Conseil Conc., 30 juin 1993, n° 93-D-27
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques constatées dans le secteur du déménagement
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Adopté sur le rapport oral de M. Jean-Claude Facchin par MM. Barbeau, président, Jenny, vice-président, Cortesse, membre, désigné en remplacement de M. Béteille.
Le Conseil de la concurrence (commission permanente),
Vu la lettre enregistrée le 25 mars 1991 sous le numéro F 401 par laquelle le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques constatées dans le secteur du déménagement ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le Décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié, pris pour son application ; Vu la loi n° 92-1445 du 31 décembre 1992 relative aux relations de sous-traitance dans le domaine du transport routier de marchandises ; Vu la décision du Conseil de la concurrence n° 92-D-37 du 2 juin 1992 ; Vu la lettre du président du Conseil de la concurrence en date du 10 septembre 1992 se référant aux dispositions de l'article 22 de l'ordonnance susvisée ; Vu les observations présentées par les parties et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et le représentant des parties entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (II) ci-après exposés :
I. - CONSTATATIONS
A. - Le secteur et l'organisation syndicale
Un déménagement comporte l'ensemble de prestations suivantes : emballage et chargement depuis l'ancien domicile, transport et déchargement au nouveau domicile. Cet ensemble de prestations, insécable, est identique quel que soit le client, entreprise ou particulier, bien que le service demandé par un client soit unique, en ce sens seulement que sont propres à son cas le nombre de mètres cubes de mobilier à déménager, la distance de son ancien à son nouveau domicile, etc.
Le secteur du déménagement dans son ensemble représente 3,9 milliards de francs de chiffre d'affaires par an, pour 2 millions de déménagements réalisés par 1 500 entreprises employant 18 000 personnes et utilisant 4 500 camions. La moitié d'entre elles emploient moins de 5 salariés et moins de 2 p. 100 en emploient plus de 50.
Au cours de la dernière période, la profession a eu plusieurs problèmes à affronter : caractère saisonnier de l'activité, stabilité en volume, prépondérance des déménagements effectués par les particuliers (84 p. 100 du nombre des déménagements) principalement sur les distances courtes, lesquelles représentent 67 p. 100 des déménagements totaux, augmentation du poids des déménagements de longue distance depuis 1935, suppression de la prime de déménagement en 1987. Pour toutes ces raisons, les entreprises du secteur ont, entre autres mesures, procédé à des regroupements, parmi lesquels il convient de citer le rachat d'entreprises locales par le grand groupe national AGS, ainsi que la création de " réseaux" constitués le plus fréquemment sous forme de GIE ou de SA, entre autres Frandem, Interdem, Demepool, Les Déménageurs bretons, France-Armor et Déméco.
Créée en 1890, la Chambre syndicale des entreprises de déménagement et garde-meuble de France est la seule organisation professionnelle du secteur. En 1988, elle regroupait plus de 1000 adhérents. La profession comptant 1 500 entreprises environ, le taux de syndicalisation du secteur s'élève donc à près de 67 p. 100. L'ensemble des entreprises membres de la chambre syndicale représenterait 80 p. 100 du chiffre d'affaires de la profession.
Afin de pouvoir rendre certains services et vendre certaines fournitures à ses adhérents, la chambre syndicale a créé des associations-soeurs et des entreprises commerciales, dont ITD Services. Enfin, le réseau Déméco, le plus important de France, ne comporte lui-même que des entreprises appartenant à cette chambre syndicale.
B. - Les pratiques relevées
Pour ce qui concerne la SA Déméco :
Avec 72 membres-actionnaires, qui ne peuvent appartenir à un autre groupement, qui sont répartis en 110 points de vente et qui réalisent un chiffre d'affaires annuel de 455 millions de francs environ, le réseau Déméco est le plus important du secteur, avec une part de marché d'environ 10 p. 100.
La société anonyme Déméco a réalisé un chiffre d'affaires hors taxe de 29,4 millions de francs en 1991. Conformément à ses statut et règlement intérieur, son capital ne peut être détenu, à raison de 300 actions chacun, que par des adhérents à la Chambre syndicale des entreprises de déménagement et garde-meuble de France, qu'il s'agisse d'entreprises de déménagement ou de personnes morales dont la totalité des associés sont eux-mêmes actionnaires.
Cette société assure, pour le compte de ses membres-actionnaires, les fonctions suivantes : marketing du groupe, publicités nationales, démarchage auprès des clients importants, centrale d'achat de fournitures, formation, exploitation de la marque " Déméco ". C'est elle enfin qui définit " les règles des relations entre agents ".
Selon cette société, elle " est à l'origine de l'organisation d'un système de coordination entre ses membres qui permet des échanges de matériel, la mise à disposition de main-d'œuvre, la location de surfaces dans les garde-meubles et la centralisation des offres et demandes d'affrètement ".
Sur ce dernier point, elle organise la " régulation " entre ses actionnaires, et la gestion informatisée de celle-ci. Il s'agit d'un système de sous-traitance dans lequel une entreprise preneuse d'ordre (le " donnant ") qui ne peut réaliser concrètement le déménagement l'offre ainsi à l'ensemble de ses co-actionnaires dont l'un (le " prenant ") l'effectuera en sous-traitance.
En principe, les actionnaires (ou " agents ") conservent par ailleurs leur liberté de gestion financière et commerciale. En particulier, ils déterminent leurs propres prix de vente à la clientèle et peuvent exercer leur profession sur l'ensemble du territoire national comme à l'étranger.
Dans les faits, toutefois, les actionnaires sont convenus de limiter leur liberté commerciale pour ce qui concerne notamment les prix :
1. - Pour les prestations effectuées par un "agent Déméco" pour le compte d'un autre membre du réseau (mise à disposition de personnel, visite d'un chantier, vente d'emballages, prestations de monte-meuble), les prix ne sont pas négociés entre les partenaires, mais sont déterminés par la SA Déméco. Le tarif entré en vigueur en juin 1991 figure au dossier sous la " cote " 701.
2. - Tous les ans, la SA Déméco établit et diffuse également des " prix planchers " hors taxes valables pour " les déménagements standards ", calculés " à partir d'un panel représentatif de(s) agents pour déterminer quel devrait être le prix normalement rémunérateur de base pour un exécutant ".
Ces " prix planchers " ont été établis " par rapport au prix de revient moyen des composants entrant dans la prestation de déménagement ", d'une part pour les déménagements dans le sens région parisienne-province et vice-versa, au-delà de 10 mètres cubes (en-deçà, ils sont négociés de gré à gré), de 2 mètres cubes en 2 mètres cubes et pour cinq zones concentriques et, d'autre part, pour les déménagements province-province, de 2 mètres cubes en 2 mètres cubes et de 50 kilomètres en 50 kilomètres. Ils figurent dans trois tarifs, bleu, blanc et rouge, "correspondant à trois différentes périodes de l'année au cours desquelles le déménagement est effectué ". Les tarifs bleu et rouge sont respectivement inférieur et supérieur de 11 p. 100 au tarif blanc. Les tarifs bleu, blanc et rouge en vigueur jusqu'au 15 juin 1992 sont joints au dossier sous cotes 703 à 714. Ils comportent, en encadré, les mentions suivantes " Ces prix ne sont en aucune façon un tarif à la clientèle. Ces prix sont des prix planchers en dessous desquels on ne peut considérer l'intervention normale de la régulation Déméco, sauf accord particulier entre le prenant et le donnant. "
La répartition entre le " prenant" et le " donnant" du prix hors taxes perçu du client est la suivante :
Négocié de gré à gré si ce prix perçu est inférieur au prix plancher du tarif en vigueur ;
20 p. 100 pour le donnant et 80 p. 100 pour le prenant si ce prix perçu est supérieur au prix plancher de 0 à 15 p. 100 ;
25 p. 100 pour le donnant et 75 p. 100 pour le prenant si ce prix perçu est supérieur au prix plancher de 15 p. 100 à 30 p. 100 ;
30 p. 100 pour le donnant et 70 p. 100 pour le prenant si ce prix perçu est supérieur au prix plancher de plus de 30 p. 100.
Le responsable de la SA Le Calvez Père et Fils a déclaré que son tarif en 1990 était un tarif rouge et que " pour un militaire, c'est le tarif bleu qui est appliqué quelle que soit la période de déménagement (...) ". Dans le cas où un déménagement est sous-traité avec un collègue " Déméco ", une grille tarifaire a été établie par Déméco en dessous de laquelle la sous-traitance peut être refusée. (...) Cette grille constitue une référence réelle pour le calcul des devis militaires ".
Pour ce qui concerne le rôle de la chambre syndicale nationale en matière de prix :
Les responsables de l'entreprise Le Floch ont déclaré : " La Chambre syndicale nationale de déménageurs de France nous conseille de ne pas faire des prix sensiblement inférieurs à ceux fixés par l'autorité militaire, puisque nous sommes en tant que déménageurs souvent demandeurs pour l'augmentation de ces tarifs. "
Un responsable de l'entreprise Ballut a déclaré : " La garantie de valeur, conformément à une directive de notre chambre syndicale, est toujours de 0,65 p. 100 de la valeur globale du mobilier, elle-même estimée à 1 500 F du mètre cube."
II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRÉCÈDENT, LE CONSEIL
Sur la procédure :
Considérant que la Chambre syndicale des entreprises de déménagement et garde-meuble de France critique " l'attitude contradictoire du rapporteur qui après avoir reconnu que la responsabilité de la chambre syndicale n'était pas engagée notifiait néanmoins des griefs pour la forme " et estime qu'il pourrait être soutenu " que le Conseil de la concurrence n'avait pas à examiner ce qui n'aurait pas dû être soumis à son examen " ;
Mais considérant qu'aux termes de l'article 18 du décret du 29 décembre 1986 susvisé, qui concerne l'application de l'article 21 de l'ordonnance, il n'appartient au rapporteur que de " retenir " les griefs, c'est-à-dire d'examiner les faits, de procéder à leur analyse et de proposer une qualification ; que, dans l'espèce, ayant procédé à l'instruction à charge et à décharge, il a choisi de retenir les griefs correspondants afin que le conseil puisse se prononcer, en relatant l'ensemble des éléments figurant au dossier ;
Sur les marchés concernés :
Considérant que, contrairement à ce qu'avance la société Déméco, il n'existe pas " une multitude de micro-marchés locaux " ; qu'à l'exception de marchés qui peuvent être individualisés en raison par exemple de l'existence de réglementations spécifiques (les marchés du déménagement du mobilier de certains fonctionnaires, militaires et agents publics) ou de particularités locales (les trois quarts des bases navales métropolitaines sont situées en Bretagne), le marché du déménagement ne peut être divisé entre marchés géographiquement distincts dans la mesure où existent de grandes entreprises disposant de filiales ou d'agences réparties sur l'ensemble du territoire, et surtout des groupements d'entreprises dont l'objet principal est justement, en évitant les " retours à vide " et en organisant la sous-traitance entre leurs membres, de permettre à chaque entreprise d'œuvrer sur l'ensemble du territoire ; que les marchés concernés par la présente affaire sont donc, d'une part, les marchés particuliers auxquels il vient d'être fait référence et résultant de contraintes spécifiques et, d'autre part, un marché unique des autres déménagements ;
Sur les pratiques constatées :
En ce qui concerne les pratiques de la SA Déméco :
Considérant en premier lieu que les prix des prestations effectuées par un " agent Déméco " pour le compte d'un autre membre du réseau, notamment la mise à disposition de personnel, la visite d'un chantier, la vente d'emballages et les prestations de monte-meuble, sont déterminés par la SA Déméco et diffusés à l'ensemble des membres-actionnaires dans un " tarif " ;
Considérant que la société Déméco avance que ce tarif serait sans incidence sur le prix payé par le client, qu'il n'aurait pas un objet anticoncurrentiel et qu'il ne pourrait avoir d'effet sur le marché, les prestations concernées étant le plus souvent assurées à titre gratuit et ne représentant qu'un chiffre d'affaires annuel maximum de 200 000F ;
Mais considérant qu'à supposer établies de telles affirmations, qui ne sont nullement démontrées, un tel tarif a pour objet d'unifier les prix des prestations facturées par un membre à un autre membre à l'intérieur d'un réseau de 72 entreprises représentant 10 p. 100 du marché, et peut avoir pour effet de renchérir les coûts de chacun des membres et de les inciter à s'aligner sur ce tarif plutôt que d'établir leurs propres prix en fonction des impératifs de leur entreprise ;
Considérant en second lieu que, pour l'organisation de la sous-traitance dans les déménagements, ont été élaborés en commun, diffusés et utilisés, d'une part, des barèmes de prix présentés comme des "prix planchers" et, d'autre part, une grille de répartition des recettes entre le preneur d'ordre et le sous-traitant; que si les "prix planchers" peuvent être différents des prix facturés aux clients, la grille de répartition des recettes a pour effet d'inciter le preneur d'ordre à pratiquer vis-à-vis du client un prix supérieur au prix plancher de telle sorte que, même dans le cas où il confie à un sous-traitant le déménagement pour lequel il a été choisi, sa rémunération est d'autant plus élevée que le prix demandé au client est important;
Considérant que la société Déméco avance que le seul objet des prix planchers qu'elle établit et diffuse est " d'objectiviser et de faciliter la relation sous-traité à sous-traitant " et qu'ils seraient des " prix de revient minimum, et donc plus faibles que les prix clients pratiqués qui résultent de l'application par les entreprises de leur propre grille tarifaire " ;
Mais considérant que rien dans le dossier ne permet d'établir que ces prix planchers sont inférieurs aux prix de revient ou de vente des membres du réseau Déméco ; que, s'ils ont pour objet de réguler la sous-traitance, ils ont également pour objet, et peuvent avoir pour effet, de faire en sorte que les prix pratiqués à l'égard de la clientèle soient, autant que possible, supérieurs aux " prix planchers ", et donc d'unifier les politiques tarifaires des agents Déméco dans leurs relations entre eux et vis-à-vis des clients ; qu'en tout état de cause ces barèmes peuvent inciter certains de leurs destinataires à s'appuyer plus sur eux que sur les ratios propres à leur entreprise pour déterminer leurs prix ; que, dans un cas au moins, ils ont effectivement eu un tel effet ;
Considérant que la société Déméco avance que le grief d'entente de prix convenue entre ses membres ne la concernerait pas, et qu elle devrait donc " être mise purement et simplement hors de cause " ;
Mais considérant que si le pacte social par lequel plusieurs entreprises décident d'unir une partie de leurs moyens dans un but commun ne saurait être considéré en lui-même comme anticoncurrentiel, les décisions prises par la société Déméco sont la manifestation de l'accord de volonté des membres-actionnaires de cette structure commune, dont il n'est pas contesté qu'ils sont des entreprises juridiquement distinctes, poursuivant des objectifs économiques distincts et en situation de se faire concurrence; que la SA Déméco doit être mise en cause parce que ce sont les organes dirigeants de cette société en tant que telle, quoique par délégation, qui apparaissent comme étant les auteurs des pratiques d'entente entre ses actionnaires;
Considérant que les pratiques de la SA Déméco visées ci-avant, pouvant faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché du déménagement en favorisant artificiellement leur hausse, se trouvent prohibées par l'article 7 de l'ordonnance de 1986;
En ce qui concerne les pratiques de la chambre syndicale :
Considérant que seuls certains membres de la chambre syndicale se sont concertés au sein du réseau Déméco et qu'il n'est pas établi que la chambre syndicale en tant que telle ait diffusé des consignes en matière de prix ou ait pris une part quelconque dans l'organisation des pratiques retenues à grief à l'encontre de la société Déméco ; que dès lors la responsabilité de la Chambre syndicale des entreprises de déménagement et garde-meuble de France ne peut être engagée ;
Sur l'application de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 :
Considérant que la société Déméco avance que les barèmes de " prix planchers " seraient nécessaires pour que la régulation organisée entre ses membres soit efficace, et qu'à défaut de tels barèmes les " prenants " refuseraient de travailler en sous-traitance pour les " donnants " en raison des risques d'une mauvaise appréciation par ces derniers du volume des meubles ou de la charge de travail ; qu'elle met également en avant " le renforcement de la compétitivité des entreprises " que permettrait la régulation qu'elle organise, laquelle contribuerait ainsi au progrès économique, et que ce progrès économique profiterait également à la clientèle qui se verrait offrir le meilleur rapport qualité/prix ;
Mais considérant que si la régulation en elle-même peut contribuer au progrès économique, il n'est établi ni que celui-ci soit la conséquence directe de l'établissement, la diffusion et l'utilisation des barèmes de prix seuls en cause, ni que cette pratique ait réservé aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en est résulté pour les actionnaires de la société Déméco ; que du reste le système actuel permet au donnant et au prenant de négocier directement la part du prix final réservée à l'un et à l'autre, dans les cas où ce prix final est inférieur au prix plancher correspondant ;
Considérant que la société Déméco ne saurait utilement se prévaloir de la loi du 31 décembre 1992 susvisée, qui ne s'applique pas aux déménagements et qui n'est, d'ailleurs, devenue applicable que postérieurement aux faits en cause ;
Considérant que, dès lors, les barèmes en cause n'entrent dans les prévisions ni du 1 ni du 2 de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Sur l'application de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée, applicable en l'espèce dès lors que les faits ayant donné lieu aux griefs ci-dessus retenus se sont produits et se sont poursuivis après son entrée en vigueur, " le Conseil de la concurrence (...) peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. 100 du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos " ;
Considérant que la gravité des pratiques dénoncées imputables à la société Déméco est caractérisée par le fait que le réseau dont elle est le centre est le plus important et le plus représentatif, puisqu'il réalise 10 p. 100 environ du chiffre d'affaires du marché concerné et que tous ses membres sont statutairement membres de la seule organisation professionnelle du secteur ; que le dommage causé à l'économie s'apprécie notamment par l'incidence que pouvaient avoir les barèmes et tarifs établis par la société Déméco sur les prix de chacun des membres du réseau et sur leur élaboration, et donc sur l'intensité de la concurrence que les membres de Déméco pouvaient se faire entre eux et vis-à-vis des entreprises étrangères au réseau et, par voie de conséquence et compte tenu de l'importance du réseau, sur la concurrence par les prix sur l'ensemble du marché ;
Considérant que le chiffre d'affaires réalisé par la société Déméco s'est élevé à 29,028 millions de francs en 1989, à 34,959 millions en 1990 et à 29,406 millions en 1991, dernier exercice clos connu ;
Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre à la société Déméco de cesser d'établir et de diffuser les barèmes et tarifs illicites et d'y faire référence et en lui infligeant une sanction pécuniaire proportionnée à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise, telles qu'elles ont été appréciées ci-dessus,
Décide :
Art. 1er. - Il est enjoint à la société anonyme Déméco de cesser d'établir et de diffuser : en premier lieu les prix des prestations effectuées par ses membres-actionnaires pour le compte des autres membres du réseau ; en deuxième lieu les prix planchers des déménagements effectués dans le cadre de la régulation entre ses membres ; en dernier lieu toute référence à un prix plancher pour la répartition entre le donnant et le prenant du prix effectivement perçu par le client.
Art. 2. - Il est infligé à la société anonyme Déméco une sanction pécuniaire de 200 000 F.
Art. 3. - La société anonyme Déméco fera insérer la présente décision dans le rapport établi sur les opérations du prochain exercice par son conseil d'administration.