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Décisions

Conseil Conc., 26 février 1997, n° 97-D-13

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Saisine et demande de mesures conservatoires présentées par la Chambre syndicale nationale de vente et services automatiques

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport oral de Mme Anne Lepetit, par M. Barbeau, président, MM. Cortesse, Jenny, vice-présidents.

Conseil Conc. n° 97-D-13

26 février 1997

Le Conseil de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre enregistrée le 6 décembre 1996 sous les numéros F 921 et M 191, par laquelle la Chambre Syndicale Nationale de Vente et Services Automatiques (NAVSA) a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques qu'elle estime anticoncurrentielles mises en œuvre par la Société d'Economie Mixte d'Aménagement et de Gestion du Marché d'Intérêt National de la Région Parisienne (SEMMARIS) et a sollicité le prononcé de mesures conservatoires ; Vu l'ordonnance n° 86­1243 du 1er décembre 1986, modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence, et le décret n° 86­1309 du 29 décembre 1986, modifié, pris pour son application ; Vu l'ordonnance n° 67­808 du 22 septembre 1967 portant modification et codification des règles relatives aux marchés d'intérêt national et le décret n° 68­659 du 10 juillet 1968 portant organisation générale des marchés d'intérêt national pris pour son application ; Vu le décret n° 65­325 du 27 avril 1965 modifiant et complétant le décret n° 62­795 du 13 juillet 1962 relatif à la création dans la région parisienne d'un marché d'intérêt national et portant règlement d'administration publique pour le transfert des Halles centrales sur ce marché des transactions portant sur les produits qui y seront vendus ; Vu le règlement intérieur du marché d'intérêt national de Paris­Rungis mis en vigueur à compter du 1er avril 1981 par l'arrêté préfectoral n° 81­714 en date du 19 février 1981 modifié ; Vu les observations présentées par la Semmaris, par la Chambre syndicale nationale de vente et services automatiques et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, les représentants de la Chambre syndicale nationale de vente et services automatiques et de la Semmaris entendus ;

Considérant que la Société d'Economie Mixte d'Aménagement et de Gestion du Marché d'Intérêt National de la Région Parisienne (SEMMARIS) a informé par courrier du 19 décembre 1995 les sociétés D8 et Distrimatic, entreprises gestionnaires de distributeurs automatiques adhérentes de la Chambre Syndicale Nationale de Vente et Services Automatiques (NAVSA) et assurant la gestion d'appareils distributeurs automatiques de boissons installés dans les locaux de clients utilisateurs situés dans l'enceinte du marché, que : "Conformément à l'article 8 du règlement intérieur du MIN de Paris­Rungis (...) toute activité commerciale exercée dans l'enceinte du Marché doit y être autorisée par le gestionnaire, en l'occurrence la SEMMARIS" et que : "A compter du 1er janvier 1996, les distributeurs automatiques de boissons payantes ne seront autorisés qu'aux conditions suivantes : (...) 3) Paiement d'une redevance annuelle, s'élevant pour l'année 1996 à 4 800 F H T par appareil. Le paiement sera effectué pour toute l'année en début d'année.(...) 5) Tout appareil non déclaré, ou dont le règlement de la redevance n'aura pas été effectué pour le 15 janvier 1996, sera retiré du marché et le propriétaire, ainsi que la société hébergeant l'appareil, seront traduits devant le Conseil de discipline" ; que, par délibération du 30 avril 1996 du conseil d'administration de la SEMMARIS, le montant de la redevance d'occupation sur le MIN de Paris­Rungis pour les appareils distributeurs de boissons accessibles au public a été établi à 4.800 F HT ;

Considérant que la société Distrimatic a signé le 25 juin 1996 avec la SEMMARIS une convention d'installation et d'exploitation de distributeurs de boissons, par laquelle elle s'est engagée à verser une redevance annuelle de 9 600 F pour l'exploitation de deux distributeurs automatiques de boissons installés dans les lieux de vente d'opérateurs du MIN ; qu'en revanche, la société D8, n'ayant pas satisfait aux demandes de la SEMMARIS, a été exclue du marché par arrêté préfectoral n° 96­608 du 15 novembre 1996, pris sur avis du conseil de discipline dudit marché ;

Considérant que la Chambre Syndicale Nationale de Vente et Services Automatiques (NAVSA) soutient que la décision d'éviction prise à l'encontre de la société D8 aurait : "un caractère contestable" dès lors que : "les professionnels sont seulement en contrat avec des opérateurs ou usagers réguliers du marché dans des locaux professionnels" et qu'"ils n'ont pas la qualité d'usager au sens du règlement intérieur de Rungis" ; que la partie saisissante allègue en outre que : "Selon ce qui nous a été rapporté, les décisions récentes de SEMMARIS seraient la traduction des interventions de restaurants et brasseries installés à Rungis" ; que : "Ceux­ci voudraient faire évincer la "distribution automatique" au motif que cette activité constituerait une concurrence à leur encontre" ; que : "Le recours à des redevances élevées a été retenu afin d'inciter nos gestionnaires à quitter les lieux" ; que : "C'est une action comparable, à certains égards, à celle qui a opposé, dans le passé, Coca­Cola à des cafetiers bordelais" et que : "De telles dispositions d'esprit ont d'ailleurs été relatées oralement lors de la séance du Conseil de discipline à laquelle D8 a été convoquée en fin 1996" ; que la Chambre syndicale fait encore valoir que : "L'attitude de la SEMMARIS peut mettre en péril les activités de nos adhérents à Rungis, mais aussi par effet d'imitation dans d'autres lieux, soit pour éliminer des professions jugées concurrentes, soit pour capter des redevances" ; qu'en conséquence, la NAVSA sollicite également le prononcé de mesures conservatoires ;

Considérant que la SEMMARIS, société à capitaux majoritairement publics, sous tutelle et contrôle économique et financier de l'Etat, soutient que la saisine est irrecevable en faisant valoir qu'elle remplit une mission de service public en assurant la gestion du MIN de Paris­Rungis installé sur un domaine public de 232 hectares qui lui a été concédé par l'Etat ; qu'aux termes de l'article 8 du règlement intérieur du MIN : "Toute personne physique ou morale qui désire exercer dans l'enceinte du marché une activité autre que celle des opérateurs doit y être autorisée par le gestionnaire" ; que, ayant traduit devant son Conseil de discipline en octobre 1995 le gestionnaire d'un débit de boissons pour retard dans le paiement de ses redevances, ce dernier, soutenu par l'association des débitants de boissons­restaurateurs du MIN de Rungis, a invoqué la concurrence déloyale des distributeurs automatiques de boissons payants et accessibles au public, tous installés sans autorisation de la SEMMARIS ; que la SEMMARIS a ainsi été conduite à examiner les conditions de l'activité commerciale des entreprises de distribution automatique à Rungis et a, "plutôt que de l'interdire, comme le demandait l'association de débitants de boissons­restaurateurs, pris les mesures nécessaires pour la rendre légale et loyale" ; que son conseil d'administration, réuni le 30 avril 1996, a donc voté une redevance annuelle de 4 800 F HT, payable par les propriétaires des distributeurs automatiques de boissons et que cette redevance a été fixée par arrêté préfectoral du 18 octobre 1996 ; qu'il est constant que : "Toutes les sociétés dont les appareils sont présents sur le marché ont accepté et réglé cette redevance ou se sont retirées, à l'exception de la société D8, qui a donc été citée à comparaître devant le Conseil de discipline du 20 juin 1996" ; que celle­ci "a eu jusqu'au 31 juillet 1996 pour régulariser sa situation, ce qu'elle n'a pas fait, et a donc été exclue du MIN par arrêté préfectoral du 15 novembre 1996" ; qu'enfin, s' agissant de la société D8, le fait d'occuper sans titre et sans redevance le domaine public "est vraisemblablement constitutif d'une contravention de grande voirie", infraction de la compétence des tribunaux administratifs ;

Considérant qu'aux termes de l'article 19 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "Le Conseil de la concurrence peut déclarer, par décision motivée, la saisine irrecevable s'il estime que les faits invoqués n'entrent pas dans le champ de sa compétence ou ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants" ;

Considérant que si la Chambre Syndicale de Vente et Services Automatiques (NAVSA) soutient que l'imposition à la "distribution automatique " d'une redevance par distributeur de boissons installé et la déclaration du représentant des restaurateurs au conseil de discipline de la SEMMARIS, qui, aux termes du procès­verbal, "auraient souhaité la suppression pure et simple de ces appareils", établiraient l'existence d'une "collusion" entre la SEMMARIS et les cafetiers­restaurateurs installés à Rungis dans le but d'évincer "économiquement" les entreprises gestionnaires de distributeurs automatiques du site, il n'est pas contesté que la SEMMARIS, en instaurant cette redevance, s'est bornée à veiller, conformément aux recommandations de la Cour des comptes, à ce que des terrains ne soient pas utilisés sans rémunération à des fins commerciales, et l'a calculée, par référence à celle exigée des cafés­restaurants, à hauteur de 5 % des ventes moyennes réalisées par distributeur automatique ; qu'à l'exception de la société D8, les entreprises de distribution automatique ont accepté ces conditions, ou se sont retirées ; qu'il est, enfin, constant que le nombre de distributeurs aujourd'hui installés à Rungis est plus élevé qu'avant l'instauration de la redevance ; qu'ainsi, les éléments apportés par la Chambre syndicale ne sont pas suffisamment probants pour établir l'existence de pratiques qui auraient tendu à exclure les entreprises de distribution automatique de boissons du MIN de Paris­Rungis et qui seraient, par suite, susceptibles d'être qualifiées sur le fondement des articles 7 ou 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant, en tout état de cause, que la SEMMARIS a pour mission, selon le décret du 27 avril 1965, d'assurer l'aménagement et la gestion du marché d'intérêt national de Paris­Rungis ; qu'elle est concessionnaire du domaine public situé dans le périmètre du MIN, en vertu d'une convention signée avec l'Etat le 23 février 1967 ; qu'aux termes de l'article 39 du décret du 10 juillet 1968 portant organisation générale des marchés d'intérêt national, les usagers peuvent faire l'objet de sanctions disciplinaires pour infraction aux règles qui régissent le marché, ces sanctions allant de l'avertissement à l'exclusion prononcée par le préfet, après avis du Conseil de discipline présidé par le directeur du marché ; qu'aux termes de l'article 8 du règlement intérieur du MIN de Paris­Rungis, pris en application de l'article 41 du décret du 10 juillet 1968 précité et mis en vigueur par l'arrêté préfectoral n° 81­714 du 19 février 1981 modifié : "Toute personne physique ou morale qui désire exercer dans l'enceinte du marché une activité autre que celle des opérateurs doit y être autorisée par le gestionnaire" ; qu'aux termes de l'article 29 du même règlement : "Les droits d'occupation, d'usage et d'entrée sur le marché, exigibles des opérateurs, sont établis par le conseil d'administration et approuvés par le préfet. Le gestionnaire fixe la périodicité et les modalités de paiement, après avis du Comité technique consultatif" ; qu'enfin, l'article 37 du règlement prévoit que le Conseil de discipline du marché peut être saisi par le gestionnaire ;

Considérant que la décision de la SEMMARIS de soumettre l'activité des entreprises gestionnaires de distributeurs automatiques au versement d'une redevance domaniale, puis la détermination de cette redevance annuelle par son conseil d'administration à 4 800 F HT par appareil distributeur de boissons accessible au public, entrent dans le cadre de la mission de service public assignée à la SEMMARIS par le décret du 27 avril 1965 et constituent des actes de gestion du domaine public dont elle a la concession; que le montant de cette redevance a été fixé par arrêté préfectoral du 18 octobre 1996 ; que la décision de la SEMMARIS de convoquer la société D8 le 20 juin 1996 devant le Conseil de discipline du marché et l'avis de ce conseil d'exclure la société D8 ressortissent aux pouvoirs d'administration et aux prérogatives de puissance publique qui lui ont été conférés par le règlement intérieur du MIN de Paris­Rungis pris conformément aux dispositions de l'article 41 du décret du 10 juillet 1968 portant organisation générale des marchés d'intérêt national; que l'exclusion de la société D8 du marché de Paris­Rungis a été prononcée par arrêté préfectoral du 18 octobre 1996; qu'aucune de ces décisions ne peut être regardée comme une activité de production, de distribution ou de services, à laquelle s'appliqueraient les règles de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que si la NAVSA conteste la régularité des décisions prises, il appartient à celle­ci et aux entreprises auxquelles ces décisions font grief de saisir la juridiction compétente en la matière ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 19 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et que, par voie de conséquence, la demande de mesures conservatoires doit être rejetée ;

Décide :

Article 1er : ­ La saisine enregistrée sous le numéro F 921 est déclarée irrecevable.

Article 2 : ­ La demande de mesures conservatoires enregistrée sous le numéro M 191 est rejetée.