoral du 29 mars 1994, à 9,90 francs au kilomètre.

C'est sur cette base, alors qu'il s'agit de courses de jour et en semaine, qu'ont été calculées les propositions de tarif de la fédération. Celles-ci ont été revues ultérieurement pour être mises en conformité avec la présentation exigée dans le courrier du 29 juillet 1994 du conseil général et transmises à ce dernier le 18 août 1994. Elles sont en définitive les suivantes :

EMPLACEMENT TABLEAU

La liste des taxis soumissionnaires a été modifiée ultérieurement à deux reprises : par lettre recommandée du 14 juin 1994, trois noms ont été ajoutés, deux noms rayés ; par télécopie du 5 septembre 1994, sept noms ont été ajoutés.

En définitive, le nombre total de taxis dont l'offre est ainsi regroupée par la fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes est de 84.

1.2. Offre groupée du Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 mai 1994, le Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes a déposé un dossier de candidature comprenant, en annexe, une liste de 54 taxis et des propositions de tarifs.

La liste a été complétée par courrier du 26 mai 1994 d'un nouveau nom, portant ainsi à 55 le nombre total d'exploitants de taxis regroupés dans l'offre commune.

1.3. Comparaison des propositions tarifaires des deux groupements

Les premières propositions de tarifs, envoyées par le Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes le 6 mai 1994, sont identiques à celles déposées par la fédération départementale le 27 avril 1994.

Par la suite, le 22 août 1994, le syndicat départemental a fait parvenir au conseil général des propositions de tarifs modifiées conformément aux exigences de présentation du conseil général, qui sont identiques à celles qui ont été transmises le 18 août 1994 par la fédération départementale.

Les deux présidents des groupements concernés ont déclaré qu'ils se sont concertés en vue de fixer des tarifs communs :

M. Vincent Fiorentino, président du Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes, a déclaré le 5 janvier 1996 : "Pour l'année scolaire septembre 1994-juin 1995 et septembre 1995-juin 1996, mon syndicat a mis en place avec la fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes des tarifs identiques afin que le conseil général puisse mieux gérer les transports effectués par les adhérents que nous avons présentés et vérifier plus facilement les factures de ces adhérents."

Pour sa part, M. Jean-Paul Salla, président de la fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes, a déclaré le 30 janvier 1996 : "Avec la loi Sapin, le conseil général a lancé des appels de candidatures pour les années soclaires 1994-1995 et 1995-1996. Dans le cadre de ces consultations, la fédération départementale et le Syndicat de M. Fiorentino avons déterminé une politique tarifaire commune afin d'harmoniser les propositions de prix des courses scolaires d'enfants handicapés réalisées par ceux de nos adhérents respectifs pour le compte desquels nous avons soumissionné."

De plus, ont été recueillis auprès de la fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes :

- une télécopie à en-tête de la chambre syndicale des maîtres-cochers et taxis de la ville de Nice, qui est la principale composante de la fédération départementale, avec les mêmes numéros de téléphone et de télécopie que celle-ci, portant la mention manuscrite "à l'attention de M. Fiorentino" et à laquelle était joint l'accusé de réception correspondant daté du 22 avril 1994. Le numéro du destinataire est le 93-69-04-22, qui est celui du Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes. Ce document comporte des tarifs kilométriques et de prise en charge TTC, qui ne correspondent pas exactement aux propositions finalement déposées tant par la fédération départementale que par le syndicat départemental ;

- une télécopie datée du 5 mai 1994, toujours à l'en-tête de la Chambre syndicale des maîtres-cochers et taxis de la ville de Nice, adressée à M. Fiorentino et lui transmettant copie de la "lettre d'accompagnement pour soumission" du 27 avril 1994 adressée au conseil général des Alpes-Maritimes (il s'agit de la lettre officielle de transmission du dossier de candidature de la fédération départementale), à laquelle était joint l'accusé de réception correspondant. Le numéro appelé est toujours celui du Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes (93-69-04-22) ;

- un document à en-tête de la Chambre syndicale des maîtres-cochers et taxis de la ville de Nice, portant la mention manuscrite "à l'attention de M. Fiorentino", non daté, comportant des propositions de tarifs conformes à la nouvelle présentation exigée par le conseil général. Les tarifs kilométriques et de prise en charge qui y figurent ne sont pas identiques à ceux qui ont été déposés par les deux groupements.

Enfin, a été recueilli auprès du Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes une télécopie du 18 août 1994, dont l'émetteur est le numéro 93-62-06-79, qui est celui de la Fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes. Ce document comporte des propositions de tarifs qui sont identiques à celles qui ont été transmises le même jour au conseil général des Alpes-Maritimes par la fédération départementale. La présentation des deux documents est d'ailleurs identique, seuls l'en-tête et l'adresse ayant été supprimés sur le document adressé par télécopie au syndicat départemental. Des propositions tarifaires identiques ont été adressées par le Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-maritimes au conseil général des Alpes-Maritimes le 22 août 1994.

1.4. Offre groupée de la Fédération nationale des taxis indépendants des Alpes-Maritimes - Cannes

Par courrier en date du 9 mai 1994, la Fédération nationale des taxis indépendants (FNTI) a déposé un dossier de candidature, comprenant une liste de six taxis, ainsi que des proprositions de tarifs. Ultérieurement, la FNTI a transmis le 25 août 1994 aux services du conseil général de nouvelles propositions tarifaires selon la présentation demandée par celui-ci.

Les propositions de tarifs kilométriques, ainsi que de tarif minimum, présentées par la FNTI sont différentes et inférieures à celles des deux autres syndicats. Par contre, les tarifs de prise en charge proposés en mai 1994 sont les mêmes que ceux des deux autres syndicats. La proposition faite en août comporte une légère différence par rapport à celles des deux autres groupements sur les tarifs de prise en charge (12,32 francs par élève au-delà du premier quel que soit le nombre d'élèves supplémentaires, alors que la Fédération départementale et le syndicat départemental proposent 12,32 francs par élève supplémentaire jusqu'au troisième et 19 francs par enfant à partir du quatrième).

M. Allemandi, président de la FNTI, a déclaré le 2 février 1996 : "Pour l'année scolaire septembre 1994 à juin 1995, j'ai déposé les propositions tarifaires de mes adhérents, suite à l'appel de candidature du conseil général. Pour la fixation desdits tarifs, je suis parti du tarif que m'avais remis M. Fiorentino et résultant de l'accord qui était intervenu entre son Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes et la Fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes de M. Salla. Sur la base de cette information, j'ai déterminé les propres tarifs de ma fédération. En fait, j'ai été le seul à être retenu pour effectuer un transport scolaire."

Ces déclarations de M. Allemandi ont été confirmées, en ce qui concerne la transmission d'informations à la FNTI par le Syndicat départemental des artisans taxis, par M. Fiorentino, le président de ce dernier, qui a déclaré le 2 février 1996 : "Conformément à ce que vous a déclaré M. Allemandi, je lui ai bien remis à titre d'information les propositions tarifaires que mon syndicat avait mis au point avec la fédération de M. Salles pour l'année scolaire septembre 1994 à juin 1995".

1.5. Comparaison des différentes propositions de prix

Les tableaux ci-après comparent les propositions de prix communes transmises par les deux groupements à celles des exploitants de taxis individuels qui figurent au dossier, pour l'année scolaire 1994-1995

EMPLACEMENT TABLEAU.

Comme le montrent ces tableaux, les propositions de prix présentées par les deux regroupements organisés par la fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes et le Syndicat des artisans taxis des Alpes-Maritimes se situent dans la majorité des cas au-dessus des propositions émises par des exploitants de taxis ayant calculé leurs prix en toute indépendance.

1.6. Interventions des organisations syndicales dans le paiement des transports exécutés par leurs adhérents

La Fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes a mis en place dès l'année scolaire 1994-1995 un système de gestion centralisée de paiement des transports exécutés par ses adhérents. Pour chaque adhérent exécutant un transport, la fédération établit une fiche déterminant le montant de ce transport, compte tenu de ses caractéristiques et sur la base de la proposition de prix du syndicat. A partir du nombre de trajets effectués dans un mois, la fédération établit un justificatif de paiement mensuel sur un imprimé fourni par le conseil général. Périodiquement, la fédération établit un "relevé factures", envoyé au conseil général, récapitulant les prestations d'un ou plusieurs de ses adhérents.

Le conseil général règle les relevés qui lui sont présentés par virement sur le compte de la fédération. Celle-ci rétrocède ensuite la somme due à chaque adhérent, minorée d'une retenue de 1 % pour les frais administratifs correspondant à son intervention.

Par contre, pour l'année scolaire 1994-1995, le Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes n'est pas intervenu dans le paiement des courses de ses adhérents par le conseil général, ainsi que l'a affirmé son président, M. Fiorentino, le 5 janvier 1996.

2. Appel à candidatures concernant l'année scolaire 1995-1996

En réponse à cet appel à candidatures, la fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes et le Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes ont présenté des offres groupées au nom de leurs adhérents.

Par contre, la FNTI n'a pas proposé d'offre groupée. M. Allemandi a déclaré, le 2 février 1996 : "Pour l'année scolaire septembre 1995 à juin 1996, suite à l'appel de candidature du conseil général, j'ai déposé mon offre à titre individuel uniquement et ai obtenu également un circuit que j'avais déjà effectué."

2.1. Offre groupée de la Fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes

La fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes a déposé un dossier de candidature le 10 mai 1995, comprenant un acte d'engagement, un bordereau des prix applicables aux véhicules autres que les ambulances, un relevé d'identité bancaire et une liste des exploitants de taxis soumissionnaires, comprenant 125 noms.

Les propositions tarifaires ont été basées, comme l'année précédente, sur le tarif C de l'arrêté préfectoral relatif aux tarifs des taxis du 2 février 1995, qui est fixé à 10,05 F, soit 9,53 francs HT. Sur cette base, les tarifs proposés par la fédération départementale sont les suivants :

EMPLACEMENT TABLEAU

Prise en charge

Pour un élève ou un étudiant : 54,98 francs HT.

Par voyageur supplémentaire : 12,32 francs HT.

Prise en charge difficile (supplément) : 54,98 francs HT.

Minimum de perception pour un trajet journalier : 167,35 francs HT (total trajet et prise en charge).

2.2. Offre groupée du Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes

Le Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes a également déposé son dossier de candidature, qui regroupe 65 exploitants de taxis, le 10 mai 1995.

2.3. Comparaison des propositions tarifaires des deux groupements

Les propositions de prix qui figurent dans le dossier de candidature déposé par le Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes sont en tout point identiques à celles de la Fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes.

Les déclarations des deux présidents, M. Salla, de la Fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes, et M. Fiorentino, du Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes, citées précédemment, qui reconnaissent qu'il y eu concertation entre eux pour fixer les prix, s'appliquent également à l'appel à candidatures du 28 avril 1995.

En outre, un document à en-tête de la Fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes, comportant des propositions de tarifs, kilométriques et de prise en charge, a été envoyé par télécopie, le 5 mai 1995, au syndicat départemental (le numéro du destinataire qui y figure est le 93-69-04-22, qui est le numéro de télécopie du syndicat départemental). Les propositions de prix figurant sur cette télécopie sont identiques à celles qui ont été envoyées au conseil général le 10 mai 1995, tant par la fédération départementale que par le syndicat départemental.

2.4. Comparaison des différentes propositions de prix

Les tableaux suivants comparent les propositions de prix communes transmises par les deux groupements et celles des artisans taxis individuels qui figurent au dossier.

EMPLACEMENT TABLEAU

Ces tableaux de comparaison font apparaître que, dans la majorité des cas, les tarifs proposés par les exploitants de taxis soumissionnant à titre individuel sont inférieurs à ceux qui sont proposés par les deux groupements.

De façon plus précise, les services du conseil général se sont livrés à des simulations afin de comparer les propositions tarifaires reçues, pour un trajet de 1 kilomètre pour un élève (application du minimum de perception), pour un trajet de 20 kilomètres pour un élève, pour un trajet de 50 kilomètres pour un élève, pour un trajet de 50 kilomètres pour trois élèves, pour un trajet de 50 km pour six élèves, etc. Il ressort de ces comparaisons que les tarifs communs syndicat départemental-fédération départementale se situent parmi les propositions les plus chères sur les 38 étudiées, notamment sur les trajets avec un seul élève.

2.5. Interventions des organisations syndicales dans le paiement des transports exécutés par leurs adhérents

Au cours de l'année scolaire 1995-1996, la Fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes a continué de centraliser les paiements effectués au profit de ses adhérents par le conseil général, suivant un mécanisme identique à celui qui avait fonctionné au cours de l'année scolaire précédente.

Le syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes a mis également en place un mécanisme semblable, ainsi que l'a affirmé son président, M. Fiorentino, le 5 janvier 1996 : "En revanche, pour l'année scolaire septembre 1995 - juin 1996, mon syndicat regroupe les justificatifs mensuels établis par les adhérents que nous avons présentés, puis, après vérification, les envoie au conseil général qui vire les sommes sur le compte du syndicat qui les répartit entre les divers adhérents sans opérer de retenue."

II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,

Sur les pratiques constatées :

En ce qui concerne les regroupements d'offres réalisées sous l'égide d'organisations syndicales,

Considérant que, dans le cadre de l'appel à candidatures du 8 avril 1994, 31 candidatures ont été retenues par le conseil général, dont deux émanaient d'entreprises d'ambulances et 29 d'entreprises de taxi, VSL ou minibus aménagés, directement concurrentes ; que sur ces 29 candidatures, 26 émanaient d'exploitants indépendants de taxis ou véhicules assimilés et trois provenaient d'organisations professionnelles, qui avaient regroupé les candidatures de certains de leurs adhérents (84 exploitants regroupés par la fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes, 55 exploitants regroupés par le Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes et six exploitants regroupés par la FNTI, soit au total 145 exploitants) ;

Considérant que, de même, dans le cadre de l'appel à candidatures du 28 avril 1995, 33 candidatures ont été retenues par le conseil général, dont 15 émanaient d'entreprises d'ambulances, de VSL ou de minibus aménagés, 16 d'exploitants de taxis individuels et deux provenaient d'organisations professionnelles, qui avaient regroupé les candidatures de certains de leurs adhérents (125 exploitants regroupés par la Fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes et 65 exploitants regroupés par le Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes, soit au total 190 exploitants, la FNTI n'ayant pas présenté de candidatures groupées) ;

Considérant que, si les organisations professionnelles ont notamment pour mission d'assurer la défense des intérêts collectifs de leurs membres et de les assister dans l'exercice de leur profession, elles sortent du cadre de cette mission lorsqu'elles organisent la concertation entre elles en vue de répondre à un appel à candidatures de façon groupée et à des prix identiques ;

Considérant que les exploitants de taxis dont l'offre a été regroupée ont renoncé à présenter des propositions de prix calculées de façon indépendante et adhéré au tarif établi en leur nom par leurs organisations professionnelles; que cette proposition tarifaire commune est basée sur le tarif le plus élevé prévu par l'arrêté préfectoral du 29 mars 1994, correspondant à des courses de nuit ou effectuées un dimanche ou un jour férié, alors que les prestations concernées étaient des courses de jour et en semaine; que les prix fixés en commun par la Fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes et le Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes sont dans l'ensemble supérieurs à ceux proposés par les exploitants de taxis ayant calculé leurs prix en toute indépendance et dont les offres figurent au dossier;

Considérant que les organisations professionnelles font valoir que les candidatures ainsi regroupées pour l'année scolaire 1994-1995 ne représentent que 145 exploitants de taxis sur les 1 080 licences du département des Alpes-Maritimes et ne concernent que 84 adhérents de la Fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes sur les 500 qu'elle compte (soit moins de 17 %) et 55 adhérents du Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes sur les 280 exploitants affiliés (soit moins de 20 %), ce qui minimiserait l'importance de ces regroupements ;

Mais considérant qu'en raison de la spécificité de la prestation demandée et de la distribution géographique des domiciles des élèves et étudiants à transporter, seule une partie des détenteurs de licence d'exploitation de taxis et des affiliés aux deux grandes organisations professionnelles était a priori en mesure d'assurer les transports concernés ; que, s'il est exact que des exploitants de taxis ont pu présenter leur candidature à titre individuel et ont effectivement obtenu 31 circuits sur les 97 attribués par le conseil général, il demeure qu'une large majorité de circuits a été attribuée à des candidats, regroupés au sein de leurs organisations professionnelles, entre lesquels aucune concurrence n'a pu jouer;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le regroupement des offres au sein de la Fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes et du Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes, en réponse aux deux appels à candidatures précités, avait pour objet et pouvait avoir pour effet de limiter le libre exercice de la concurrence et de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, en favorisant artificiellement leur hausse ; que ces pratiques sont prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

En ce qui concerne l'entente sur les prix entre la Fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes et le Syndicat départemental des taxis des Alpes-Maritimes :

Considérant que les deux organisations professionnelles susvisées ont, dans le cadre des deux appels à candidatures des 8 avril 1994 et 28 avril 1995, présenté des propositions tarifaires identiques ; que les présidents des deux organisations ont déclaré qu'ils avaient décidé de mettre en place une "politique tarifaire commune" ; qu'il est constant que des échanges de télécopies ont eu lieu à ce sujet entre les deux organisations avant la date limite de remise des offres ;

Considérant que la Fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes soutient que la concertation à laquelle elle s'était livrée avec le Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes ne pouvait être ignorée du conseil général et que ni l'une ni l'autre des organisations syndicales n'avaient "jamais voulu (la) dissimuler", et qu'elle était motivée "uniquement par un souci de respect de la réglementation en matière de police administrative et afin d'éviter tout problème de concurrence déloyale entre taxis titulaires d'autorisation de stationnement de communes différentes" ;

Mais considérant qu'à la supposer établie la connaissance par le conseil général de l'entente entre les deux organisations soumissionnaires est sans incidence sur la qualification de la pratique ; que, s'il est exact que l'activité de taxis s'exerce, en vertu de la réglementation en vigueur, dans le cadre d'une autorisation municipale de stationnement délivrée par le maire de chaque commune, la prise en charge d'un client sur le territoire d'une commune par un chauffeur de taxi ne pouvant être effectuée, sauf dérogations, que par un taxi de cette commune, la volonté de "chercher à sauvegarder la réglementation des zones de prise en charge" n'impliquait en rien que les organisations syndicales soumissionnaires se concertent pour présenter des candidatures groupées sur la base d'un prix commun ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'entente sur les prix conclue entre la Fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes et le Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes, qui avait pour objet et pouvait avoir pour effet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, est prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

En ce qui concerne les échanges d'informations entre la Fédération nationale des taxis indépendants et le Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes :

Considérant que, dans le cadre de l'appel à candidatures du 27 avril 1994, des échanges d'informations ont eu lieu, préalablement à la date limite des offres, entre la Fédération nationale des taxis indépendants des Alpes-Maritimes et le Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes ; qu'il n'est pas établi que de tels échanges aient eu lieu entre la Fédération nationale des taxis indépendants des Alpes-Maritimes et la Fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes ; que l'échange d'informations entre soumissionnaires se présentant comme concurrents préalablement au dépôt de leur offre respective n'en constitue pas moins une pratique qui a pour objet et peut avoir pour effet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché et se trouve donc prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Sur l'application du 2 de l'article 10 :

Considérant que la Fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes soutient que "l'organisation de l'offre a certainement permis une meilleure gestion des transports et in fine une amélioration du service rendu" ; qu'en effet, affirme-t-elle, "c'était la fédération qui, en cas de modification dans les conditions d'éxécution du transport (changement d'adresse de l'enfant, maladie ou absence du taxi,...) prenait les dispositions nécessaires pour réorganiser le service en conséquence, souvent en urgence, en déchargeant le département de cette tâche", et que "c'est également la FDTAM qui centralisait les envois de factures ainsi que les paiements, ce qui se traduisait également par une économie pour le département qui se limitait à envoyer un règlement global à la FDTAM" ; que, "dans ces conditions, on peut considérer que les accords visés assuraient en tout état de cause un progrès économique au sens des dispositions de l'article 10, alinéa 2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, sans décourager les offres de candidatures individuelles et sans affecter de façon sensible le libre jeu de la concurrence" ;

Mais considérant que la fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes n'établit pas que la prétendue économie de gestion procurée au conseil général par le service ainsi rendu constituerait une contribution au progrès économique de nature à justifier les sur-coûts résultant pour le département de la fixation à un niveau artificiellement élevé des prix des courses des adhérents des organisations professionnelles concernées que la concertation anticoncurrentielle à laquelle elles se sont livrées leur permettait de pratiquer ; qu'en tout état de cause, le même service aurait pu être rendu au conseil général, qui ne l'avait pas sollicité, sans que les organisations syndicales se concertent entre elles sur les prix à remettre, éliminant ainsi toute concurrence par les prix ; qu'en conséquence les conditions d'application des dispositions du 2 de l'article 10 de l'ordonnance susvisée ne sont pas réunies ;

Sur les suites à donner :

Considérant que, si la fédération nationale des taxis indépendants des Alpes-Maritimes - Cannes a échangé des informations avec le Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes dans le cadre de l'appel à candidatures du 27 avril 1994, elle a néanmoins présenté une offre différente de l'offre commune des deux autres organisations syndicales et inférieure à celle-ci ; qu'un seul circuit lui a été attribué ; qu'elle n'a pas réitéré cette pratique lors de l'appel à candidatures du 28 avril 1995 ; qu'ainsi ni la gravité de l'échange d'informations constaté ni le dommage qu'il a pu causer à l'économie ne justifient en l'espèce le prononcé d'une sanction pécuniaire ;

Sur les sanctions :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécunaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximal de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de dix millions de francs (...)." ; qu'aux termes de l'article 22 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "(...) La commission permanente peut prononcer les mesures prévues à l'article 13. Toutefois, la sanction pécuniaire prononcée ne peut excéder 500 000 francs pour chacun des auteurs des pratiques prohibées." ;

Considérant que l'importance du dommage causé à l'économie doit s'apprécier en tenant compte du montant des paiements effectués par le conseil général des Alpes-Maritimes, au titre des deux appels à candidatures pour 1994-1995 et 1995-1996, aux adhérents des deux organisations syndicales qui avaient présenté leurs offres de façon groupée (2 183 350 francs TTC aux adhérents de la Fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes et 1 453 900 francs TTC à ceux du Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes pour la seule année 1994-1995), alors que les propositions tarifaires des exploitants de taxis individuels avaient été formulées à des prix unitaires inférieurs ; que, pour apprécier la gravité des faits, il convient de prendre en compte, en premier lieu, le fait que le transport des élèves et étudiants handicapés, dont le département des Alpes-Maritimes a la charge, répond à des besoins sociaux fondamentaux de santé, d'éducation et de solidarité, en deuxième lieu, le fait qu'en réponse aux appels à candidatures lancés par le département pour satisfaire à ces besoins, les deux organisations syndicales ont non seulement regroupé un nombre très important de candidatures d'exploitants de taxis, alignés sur les mêmes bases tarifaires, mais ont en outre conclu entre elles une entente pour proposer des tarifs identiques au conseil général, en troisième lieu, le fait que ces pratiques, qui ont eu lieu en 1994-1995, ont été réitérées en 1995-1996, et, en dernier lieu, le fait qu'étant mises en œuvre par des syndicats professionnels disposant d'une large audience dans la profession, dont les adhérents détiennent, au total, près des trois-quarts des licences du département, ces pratiques étaient de nature à dissuader les exploitants de taxis de proposer à l'avenir des candidatures individuelles ;

Considérant que le syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes et la Fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes ont mis en œuvre la même stratégie anticoncurrentielle de regroupement des candidatures et de concertation sur une tarification unique, qu'elles l'ont adoptée de concert et partagent donc la même responsabilité ; que le montant de la sanction pécuniaire qu'il y a lieu de leur infliger doit prendre en compte, en l'espèce, le nombre des adhérents de chacune d'elles, le nombre de ceux-ci qui se sont portés candidats sous leur égide et le montant de leurs ressources, parmi lesquelles les cotisations qu'elles ont encaissées ;

Considérant que le Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes compte environ 280 artisans taxis adhérents ; qu'il a regroupé les candidatures de 54 de ses adhérents en 1994 et de 65 de ses adhérents en 1995 ; que ses ressources se sont élevées à 323 020 francs pour 1997, dont 223 196 francs de cotisations ; que, compte tenu des éléments d'appréciation généraux et particuliers exposés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 160 000 francs ;

Considérant que la Fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes compte environ 500 artisans taxis adhérents ; qu'elle a regroupé les candidatures de 76 de ses adhérents en 1994 et de 125 de ses adhérents en 1995 ; que ses ressources se sont élevées à 82 208 francs pour 1997 dont, selon ce qu'elle a déclaré en séance, 58 000 francs de cotisations ; que, compte tenu des éléments d'appréciation généraux et particuliers exposés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 160 000 F,

Décide :

Art. 1er. - Il est établi que le Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes, la Fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes et la Fédération nationale des taxis indépendants des Alpes-Maritimes ont enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Art. 2. - Il est infligé une sanction pécuniaire de :

160 000 francs au Syndicat départemental des artisans taxis des Alpes-Maritimes ;

160 000 francs à la Fédération départementale des taxis des Alpes-Maritimes.