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Décisions

Conseil Conc., 15 juin 1993, n° 93-D-25

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à une saisine de la société Pinton

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Adopté sur le rapport de M. Henri Coudy, par MM. Barbeau, président, Jenny, vice-président, M. Sargos, membre, désigné en remplacement de M. Béteille.

Conseil Conc. n° 93-D-25

15 juin 1993

Le Conseil de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre enregistrée le 13 mars 1991 sous le numéro F. 396 par laquelle la société anonyme Pinton a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la commission de répartition des commandes de l'Etat, l'Association pour la promotion de la tapisserie d'Aubusson (APTA) et l'association Cercle de la tapisserie des droits de l'homme (CTDH) ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié, pris pour son application ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement ; Vu les observations présentées par le Cercle de la tapisserie des droits de l'homme ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du gouvernement, le représentant de la société Pinton et les représentants de l'association Cercle de la tapisserie des droits de l'homme entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (Il) ci-après exposés :

I. - CONSTATATIONS

A. - Les marchés concernés

Les deux marchés concernés sont, d'une part, celui des commandes publiques de tapisserie d'art passées de 1982 à 1989 par le Mobilier national, département administratif du Centre national des arts plastiques, établissement public de l'Etat, et, d'autre part, celui d'une commande spécifique de tapisseries commémoratives de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, passée, en 1989, par l'intermédiaire de l'association Cercle de la tapisserie des droits de l'homme.

B. - Les pratiques

1. En ce qui concerne le marché des commandes publiques passées par le Mobilier national entre 1982 et 1989 :

La société saisissante, manufacture de tapisseries d'art à Felletin (Creuse) soutient qu'elle n'a fait l'objet entre 1982 et 1986 que d'une faible part du total des commandes publiques de tapisseries d'art, ce dont témoignerait un ratio per capita de 30 924 F (ensemble des commandes rapporté au nombre des lissiers) et d'une absence totale de commande pour les années 1987 et 1988.

Ces faits établiraient une volonté délibérée de la commission de répartition des commandes de l'Etat d'écarter la société Pinton du marché de la commande publique au bénéfice des entreprises sises à Aubusson.

Selon cette société, l'influence, au sein de cette commission, de l'Association pour la promotion de la tapisserie d'Aubusson (APTA), créée en janvier 1986 et regroupant, exclusivement, aux termes de ses statuts les entreprises situées dans le canton d'Aubusson, apparaît déterminante puisque son président est membre de l'APTA. Cette influence se serait exercée de façon systématique au détriment des entreprises dont le siège n'est pas à Aubusson.

2. En ce qui concerne le marché de la commande de tapisseries commémoratives de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen :

En 1987, l'association Cercle de la tapisserie des droits de l'homme, créée le 7 septembre 1987 à l'instigation de M. Jacques Fadat, maître lissier à Aubusson, a obtenu le patronage de la Mission du bicentenaire de la Révolution française et de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen pour la réalisation de tapisseries commémoratives des droits de l'homme dans des ateliers aubussonnais pour lesquelles M. Fadat avait effectué un dépôt de marque à l'Institut national de la propriété industrielle le 27 mars 1987.

Dans ce cadre, le Cercle de la tapisserie des droits de l'homme devait faire assurer le financement des commandes de tapisseries et en répartir la réalisation entre les ateliers aubussonnais. Les mutuelles Assurance des artisans de France, Assurance des instituteurs de France et Assurance des commerçants et industriels de France ont assuré ce financement.

Pour la réalisation des tapisseries, le Cercle de la tapisserie des droits de l'homme a passé un accord avec l'Association pour la promotion de la tapisserie d'Aubusson qui compte quatorze des dix-sept fabricants de tapisserie de la ville d'Aubusson. Cet accord prévoyait la nomination de M. Picaud, président de l'APTA, comme conseiller technique pour la réalisation des ouvres et la garantie que les tapisseries commémoratives seraient tissées dans des ateliers appartenant à des membres de l'APTA.

Selon l'auteur de la saisine, cet accord excluait l'attribution d'une partie de la fabrication desdites tapisseries à des ateliers situés ailleurs qu'à Aubusson, et constitue une entente prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL

Considérant qu'aux termes de l'article 19 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 " Le Conseil de la concurrence peut déclarer, par décision motivée, la saisine irrecevable s'il estime que les faits invoqués n'entrent pas dans le champ de sa compétence ... " et qu'aux termes de l'article 53 de cette même ordonnance " Les règles définies à la présente ordonnance s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques ".

Sur la répartition des commandes publiques de l'Etat en matière de tapisseries d'art de 1982 à 1989 :

Considérant que la décision de passer des commandes de tapisseries d'art sur la période incriminée, de 1982 à 1989, a appartenu, non à la commission de répartition des commandes de l'Etat, mais à l'administrateur du Mobilier national; que le Mobilier national ne constitue qu'un département administratif du Centre national des arts plastiques, établissement public de l'Etat; que les décisions par lesquelles cet établissement public adresse la commande d'une tapisserie d'art à une entreprise n'ont pas le caractère d'un acte de production, de distribution ou de services au sens de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Sur la commande de tapisseries commémorant la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen:

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la Mission du bicentenaire de la Révolution française et de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen a accordé son patronage à la réalisation de ces tapisseries commémoratives dans des ateliers aubussonnais, à l'initiative du Cercle de la tapisserie des droits de l'homme, à charge pour ce dernier, d'en trouver le financement et d'en faire assurer la fabrication ; que les entreprises qui ont accordé leur financement à cette opération en vue de l'achat de tapisseries réalisées à ce titre ne l'ont fait, d'une part, que sur le fondement de l'agrément donné par la Mission du bicentenaire, d'autre part, à la condition que les tapisseries soient fabriquées dans des ateliers de la ville d'Aubusson sous la direction de l'artiste retenu ; que, dès lors, la décision du Cercle de la tapisserie des droits de l'homme de confier à l'Association pour la promotion de la tapisserie d'Aubusson le soin de faire réaliser les tapisseries en cause par des ateliers d'Aubusson n'a pas le caractère d'un acte de production, de distribution ou de service au sens de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les pratiques dénoncées par la société Pinton n'entrent pas dans le champ de compétence du Conseil de la concurrenceet que, par suite, la saisine de cette société n'est pas recevable,

Décide : Article unique. La saisine enregistrée sous le numéro F. 396 est déclarée irrecevable.