Cass. com., 14 décembre 1993, n° 91-21.421
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Guy Couach Plascoa (SARL)
Défendeur :
Ministre de l'Économie, des Finances et du Budget
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Léonnet
Avocat général :
M. de Gouttes
Avocats :
SCP Waquet, Farge, Hazan, SCP Ancel, Couturier-Heller.
LA COUR : - Sur le premier moyen : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 6 novembre 1991) que le ministre délégué chargé de la Mer (direction des gens de mer et de l'administration générale) a lancé, en 1990, un appel d'offres restreint pour le remplacement d'une vedette régionale d'assistance et de surveillance ; qu'à l'issue de la procédure d'ouverture des plis cachetés le marché a été attribué à la direction de la construction et armes navales de Lorient par décision administrative en date du 24 janvier 1991 ; que la société Guy Couach Plascoa, qui avait soumissionné à ce marché, a estimé que son attribution s'était faite en violation des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sur les prix et la libre concurrence ; qu'elle a saisi le Conseil de la concurrence de deux requêtes, l'une tendant à la cessation des pratiques dénoncées et l'autre demandant que des mesures conservatoires soient prononcées ;
Attendu que la société Guy Couach Plascoa fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté le recours formé contre la décision du Conseil de la concurrence ayant déclaré irrecevables les demandes présentées par la société Guy Couach Plascoa, alors, selon le pourvoi, que l'ordonnance du 1er décembre 1986 s'applique à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques ; qu'il en résulte que les règles prévues par le Code des marchés publics ne sont pas exclusives des dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dès lors que le marché public est relatif à une activité de production, de distribution ou de services ; que le marché public portant sur la fourniture d'un bien d'équipement est relatif à une activité de production ; qu'ainsi l'entente entre le soumissionnaire qui s'est vu attribuer le marché et l'administration responsable du marché relève des articles 7, 8 et 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le soumissionnaire fût-il lui-même un service de l'Etat ; qu'en estimant le contraire l'arrêt attaqué a violé l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu que si la fourniture d'un navire par un service public constitue un acte de production économique qui relève de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et lui rend applicable les dispositions des articles 7 et 8 de cette même ordonnance relatives à la prohibition des pratiques anticoncurrentielles, la décision administrative par laquelle le ministre, à l'issue d'une procédure d'ouverture des plis faite en application des dispositions du Code des marchés publics, attribue le marché à un des soumissionnaires, relève de la compétence de la juridiction administrative; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen pris en ses deux branches : - Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté le recours formé contre la décision du Conseil de la concurrence, ayant déclaré irrecevable les demandes formées par les sociétés Guy Couach Plascoa, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la SARL Guy Couach Plascoa ne demandait pas l'annulation d'une décision administrative, mais dénonçait la pratique d'un taux de TVA anormal, en faisant valoir qu'une telle pratique résultant d'une entente entre l'acheteur public, le ministre délégué de la Mer, et l'un des soumissionnaires mis en concurrence, la direction des constructions navales de Lorient, avait pour objet et pour effet de fausser le jeu de la concurrence ; que le Conseil de la concurrence et la Cour d'appel de Paris sont précisément compétents pour rechercher si l'application de ce taux de TVA minoré, qui bénéficiait à un seul des soumissionnaires au marché, entrait dans le champ d'application des articles 7 et 8 de l'ordonnance, ou pouvait se trouver justifié par application de l'article 10 ; qu'en prétendant le contraire l'arrêt attaqué a violé les articles 11 et 12 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors, d'autre part, que la lettre du 27 mai 1991 du ministre de l'Economie, des Finances et du Budget n'avait pas le caractère d'une décision administrative, mais n'était autre qu'une interprétation donnée, par l'une des parties au procès, des textes applicables du Code général des impôts ; que le Conseil de la concurrence, à qui il appartenait de rechercher le taux de TVA applicable pour apprécier l'existence, ou non, d'une pratique anticoncurrentielle, ne pouvait, sans violer les principes élémentaires régissant la procédure, interroger l'une des parties au procès, l'Etat, sur ce point et la Cour d'appel de Paris ne pouvait s'estimer liée par la " décision " de la personne publique ; que, dès lors, l'arrêt attaqué a violé l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ainsi que le principe de la contradiction et l'article 16 du nouveau Code de procédure civile, et le principe selon lequel nul ne peut se constituer une preuve dans sa cause ;
Mais attendu que c'est à bon droit que l'arrêt a relevé que le grief articulé par la société Guy Couach Plascoa, selon lequel la direction des constructions navales de Lorient avait bénéficié d'un taux de TVA anormalement bas qui aurait faussé le jeu de la libre concurrence entre les différents soumissionnaires, tendait en réalité à demander à ce que le Conseil de la concurrence se prononce sur la légalité d'une décision administrative concernant le taux de TVA applicable aux opérations de production entre deux services de l'Etat ; qu'en décidant qu'une telle appréciation n'entrait pas dans les pouvoirs du Conseil et, par suite, échappait à sa propre compétence, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu les principes élémentaires régissant la procédure civile ou les droits de la défense, n'a pas violé les textes de lois précités ;
Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : - Attendu que les défenseurs sollicitent, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 10 000 francs ;
Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; rejette également la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.