Conseil Conc., 4 mai 2001, n° 01-D-20
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques relevées concernant plusieurs marchés de travaux de peinture et d'étanchéité dans le département de l'Indre-et-Loire
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport de M. Fertier-Pottier, par M. Cortesse, vice-président, présidant la séance, Mme Pasturel, vice-présidente, , M. Bargue, membre, en remplacement de M. Jenny, vice-président, empêché.
Le Conseil de la concurrence (commission permanente),
Vu la lettre enregistrée le 20 février 1998, sous le n° F 1019, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques d'entente concernant plusieurs marchés de travaux de peinture et d'étanchéité dans le département de l'Indre-et-Loire ; vu le livre IV du Code de commerce et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour l'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; vu les observations présentées par les sociétés Pinxyl, Roulliaud, SNEV, Techni-murs 37, Arts et techniques, Pioger, Marchand et par le commissaire du Gouvernement ; vu les autres pièces du dossier ; le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement, les sociétés Pinxyl, Roulliaud, Techni-murs 37, Marchand, Arts et techniques, Pioger entendus lors de la séance du 21 février 2000 ; Adopte la décision fondée sur les constations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :
I - CONSTATATIONS
A - Les marchés
1. Le marché concernant les travaux de ravalement de l'hôtel des impôts de Chinon
La direction des services fiscaux d'Indre-et-Loire, en sa qualité de maître d'ouvrage, a lancé, le 11 mars 1994, une consultation, dans le cadre d'un marché négocié, pour la réalisation de travaux de ravalement des façades de l'hôtel des impôts de Chinon. La date de remise des propositions avait été fixée au 30 juin 1994.
Le marché était composé d'un lot unique, dont le montant était estimé au plus à 300 000 F TTC. Trois sociétés implantées dans le département d'Indre-et-Loire, Roulliaud, Pinxyl, Techni-murs 37, spécialisées dans les travaux de peinture et d'étanchéité des façades, ont été consultées en vue de l'établissement des devis correspondants. Les montants des devis reçus ont été les suivants (en francs TTC) :
2. Les marchés de travaux d'entretien courant du parc locatif HLM passés par la société d'économie mixte immobilière de la ville de Tours (SEMIVIT)
En vue d'attribuer les travaux d'entretien courant du parc locatif HLM de la ville de Tours pour la période 1994-1998, la SEMIVIT a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert. Ce marché, à bon de commandes sur bordereaux de prix, était réparti en neuf lots, par spécialité. Le lot n° 1 concernait les travaux d'entretien de peinture, tenture et vitrerie dans 3 983 logements situés sur la commune de Tours et répartis en trois secteurs géographiques (nord, centre et sud). L'estimation globale du lot était de 2 400 000 F de travaux d'entretien par an.
Les sociétés Viale, Pinxyl, Daoudal & Boué, Debuschere, Pecault, Pioger, Arts et techniques, Brocherie et Marchand ont répondu à l'appel d'offres concernant le lot n° 1.
A partir d'un échantillon constitué des prestations les plus couramment demandées, la SEMIVIT a effectué des simulations en vue de départager les candidats. Les sociétés retenues pour la période 1994-1998 ont été :
sur le secteur nord, la société Pinxyl, titulaire du précédent contrat d'entretien ;
sur le secteur sud, la société Viale, également titulaire du précédent contrat d'entretien ;
sur le secteur centre, la SARL Marchand dont le gérant, M. Daniel Marchand, était le métreur de l'entreprise Guénault, société titulaire du précédent contrat d'entretien sur ce secteur, avant sa mise en liquidation judiciaire le 20 juillet 1993 et sa radiation du registre du commerce. M. Marchand avait, en 1993, à la demande de la SEMIVIT, effectué les travaux d'entretien du parc HLM locatif initialement confiés à la société Guénault.
Ainsi qu'en témoigne le tableau ci-après, le marché concerné est caractérisé par la permanence des sociétés désignées comme attributaires au cours des différents appels d'offres, puisque, depuis 1985, les mêmes entreprises sont titulaires des marchés sur un même secteur. La seule modification intervenue concerne la reprise du secteur centre par la société Marchand, dans les conditions ci-dessus évoquées.
Attribution des secteurs au cours des différents appels d'offres :
B. - Les pratiques constatées
1. Les pratiques ayant affecté le marché des travaux de ravalement des façades de l'hôtel des impôts de Chinon
Le pli postal adressé, le 20 avril 1994, par la société Roulliaud à la direction des services fiscaux, contenait le devis de cette société, ainsi que deux télécopies adressées par elle à ses concurrentes, les sociétés Pinxyl et Techni-murs 37.
La télécopie expédiée par la société Roulliaud à la société Techni-murs 37 le 19 avril 1994 à 12 h 00, comportait les mentions suivantes :
" Expéditeur : Rouillaud SA
Le directeur général
Yvan Gouron
Destinataire : Techni-Murs
N° appelé : 47.44.90.16 "
" Ci-joint devis à établir tel quel (ou modifier légèrement le descriptif avec vos produits habituels mais conserver le prix global).
Merci
Bien amicalement ".
Le devis manuscrit joint auquel il est fait référence est intitulé :
" Hôtel des Impôts
Boulevard P.L. Courrier
37501 - Chinon "
" Ravalement des façades sur l'ensemble des façades y compris cour intérieure "
- lavage à haute pression
- traitement des éclats de béton
- 1 couche primaire
- 1 couche Finition Revêtement II
- réfection des joints de panneaux
Surface 2055 m2 * 70 = 143 850
Nouveau joints 501 ml * 72 = 36 072
Reprise béton forfait = 16 000
Échafaudage 2000 m2 * 15 = 30 000
Total HT 225 922
TVA 18,6% 42 021,49
Total TTC 267 943,49 "
La télécopie expédiée le 19 avril 1994, à 12 h 20, par la société Roulliaud à la société Pinxyl comportait les mentions suivantes :
" Expéditeur : Rouillaud SA
Le Directeur Général
Yvan Gouron
Destinataire : M. Jousset Pinxyl
N° appelé : "
" Je te joins le détail des travaux supplémentaires présentés en option pour l'hôtel des impôts de Chinon.
Si tu étais consulté pour ces options tu pourrais ainsi répondre immédiatement. Mais attention, ne pas envoyer si on ne te le demande pas et modifie légèrement le descriptif si tu dois confirmer ces prix.
Merci.
Bien amicalement. "
Le devis manuscrit joint auquel il est fait référence est intitulé :
" Travaux éventuels en option Prix à donner HT
1/ Patio central
. descriptif identique aux autres façades 480 m2 HT 34 000
2/ Réfection des joints de panneaux et de la corniche (travaux conseillés)
. dégarnissage des joints actuels, nettoyage, fond de joint mousse plat, extrusion de mastic acrylique 1re catégorie 500 ml HT 40 000
3/ Réfection des calfeutrements des baies (latéraux)
. dégarnissage, extrusion et lissage de mastic acrylique 450 ml HT 14 000
4/ Calfeutrements sous les rejingots des châssis
. nettoyage, extrusion et lissage de mastic acrylique 180 ml HT 5 000
5/ sur les 4 abris lumières
. lavage de toutes les faces y compris partie en gravillons
. 2 couches peinture à la pliolite sur partie en béton HT 600
6/ lavage de la face extérieure des volets PVC
. lessivage en conservation et essuyage HT 7 000
Variante
1/ remplacement du système GARNICRYL prévu ci-avant par système d'imperméabilité suivant norme i. 1 comprenant :
. 1 couche Impricryl
. 1 couche Pantifilm velouté 2000 4 façades HT 22 000
Patio HT 7 200
Garantie : décennale d'imperméabilité - norme i.1 (fissure jusqu'à 2/10°)
Roulliaud SA
ZAC Notre-Dame d'Oe BP 0134 -37001 Tours Cedex "
Le devis adressé par la société Techni-murs 37, le 21 mai 1994, aux services fiscaux correspond aux indications de la société Roulliaud. Les prix des rubriques " échafaudage ", " reprise éclat béton ", " joint de préfabrication " sont identiques à ceux mentionnés par la société Roulliaud dans sa télécopie du 19 avril 1994. Si la présentation de la rubrique intitulée " surface " a été modifiée, son montant est toutefois équivalent à la somme des deux rubriques " support par lavage " et " travaux d'imperméabilité ", soit 143 850 F HT.
La société Pinxyl, en complément de deux devis précédemment adressés, a fait parvenir, en date du 10 mai 1994, à la direction des services fiscaux, un devis complémentaire pour un montant de 119 590,31 F TTC concernant les travaux en option, et de 34 631,20 TTC pour un ensemble de travaux intitulés " la Variante ". Sur ce devis, la société Pinxyl, conformément aux recommandations figurant dans la télécopie de la société Roulliaud, a " modifié légèrement le descriptif ". Toutefois, le montant proposé, soit 119 590,31 F TTC, est quasiment identique à celui recommandé par la société Roulliaud dans sa télécopie, soit 119 311,60 F TTC (100 600 F HT) pour les travaux éventuels en option.
L'existence d'un échange d'informations a été confirmée par les déclarations des dirigeants des sociétés Roulliaud, Techni-murs 37 et Pinxyl, recueillies par les enquêteurs lors des procès-verbaux d'audition.
C'est ainsi que, lors de son audition par les enquêteurs, le 20 septembre 1995, M. Gouron, directeur général de la société Roulliaud, a mentionné qu'il " reconnaît que ces télécopies signées de lui-même, émanent bien de lui. Il n'a aucun souvenir de cette affaire et ne se souvient pas de la raison ".
Il est mentionné au procès-verbal de MM. Cholière et Jousset, de la société Pinxyl, du 17 novembre 1995 : " ... j'ai eu l'occasion d'avoir un contact avec M. Gouron, de l'entreprise Roulliaud ; je ne me souviens plus précisément des conditions, peut-être au pied d'un chantier à métrer. Il m'a parlé de l'affaire de l'hôtel des impôts de Chinon en me disant qu'il avait l'assurance de réaliser ces travaux, et que l'affaire était pour lui. (...) Je reconnais avoir reçu la télécopie du 19 avril 1994 émanant de Roulliaud SA et signée par M. Gouron, dont vous me présentez la copie... ".
Enfin, il est mentionné au procès-verbal d'audition de MM. Belloy et Goureau, de la SARL Techni-murs 37, du 17 novembre 1995 : " Vous me montrez une copie en votre possession du fax que la société Roulliaud m'a adressé le 19 avril 1994. Je reconnais avoir reçu ce document qui me demandait de présenter une offre de couverture. Cependant, je ne voulais toujours pas répondre sur cette affaire qui ne m'intéressait pas. (...) Je reconnais avoir répondu à la demande de Roulliaud pour la confection de ce devis, par facilité et pour me débarrasser de cette affaire. Vous pouvez néanmoins remarquer que la partie " travaux supplémentaires " a été réalisée par moi ".
2. Les pratiques relevées concernant le marché des travaux d'entretien courant du parc locatif HLM de la ville de Tours pour le programme quinquennal 1994-1998
Le bordereau de prix unitaires télécopié par la société Pinxyl à la société Daoudal et Boué
Dans le cadre de leur enquête, les agents dela DGCCRF se sont fait remettre, le 21 septembre 1995, par les représentants de la société Pinxyl, le dossier relatif aux travaux d'entretien courant du parc locatif HLM de la SEMIVIT pour la période 1994-1998. Ce dossier contenait :
le bordereau de prix unitaires établi par la société Pinxyl le 26.11.93 dans le cadre de la procédure d'appel d'offres et qui constituait l'acte d'engagement de la société Pinxyl pour le programme quinquennal 1994/1998 de la SEMIVIT sur le secteur sud ;
un autre bordereau de prix unitaires qui était classé dans les dossiers de la société Pinxyl avec le bordereau précédent. Dans ce bordereau, la colonne des prix HT, remplie de façon manuscrite, comporte la mention " Bordereau D et B " et l'information suivante :
" - 47.27.83.87
- A l'attention de JC Mander Lionel Herrault "
Le numéro 47.27.83.87 correspond au numéro de la télécopie de l'entreprise de peinture Daoudal & Boué, ce qui a été confirmé par M. Cholière, président-directeur général de la société Pinxyl, dans un procès-verbal d'audition du 21 septembre 1995, qui précise que " ...La mention " Bordereau D et B " signifiait Daoudal et Boué entreprise de peinture de Chambray - 37 - à l'époque. Elle s'était transférée à Montlouis fin 94 début 95. Elle a cessé son activité début mars 1995. Le n° 47-27-83-87 p. 6 correspondait au fax de cette entreprise. M. Mander dont le nom figure sur la page 6 était le métreur. L'émetteur de ces informations est M. Lionel Herrault, métreur aux Ets Pinxyl. ".
Or, sur le secteur nord, où la société Pinxyl a été retenue, le bordereau de prix remis par la société Daoudal & Boué correspond à celui que lui avait adressé, par télécopie, la société Pinxyl ; sur 126 prestations décrites, seuls les prix HT de cinq d'entre elles diffèrent de ceux mentionnés dans ladite télécopie.
Les bordereaux de prix unitaires présentés par les sociétés Pinxyl pour le secteur nord, Marchand pour le secteur centre et Viale pour le secteur sud
Les bordereaux de prix unitaires présentés par les sociétés Pinxyl pour le secteur nord, Marchand pour le secteur centre, et Viale pour le secteur sud, et détaillant les tarifs applicables sur chaque secteur pour 126 prestations, sont strictement identiques entre eux et égaux aux prix pratiqués par ces trois sociétés en 1993, dans le cadre du précédent contrat d'entretien.
L'origine de cette identité de prix figurant aux bordereaux résulte de pratiques mises en œuvre dans le cadre de l'appel d'offres pour le programme d'entretien du parc locatif HLM de la ville de Tours au titre de la période 1991/1993. Ces pratiques, prescrites, en application des dispositions de l'article L. 462-7 du Code de commerce, éclairent néanmoins l'examen des faits non prescrits concernant l'appel d'offres pour le programme d'entretien de la SEMIVIT au titre de la période 1994/1998.
Dans le cadre de l'enquête administrative, M. Viale, président du conseil d'administration de la société Viale, a communiqué aux enquêteurs un document manuscrit intitulé " Étude en sous-détail Peintures " étudiant une facturation effectuée le 6 octobre 1990 pour un appel d'offres en vue de l'attribution des travaux d'entretien courant du parc locatif HLM lot n° 1, pour la période 1991/1993 (date limite de réception des offres : 26/10/90). Outre l'étude proprement dite, le document comporte les mentions suivantes :
" hausse à prévoir
35 % M/O
25 % Prix
- Roulliaud nous couvre
- Pinxyl hausse 31 % sur prix horaire
- Viale
- Guenault 26 % sur ensemble prix M. Guénault
- Moreau
- Guchet Non Pinxyl 30 % sur ensemble
- Daoudal Viale 35 % M/O
27 % sur peinture ".
Les pourcentages d'augmentation figurant ainsi dans le manuscrit correspondent à la hausse des tarifs des principales prestations proposées par les entreprises ayant répondu à l'appel d'offres concerné. A cet égard, le rapport de dépouillement des offres par la SEMIVIT faisait part, en ce qui concerne le lot n° 1, d'une " véritable déception quant aux prix unitaires qui ont subi une augmentation de l'ordre de 26 à 50 %. Selon les entreprises titulaires des contrats actuels (Guenault, Pinxyl, Viale), cette situation est le résultat des pertes importantes enregistrées sur nos chantiers en 1990... Suite à ces résultats, nous avons proposé aux trois entreprises titulaires une augmentation de l'ordre de 15 % par rapport à 1990, dont 10 % au titre de rattrapage indiciaire et 5 % au titre de l'évolution des indices prévisible en 1991. Les entreprises en retour nous ont proposé une remise commerciale de l'ordre de 4 à 5 % (Guenault 4 %, Pinxyl et Viale 5 %) ".
La SEMIVIT a expliqué, dans le cadre de l'enquête, qu'ayant sursis à l'attribution du lot, elle avait mené des négociations, afin d'obtenir des sociétés Guénault, Pinxyl et Viale une modération de leurs tarifs, puis, qu'elle avait ensuite harmonisé les prix pratiqués dans les différents secteurs géographiques par les titulaires des marchés. MM. Egerszegi et Depont, de la SEMIVIT, lors de leur audition du 21 mai 1996, ont expliqué les motifs de l'uniformité des prix entre les entreprises attributaires du marché d'entretien courant de peinture 1994/1998 par le fait que " les travaux d'entretien courant sont ceux réalisés lors du départ d'un locataire pour la remise en état des lieux. Ils sont en partie à la charge du locataire, selon la durée d'occupation. Nous avons donc pensé qu'il aurait été anormal qu'un locataire installé dans le secteur Sud ait des frais différents de celui installé dans un autre secteur, d'autant que le locataire peut passer d'un secteur à un autre, même si c'est exceptionnel ou rare. Nous aurions pu effectivement organiser notre marché en un seul lot, et confier à une seule entreprise la totalité de l'aménagement du parc. Nous n'avons pas retenu ce système, préférant avoir trois entreprises, car les mouvements de locataires étant concentrés notamment en fin de mois ou en période de vacances, en cas de défaillance provisoire, on peut substituer une entreprise à une autre. ".
Un courrier du directeur de la SEMIVIT du 14 décembre 1990, adressé au président de sa société, confirmait que " les entreprises Guenault, Pinxyl et Viale ont donné leur accord sur le bordereau de prix élaboré par nos soins. En conséquence, et ce conformément au rapport complémentaire et à la décision prise lors de notre entretien du 7 décembre (salle 410), elles deviennent attributaires des travaux de peinture d'entretien courant pour la période 1991/1993 ".
L'existence de bordereaux de prix identiques apparaît donc comme la conséquence de pratiques mises en œuvre dans le cadre de l'appel d'offres pour le programme d'entretien du parc locatif HLM de la ville de Tours au titre de la période 1991/1993.
L'analyse des offres déposées révèle que, dans le cadre de l'appel d'offres suivant, concernant les travaux d'entretien courant du parc locatif HLM de la SEMIVIT pour le programme quinquennal 1994-1998 (lot n° 1), les sociétés Pinxyl, Viale et Marchand ont reconduit les prix pratiqués en 1993.
La similitude des tarifs ne porte que sur les secteurs géographiques qui intéressaient, au premier chef, chacune de ces sociétés, soit, le secteur nord pour Pinxyl, le secteur centre pour Marchand, le secteur sud pour Viale, les tarifs proposés par ces sociétés étant différents sur les autres secteurs.
Par ailleurs, l'enquête a démontré que les structures d'exploitation de ces trois entreprises présentaient certaines différences : l'entreprise Pinxyl employait 180 personnes et avait un chiffre d'affaires de 49 millions de francs en 1994 ; la SARL Marchand venait d'être créée, elle employait 17 personnes et avait en 1994 un chiffre d'affaires de 4,8 millions de francs ; la société Viale avait en 1994 un chiffre d'affaires de 24 millions de francs et employait 98 personnes.
Les bordereaux de prix présentés par les sociétés Arts & Techniques et Pioger
Les bordereaux de prix présentés par les sociétés Arts et techniques et Pioger dans le cadre de l'appel d'offres précité étaient identiques. Bien que leurs offres aient été les moins-disantes sur les trois secteurs géographiques, celles-ci n'ont toutefois pas été retenues, car les deux sociétés ne disposaient pas de la qualification " OPQCB 612 *** " exigée par la SEMIVIT.
Sur la base de ces constatations, il a été fait grief
S'agissant du marché des travaux de ravalement de la façade de hôtel des impôts de Chinon :
à la société Roulliaud, d'avoir communiqué, avant le dépôt des offres, des informations aux sociétés Pinxyl et Techni-murs 37, également consultées en vue de l'attribution du marché, en adressant, notamment, à chacune de ces entreprises, une télécopie le 19 avril 1994, et d'avoir organisé le dépôt d'offres de couverture afin d'avoir les meilleures chances de remporter le marché en question ;
aux sociétés Pinxyl et Techni-murs 37, d'avoir, sur la base des informations communiquées par télécopies du 19 avril 1994 par la société Roulliaud, présenté des offres d'un montant conforme aux recommandations de cette société, afin de permettre à celle-ci d'apparaître comme la moins-disante.
S'agissant du marché résultant de l'appel d'offres de la SEMIVIT et constitué par le lot n° 1 des travaux d'entretien courant du parc locatif HLM de la ville de Tours pour le programme quinquennal 1994-1998
à la société Pinxyl, d'avoir présenté, pour le secteur nord, un bordereau de prix identique à ceux des sociétés Viale pour le secteur sud et Marchand pour le secteur centre, le caractère identique des bordereaux de prix ne pouvant résulter, en l'espèce, que d'un échange d'informations entre les trois sociétés ; d'avoir adressé, avant le dépôt des offres, par télécopie, un bordereau de prix à l'entreprise Daoudal & Boué, afin de susciter le dépôt d'une offre de couverture de la part de cette société, et ainsi conserver les meilleures chances de se voir attribuer, sur le secteur nord, le marché en question ;
à la société Marchand, d'avoir présenté, pour le secteur centre, un bordereau de prix identique à ceux des sociétés Viale pour le secteur sud et Pinxyl pour le secteur nord, le caractère identique des bordereaux de prix ne pouvant résulter, en l'espèce, que d'un échange d'informations entre les trois sociétés ;
à la société Viale, d'avoir présenté pour le secteur sud un bordereau de prix identique à ceux des sociétés Marchand pour le secteur centre et Pinxyl pour le secteur nord, le caractère identique des bordereaux de prix ne pouvant résulter, en l'espèce, que d'un échange d'informations entre les trois sociétés ; la première notification de griefs du 27 mars 2000 avait imputé ces pratiques à la société SNEV qui avait acquis les actifs de la société Viale ; toutefois, une notification de griefs complémentaire du 23 octobre 2000 avait imputé ces pratiques à la société Viale, cette dernière, bien qu'ayant fait l'objet d'une cession totale de ces actifs, n'étant toutefois pas radiée du registre du commerce et des sociétés en raison notamment d'une procédure en cours de vérification du passif ;
aux sociétés Pioger, et Arts et techniques, d'avoir présenté des bordereaux de prix identiques, le caractère identique des bordereaux de prix ne pouvant résulter que d'un échange d'informations entre les deux sociétés.
Les échanges d'informations préalables au dépôt effectif des offres étant de nature à limiter l'intensité de la concurrence et à tromper le maître d'ouvrage sur la réalité et l'étendue de la concurrence, il a été fait grief à l'ensemble de ces sociétés de s'être livrées à des pratiques anticoncurrentielles, prohibées par les dispositions de l'article L. 420-1 du livre IV du Code de commerce.
II - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,
A - Sur la procédure
en ce qui concerne la prescription
Considérant qu'aux termes de l'article L. 462-7 du Code de commerce, le Conseil de la concurrence ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans, s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction ;
Considérant que, s'agissant des pratiques mises en œuvre dans le cadre de la procédure d'appel d'offres de la SEMIVIT concernant les travaux d'entretien courant du parc HLM locatif pour le programme quinquennal 1994-1998, le premier acte tendant à la recherche et à la constatation des faits et ayant interrompu la prescription est le procès-verbal de déclaration de M. Cholière, président du conseil d'administration de la société Pinxyl, en date du 21 septembre 1995, dressé par les enquêteurs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ; que l'objet de ce procès-verbal concerne l'examen de la situation de la concurrence dans le secteur des marchés de travaux de peinture ; que les déclarations de M. Cholière se rapportent au déroulement de l'appel d'offres relatif aux travaux d'entretien courant du parc HLM locatif de la SEMIVIT pour le programme quinquennal 1994-1998 ; qu'en conséquence, ce procès-verbal constitue un acte tendant à la recherche et à la constatation des faits qui ont donné lieu à la saisine ministérielle ; qu'ainsi, les pratiques mises en œuvre sur ce marché, postérieurement au 21 septembre 1992, ne sont pas couvertes par la prescription ;
Considérant que les sociétés Arts et techniques et Pioger font valoir que l'interruption de la prescription ne leur est pas opposable, dans la mesure où ni le procès-verbal mentionné ci-dessus, ni aucun autre acte de la procédure, ne les vise ou les concerne ;
Mais considérant que le Conseil de la concurrence étant saisi in rem de pratiques d'entente dans leur ensemble, l'interruption de la prescription produit effet à l'égard de toutes les parties, ainsi que l'a précisé la Cour d'appel de Paris, notamment dans un arrêt du 2 mars 1999 ;
Sur les pratiques constatées
S'agissant des pratiques mises en œuvre dans le cadre du marché du ravalement de l'hôtel des impôts de Chinon
Considérant que l'échange d'informations sur les prix et la concertation entre les sociétés Techni-murs 37, Pinxyl, et Roulliaud, sous l'égide de cette dernière, ne sont pas contestés ; qu'ils avaient pour unique objectif de produire des devis de couverture afin que la société Roulliaud se voie attribuer le marché relatif au ravalement des façades de l'hôtel des impôts de Chinon ; que les entreprises Techni-murs 37 et Pinxyl ont présenté des offres de couverture conformes aux recommandations que la société Roulliaud leur avait adressées par télécopie du 19 avril 1994 ; que l'existence d'un échange d'informations a été confirmée par les déclarations des dirigeants des sociétés Roulliaud, Techni-murs 37 et Pinxyl, recueillies par les enquêteurs ; que de telles pratiques avaient pour objet de supprimer l'exercice de la concurrence entre ces sociétés ;
Considérant que les sociétés Roulliaud, Techni-murs 37 et Pinxyl font valoir que les pratiques qui leur sont reprochées n'ont pas pu avoir d'effet sensible sur la concurrence en raison du faible montant du marché et du fait qu'elles n'en ont pas été attributaires ; que la société Pinxyl ajoute qu'avant de recevoir la télécopie de la société Roulliaud, le 19 avril 1994, elle avait déjà adressé au maître d'ouvrage un devis initial, le 15 mars 1994, et un premier devis complémentaire, le 8 avril 1994 ; que la société Techni-murs 37 oppose que le maître d'ouvrage a été averti de l'existence d'une entente par la présence des télécopies jointes à l'offre de Roulliaud et qu'en conséquence, il n'a pas été trompé ;
Mais considérant, qu'en matière de marchés publics ou privés sur appels d'offres, l'entente anticoncurrentielle entre entreprises est établie dès lors que la preuve est rapportée, soit qu'elles ont convenu de coordonner leurs offres, soit qu'elles ont échangé des informations portant, notamment, sur les prix qu'elles envisageaient de proposer, antérieurement à la date limite de dépôt des offres; que, si aucune des sociétés en cause n'a été attributaire du marché, il n'en demeure pas moins que, d'une part, la société Roulliaud, en invitant ses concurrentes à déposer une offre de couverture et en leur fournissant les informations nécessaires à cette démarche, d'autre part, les sociétés Pinxyl et Techni-murs 37, en déposant des offres conformes aux indications de la société Roulliaud, ont mis en œuvre une pratique qui avait pour objet de fausser le jeu de la concurrence entre elles et qui a eu pour effet de contraindre le maître d'ouvrage à relancer des consultations, retardant d'autant la réalisation du marché; que, dans de telles circonstances, il importe peu, d'une part, que la société Pinxyl ait déjà déposé une partie de son offre avant de mettre en œuvre la pratique reprochée et, d'autre part, que le maître d'ouvrage ait pu ne pas être trompé par celle-ci ; qu'en outre, le fait que les trois entreprises consultées dans le cadre d'un marché s'entendent entre elles a nécessairement un effet sensible, puisque, sans cette entente, l'une d'entre elles aurait pu présenter une offre plus basse ; que,dans ces conditions, l'entente a au moins eu un effet potentiel et que le moyen doit être écarté ;
Considérant, par ailleurs, que la société Techni-murs 37 fait valoir qu'elle n'a retiré aucun avantage direct ou indirect des faits qui lui sont reprochés ; qu'elle n'était pas à l'origine de la télécopie et qu'elle n'était pas intéressée par l'appel d'offres et n'a répondu que parce qu'elle avait été relancée par les services fiscaux maîtres d'ouvrage de l'opération ;
Mais considérant que, si la société Techni-murs 37, bien que n'étant pas intéressée par le ravalement de la façade de l'hôtel des impôts de Chinon, en raison des tarifs qu'elle pratique habituellement, souhaitait néanmoins répondre à la demande des services fiscaux, il lui était loisible de présenter une offre de principe, dont le dépôt ne constitue pas en soi, en dehors du cadre d'une entente, une pratique anticoncurrentielle ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les pratiques auxquelles se sont livrées les entreprises Roulliaud, Techni-murs 37 et Pinxyl, sont prohibées par les dispositions de l'article L. 420-1 du livre IV du Code de commerce ;
S'agissant des pratiques mises en œuvre concernant le marché des travaux d'entretien courant à commandes sur bordereau de prix du parc locatif HLM de la SEMIVIT pour le programme quinquennal 1994-1998 (lot n° 1)
S'agissant de l'échange d'informations entre les entreprises Pinxyl et Daoudal & Boué
Considérant que la société Pinxyl a remis aux enquêteurs de la DGCCRF un bordereau de prix qu'elle avait télécopié à la société Daoudal & Boué ; que ce bordereau comportait une mention manuscrite " Bordereau D et B ", les références du destinataire et un énoncé de prix que l'entreprise Daoudal & Boué a repris dans sa quasi intégralité pour déterminer son offre sur le secteur nord, dont la société Pinxyl était titulaire dans le cadre du précédent contrat d'entretien ; que M. Cholière, président du conseil d'administration de la société Pinxyl, a confirmé la qualité du destinataire dans un procès-verbal d'audition du 21 septembre 1995 ; que les prix proposés par la société Daoudal & Boué sur les secteurs centre et sud sont moins élevés que ceux proposés sur le secteur nord ;
Considérant que la société Pinxyl a ainsi suscité le dépôt d'une offre de couverture de la part de l'entreprise Daoudal & Boué, afin d'avoir les meilleures chances de remporter, sur le secteur nord, l'attribution du lot n° 1 du marché de travaux d'entretien courant du parc locatif HLM de la ville de Tours pour la période 1994-1998 ; qu'en matière de marchés publics, l'entente anticoncurrentielle entre des entreprises est établie dès lors que la preuve est rapportée, soit qu'elle sont convenues de coordonner leurs offres, soit qu'elles ont échangé des informations antérieurement à la date limite du dépôt des soumissions ; qu'en supprimant ainsi la concurrence entre elles et en trompant le maître d'ouvrage sur la réalité et l'étendue de la concurrence sur ce marché, les sociétés Pinxyl et Daoudal & Boué ont mis en œuvre des pratiques prohibées par les dispositions de l'article L. 420-1 du livre IV du Code de commerce ;
S'agissant de la production par les entreprises Viale, Pinxyl et Marchand de bordereaux de prix identiques en réponse à l'appel d'offres de la SEMIVIT pour la période 1994-1998
Considérant qu'il est établi et non contesté que les sociétés Viale pour le secteur sud, Pinxyl pour le secteur nord et Marchand pour le secteur centre ont, en réponse à l'appel d'offres de la SEMIVIT pour la période 1994-1998 en ce qui concerne le lot n° 1, produit des bordereaux de prix identiques, comprenant 126 articles ;
Considérant qu'un parallélisme de comportement ne peut suffire, en règle générale, à lui seul, à démontrer l'existence d'une entente anticoncurrentielle, ce parallélisme pouvant résulter de décisions prises par des entreprises qui s'adaptent de façon autonome au contexte du marché ; qu'en revanche, la preuve d'une telle entente peut être établie lorsque des éléments autres que la constatation du parallélisme de comportement se conjuguent avec ce dernier pour constituer avec lui un faisceau d'indices graves, précis et concordants ;
Considérant que l'enquête a établi qu'à l'occasion de l'appel d'offres concernant les mêmes travaux de peinture pour la période 1991-1993, la SEMIVIT avait initié une concertation avec les entreprises Viale, Pinxyl et Guenault afin d'obtenir une harmonisation par ces sociétés des prix du bordereau ;
Considérant que le cahier des clauses administratives particulières concernant les travaux d'entretien courant du parc locatif HLM de la ville de Tours pour la période 1994-1998 précisait qu'une entreprise ne pouvait être titulaire, pour le lot n° 1, que d'un seul secteur géographique ; que les bordereaux de prix unitaires produits par les sociétés Pinxyl, Viale et Marchand sont identiques et égaux aux tarifs pratiqués par ces entreprises en 1993, sur les secteurs géographiques qui les intéressaient prioritairement, soit ceux sur lesquels elles étaient déjà titulaires des marchés, c'est-à-dire le secteur nord pour la société Pinxyl, le secteur centre pour la société Marchand et le secteur sud pour la société Viale ;
Considérant, en premier lieu, que les sociétés Pinxyl, Marchand et Viale ont proposé, pour le secteur qu'elles estimaient le plus intéressant pour elles, un prix identique égal aux prix du bordereau du marché de 1993 ; que cette identité de prix, s'agissant d'entreprises présentant des caractéristiques différentes en termes de taille, de chiffre d'affaires, de bilan et d'implantation géographique, ne peut s'expliquer ni par leurs structures, ni par leurs conditions de gestion ;
Considérant, en deuxième lieu, que les sociétés Pinxyl et Viale étaient informées de la volonté de la SEMIVIT de traiter les trois secteurs au même prix, conformément à la pratique du marché antérieur ; qu'en proposant des prix plus élevés pour les deux secteurs qu'elles ne visaient pas en priorité, elles ne pouvaient ignorer qu'elles n'avaient aucune chance d'emporter les marchés pour ces secteurs, dès lors que la SEMIVIT se trouvait en mesure d'exiger un alignement des prix de ces secteurs sur le prix du secteur le moins élevé ;
Considérant, en troisième lieu, que la reconduction des prix antérieurs par les sociétés Pinxyl et Viale, attributaires du précédent marché, respectivement pour les secteurs nord et sud, mais différents pour les autres secteurs, ne peut s'expliquer par un simple parallélisme de comportement, ces prix ayant été établis de concert entre les entreprises aux conditions économiques prévalant quatre ans plus tôt ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il existe un faisceau d'indices précis et concordants de concertation entre les sociétés Pinxyl et Viale, préalable au dépôt des offres ; que les offres qu'elles ont déposées pour les secteurs qu'elles ne considéraient pas comme intéressants pour elles étaient des offres de couverture ;
Considérant, en revanche, qu'il n'est pas établi que la société Marchand, qui a succédé à l'entreprise Guénault, avait connaissance de l'harmonisation des bordereaux de prix dans le cadre du précédent appel d'offres relatif aux travaux d'entretien du parc locatif HLM de la ville de Tours pour la période 1991-1993 ; qu'elle a donc pu légitimement estimer d'une manière autonome qu'elle aurait des chances de remporter le marché en reconduisant simplement les prix antérieurement pratiqués ;
Considérant, par ailleurs, que les sociétés Pinxyl et Viale sont attributaires respectivement des secteurs nord et sud depuis 1985 ;
Considérant, dès lors, que les sociétés Viale et Pinxyl, en supprimant la concurrence entre elles, ont mis en œuvre des pratiques prohibées par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;
S'agissant des bordereaux de prix identiques proposés par les sociétés Pioger et Arts et techniques
Considérant que les bordereaux de prix communiqués par la société Arts et techniques et la société Pioger, dans le cadre de l'appel d'offres concernant le lot n° 1 du marché des travaux d'entretien du parc locatif HLM de la ville de Tours, sont identiques ; que les offres de ces deux sociétés étaient les moins-disantes sur les trois secteurs géographiques centre, sud et nord, mais que ces sociétés ne disposant pas de la qualification requise " OPQCB 612 ***", la commission d'appel d'offres a écarté leurs propositions ;
Considérant que l'identité totale constatée entre les bordereaux des sociétés Pioger et Arts et techniques pour les 126 prestations que comportaient ces documents ne peut recevoir d'autre explication rationnelle que l'existence d'un échange d'informations entre ces deux sociétés ;
Considérant que ces sociétés prétendent qu'elles avaient tout d'abord choisi de s'associer pour répondre à ce marché, mais que, pour une raison qu'elles n'ont pu expliquer, chacune d'entre elles a répondu séparément ; qu'elles ajoutent que, dans la mesure où aucune d'entre elles n'avait la qualification exigée par le maître d'ouvrage, la pratique qui leur est reprochée n'a pu avoir d'effet sur la concurrence ;
Mais considérant que, si les sociétés Pioger et Arts et techniques ont déjà répondu de manière conjointe à des marchés publics, elles n'apportent, en l'espèce, aucun élément pouvant constituer un commencement de preuve de ce que telle était bien leur intention en l'espèce ; qu'au contraire, elles ont présenté des offres distinctes et indépendantes ; que, dans ces conditions, le jeu de la concurrence a été faussé entre ces deux entreprises ;
Considérant que, dans ces circonstances, le fait que les offres de ces deux sociétés n'aient pas été retenues, en raison du défaut de qualification requis par la SEMIVIT, est sans incidence sur la qualification des pratiques, dès lors qu'elles pouvaient avoir pour effet de restreindre la concurrence sur le marché ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en échangeant des informations afin d'harmoniser et égaliser leurs bordereaux de prix, les sociétés Arts et techniques et Pioger ont faussé le jeu de la concurrence sur le marché public constitué par le lot n° 1 des travaux d'entretien courant du parc locatif HLM de la ville de Tours pour la période 1994-1998, et ont mis en œuvre des pratiques prohibées par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;
Sur les suites à donner
en ce qui concerne la société Daoudal & Boué
Considérant que, par jugement du Tribunal de commerce de Tours en date du 14 mars 1995, la liquidation judiciaire de la société Daoudal & Boué a été ordonnée; qu'en application des dispositions de l'article 1844-7-7° du Code civil, ce jugement a entraîné la fin de la société et que celle-ci a fait l'objet d'une radiation du registre du commerce et des sociétés le 19 mai 1995; que, dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de prononcer de sanction à son égard;
en ce qui concerne la société Viale
Considérant, en premier lieu, que, dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte le 12 janvier 1999 à l'égard de la société Viale, la SARL Société nouvelle entreprise Viale (SNEV) a repris, dans le cadre d'un plan de cession totale arrêté par un jugement du Tribunal de commerce de Tours en date du 23 mars 1999, l'ensemble des actifs de la société Viale ; que la SEMIVIT a précisé que la SNEV est devenue, depuis le 1er janvier 1999, titulaire du marché n° CPE 99S, dont fut attributaire la SA Viale, et qu'un avenant de transfert tripartite entérinant cette décision a été signé le 12 mai 1999, avec effet rétroactif au 1er avril 1999 ; que les opérations de liquidation sociale de la société Viale ne sont pas achevées et qu'elle n'a pas été radiée du registre du commerce ;
Considérant que le commissaire du Gouvernement fait valoir que, bien que les opérations de liquidation de la société Viale ne soient pas terminées et qu'elle soit toujours inscrite au registre du commerce, cette société, qui a cédé l'intégralité de son activité économique, perdure sans exercer d'activité ; qu'il y a donc lieu, en application de la jurisprudence du tribunal de première instance, dans un arrêt Enichem-ANIC SA du 17 décembre 1991, d'imputer les pratiques mises en œuvre par la société Viale à la SNEV qui assure sa continuité économique et fonctionnelle ;
Mais, considérant qu'au terme de la jurisprudence citée par le commissaire du Gouvernement, ce n'est que " (...) lorsque, entre le moment où l'infraction est commise et le moment où l'entreprise en cause doit en répondre, la personne responsable de l'exploitation de cette entreprise a cessé d'exister juridiquement (...) " qu'il convient d'imputer les pratiques à l'entreprise qui est devenue responsable de l'exploitation de l'ensemble des moyens matériels et humains ayant concouru à la commission de l'infraction ;
Considérant qu'en l'espèce, si, à la suite de la mise en redressement judiciaire de la société Viale, les actifs de cette société ont fait l'objet d'une cession totale au profit de la SNEV, il n'en demeure pas moins que la société Viale, dont les opérations de liquidation ne sont pas achevées, n'a pas cessé d'exister juridiquement; qu'elle doit donc répondre des pratiques qui lui sont reprochées; que, néanmoins, il ne peut être prononcé de sanctions à son encontre en raison de sa mise en liquidation judiciaire;
Sur les sanctions
Considérant qu'aux termes de l'article L. 464-2 du livre IV du Code de commerce, le Conseil de la concurrence peut " infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est pour une entreprise de 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de dix millions de francs. Le Conseil de la concurrence peut ordonner la publication de sa décision dans les journaux de la publication qu'il désigne. Les frais sont supportés par la personne intéressée " ; qu'en application de l'article 464-5, alinéa 2, du Code de commerce, la commission permanente peut prononcer les mesures prévues à l'article L. 464-2, les sanctions infligées ne pouvant, toutefois, excéder 500 000 F pour chacun des auteurs des pratiques prohibées ;
Considérant que, pour apprécier la gravité des faits, il y a lieu de tenir compte de ce que ces pratiques ont eu pour objet et pu avoir pour effet de faire échec au déroulement normal de la procédure d'appel d'offres organisée pour une mise en concurrence des entreprises ;
Considérant que, pour apprécier le dommage à l'économie, il y a lieu de prendre en compte le montant des marchés concernés, soit 266 310 F TTC pour les travaux de ravalement de l'hôtel des impôts de Chinon, et de l'ordre de 12 MF pour cinq ans, en ce qui concerne les travaux d'entretien courant du parc locatif HLM passés par la société d'économie mixte immobilière de la ville de Tours (lot n° 1) pour la période 1994/1998 ; que le coût des travaux effectués sont imputés pour partie directement à la charge des locataires de ces logements qui sont, de façon générale, des personnes à revenus modestes ; que les sociétés Viale et Pinxyl ont été respectivement attributaires des secteurs géographiques sud et nord pour une période de cinq ans ;
en ce qui concerne la société Pinxyl
Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Pinxyl en 1999, dernier exercice connu, s'est élevé à 31 766 161 F et son bénéfice à 837 009 F ; que cette société s'est livrée, en l'espace de six mois, à des pratiques anticoncurrentielles prohibées, en premier lieu, pour l'attribution du marché concernant les travaux de ravalement de l'hôtel des impôts de Chinon et, en second lieu, pour le marché relatif aux travaux d'entretien courant du parc locatif HLM de la ville de Tours (lot n° 1) pour la période 1994/1998 ;
Considérant que, s'agissant du marché relatif aux travaux d'entretien courant du parc locatif HLM de la ville de Tours (lot n° 1) pour la période 1994/1998, la société Pinxyl s'est, non seulement, concertée avec la société Viale, mais a également adressé un bordereau de prix à l'entreprise Daoudal & Boué, afin de susciter le dépôt d'une offre de couverture de la part de celle-ci ; qu'elle a été attributaire de ce marché sur le secteur nord pour une période de cinq ans et que le lot était estimé par la SEMIVIT, tous secteurs géographiques confondus, à 2 400 000 F de travaux d'entretien par an ; qu'il y a lieu, en conséquence, en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, de lui infliger une sanction pécuniaire de 500 000 F ;
en ce qui concerne la société Roulliaud
Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Roulliaud en 1999, dernier exercice connu, s'est élevé à 62 147 686 F et son bénéfice à 1 186 030 F ; que cette société s'est livrée à une pratique anticoncurrentielle, dont elle a été l'initiatrice, à l'occasion de la procédure d'attribution du marché concernant les travaux de ravalement de l'hôtel des impôts de Chinon ; qu'il y a lieu, en conséquence, en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, de lui infliger une sanction pécuniaire de 200 000 F ;
en ce qui concerne la société Techni-murs 37
Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Techni-murs 37 en 1999, dernier exercice connu, s'est élevé à 9 121 172 F et son bénéfice à 130 178 F ; que cette société s'est livrée à une pratique anticoncurrentielle à l'occasion de la procédure d'attribution du marché concernant les travaux de ravalement de l'hôtel des impôts de Chinon ; qu'il y a lieu, en conséquence, en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus de lui infliger une sanction pécuniaire de 25 000 F ;
en ce qui concerne la société Arts et techniques
Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Arts et techniques en 1999, dernier exercice connu, s'est élevé à 6 988 276 F et son bénéfice à 109 730 F ; que cette société s'est livrée à une pratique anticoncurrentielle pour l'attribution du marché relatif aux travaux d'entretien courant du parc locatif HLM de la ville de Tours (lot n° 1) pour la période 1994/1998 ; que, cependant, elle ne disposait pas des qualifications exigées du maître d'ouvrage ; qu'il y a lieu en conséquence, en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, de lui infliger une sanction pécuniaire de 15 000 F ;
en ce qui concerne la société Pioger
Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Pioger au cours de l'exercice clos au 30 juin 2000, dernier exercice connu, s'est élevé à 3 809 090 F ; qu'elle a enregistré une perte de 77 512 F ; que cette société s'est livrée à une pratique anticoncurrentielle pour l'attribution du marché relatif aux travaux d'entretien courant du parc locatif HLM de la ville de Tours (lot n° 1) pour la période 1994/1998 ; que, cependant, elle ne disposait pas des qualifications exigées par le maître d'ouvrage ; qu'il y a lieu, en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, de lui infliger une sanction pécuniaire de 10 000 F ;
Décide :
Article 1er : Il est établi que les sociétés Pinxyl, Roulliaud, Techni-murs 37, Viale, Daoudal & Boué, Arts et techniques, Pioger ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du livre IV du Code de commerce.
Article 2 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :
500 000 F pour la société Pinxyl ;
200 000 F pour la société Roulliaud ;
25 000 F pour la société Techni-murs 37 ;
15 000 F pour la société Arts et techniques ;
10 000 F pour la société Pioger.
Article 3 : Il n'est pas établi que la société Marchand ait enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.